
« Ici, c'est un goulag ! » : le combat des détenus de guantanamo à travers les lettres de Sami Nous publions une lettre du détenu de guantanamo Sami Muhydine Al Hajj, caméraman d’Al Jazeera, à son avocat britannique Clive Stafford-Smith, en date du 6 novembre 2005.
Original : http://www.aljazeera.net/NR/exeres/08DE9B0F-391A-42B4-B391 A73AE742F133.htm/
Traduit de l’arabe par                            Ahmed Manaï, membre de Tlaxcala, le réseau                            de traducteurs pour la diversité linguistique                            (transtlaxcala@yahoo.com).
                        Cette traduction est en Copyleft.
                     
                        Dimanche 4/10/1426 H- 6/11/05 J.C.
Mon Cher Clive,
                        Permets-moi de te faire cette confidence : je suis taraudé                            par cette question : pourquoi suis-je puni ? Cette question                            obsède mon esprit et tourne en boucle dans ma                            tête.
                        Mon histoire avec les sanctions a commencé à                            la prison de Bagram. On ne nous autorisait à                            aller aux toilettes que deux fois par jour : la première                            juste après l’aube et la seconde avant                            le crépus cule et tu ne peux y aller que lorsque                            son tour arrive.
                        Je me souviens d’une fois où j’étais                            vraiment pressé. J’ai chuchoté alors                            à l’oreille de la personne qui était                            devant moi, de me laisser passer avant elle. C’est                            alors que le soldat en colère me crie au visage                            : ne parle pas, et il m’ordonne d’aller                            à la porte. Là, il m’accroche les                            mains à un fil de fer et je suis demeuré                            debout toute la journée à trembler de                            froid, si bien que j’ai pissé dans mon                            pantalon ce qui a provoqué les rires moqueurs                            des soldats et des putains.
                        Puis à Kandahar :
                        En plein été, sous un soleil de plomb                            et sur un solbrûlant, un soldat crie : toi, arrête,                            le deuxième, le troisième et le quatrième                            aussi ! Pourquoi vous parlez ? Mettez-vous à                            genoux, les mains sur la tête. Nous nous exécutons                            et il nous laisse ainsi sous une chaleur torride, les                            genoux sur une caillasse chauffée à blanc…jusqu’à                            ce que l’un d’entre nous s’évanouisse                            et que les autres viennent à son secours.
                        Une semaine après notre arrivée à                            Guantanamo, les soldats sont venus de très bonne                            heure et ont ordonné aux détenus de sortir                            le bras par le guichet de la porte par laquelle on nous                            sert d’habitude la nourriture et ce pour nous                            faire vacciner contre le tétanos, disaient-ils.
                        Quand mon tour est venu, je les ai informés qu’avant                            de quitter Doha, je m’étais fait vacciner                            contre le tétanos, la fièvre jaune, le                            choléra et autres maladies et que selon le médecin,                            ces vaccins étaient valides durant cinq ans.                            Je n’avais donc pas à les refaire.
                        L’officier me cria au nez et m’ordonna de                            ne pas discuter : « sors ton bras pour le vaccin,                            sinon on va te faire sortir de force », me dit-il.                            J’ai refusé.
                        Ils m’ont laissé puis sont revenus me voir                            après avoir terminé avec le bloc. Mais                            j’ai persisté à ne pas accepter                            de me refaire vacciner. Alors ils m’ont confisqué                            toutes mes affaires, du matelas à la brosse à                            dents et m’ont laissé coucher à                            même le sommier en fer durant trois jours et trois                            nuits.
                        Et c’est toujours la même question qui me                            revient et me tourmente: pourquoi suis-je puni ? 
Les soins sont-ils obligatoires ? Sommes-nous                            devenus un troupeau de moutons qu’on conduit et                            parque ? Devrons-nous accepter tout sans discuter, sans                            émettre la moindre objection et sans même                            nous informer ?
                        Il m’est arrivé pire encore. Une nuit,                            je m’étais couché très tôt.                            J’étais exténué après                            avoir été interrogé à la                            salle d’interrogatoire durant des heures. C’est                            alors que j’ai commis l’erreur de me couvrir                            la tête et les mains. J’étais plongé                            dans le sommeil quand j’entendis les cris et les                            ordres d’un soldat : sors ta tête et les                            mains de sous la couverture. J e me suis réveillé                            en sursaut et j’ai aussitôt obéi                            aux ordres. Il nous était interdit en effet de                            dormir la tête ou les mains sous la couverture.
                        A peine je me rendors que le soldat est venu frapper                            violemment à la porte de ma cage et me crier                            très fort : pourquoi tu as mis la pâte                            dentifrice à la place de la brosse ? Il m’accusa                            de désobéir délibérément                            aux lois et règlements militaires et m’ordonna                            de ramasser mes affaires. Ma punition dura une semaine                            entière.
                        Et la sempiternelle question me revient : pourquoi suis-je                            puni ? Est-ce que cela constitue une raison suffisante                            pour me punir en me retirant toutes mes affaires et                            en me laissant dormir toute une semaine à même                            le fer, sans matelas ni couverture ?
                        Une autre fois, j’étais en train de prendre                            mon déjeuner qui consistait en un repas froid                            en boîte. Après avoir fini de manger, un                            soldat est venu ramasser les restes du repas et les                            sachets d’emballage. Il s’est arrêté                            à la porte de ma cage et a commencé à                            compter les morceaux du sac d’emballage et à                            les assembler. Aussitôt il me cria à la                            figure : où est l’autre morceau ? je commençais                            aussitôt à fouiller dans mes affaires,                            vainement. C’est alors qu’il prit contact                            avec son administration et revint avec la sentence :                            je méritais une sanction exemplaire pour dissuader                            d’autres détenus d’un tel écart.
                        Alors on me confisque mes affaires pendant 3 jours pendant                            lesquels je me suis creusé la tête par                            cette question lancinante : pourquoi suis-je puni et                            qu’aurai-je fait avec ce morceau d’emballage                            de plastique introuvable ?
                        Une autre fois, la providence m’a réuni                            dans le même bloc avec Jamel l’Ougandais,                            Mohamed le Tchadien et Jamel Blama le Britannique. Nous                            étions réunis ensemble mais aussi unis                            par la même couleur noire de peau et la même                            couleur détestable de notre tenue orange. Notre                            peau noire suffisait à elle seule à exciter                            nos gardiens blancs contre nous pour nous harceler et                            nous coller des sanctions avec ou sans motif.
                        Ils nous réveillaient souvent en pleine nuit                            au motif de fouiller la geôle. Une certaine nuit,                            ils m’ont réveillé pour une fouille.                            Ils n’ont rien trouvé de suspect…à                            part 3 grains de riz par terre qui avaient attiré                            quelques fourmis. Alors ils me collèrent une                            sanction de 7 jours. Encore une fois, je les ai mis                            à profit pour creuser cette obsédante                            question : pourquoi suis-je puni ? Il me paraissait                            débile en effet que je le sois à cause                            de 3 grains de riz et de quatre fourmis.
                        Une autre nuit, deux soldats s’arrêtèrent                            à la porte de ma cage. Ils avaient des chaînes                            et des menottes. Ils frappèrent violemment à                            la porte ce qui me réveilla terrorisé.                            Ils me menottèrent et me conduisirent au bloc                            Romeo où ils m’ont mis dans une cage après                            m’avoir déshabillé entièrement                            sauf du caleçon et du tricot de peau. Rien d’autre,                            ni même savon ou brosse à dents.
                        J’ai eu beau demander une explication à                            cette sanction, sans réponse jusqu’au lendemain,                            quand sur mon insistance, un responsable est venu me                            dire que j’étais puni à passer deux                            semaines en cage, parce qu’un soldat a trouvé                            un clou sur le bord extérieur de l’ouverture                            d’aération de ma cage !
                        J’ai alors dit au responsable : comment aurai-je                            eu ce clou, d’où me viendrait-il et comment                            aurai-je pu le mettre sur le bord extérieur de                            cette ouverture et dans quel but ? Mais il me tourna                            le dos et partit, ignorant mes questions.
                        Ainsi, je suis resté pendant 14 jours en position                            assise évitant, par pudeur, de faire mes prières                            les fesses en l’air, et j’ai dormi pendant                            14 nuits froides d’hiver, à même                            le fer, sans couverture ni matelas.
                        Les harcèlements et les provocations des soldats                            se multiplièrent et se diversifièrent.
                        Une fois, nous avons appris qu’un soldat avait                            piétiné le Saint Coran, y imprimant les                            traces de ses chaussures. Tous les détenus se                            révoltèrent et décidèrent                            de rendre les exemplaires du livre Saint à l’administration                            américaine pour éviter qu’ils ne                            soient profanés sous nos yeux, surtou t que le                            général s’était engagé                            précédemment que ce genre de provocation                            ne se renouvellerait pas. Mais ils faillirent à                            leur promesse.
                        Suite à cela, les détenus décidèrent                            de ne pas quitter leurs cages, pas même pour aller                            en promenade et la douche dont ils avaient tant besoin,                            et cela pour obtenir le ramassage des exemplaires du                            Coran.
                        Comme à leur habitude, les responsables sont                            aussitôt venus pour donner des ordres et proférer                            des menaces. Au bout d’un moment, ils lâchèrent                            les valeureuses forces anti-émeutes qui forcèrent                            les geôles et se mirent à battre les détenus                            avant de les enchaîner et de les menotter. Ils                            leurs coupèrent les cheveux, les barbes et les                            moustaches et les jetèrent dans des cages individuelles.
                        Comme tout détenu, mon tour arriva. Ils m’aspergèrent                            les yeux d’un gaz, puis 5 soldats se mirent à                            me battre, me conduisirent à l’aire de                            promenade et me jetèrent au sol. Alors que j’étais                            par terre, l’un d’eux me prit la tête                            et la frappa contre le sol en ciment. Un autre me frappa                            sur l’arcade sourcilière et l’entailla.                            Le sang gicla et me couvrit le visage. Tout cela, alors                            que j’étais au sol, menotté et enchaîné.                            Ils me coupèrent cheveux, moustaches et barbe                            et me jetèrent dans une cage individuelle, baignant                            dans le sang.
                        Au bout d’une heure, un soldat est venu me demander,                            à travers l’ouverture, si je voulais des                            soins médicaux. Je refusais l’offre et                            plaçais ma confiance en Dieu auprès duquel                            je dénonçais l’injustice de mes                            geôliers. A un certain moment, j’ai senti                            que je perdais connaissance à cause de la perte                            de sang, je demandais alors des soins. Ils sont venus                            et m’ont fait trois points de suture à                            l’arcade sourcilière, un pansement à                            la tête et ils m’ont donné des somnifères,                            des antibiotiques disaient-ils. Tout cela à travers                            une lucarne de quelques centimètres de côté.
                        Je me suis endormi, écrasé par l’injustice                            criarde des hommes.
                        Le lendemain matin, à peine ai-je ouvert les                            yeux, que je me suis retrouv é confronté                            de nouveau à l’obsédante question                            : pourquoi je suis puni ?
                        Est-ce que la défense de ma foi et de ma religion,                            serait un crime puni de prison ? Nos demandes de ramasser                            les exemplaires du Coran afin qu’ils ne soient                            pas profanés devant nos yeux serait aussi un                            crime ? Pourquoi suis-je ici ? Est-ce que le départ                            en Afghanistan pour quatre semaines avec une caméra                            d’Aljazeera après la guerre d’agression                            contre un peuple afghan désarmé,, est                            aussi un crime pour lequel je dois être puni de                            prison pour plus de quatre ans ? Et même de me                            faire accuser de terrorisme ?
                        De nombreuses questions fourmillent dans ma tête,                            me tourmentent l’esprit et viennent toutes buter                            contre le fatras de slogans racoleurs dont se targuent                            les promoteurs de la liberté, les défenseurs                            de la démocratie et les protecteurs de la paix,                            sur toute l’étendue de la planète.                         
                        Al Hajj
                        Nous poursuivons la publication de lettres du détenu                            de guantanamo Sami Muhydine Al Hajj, caméraman                            d'Al Jazeera, à son avocat britannique Clive                            Stafford- Smith, en date du 9 août et du 20 octobre                            2005. Traduit de l'arabe par Ahmed Manaï, membre                            de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la                            diversité linguistique (transtlaxcala@yahoo.com).                            Ces traductions sont en Copyleft.
                        9 Août 2005
                        Original : http://www.aljazeera.net/NR/exeres/08DE9B0F-391A-42B4-B391-A73AE742F133.htm/
                        Mon cher Clive,
                        Je te livre ces quelques impressions sur la grève                            de la faim.
                        J'ai commencé la grève de la faim le 12                            Juillet dernier au camp N°4 et plus exactement au                            Bloc ³Whisky². 190 détenus y ont participé.
                        Nos revendications tenaient en deux points :
                        -L'arrêt de la main de fer à laquelle étaient                            soumis les détenus, surtout au camp N°5.
                        -La garantie de soins médicaux et l'arrêt                            des pratiques arbitraires systématiques qui consistaient                            notamment à droguer les détenus et à                            se jouer de leur santé mentale.
                        Le 15 juillet, de nombreux visiteurs sont arrivés                            au camp Delta. Je crois que c'étaient des membres                            du Congrès US. Pour des raisons connues des seules                            autorités du camp, les visiteurs ont été                            empêchés de rendre une visite normale au                            camp 4. C'est peut-être en raison de la tension                            qui y régnait. Il y a eu quand même une                            visite de l'hôpital proche du Bloc ³Whisky².
                        Abattus et désespérés, les détenus                            ont commencé aussitôt à hausser                            la voix et à crier pour attirer l'attention des                            visiteurs, dans l'espoir de pouvoir leur expliquer leur                            situation. Certains criaient des slogans « Liberté                            », d'autres « Bush= Hitler », ici                            c'est un Goulag , c'est un scandale, c'est l'esclavage                            ! ».
                        A ce moment-là, certains visiteurs ont tenté                            de s'approcher du Bloc ³Whisky² pour mieux                            entendre les cris, passant outre les consignes des gardiens.                            Certains visiteurs se sont intéressés                            à nous alors que d'autres nous regardaient avec                            mépris.
                        Le 15 juillet à 17 heures, les autorités                            du camp Delta ont entrepris de faire évacuer                            les détenus du Bloc ³Whisky² contre                            leur volonté (je crois que c'était le                            résultat de la visite des membres du Congrès).                            Ainsi, ils ont ramené 18 détenus aux camps                            2 et 3, où les conditions de détention                            sont extrêmes. Parmi ces détenus, il y                            avait un de tes clients, Jamel El Bannas. Bien qu'il                            n'y avait aucune résistance de la part des détenus,                            on a fait appel aux forces de maintien de l'ordre, connues                            sous le nom de ERF.
                        À la fin de cette opération, ce sont 18                            détenus qui ont été transférés                            aux blocs 2 et 3.et les autres détenus du Bloc                            ³Whisky² ont demandé aussitôt                            à rejoindre leurs amis aux blocs 2 et 3.
                        Entretemps, les conditions s'étaient dégradées                            au bloc 4. Ses détenus ont eux aussi demandé                            à être transférés aux blocs                            2 et 3, connus pour leurs très mauvaises conditions.                            En fin de compte ce sont 40 détenus qui ont été                            transférés en suivant la procédure                            pour évacuer le bloc 4 : ils ont abandonné                            tous leurs biens et se sont avancés devant le                            bloc, afin que les autorités les prennent au                            sérieux.
                        Le 18 juillet à 15 heures, les autorités                            ont commencé le transfert des détenus                            aux camps 2 et 3.
                        Au fil des jours de la grève, un autre slogan                            est apparu : Pourquoi sommes-nous des ennemis ? Scandé                            par tous les détenus. Le général                            nous a dit qu'il n'avait pas le pouvoir de changer cette                            situation. On nous raconté que Donald Rumsfield,                            le ministre de la Défense, avait envoyé                            une lettre de Washington demandant au général                            d'appliquer la convention de Genève aux détenus.
                        Le plus important pour nous était de faire fermer                            le bloc 5 parce que les conditions y étaient                            vraiment extrêmes.
                        Des officiers sont venus nous voir et nous ont promis                            qu'ils allaient ouvrir une cantine où nous pourrions                            nous approvisionner. Ils nous ont fait savoir que nos                            familles pouvaient nous envoyer de l'argent et qu'ils                            allaient donner 3 dollars par semaine à chaque                            détenu qui n'a pas d'argent.
                        Il y avait un conseil de détenus pour leur permettre                            de débattre de leurs problèmes, de définir                            leurs positions et de négocier avec les autorités.                            Les détenus étaient autorisés à                            tenir leur conseil mais non pas à débattre                            dans la confidentialité. Aussi, ils ont été                            obligés de faire passer entre eux des bouts de                            papier dans lesquels étaient consignées                            leurs observations, qu'ils avalaient après leur                            échange. Cela a provoqué la colère                            des autorités.
                        Le 5 août, l'affaire Hicham Sliti provoqua de                            graves problèmes. Ce dernier était battu                            pendant son interrogatoire. Le Coran était aussi                            profané. Il y avait beaucoup de problèmes                            concernant le Coran : ainsi par exemple : la police                            militaire a demandé quelque chose à Chamrani-                            originaire du Yémen- alors qu'il faisait sa prière.                            Il a répondu qu'il allait accomplir ce qui était                            demandé après avoir fini sa prière.                            C'est alors que la police militaire s'est ruée                            sur lui et l'a battu. Son visage était ensanglanté.                            Puis ils ont commencé à profaner et à                            piétiner le Coran.
                        Ce n'était pas la première fois que cela                            se produisait. On a dit à Hakim- lui aussi originaire                            du Yémen- qu'il constituait une grave danger                            pour les Américains parce qu'il apprenait par                            c¦ur tout le Coran. C'est une véritable                            humiliation pour la foi musulmane.
                        Il y avait aussi le cas de Sâad, originaire du                            Koweit, qui a été emmené par la                            force à l'interrogatoire. Une autre fois, il                            a été contraint de rester cinq heures                            avec une femme qui le harcelait sexuellement. Le cas                            aussi du jeune Omar Khadr, du Canada, lui aussi traîné                            de force à l'interrogatoire.
                        Au bloc 3, les détenus étaient emmenés                            dans un lieu dit Romeo, où leur dignité                            était bafouée et où on les obligeait                            à porter des shorts.
                        Les autorités ont coupé l'eau pendant                            24 heures et ont privé les détenus de                            nourriture.
                        Le 8 août, le général a interdit                            les réunions du conseil des détenus. Les                            blocs 2 et 3 ont commencé leur grève de                            la faim le 7 août et le bloc 1, deux jours plus                            tard.
                        Dès la reprise de la grève, un colonel                            est venu avec un mégaphone demander à                            parler aux chefs des blocs, mais nous avons refusé.
                        Nous avons été contraints de reprendre                            cette grève quoique personnellement elle ne m'enchante                            pas, mais c'est le devoir de solidarité. Nous                            sommes obligés d'être solidaires entre                            nous et surtout avec les détenus du bloc 5.
                        Mon grand espoir est de rester en vie et je te prie                            de transmettre à mon épouse et à                            mon fils que je les aime beaucoup.
                        Ton ami et client.
                        Sami Muhydine Al Hajj
                        
                        Jeudi 17/09/1426H-20/10/2005                            J.C.
                        Original : http://www.aljazeera.net/NR/exeres/B23124B3-E716-4F1D-8DBE-C934AB849556.htm/
                        Mon Cher Clive, bonjour.
                        Je voudrais te dire encore une fois qu'au cas où                            je serais libéré, je décide de                            rentrer dans ma chère patrie le Soudan et je                            ne veux aller nulle part ailleurs.
                        Je souhaite retourner au Soudan pour y mener ma vie                            normale avec ma chère famille et continuer à                            assumer mes devoirs envers mes petits frères                            et s¦urs, d'autant qu'ils sont sous ma responsabilité                            maintenant que mes chers et regrettés parents                            ont été rappelés à Dieu.
                        Je souhaite aussi que mon fils bien aimé, Mohamed                            El Habib, rejoigne l'école soudanaise qui le                            préparera, par la Grâce de Dieu, j'en suis                            sûr, à un avenir radieux.
                        Je te remercie et je t'exprime toute ma considération                            et tout mon respect pour ce que tu as fait pour moi.
                        En fidèle amitié
                        Sami Mohydine Mohamed Al Hajj 
L’ordalie d’un caméraman                            d’Aljazeera à Guantanamo : Sami Al Hajj,                            le journaliste oublié par Reporters sans frontières
                        par Asim Khan & Mahmoud El Gartit, Aljazeera.net,                            26 Octobre 2005
                        Sami Al Hajj affirme avoir été victime                            de violences physiques et sexuelles.
                        Sami Mohieddine Al Hajj, de nationalité soudanaise,                            a été arrêté par l’armée                            US alors qu’il travaillait pour la chaîne                            de télévision Aljazeera durant l’invasion                            US de l’Afghanistan en 2001, et a ensuite été                            détenu à Guantanamo pendant quatre années                            sans jugement.
                        Aljazeera.net s’est entretenue avec l’avocat                            d’Al Hajj, Me Clive Stafford Smith, à propos                            de son cas et de ses perspectives de libération.                            Il dit qu’Al Hajj a souffert de violences physiques                            et sexuelles extrêmes, et souffert de persécution                            religieuse. Stafford Smith affirme qu’en dépit                            des démentis du gouvernement US, les prisonniers                            de Guantanamo sont détenus dans des conditions                            lamentables.
                        « Guantanamo est un désastre du point de                            vue relations publiques. C’est un des plus hauts                            symboles de l’hypocrisie dans le monde. On a peine                            à admettre que les USA aient dilapidé                            de la sorte toute la sympathie dont ils bénéficiaient                            après les attaques du Onze Septembre »                            dit l’avocat.
                        Il a récemment rendu visite à des clients                            à Guantanamo, dont Al Hajj, et a parlé                            à Aljazeera.net des notes que le caméraman                            avait écrites, qui ont été déclassifiées                            par les autorités US.
                        Ces notes révèlent en détail comment                            Al Hajj a été battu et violenté                            par ses interrogateurs, comment on lui a demandé                            d’espionner pour les USA en échange de                            la citoyenneté US et comment ses interrogateurs                            ont menacé sa famille, dont son fils de cinq                            ans, s’il ne collaborait pas, d’après                            l’avocat.
                        « Les Américains ont essayé de le                            retourner en informateur dans le but de lui faire dire                            qu’Aljazeera est liée à Al-Qaïda.»
                        « Il est parfaitement innocent. Il est à                            peu près autant un terroriste que mon grand-père.                            La seule raison qui lui a valu d’être traité                            comme il l’a été est qu’il                            est un journaliste d’Aljazeera», dit Stafford                            Smith.
                        « Les USA doivent se réveiller à                            la réalité que la mesure la plus efficace                            contre le terrorisme est l’application de droits                            de l’homme comme la liberté de la presse,                            au lieu d’essayer de museler de telles libertés                            en persécutant des membres de chaînes câblées                            qu’ils désapprouvent» déclara-t-il                            à Aljazeera.net.
Aljazeera.net : Quels sont les derniers                            développements légaux du dossier d’Al                            Hajj ?
                        Clive Stafford Smith : Il n’y a eu aucun changement                            notable.
                        Les dossiers de Guantanamo sont une fois de plus devant                            le bureau de la Cour d’Appel à Washington                            DC avec une fois de plus l’administration Bush                            qui argumente sur le fait que ces prisonniers ne peuvent                            jouir d’aucun droit légal.
                        Hélas, le système judiciaire US permet                            aux parties en présence de retarder l’avancement                            des procédures d’année en année.
                        Un de mes clients qui a été maintenu 31                            ans dans le ‘death row’, le couloir de condamnés                            à mort, est décédé récemment                            des suites de son grand âge, sans avoir encore                            épuisé tous les recours.
                        Alors que l’administration Bush s’est plainte                            des retards dans les cas de peine capitale, cette même                            administration Bush utilise les mêmes méthodes                            pour repousser une décision concernant les droits                            des prisonniers.
                        Aljazeera.net : - Quand avez-vous rencontré Sami                            Al Hajj la dernière fois et comment décririez-vous                            son état général, de santé                            et son moral en particulier ?
                        Clive Stafford Smith Sami était des plus optimistes                            en ce qui concerne sa famille, heureux de savoir qu’Aljazeera                            prenait en charge sa femme et son enfant et les avait                            emmenés à Doha.
                        Il était aussi très heureux que la chaîne                            l’aide à dire au monde la situation critique                            des prisonniers de guantanamo.
                        Cependant, je l’ai vu pour la dernière                            fois alors qu’il allait replonger dans une grève                            de la faim, et il s’assombrissait à l’idée                            que les USA allaient le forcer – juste pour affirmer                            ses droits fondamentaux – dans une situation où                            lui et beaucoup d’autres auraient à endurer                            des souffrances.
                        Je suis inquiet de ce qui a pu lui arriver depuis la                            dernière fois que je l’ai vu, il y a deux                            mois.
Les accusations portées contre lui ont-elles la moindre base légale ?
Clive Stafford Smith Il n’y a                            techniquement aucune accusation contre Sami.
                        Il n’a été accusé d’aucun                            crime.
                        Il est simplement accusé d’être «                            enemy- combatant », un combattant ennemi donc,                            terme ridiculement vague qui peut inclure tous ceux                            que les américains veulent y inclure.
                        Il n’y a absolument aucune base factuelle à                            cette allégation, et la manière dont l’état                            US l’emploie est simplement malhonnête.
                        Par exemple, il lui est reproché d’avoir                            été capturé alors qu’il cherchait                            à se rendre en Afghanistan. Bien sûr que                            c’est vrai.
                        Mais ce que l’appareil d’état ne                            dit pas dans ces accusations est qu’il était                            en mission pour Aljazeera, qu’il disposait d’un                            visa valide pour s’y rendre, et qu’il ne                            faisait rien de mal.
Aljazeera.net On nous a beaucoup parlé de torture et de mauvais traitements à Guantanamo. Al Hajj en a-t-il été victime de quelque sorte que se soit et, si oui, à quel point ?
Clive Stafford Smith : Sami a enduré                            des mauvais traitements épouvantables –                            abus sexuels et persécution religieuse.
                        Il a subi ses pires abus quand il a été                            capturé et détenu en Afghanistan. Il a                            été battu en diverses occasions, et assailli                            sexuellement.
                        Il a à coup sûr été passé                            à tabac. Il avait une cicatrice énorme                            sur le visage quand je l’ai vu.
                        Il a souffert à Guantanamo également,                            surtout parce qu’il était puni d’avoir                            objecté à la profanation du Coran.
                        Aljazeera.net : A-t-il eu à faire face à                            des pressions US concernant sa position de journaliste                            ?
                        Clive Stafford Smith Sami a été interrogé                            environ 130 fois. Pendant une longue période,                            cela a été exclusivement dans le but d’en                            faire un indicateur contre Aljazeera.
                        L’armée US veut obtenir de Sami qu’il                            dise qu’Aljazeera est une devanture d’Al                            Qaida, et est financée par Al Qaida. Il refuse                            de le dire parce que ce n’est pas vrai.
                        L’armée US lui a révélé                            que le gouvernement enregistre les conversations téléphoniques                            des journalistes d’Aljazeera. (Ils enregistraient                            les appels personnels de Sami à son épouse                            pendant son affectation.)
                        En particulier, l’Etat US veut que Sami soit un                            indicateur contre certains de ses collègues à                            Aljazeera, prétendument membres d’Al Qaida.
                        Sami refuse résolument de faire cela, car il                            dit que ce n’est tout simplement pas vrai.
                        L’État US veut transformer Al Hajj en indicateur
                        C’est seulement quand il a demandé à                            être interrogé sur les ‘charges’                            supposées retenues contre lui que l’état                            US lui a posé quelques questions sur les allégations                            vagues, et encore il y en a certaines sur lesquelles                            l’administration US n’a même pas pris                            la peine de le questionner.
                        Sur un plan personnel, j’ai un immense respect                            pour le courage de Sami.
                        Il refuse d’inventer des histoires sur ses employeurs                            et ses collègues pour acheter sa liberté,                            même s’il subit une pression énorme                            pour le faire, et même quand l’état                            US lui promet monts et merveilles en deviennent un ‘indic’.
                        Aljazeera.net : - Pensez vous qu’il s’agit                            en fait d’un autre fiasco ou procès de                            pacotille pour coincer Aljazeera et ternir sa réputation                            ?
                        Clive Stafford Smith Il n’y a pas de procès                            à paillettes ici, parce qu’il n’y                            a pas de procès, tout simplement.
                        J’aimerais qu’il y ait un procès,                            parce qu’au moins là il pourrait répondre                            à de vraies accusations.
                        En tant qu’Américain je suis scandalisé                            d’avoir à le dire, mais tout ce que nous                            avons ce sont des efforts de l’administration                            Bush pour obliger Sami à fabriquer des mensonges                            contre Aljazeera dans des buts politiques.
                        Aljazeera.net : - Pensez-vous que son cas soit utilisé                            pour faire passer un message aux journalistes de par                            le monde ?
                        Clive Stafford Smith Sami est en train d’être                            utilisé pour envoyer un message à Aljazeera                            – que l’état US, tout en proclamant                            qu’il encourage la liberté de parole, veut                            fermer Aljazeera ou forcer cette chaîne à                            s’autocensurer dans le sens du discours de l’administration                            Bush.
                        J’ai été frustré dans mes                            difficiles efforts pour intéresser les agences                            médiatiques occidentales à la cause de                            Sami.
                        Une raison pour laquelle Sami Al Hajj n’a pas                            obtenu le soutien des journalistes dans le monde est                            que l’appareil US a mené une campagne contre                            Aljazeera et a amené de nombreux journalistes                            occidentaux à penser qu’Aljazeera n’a                            aucune légitimité comme média.                         
                        Evidemment, ceci est rendu possible par le fait que                            la plupart des journalistes ne parlent pas l’arabe,                            et donc ne peuvent pas juger par eux-mêmes.
                        Le changement viendra, je l’espère, de                            la création d’un canal d’Aljazeera                            en langue anglaise qui permettra à ces journalistes                            de fonder leurs propres appréciations.
                        Aljazeera.net : - Êtes-vous optimiste sur le cas                            de Al Hajj et combien de temps pensez-vous que l’affaire                            va encore durer ?
                        Clive Stafford Smith Je suis optimiste et pense que                            tant que Sami recevra une aide consistante de la part                            d’Aljazeera il sera libéré dans                            les six mois à venir.
                        Clive Stafford- Smith dit que le dossier Al Hajj a besoin                            de plus d’exposition médiatique.
                        Mais il est crucial d’avoir à l’esprit                            que sa libération ne viendra pas d’une                            cour de justice américaine quelconque –                            des 248 prisonniers relâchés à ce                            jour, 0 ont été libérés                            sur décision de justice et 248 ont été                            libérés suite à des pressions politiques.
                        Il y a donc plusieurs conditions qui amèneront                            sa libération :
                        1. Que le gouvernement soudanais affirme fermement à                            l’appareil d’Etat US que Sami doit être                            relâché. Je suis heureux de pouvoir dire                            que j’ai rencontré l’ambassadeur                            du Soudan à Londres et qu’il m’a                            assuré de son soutien, mais Aljazeera doit aider                            à assurer ce soutien.
                        2. Qu’Aljazeera publicise tout ce qu’il                            est possible à propos de Sami, ce qui inclut                            un spot hebdomadaire où ses nouvelles pourront                            être diffusées de par le monde.
                        3. Que les amis et collègues de Sami dans le                            monde entier aident à obtenir d’autres                            soutiens à son endroit, pour augmenter la pression                            en vue de sa libération.
                        Tous ceux qui souhaitent aider Sami devraient me contacter,                            soit à l’organisation caritative où                            je travaille (info@reprieve.org.uk), soit à mon                            courriel personnel (clivess@mac.com).
                        Aljazeera.net : - Si vous rencontriez le succès                            dans cette entreprise, pensez-vous qu’il serait                            en mesure de se retourner contre le gouvernement US                            pour l’avoir détenu si longtemps ?
                        Clive Stafford Smith Il va absolument engager une action                            légale contre les Etats-Unis, et j’ai d’ores                            et déjà fait en sorte que cela se produise.
                        Que cela ne résulte jamais en compensations financières,                            est un tout autre aspect. J’ai déjà                            fait sortir un certain nombre de prisonniers des couloirs                            de la mort de l’Amérique pénitentiaire,                            en prouvant qu’ils étaient innocents après                            des années d’emprisonnement erroné,                            et c’est incroyable ! – la plus grosse somme                            que n’importe lequel d’entre eux ait perçu                            en compensation a été de... 10dollars                            !
                        Stafford- Smith veut voir Rumsfeld et Bush sur le banc                            des témoins
                        Le système est truqué contre les prisonniers                            sur cet aspect.
                        Cependant, nous porteront le litige contre l’administration                            Bush pour le compte de Sami, et pour le compte de tout                            autre prisonnier de Guantanamo qui nous le demande,                            parce que qu’il y a un principe fondamental à                            l’œuvre ici.
                        Un jour, j’espère vraiment avoir le président                            George Bush et le secrétaire à la Défense                            Donald Rumsfeld sur le banc des témoins expliquant                            précisément pourquoi il pensaient pouvoir                            traiter des prisonniers de la sorte.
                        Au minimum, nous devons nous assurer que cela ne se                            reproduise plus jamais. 
Lettres de Guantanamo
                     
                        http://www.aljazeera.net/NR/exeres/08DE9B0F-391A-42B4-B391-A73AE742F133.htm/
                     
                        9 Août 2005
                        Mon cher Clive,
                        Je te livre ces quelques impressions sur la grève                            de la faim.
                        J’ai commencé la grève de la faim                            le 12 Juillet dernier au camp N°4 et plus exactement                            au whisky Bloc. Cent quatre vingt dix détenus                            y ont participé.
                        Nos revendications tenaient en deux points :
                        -L’arrêt de la main de fer à laquelle                            étaient soumis les détenus, surtout au                            camp N°5.
                        -La garantie d’une couverture médicale                            et l’arrêt des pratiques arbitraires systématiques                            qui consistaient notamment à droguer les détenus                            et à se jouer de leur santé mentale.
                        Le 15 juillet, de nombreux visiteurs sont arrivés                            au camp Delta. Je crois que c’étaient des                            membres du Congrès américain. Pour des                            raisons connues des seules autorités du camp,                            les visiteurs ont été empêchés                            de rendre visite normale au camp 4. C’est peut-être                            en raison de la tension qui y régnait. Il y a                            eu quand même une visite de l’hôpital                            proche de whisky bloc.
                        Abattus et désespérés, les détenus                            ont commencé aussitôt à hausser                            la voix et à crier pour attirer l’attention                            des visiteurs, dans l’espoir de pouvoir leur expliquer                            leur situation. Certains criaient des slogans «                            Liberté », d’autres « Bush=                            Hitler », ici c’est un « Goulag »,                            c’est un scandale, c’est l’esclavage                            ».
                        A ce moment là, certains visiteurs ont tenté                            de s’approcher de whisky bloc pour mieux entendre                            les cris, passant outre les consignes des gardiens.                            Certains visiteurs se sont intéressés                            à nous alors que d’autres nous regardaient                            avec mépris.
                        Le 15 juillet à 17 heures, les autorités                            du camp Delta ont entrepris de faire évacuer                            les détenus du bloc whisky contre leur volonté                            (je crois que c’était le résultat                            de la visite des Congresman). Ainsi, ils ont ramené                            dix huit détenus aux camps 2 et 3, où                            les conditions de détention sont extrêmes.                            Parmi ces détenus, il y avait un de tes clients                            Jamel El Bannas. Bien qu’il n’y avait aucune                            résistance de la part des détenus, on                            a fait appel aux forces de maintien de l’ordre,                            connues sous le nom de ERF.
                        A la fin de cette opération, ce sont dix huit                            détenus qui ont été transférés                            aux blocs 2 et 3.et les autres détenus de whisky                            bloc ont demandé aussitôt de rejoindre                            leurs amis aux blocs 2 et 3.
                        Entre temps, les conditions s’étaient dégradées                            au bloc 4. Ses détenus ont eux aussi demandés                            à être transférés aux blocs                            2 et 3, connus pour leurs très mauvaises conditions.                            En fin de compte ce sont 40 détenus qui ont été                            transférés en suivant la procédure                            pour évacuer le bloc 4 : ils ont abandonné                            tous leurs biens et se sont avancés devant le                            bloc, afin que les autorités les prennent au                            sérieux.
                        Le 18 juillet à 15 heures, les autorités                            ont commencé le transfert des détenus                            aux camps 2 et 3.
                        Au fil des jours de la grève, un autre slogan                            est apparu : Pourquoi sommes-nous des ennemis ? Scandé                            par tous les détenus. Le général                            nous a dit qu’il n’avait pas le pouvoir                            de changer cette situation. On nous raconté que                            Donald Rumsfield, le ministre de la défense,                            avait envoyé une lettre de Washington demandant                            au général d’appliquer la convention                            de Genève aux détenus.
                        Le plus important pour nous était de faire fermer                            le bloc 5 parce que les conditions y étaient                            vraiment extrêmes.
                        Des officiers sont venus nous voir et nous ont promis                            qu’ils allaient ouvrir une cantine où nous                            pourrions nous approvisionner. Ils nous ont fait savoir                            que nos familles pouvaient nous envoyer de l’argent                            et qu’ils allaient donner 3 dollars par semaine                            à chaque détenu qui n’a pas d’argent.
                        Il y avait un conseil de détenus pour leur permettre                            de débattre de leurs problèmes, de définir                            leurs positions et de négocier avec les autorités.                            Les détenus étaient autorisés à                            tenir leur conseil mais non pas à débattre                            dans la confidentialité. Aussi, ils ont été                            obligés de faire passer entre eux des bouts de                            papier dans lesquels étaient consignés                            leurs observations, qu’ils avalaient. Cela a provoqué                            l’ire des autorités.
                        Le 5 août, l’affaire Hicham Sliti provoqua                            de graves problèmes. Ce dernier était                            battu pendant son interrogatoire. Le Coran était                            aussi profané. Il y avait beaucoup de problèmes                            concernant le Coran : ainsi par exemple : la police                            militaire a demandé quelque chose à Chamrani-                            originaire du Yémen- alors qu’il faisait                            sa prière. Il a répondu qu’il allait                            accomplir ce qui était demandé après                            avoir fini sa prière. C’est alors que la                            police militaire se rua sur lui en le battant. Son visage                            était ensanglanté, puis ils ont commencé                            à profaner et à piétiner le Coran.
                        Ce n’était pas la première fois                            que cela se produisait. On a dit à Hakim- lui                            aussi originaire du Yémen- qu’il constituait                            une grave danger pour les Américains parce qu’il                            apprenait par cœur tout le Coran. C’est une                            véritable humiliation pour la foi musulmane.
                        Il y avait aussi le cas de Sâad, originaire du                            Koweit, qui a été pris par la force à                            l’interrogatoire. Une autre fois, il a été                            contraint de rester cinq heures avec une femme qui le                            sexuellement. Le cas aussi du jeune Omar Khadr, du Canada,                            lui aussi extrait par la force pour un interrogatoire.
                        Au bloc 3, les détenus étaient emmenés                            dans un lieu dit Roméo, où leur dignité                            était bafouée et où on les obligeait                            à porter des shorts.
                        Les autorités ont coupé l’eau pendant                            24 heures et ont privé les détenus de                            nourriture.
                        Le 8 août, le général a interdit                            les réunions du conseil des détenus. Les                            blocs 2 et 3 ont commencé leur grève de                            la faim le 7 août et le bloc 1, deux jours plus                            tard.
                        Dès la reprise de la grève, un colonel                            est venu avec un haut parleur demander à parler                            aux chefs des blocs, mais nous avons refusé.
                        Nous avons été contraints de reprendre                            cette grève quoique personnellement elle ne m’enchante                            pas, mais c’est le devoir de solidarité.                            Nous sommes obligés d’être solidaires                            entre nous et surtout avec les détenus du bloc                            5.
                        Mon grand espoir est de rester en vie et je te prie                            de transmettre à mon épouse et à                            mon fils que je les aime beaucoup.
                        Ton ami et client.
                        Sami Mohieddine El Hadj.
                     
                        Jeudi 17/09/1426H-20/10/2005 J.C.
                        http://www.aljazeera.net/NR/exeres/B23124B3-E716-4F1D-8DBE-C934AB849556.htm/
                     
                        Mon Cher Clive, bonjour.
                        Je voudrais te dire encore une fois qu’au cas                            où je serais libéré, je décide                            de rentrer dans ma chère patrie le Soudan et                            je ne veux aller nulle part ailleurs.
                        Je souhaite retourner au Soudan pour y mener ma vie                            normale avec ma chère famille et continuer à                            assumer mes devoirs envers mes petits frères                            et sœurs, d’autant qu’ils sont sous                            ma responsabilité maintenant que mes chers et                            regrettés parents ont été rappelés                            à Dieu.
                        Je souhait aussi que mon fils bien aimé Mohamed                            El Habib, rejoigne l’école Soudanaise qui                            le préparera, j’en suis sûr, à                            un avenir radieux par la Grâce de Dieu.
                        Je te remercie et je t’exprime toute ma considération                            et tout mon respect pour ce que tu as fait pour moi.
                        En fidèle amitié
                        Sami Mohieddine Mohamed El Hadj
                     
                     
                        Puni pour trois grains                            de riz et quatre fourmis :
                        Lettre de Guantanamo de Sami Al Hajj
Nous publions une lettre du détenu                            de Guantanamo Sami Muhydine Al Hajj, caméraman                            d’Al Jazzeera, à son avocat britannique                            Clive Stafford-Smith, en date du 6 novembre 2005. Original                            :
                        http://www.aljazeera.net/NR/exeres/08DE9B0F-391A-42B4-B391-A73AE742F133.htm/
                        Dimanche 4/10/1426 H- 6/11/05 J.C.
Mon Cher Clive,
                        Permets-moi de te faire cette confidence : je suis taraudé                            par cette question : pourquoi suis-je puni ? Cette question                            obsède mon esprit et tourne en boucle dans ma                            tête.
                        Mon histoire avec les sanctions a commencé à                            la prison de Bagram. On ne nous autorisait à                            aller aux toilettes que deux fois par jour : la première                            juste après l'aube et la seconde avant le crépuscule                            et tu ne peux y aller que lorsque son tour arrive.
                        Je me souviens d'une fois où j'étais vraiment                            pressé. J'ai chuchoté alors à l'oreille                            de la personne qui était devant moi, de me laisser                            passer avant elle. C'est alors que le soldat en colère                            me crie au visage : ne parle pas, et il m'ordonne d'aller                            à la porte. Là, il m'accroche les mains                            à un fil de fer et je suis demeuré debout                            toute la journée à trembler de froid,                            si bien que j'ai pissé dans mon pantalon ce qui                            a provoqué les rires moqueurs des soldats et                            des putains.
                        Puis à Kandahar :
                        En plein été, sous un soleil de plomb                            et sur un sol brûlant, un soldat crie : toi, arrête,                            le deuxième, le troisième et le quatrième                            aussi ! Pourquoi vous parlez ? Mettez-vous à                            genoux, les mains sur la tête. Nous nous exécutons                            et il nous laisse ainsi sous une chaleur torride, les                            genoux sur une caillasse chauffée à blanc                            jusqu'à ce que l'un d'entre nous s'évanouisse                            et que les autres viennent à son secours.
                        Une semaine après notre arrivée à                            Guantanamo, les soldats sont venus de très bonne                            heure et ont ordonné aux détenus de sortir                            le bras par le guichet de la porte par laquelle on nous                            sert d'habitude la nourriture et ce pour nous faire                            vacciner contre le tétanos, disaient-ils.
                        Quand mon tour est venu, je les ai informés qu'avant                            de quitter Doha, je m'étais fait vacciner contre                            le tétanos, la fièvre jaune, le choléra                            et autres maladies et que selon le médecin, ces                            vaccins étaient valides durant cinq ans. Je n'avais                            donc pas à les refaire.
                        L'officier me cria au nez et m'ordonna de ne pas discuter                            : « sors ton bras pour le vaccin, sinon on va                            te faire sortir de force », me dit-il. J'ai refusé.
                        Ils m'ont laissé puis sont revenus me voir après                            avoir terminé avec le bloc. Mais j'ai persisté                            à ne pas accepter de me refaire vacciner. Alors                            ils m'ont confisqué toutes mes affaires, du matelas                            à la brosse à dents et m'ont laissé                            coucher à même le sommier en fer durant                            trois jours et trois nuits.
                        Et c'est toujours la même question qui me revient                            et me tourmente: pourquoi suis-je puni ?
                        Les soins sont-ils obligatoires ? Sommes-nous devenus                            un troupeau de moutons qu'on conduit et parque ? Devrons-nous                            accepter tout sans discuter, sans émettre la                            moindre objection et sans même nous informer ?
                        Il m'est arrivé pire encore. Une nuit, je m'étais                            couché très tôt. J'étais                            exténué après avoir été                            interrogé à la salle d'interrogatoire                            durant des heures. C'est alors que j'ai commis l'erreur                            de me couvrir la tête et les mains. J'étais                            plongé dans le sommeil quand j'entendis les cris                            et les ordres d'un soldat : sors ta tête et les                            mains de sous la couverture. Je me suis réveillé                            en sursaut et j'ai aussitôt obéi aux ordres.                            Il nous était interdit en effet de dormir la                            tête ou les mains sous la couverture.
                        A peine je me rendors que le soldat est venu frapper                            violemment à la porte de ma cage et me crier                            très fort : pourquoi tu as mis la pâte                            dentifrice à la place de la brosse ? Il m'accusa                            de désobéir délibérément                            aux lois et règlements militaires et m'ordonna                            de ramasser mes affaires. Ma punition dura une semaine                            entière.
                        Et la sempiternelle question me revient : pourquoi suis-je                            puni ? Est-ce que cela constitue une raison suffisante                            pour me punir en me retirant toutes mes affaires et                            en me laissant dormir toute une semaine à même                            le fer, sans matelas ni couverture ?
                        Une autre fois, j'étais en train de prendre mon                            déjeuner qui consistait en un repas froid en                            boîte. Après avoir fini de manger, un soldat                            est venu ramasser les restes du repas et les sachets                            d'emballage. Il s'est arrêté à la                            porte de ma cage et a commencé à compter                            les morceaux du sac d'emballage et à les assembler.                            Aussitôt il me cria à la figure : où                            est l'autre morceau ? je commençais aussitôt                            à fouiller dans mes affaires, vainement. C'est                            alors qu'il prit contact avec son administration et                            revint avec la sentence : je méritais une sanction                            exemplaire pour dissuader d'autres détenus d'un                            tel écart.
                        Alors on me confisque mes affaires pendant 3 jours pendant                            lesquels je me suis creusé la tête par                            cette question lancinante : pourquoi suis-je puni et                            qu'aurai-je fait avec ce morceau d'emballage de plastique                            introuvable ?
                        Une autre fois, la providence m'a réuni dans                            le même bloc avec Jamel l'Ougandais, Mohamed le                            Tchadien et Jamel Blama le Britannique. Nous étions                            réunis ensemble mais aussi unis par la même                            couleur noire de peau et la même couleur détestable                            de notre tenue orange. Notre peau noire suffisait à                            elle seule à exciter nos gardiens blancs contre                            nous pour nous harceler et nous coller des sanctions                            avec ou sans motif.
                        Ils nous réveillaient souvent en pleine nuit                            au motif de fouiller la geôle. Une certaine nuit,                            ils m'ont réveillé pour une fouille. Ils                            n'ont rien trouvé de suspect à part 3                            grains de riz par terre qui avaient attiré quelques                            fourmis. Alors ils me collèrent une sanction                            de 7 jours. Encore une fois, je les ai mis à                            profit pour creuser cette obsédante question                            : pourquoi suis-je puni ? Il me paraissait débile                            en effet que je le sois à cause de 3 grains de                            riz et de quatre fourmis.
                        Une autre nuit, deux soldats s'arrêtèrent                            à la porte de ma cage. Ils avaient des chaînes                            et des menottes. Ils frappèrent violemment à                            la porte ce qui me réveilla terrorisé.                            Ils me menottèrent et me conduisirent au bloc                            Roméo où ils m'ont mis dans une cage après                            m'avoir déshabillé entièrement                            sauf du caleçon et du tricot de peau. Rien d'autre,                            ni même savon ou brosse à dents.
                        J'ai eu beau demander une explication à cette                            sanction, sans réponse jusqu'au lendemain, quand                            sur mon insistance, un responsable est venu me dire                            que j'étais puni à passer deux semaines                            en cage, parce qu'un soldat a trouvé un clou                            sur le bord extérieur de l'ouverture d'aération                            de ma cage !
                        J'ai alors dit au responsable : comment aurai-je eu                            ce clou, d'où me viendrait-il et comment aurai-je                            pu le mettre sur le bord extérieur de cette ouverture                            et dans quel but ? Mais il me tourna le dos et partit,                            ignorant mes questions.
                        Ainsi, je suis resté pendant 14 jours en position                            assise évitant, par pudeur, de faire mes prières                            les fesses en l'air, et j'ai dormi pendant 14 nuits                            froides d'hiver, à même le fer, sans couverture                            ni matelas.
                        Les harcèlements et les provocations des soldats                            se multiplièrent et se diversifièrent.
                        Une fois, nous avons appris qu'un soldat avait piétiné                            le Saint Coran, y imprimant les traces de ses chaussures.                            Tous les détenus se révoltèrent                            et décidèrent de rendre les exemplaires                            du livre Saint à l'administration américaine                            pour éviter qu'ils ne soient profanés                            sous nos yeux, surtout que le général                            s'était engagé précédemment                            que ce genre de provocation ne se renouvellerait pas.                            Mais ils faillirent à leur promesse.
                        Suite à cela, les détenus décidèrent                            de ne pas quitter leurs cages, pas même pour aller                            en promenade et la douche dont ils avaient tant besoin,                            et cela pour obtenir le ramassage des exemplaires du                            Coran.
                        Comme à leur habitude, les responsables sont                            aussitôt venus pour donner des ordres et proférer                            des menaces. Au bout d'un moment, ils lâchèrent                            les valeureuses forces anti-émeutes qui forcèrent                            les geôles et se mirent à battre les détenus                            avant de les enchaîner et de les menotter. Ils                            leurs coupèrent les cheveux, les barbes et les                            moustaches et les jetèrent dans des cages individuelles.
                        Comme tout détenu, mon tour arriva. Ils m'aspergèrent                            les yeux d'un gaz, puis 5 soldats se mirent à                            me battre, me conduisirent à l'aire de promenade                            et me jetèrent au sol. Alors que j'étais                            par terre, l'un d'eux me prit la tête et la frappa                            contre le sol en ciment. Un autre me frappa sur l'arcade                            sourcilière et l'entailla. Le sang gicla et me                            couvrit le visage. Tout cela, alors que j'étais                            au sol, menotté et enchaîné. Ils                            me coupèrent cheveux, moustaches et barbe et                            me jetèrent dans une cage individuelle, baignant                            dans le sang.
                        Au bout d'une heure, un soldat est venu me demander,                            à travers l'ouverture, si je voulais des soins                            médicaux. Je refusais l'offre et plaçais                            ma confiance en Dieu auprès duquel je dénonçais                            l'injustice de mes geôliers. A un certain moment,                            j'ai senti que je perdais connaissance à cause                            de la perte de sang, je demandais alors des soins. Ils                            sont venus et m'ont fait trois points de suture à                            l'arcade sourcilière, un pansement à la                            tête et ils m'ont donné des somnifères,                            des antibiotiques disaient-ils. Tout cela à travers                            une lucarne de quelques centimètres de côté.
                        Je me suis endormi, écrasé par l'injustice                            criarde des hommes.
                        Le lendemain matin, à peine ai-je ouvert les                            yeux, que je me suis retrouvé confronté                            de nouveau à l'obsédante question : pourquoi                            je suis puni ?
                        Est-ce que la défense de ma foi et de ma religion,                            serait un crime puni de prison ? Nos demandes de ramasser                            les exemplaires du Coran afin qu'ils ne soient pas profanés                            devant nos yeux serait aussi un crime ? Pourquoi suis-je                            ici ? Est-ce que le départ en Afghanistan pour                            quatre semaines avec une caméra d'Aljazeera après                            la guerre d'agression contre un peuple afghan désarmé,,                            est aussi un crime pour lequel je dois être puni                            de prison pour plus de quatre ans ? Et même de                            me faire accuser de terrorisme ?
                        De nombreuses questions fourmillent dans ma tête,                            me tourmentent l'esprit et viennent toutes buter contre                            le fatras de slogans racoleurs dont se targuent les                            promoteurs de la liberté, les défenseurs                            de la démocratie et les protecteurs de la paix,                            sur toute l'étendue de la planète.
                        Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï, membre                            de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la                            diversité linguistique (transtlaxcala@yahoo.com).                            Cette traduction est en Copyleft.
                        http://www.tunisitri.net/
 


 
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