30 juin 2010

Ils vivent ici, ils sont d’ici

1er juillet 2010.

Réseau Education Sans Frontières Corrèze

RESF19@free.fr

05 55 26 42 12

Fax : 09 58 60 08 33

2 rue de la Bride - 19000 TULLE

http://www.educationsansfrontieres.... et Peuple et Culture vous invitent

Invitation

Les familles Tatari – Krasnici – Abdulahi sont arrivées à Tulle voici un petit peu plus d’un an.

Ces 15 personnes (dont une jeune femme enceinte) ont été accueillies par les habitants du quartier de la Pièce Verdier où elles ont été logées. Suite à une tentative d’expulsion par les autorités policières, les habitants réagissent et mobilisent des élus de la ville de Tulle, les associations de soutien aux sans papier et d’aide alimentaire, la presse. Plusieurs manifestations de solidarité ont été organisées depuis un an, un concert à la Petite ourse pendant les Nuits de nacre, une fête dans le quartier pour la naissance d’Altona, un parrainage républicain à la Mairie de Tulle pour chacun des membres de la famille le 16 juin dernier.

Nous vous proposons de venir assister

Jeudi 1er juillet à 21 heures en plein air Pièce Verdier

à la projection, d’un film réalisé à partir de cette aventure humaine qui se poursuit :

Ils vivent ici, ils sont d’ici !

(Une solution de repli sera proposée en cas de mauvais temps)

Ce sera l’occasion de manifester notre solidarité avec ces familles et les habitants de ce quartier

Pascal Boniface « Après l’attaque au large de Gaza Israël a perdu la bataille de l’opinion »



Un an après le coup d'Etat, le Honduras résiste.

Entretien avec le président Manuel Zelaya


Mondialisation.ca, Le 29 juin 2010



« Nous devons vaincre le coup d'État, l'impunité et la terreur ». Manuel Zelaya, président légitime du Honduras depuis janvier 2006, a été dérogé le 28 juin 2009 par un coup d'État. Depuis le 27 janvier 2010, il se trouve avec son épouse et sa cadette en République Dominicaine. Entretien réalisé par Manola Romalo, publié en exclusivité par Junge Welt (Allemagne), Rebellion (Espagne) et michelcollon.info (Belgique).


Ce 28 juin le peuple hondurien sort protester dans tout le pays contre le coup d`État perpétré il y a un an par une clique d’oligarques, parrainé par Washington. Sous l’hospice d’un gouvernement fantoche mis en place en juillet 2009 - suivi par les élections présidentielles manipulées de janvier 2010 - des paramilitaires ont assassiné à ce jour des dizaines de membres de la Résistance, des syndicalistes, des enseignants, des journalistes. Protégeant ses intérêts économiques, l’Union Européenne n’y voit que du feu.


Manola Romalo: Monsieur le Président, cela fait un an aujourd’hui qu’une clique d'entrepreneurs envoyèrent des militaires vous kidnapper dans votre maison sous le feu des balles. Que signifie cet acte pour l’avenir du Honduras ?

Manuel Zelaya: En ce moment, ils ont plus de problèmes qu’auparavant : ils ont fait prendre conscience, non seulement au peuple hondurien mais aussi aux peuples d’Amérique Latine, de la menace que représente l’ambition économique pour les démocraties. Avec cette attaque, ils ont réussi à accélérer les processus de transformation à travers lesquels sont nées de nouvelles forces d’opposition.

L’influence des grandes multinationales s’étend à la politique étrangère des Etats Unis, preuve que l'administration d’Obama - de même que celle de son prédécesseur - est tombée dans l’effrayante erreur d’appuyer le terrorisme d’État. Ils ont recommencé à faire des coups d’État, méthode pratiquée déjà dans le passé par une extrême droite acharnée à semer la barbarie à travers le monde.

Manola Romalo: Quoique les putschistes, parrainés par Washington, essayèrent de maquiller en démocratie les élections présidentielles de novembre 2009, une grande partie de la communauté internationale n’a pas reconnu la légitimité du gouvernement en place. Quelles transformations démocratiques veut le peuple hondurien?

Manuel Zelaya: J'ai présenté un plan de réconciliation en 6 points qui passent par le respect des Droits Humains et la fin de l’impunité. C'est le chemin correct pour annuler le putsch et retourner à l’Etat de droit.

Avec leur position inflexible et extrémiste de laisser impuni ce putsch au Honduras, les États-Unis et leurs alliés créoles n'appuient pas ce plan et n’aident en rien la réconciliation du peuple hondurien.

Contrairement à ce que nous avons espéré, avec ses déclarations, le Département d’État ignore le crime qu’il condamna antérieurement et nomme « crise politique» des faits qu’il occulte : l`'mmunité et les privilèges des putschistes.

Manola Romalo: Le Ministère allemand des Affaires Extérieures informe sur son site Internet , qu’ « après le coup d`État », le gouvernement allemand ne reprendra pas de nouveaux projets d’aide pour le Honduras, mettant également court aux « consultances gouvernementales ». Quelle est la situation économique du pays?

Manuel Zelaya : Les chiffres sont plus éloquents que les mots. En trois ans nous avions réalisé les meilleurs indices de croissance de l’histoire du Honduras : 6,5 et 6, 7 %. Pour la première fois en trente ans, la pauvreté avait été réduite à plus de 10 %.

Par contre, depuis le coup d'État, le pays est entré dans une récession économique, le nombre de pauvres a augmenté, les investissements de l’Etat et ceux des particuliers ont été réduits de façon significative. Les dommages causés par le coup d'État dans le processus de développement économique du pays vont durer au moins dix ans avant d’être réparés.

Manola Romalo : Ce 28 juin, il y aura de grandes manifestations dans tout le pays, le peuple va débattre les principaux articles de la Déclaration Souveraine. La Résistance veut « refondre le Honduras ». Quelles sont les étapes nécessaires ?

Manuel Zelaya: Nous devons vaincre le coup d'État, l'impunité et la terreur. L'Assemblée National Constituante, avec la participation de tous les secteurs, est l’instrument légitime pour reconstruire la démocratie, l’ordre constitutionnel et l’Etat de droit.

L’organisation, la conscience et la mobilisation sont nécessaires pour renforcer le Front National de Résistance Populaire (FNRP) qui est la force sociale et politique de la Résistance contre le coup d’État. Nous avons la responsabilité de la reconstruction, le peuple doit reprendre les affaires en cours pour transformer le pays.

Manola Romalo: Monsieur le Président, dans le contexte politique du Honduras, le peuple réclame énergiquement votre retour. Quels sont vos projets ?
Manuel Zelaya: Le futur n'est pas très loin. Toutefois je fais des projets pour le présent: je veux réussir à vaincre les espaces d'impunité avec lesquels les putschistes prétendent couvrir les crimes contre la démocratie et contre l'humanité.

Mon retour devra être immédiat, il n´existe aucun prétexte ni justification qui expliquerait l'absence absolue de garanties pour mon retour. Il n’est pas possible que quelqu’un prétende voir les victimes soumises à la justice de leurs bourreaux.

Mon retour est lié à la reprise de l’Etat de droit au Honduras. Le propre président Porfirio Lobo affirme être menacé, ajoutant en même temps qu’il garantit ma sécurité.

Évidemment, ils utilisent les Honduriens comme des cobayes, les putschistes font de ce pays un laboratoire de violence. Ils recourent aux castes militaires pour réprimer le peuple et créer le chaos afin de maintenir le contrôle sur la société. Peu leur importent les conséquences du processus d'intégration régionale et la confrontation, doublement éprouvés, avec les organismes multilatéraux.

Les preuves sont sous nos yeux : ils ont créé un nouveau régime de terreur et de persécution. Et les Etats Unis ont beaucoup perdu de leur prestige en Amérique Latine.

Lettre de Nacer Boudiaf à son Père

Cher père ...Par Nacer Boudiaf

le 28 Juin, 2010


Il y a dix huit ans, le peuple algérien, qui a renoué avec l’espoir après ton retour, apprend par la Télévision Nationale ton assassinat, qualifié par la Justice algérienne « d’acte isolé ».

En principe, après dix huit ans, on devient majeur et à ce titre, on peut supposer qu’un tel « acte isolé » n’aurait été possible qu’à la suite de négligences graves des services de protection du Chef de l’Etat ou de leur complicité. Les négligences auraient provoqué des démissions et des sanctions ; les complicités auraient appelé la justice. Mais il n’en fut rien. Tout simplement « l’acte isolé » est resté isolé sans suite. Cependant, certains hommes qui étaient au Sommet des services de sécurité, ne sont plus de ce monde et doivent très certainement répondre maintenant, devant le Tout Puissant, de leurs responsabilités de l’acte dit isolé.

Je me souviens que tu tirais du Coran et précisément de l’histoire de Noé une moralité que tu étais le seul à en apprécier la profondeur. En effet, pendant le déluge, c’est-à-dire le danger, l’arche abritait le prophète et les animaux tous ensemble mais après le déluge, le prophète a repris son statut afin de mener à bien la mission dont Dieu l’a investi. Quant au plus vil des animaux, il a vaqué à ses basses besognes. En 1962, après le déluge qui avait duré 132 ans de colonialisme, tu voulais qu’on fasse la même chose, c’est-à-dire que les hommes dignes de responsabilité dirigent le pays et que les animaux rejoignent leur tanière.

On est alors venu te voir pour te proposer de diriger le pays. Tu étais encore à la prison d’Aulnoy. Une proposition que tu as rejetée au motif que tu étais contre toute action fractionnelle. A l’indépendance, on te refait la même proposition que tu rejettes sans hésitation, en leur demandant à quel titre, ils te faisaient cet honneur. Tu devines alors leur jeu et tu as choisi de t’exiler. Depuis lors, le pays est passé d’une crise à une autre jusqu’en 1992 où les plus puissants hommes du pays décident de te rappeler de ton exil, à 72 ans. A ton retour, le 16 janvier, quand tu as voulu que les meilleurs hommes et femmes deviennent les dirigeants de ce pays, tu t’es retrouvé victime de « l’acte isolé », exactement vingt un jour après avoir rappelé, à ceux qui voulaient bien l’entendre, que « l’ennemi d’hier est l’ennemi d’aujourd’hui ».

Aujourd’hui, l’école algérienne que tu as été le premier à qualifier de « sinistrée », elle l’est de plus en plus. L’année qui vient de se terminer a frôlé « l’année » blanche. L’école vit une situation que Platon décrit pour nous avertir car, disait-il, « lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant les élèves, et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie ».

Une tyrannie que tu n’as cessé de dénoncer comme tu l’as fait au lendemain du 19 juin 1965, quand, avec tes compagnons du Comité National de Défense de la Révolution, tu avais publiquement déclaré :
« Ni la démagogie, ni les basses manœuvres n’ont pu empêcher la déconfiture d’un régime maintenu coûte que coûte, au mépris de toutes les aspirations et de tous les espoirs du peuple algérien. L’élimination de Ben Bella démontre en outre la justesse de nos positions. Mais le changement intervenu à Alger ne peut nous satisfaire. C’est tout le système qui était condamné et qui doit disparaître… Il ne peut y avoir de demi solutions, il faut que l’Algérie ait à sa tête un véritable pouvoir… »

Au début des années 1980, l’Ambassadeur d’Algérie à Paris, t’avait proposé de rentrer au pays mais en t’abstenant de faire de la politique, en rajoutant : « Si Mohamed, ton traitement et tes indemnités t’attendent depuis l’indépendance à ce jour ». Ainsi, tu piques une crise de colère considérant qu’il s’agissait ici d’une tentative de corruption.

La corruption contre laquelle tu as lutté toute ta vie est devenue le principal élément de la vie en Algérie. Elle s’est installée et commence à se banaliser, comme s’est banalisé le crime. Le premier chef de la police a été assassiné tout simplement dans son bureau. L’impunité étant devenue le meilleur instrument de réguler la société, elle est alors généralisée, et l’inquiétude ne touche que les innocents. Les corrompus et corrupteurs se multiplient quotidiennement et font de la corruption un fait tout à fait banal.

***

Dans ton fameux « Où va l’Algérie », tu écris clairement que : « En dénonçant la corruption et les scandales, en exigeant du travail pour tous, en organisant des manifestations autour de mots d’ordre précis, le bouillonnement qui agite les masses algériennes, prendra forme, acquerra un sens politique et donnera naissance à un mouvement puissant que n’arrêteront ni les menaces ni la répression que semble préparer le système actuel. »

Malheureusement, le ridicule s’est installé et la majorité semble y prendre goût. D’une telle majorité, Goethe disait : « Rien n’est plus contraire que la majorité : car elle se compose d’un petit nombre de meneurs énergiques, de coquins qui s’accommodent, de faibles qui s’assimilent et de la masse qui suit cahin-caha, sans savoir le moins du monde ce qu’elle veut ».

Pour revenir à ton « acte isolé », il serait opportun de rappeler que Ben Boulaid, Ben M’Hidi et toi-même, vous avez été tous les trois assassinés, avec cependant la lourde différence que tu as été assassiné par « un cadet de la Révolution ». Tel a été ton sort et celui de ce pays où malheureusement c’est le cadet qui exécute le Père de la Révolution. Au profit de qui ? La question reste isolée.

Toujours, dans « Où va l’Algérie », comme à ton habitude, tu dissèques le système politique en avertissant les dirigeants de l’époque que : « A la veille de l’indépendance, l’Algérie était à la fois plus apte et moins préparée que d’autres pays aux taches d’une édification socialiste. Plus apte, parce que la guerre pour l’indépendance, avait remué toutes les couches du peuple, détruit l’influence du colonialisme, sur les consciences, habitué chacun à comprendre que son sort dépendait de sa propre action. Moins préparée parce que l’affreuse misère et l’inculture de la majorité de nos frères les empêchait de trouver facilement le moyen de traduire en termes politiques leur volonté révolutionnaire latente. Un encadrement politique leur était nécessaire et cet encadrement leur faisait défaut. L’Algérie est un pays sans tradition politique et jamais les organisations patriotiques, PPA – MTLD compris,
n’ont joué le rôle d’éducateur qui incombe à un Parti authentique.»

Aujourd’hui, l’Algérie est riche comme elle ne l’a jamais été de sa vie. Les Universités, les lycées, les autoroutes, les belles maisons, sont prolifiques mais il manque à notre vie quelque chose comme il manque un peu de sel pour donner un bon goût. On essaye alors de s’accrocher, par exemple, au football pour donner un peu de goût à notre vie mais malheureusement c’est le goût d’inachevé qui prend toujours le dessus.

*****

La régression a touché profondément l’homme en Algérie comme le parasite qui touche le fruit qui semble parfait de l’extérieur, mais une fois que tu l’ouvres tu constates alors que la pourriture le ronge inexorablement.

Le 29 juin, jour commémorant « l’acte isolé » ne retient pas l’attention du Ministre des Moudjahidin, ni celle de l’Organisation Nationale des Moudjahidin, ni celle des Chouhads. Ceux-là ont-ils oublié ce que tu as fait avant, pendant et après la Révolution. Cet oubli dont la première responsabilité incombe aux premiers responsables de la mémoire est tout simplement cruel et inacceptable. Inacceptable pour la raison simple que, d’une part, nous voulons tirer profit du football pour faire revivre le nationalisme et d’autre part on impose un silence cruel à la commémoration de l’assassinat de Boudiaf, un crime appelé « acte isolé ».

Ainsi, un nombre cruellement limité de fidèles vient au cimetière d’El Alia, se recueillir sur ta somptueuse tombe que tu aurais très certainement refusée comme tu as refusé systématiquement le faste qu’on essayait de te présenter quant tu étais à la tête du Haut Comité d’Etat.

De quoi ont-il peur de venir à El Alia. Ont-ils peur que tu te lèves encore une fois pour un nouveau 1er Novembre. Eux seuls peuvent y répondre.
Ce dernier passage de « Où va l’Algérie » pourrait-il expliquer, ne serait-ce qu’en partie, leur dérobade de commémorer le 29 juin, car tu proposes clairement : « Comme au 1er Novembre 1954, l’heure a sonné pour tour tous ces militants d’avant-garde de se remettre à la barre et de prendre la tête de la marche. Les relents de régionalisme, l’esprit de clan, les liens de sentiments doivent être balayés pour ne laisser place qu’aux idées claires, à l’organisation et à l’action. Le temps n’attend pas. »

Pour sa part, Ferhat Abbas, avec lequel tu as été écarté, dès l’indépendance, pour faire place nette à qui nous savons, notait dans son livre « L’indépendance confisquée » que : « Notre révolution a commis de graves erreurs. Elle continuera à en commettre, même après l’indépendance… Lorsque l’exécution des ordres reçus revient à des hommes plus ignorants encore, on trouve l’explication, dans certains cas, de cruautés inutiles. »

Nacer Boudiaf


merci à Malik pour son envoi

Connaître la vérité à temps

Fidel CASTRO

A mesure que j’écrivais chacune des mes Réflexions antérieures et qu’une catastrophe pour l’humanité s’approchait à toute allure, mon plus grand souci était ce que je considérais un devoir élémentaire : informer le peuple cubain.

Aujourd’hui, je suis plus apaisé que voici vingt-six jours. Comme des choses continuent de se produire sur le court terme, je peux reprendre et enrichir les informations que j’adresse à l’opinion publique nationale et internationale.

Obama s’est engagé à assister aux matchs des quarts de finale, le 2 juillet, si son pays passait les huitièmes. Il aurait dû savoir mieux que personne que ces quarts de finale ne pourraient pas se dérouler, car de très graves événements surviendraient avant. Vendredi dernier, 25 juin, une agence de presse internationale connue pour la minutie avec laquelle elle détaille les informations qu’elle élabore, a publié des déclarations du « commandant de la marine du corps d’élite des Gardiens de la révolution islamique, le général Ali Fadavi », qui avertissait : « Si les États-Unis et leurs alliés inspectent des bâtiments iraniens dans les eaux internationales, « ils recevront une réponse dans le golfe Persique et dans le détroit d’Ormuz. »

La nouvelle provient de l’agence de presse iranienne Mehr, qui informe : « La marine des Gardiens de la révolution compte des centaines de bateaux équipés de lance-missile ».

Cette dépêche, élaborée presque à la même heure que ce que publiait Granma, voire avant, semblait sur certains points une copie conforme des paragraphes des Réflexions que j’ai rédigées le jeudi 24 juin et que le journal a publiées le vendredi 25.

La coïncidence s’explique parce que nous partons tous deux d’un raisonnement logique, auquel je recours toujours. Je ne savais rien de ce qu’avait publié l’agence iranienne.

Je n’ai pas le moindre doute qu’à peine les bâtiments de guerre des USA et d’Israël auront occupé leurs postes – auprès des navires étasuniens patrouillant déjà aux abords des côtes iraniennes – et tenteront d’inspecter le premier cargo de ce pays, une pluie de projectiles s’abattra dans une direction et dans l’autre. Ce sera le moment exact où une terrible guerre débutera. Il est impossible de prévoir combien de navires couleront ni de quels pavillons ils seront.

Connaître la vérité à temps est le plus important pour notre peuple.

Peu importe que presque tous mes compatriotes – 99,9 p. 100 ou plus, pourrais-je dire – conservent par instinct naturel l’espoir que je me trompe et partagent mon souhait sincère dans ce sens. J’ai échangé avec des personnes des milieux les plus proches de moi et reçu aussi des nouvelles de nombreux citoyens nobles, dévoués et passionnés de leur devoir qui, à la lecture de mes Réflexions, n’en contestent absolument pas les analyses, assimilent, croient et acceptent mes raisonnements, mais qui, toutefois, consacrent aussitôt leur temps au travail auquel ils appliquent leurs énergies.

C’est justement ce que nous souhaitons de nos compatriotes. Le pire serait qu’ils apprennent soudainement le déclenchement de gravissimes événements, sans avoir écouté avant la moindre information au sujet de cette éventualité, et qu’ils soient la proie du désarroi et de la panique, ce qui serait indigne d’un peuple aussi héroïque que le peuple cubain qui a failli être la cible d’une attaque nucléaire massive en octobre 1962 et qui n’a pas hésité un moment à faire son devoir.

Au cours de nos héroïques missions internationalistes, les combattants et les chefs courageux de nos Forces armées révolutionnaires ont failli aussi être la cible d’attaques nucléaires quand ils s’approchaient de la frontière méridionale de l’Angola d’où les forces racistes sud-africaines avaient été délogées après la bataille de Cuito Cuanavale et se retranchaient à la frontière namibienne.

Le Pentagone, avec l’assentiment du président étasunien, avait fourni aux racistes sud-africains, par Israël interposé, environ quatorze armes nucléaires plus puissantes que celles qui sont tombées sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, comme je l’ai expliqué dans d’autres Réflexions.

Je ne suis ni prophète ni devin. Personne ne m’a rien dit de ce qui allait se passer : tout a été le fruit de ce que je qualifie de raisonnement logique.

Nous ne sommes pas des novices ni des intrus dans ce thème compliqué.

Après la crise nucléaire, on peut augurer de ce qu’il surviendra dans le reste de l’Amérique ibérophone.

Dans ces circonstances, on ne pourra pas parler de capitalisme ou de socialisme. S’ouvrira une étape de gestion des biens et services disponibles dans cette partie du continent. Ceux qui gouvernent aujourd’hui les pays continueront forcément de le faire, plusieurs très proches du socialisme et d’autres euphoriques devant l’ouverture d’un marché mondial qui s’ouvre aujourd’hui aux carburants, à l’uranium, au cuivre, au lithium, à l’aluminium, au fer et à d’autres métaux qu’on envoie aux pays développés et riches qui disparaîtra soudain.

Des aliments qui s’exportent aujourd’hui abondamment sur ce marché mondial disparaîtront aussi d’une manière abrupte.

Dans de telles circonstances, les produits les plus élémentaires nécessaires à la vie : les aliments, l’eau, les carburants et les ressources du sous-continent au sud des USA abondent pour maintenir un peu de cette civilisation qui, dans son avancée désordonnée, a conduit l’humanité à une pareille catastrophe.

Des graves incertitudes continuent toutefois de planer : les deux plus puissantes nations nucléaires, les États-Unis et la Russie, pourront-elles s’abstenir d’employer leurs armes atomiques l’une contre l’autre ?

Ce qui ne fait pas le moindre doute, c’est que les armes atomiques de la Grande-Bretagne et de la France, alliées des États-Unis et d’Israël – qui ont imposé, enthousiastes, la résolution qui déclenchera inévitablement la guerre, laquelle, pour les raisons que j’ai expliquées, deviendra aussitôt nucléaire – menacent le territoire russe, bien que la Russie et la Chine aient tenté d’éviter ce dénouement dans la mesure de leurs forces et de leurs possibilités.

L’économie de la superpuissance s’effondrera comme un château de cartes. La société étasunienne est la moins préparée à supporter une catastrophe comme celle que l’Empire a provoquée là où il a vu le jour.

Nous ignorons quels seront les effets des armes nucléaires sur l’environnement, lesquels se déclencheront inévitablement à plusieurs endroits de notre planète et, dans la variante la moins grave, seront nombreux.

Aventurer des hypothèses de ma part serait faire de la science-fiction.

Fidel Castro Ruz
Le 27 juin 2010

URL de cet article
http://www.legrandsoir.info/Connaitre-la-verite-a-temps.html

LIBAN




LIBAN
30 juin 2010

COMMUNIQUE DE NOTRE ARMEE



30 juin 2010 - 02H40, heure locale, l’aviation de reconnaissance sioniste a violé notre espace aérien à partir d’Alma Al Chaab et a balayé notre territoire du nord au sud, en survolant Tripoli, Jbeil (Byblos), Riyak, Baalbek, la Bekaa Ouest, pour quitter notre territoire, vers 14h50, heure locale, au-dessus du village Kfar Kala.


LIBAN
30 juin 2010

Déclaration du Président de la République Libanaise
Si on soumet à ma signature une proposition d’exécution d’individus accusés et condamnés à mort pour trahison par la Justice, je signerai…



Monsieur le Président de la République Française, lors de la récente visite à Paris de Netanyahu, vous lui aviez chuchoté à l’oreille, nous citons : « Avertissez-nous à la prochaine opération contre le Liban afin que nous puissions mettre à l’abri nos soldats engagés dans la Finul. »

Monsieur le Président de la République Française, savez-vous combien de fois nos espaces terrestre et aérien ont été violés, malgré votre résolution 1701 ?
Oh, excusez-nous, cela vous est totalement indifférent.

Mais alors dites-nous, sincèrement, qu’auriez-vous fait si une seule fois seulement le territoire français subissait le même sort ?


Peut-on critiquer Israël ? En quoi les sionistes sont-ils légitimés pour instrumentaliser l’antisémitisme ?

L’expulsion des Palestiniens de leur propre pays s’est faite, il y a 62 ans. Ce nettoyage ethnique (800000 personnes expulsées de leur propre pays) s’est réalisé avec la complicité de la communauté internationale. Après des siècles d’un antisémitisme européen jalonné de nombreux pogroms, et immédiatement après le génocide nazi qui a entraîné la mort de 6 millions de Juifs (la moitié des Juifs européens), l’Occident s’est « débarrassé » de sa responsabilité … sur le dos du peuple palestinien qui n’avait joué aucun rôle dans cette persécution.

Alors que la décolonisation (certes très imparfaite) a été la règle partout, la question palestinienne évolue à contre-courant. Plusieurs facteurs bloquent toute solution. Il y a la manipulation de l’histoire, des mémoires et des identités. L’Etat d’Israël et celles ou ceux qui soutiennent sa politique nient le crime fondateur, les droits du peuple autochtone, voire même l’existence de ce peuple. Pour eux la « légitimité » d’un Etat qui s’est proclamé « Etat Juif » et refuse toute citoyenneté aux autres habitants de la région est indiscutable et les Palestiniens sont des intrus. Ils en sont toujours aux mensonges initiaux : « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », « du désert, nous avons fait un jardin », « les Arabes sont partis d’eux-mêmes » et ils défendent contre toute vraisemblance historique l’idée qu’après 2000 ans d’exil, les Juifs sont retournés dans leur pays.

Le sionisme est devenu une idéologie totalitaire qui prétend parler au nom de tous les Juifs. Depuis des années, une technique s’est bien rodée. Quiconque critique Israël et sa politique, quiconque défend les droits du peuple palestinien, est forcément un antisémite s’il n’est pas juif et un traître ayant la haine de soi s’il est juif. Quiconque dit ce qui est à l’œuvre : nettoyage ethnique, colonialisme, apartheid, crimes de guerre … est forcément un négationniste nostalgique d’Hitler.

Traître ou complice ?

Refusant d’avoir le choix entre être complice ou être un traître, je me sens donc sommé de dire « d’où je parle ». Je suis né en 1950 dans le souvenir omniprésent du génocide nazi. Mère née Dvoira Vainberg, communiste résistante dans la MOI, seule rescapée d’une famille nombreuse disparue (sans qu’on sache même où et comment) en Bessarabie. Père Yakov Stambul, membre du groupe Manouchian (l’Affiche Rouge), en « triangle » avec Jozsef Boczor et Emeric Glasz fusillés au mont Valérien. Il a été déporté à Buchenwald. Sa mère avait été 40 ans plus tôt une survivante du pogrom de Kichinev. J’utilise volontairement mes origines pour contester tout droit des sionistes à parler au nom de tous les Juifs ou au nom de l’antisémitisme et du génocide.

En 1948, Menachem Begin (le responsable du massacre de Deir Yassin) projetait de visiter les Etats-Unis. Les plus grands intellectuels juifs américains de l’époque (Hannah Arendt, Albert Einstein …) avaient signé une pétition demandant au président Truman d’arrêter ou d’expulser ce terroriste. Encore à cette époque, le mot « juif » évoquait Einstein, Arendt, Freud, Rosa Luxembourg… et pas Liberman, Barak , Livni ou Nétanyahou.

Aujourd’hui, on assiste à un véritable acharnement consistant à effacer ce passé, à manipuler l’histoire, la mémoire et les identités juives. La caricature de ce hold-up, c’est un avocat sioniste français osant intenter un procès à Edgar Morin pour antisémitisme. Edgar Morin a été un grand résistant et il a écrit dans « Vidal et les siens », à partir de son histoire familiale, une étude de la trajectoire des Juifs venus de Salonique. Edgar Morin, comme de nombreuses personnalités françaises d’origine juive, trouve que la politique israélienne actuelle n’est pas seulement criminelle pour les Palestiniens et suicidaire pour les Israéliens, c’est aussi une caricature d’une histoire riche qui n’a rien à voir avec le militarisme colonial actuel.

Sionisme et antisémitisme

L’idéologie sioniste est une réponse, fausse à mes yeux, à l’antisémitisme. En 1880, environ 60% des Juifs du monde entier vivent dans un seul pays : l’empire russe et ils forment environ 10% de la population de la « zone de résidence » entre Baltique et Mer Noire. La société juive est en butte à un terrible antisémitisme d’état qui essaie de détourner la colère populaire contre les Juifs. Une partie de la population juive abandonne la religion. Les idées révolutionnaires influencent massivement les Juifs qui se sont prolétarisés et adhèrent en nombre à différents partis révolutionnaires dont le Bund. À contre-courant de ces idées, le sionisme considère que l’antisémitisme est inéluctable, que la lutte pour la citoyenneté ou l’égalité des droits n’a aucun sens et que la seule solution est la fuite et la colonisation de la Palestine. Dès le départ, le sionisme est une théorie de la séparation : juifs et non juifs ne peuvent pas vivre ensemble. Dès le départ, les sionistes n’ont qu’un seul but : construire le futur Etat juif et ils ne participeront que de façon très marginale aux luttes sociales, au combat pour l’émancipation ou à la résistance antifasciste. Dès le départ, le sionisme se sert de l’antisémitisme pour faire avancer son projet. Peu avant sa mort, Herzl rencontre un des pires ministres antisémites du Tsar (Plehve) pour lui expliquer que l’un et l’autre ont les mêmes intérêts : qu’un maximum de Juifs quittent la Russie. La persécution antisémite sera toujours décrite, notamment plus tard par Ben Gourion, comme une aide décisive pour convaincre les Juifs de partir en Palestine. Dès le départ, les sionistes qui prétendent réagir au pire des racismes se montrent totalement négationnistes vis-à-vis du peuple palestinien autochtone. Ils organisent sa dépossession bien avant le génocide nazi et envisagent très tôt l'expulsion qui sera réalisée en 1948.

Instrumentalisation du génocide

À la sortie du musée Yad Vashem de Jérusalem consacré au génocide, un monument symbolise l’issue « rédemptrice » selon les sionistes : la création de l’Etat d’Israël. Certes, le projet de création d’un Etat juif n’aurait pas abouti et même serait resté très minoritaire parmi les Juifs sans le génocide. Les Juifs qui avaient été considérés comme des parias en Europe, sont soudainement devenus dès 1945 de bons européens établissant une tête de pont au Proche-Orient et il y a eu un consensus international pour soutenir la création de l’Etat d’Israël et le nettoyage ethnique qui l’a accompagnée.

Et pourtant, le sionisme a-t-il joué un rôle notable face au nazisme et au fascisme ? En fait, aucun mouvement politique et aucun Etat n’a voulu ou su faire face à cette « résistible ascension » du fascisme. Les Occidentaux ont refusé l’intervention en Espagne, ont signé les accords de Munich et plus tard pendant la guerre, n’ont rien fait pour empêcher l’extermination des Juifs. Les Soviétiques ont signé le pacte germano-soviétique. Ne parlons pas du Parlement français qui a voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.

Mais les sionistes n’ont pas fait mieux et les faits qui suivent sont facilement vérifiables.

L’idéologue du courant révisionniste du sionisme, Vladimir Jabotinsky était un admirateur du fascisme italien et les méthodes qu’il a préconisées dès 1930 (le « transfert » des Palestiniens au-delà du Jourdain) s’inspirent du fascisme. Quand en 1933, les Juifs américains organisent un boycott contre l’Allemagne Nazi, Ben Gourion le brise aussitôt. L’organisation sioniste mondiale aura un bureau en Allemagne nazi jusqu’en 1941 et les Nazis favoriseront l’émigration des Juifs allemands ou autrichiens expulsés vers la Palestine (avec transfert de fonds) alors que la grande majorité d’entre eux préféraient partir en Occident. Pire, celui qui sera Premier ministre sous le nom d’Itzhak Shamir a dirigé avec Stern un groupe terroriste qui assassinera de nombreux soldats britanniques entre 1940 et 1943, ce qui en dit long sur l’intérêt que ce groupe portait au génocide en cours.

Il y a eu une résistance spécifiquement juive pendant la guerre, essentiellement communiste et bundiste (dans la MOI avec d'autres, en Pologne avec l’insurrection du ghetto de Varsovie). Les sionistes n’y ont joué qu’un rôle marginal.

Israël s’est souvent présenté comme le havre de paix pour les Juifs après la guerre. Il n’y a qu’à écouter le discours de Sharon lors du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz, expliquant que l’extermination n’aurait pas eu lieu si Israël avait existé et accessoirement qu’Auschwitz justifiait ce qu’Israël inflige aux Palestiniens.

Il y a pourtant à dire sur l’arrivée des rescapés du génocide. À la fin de la guerre, des centaines de milliers d’entre eux sont dans des camps de réfugiés, essentiellement en Allemagne. Le Yiddishland a disparu. Ils attendent des visas pour l’Occident que la plupart n’obtiendront pas. En 1951, le dernier camp se révolte en Bavière et les derniers réfugiés sont expulsés … en Israël.

Ces rescapés seront très mal accueillis en Israël. On opposera la prétendue résignation des victimes face à l’extermination, à l’Israélien nouveau fier de lui qui se bat et défriche son pays. Il reste aujourd’hui un peu plus de 200000 rescapés en Israël. La moitié d’entre eux touchent des pensions misérables et vivent sous le seuil de pauvreté, en particulier ceux qui sont venus des pays de l’Est. Régulièrement, des rabbins et non des moindres, insultent la mémoire des victimes en affirmant qu’ils ont pêché et que Dieu les a punis. Entre deux injures racistes contre les Palestiniens, le grand rabbin Ovadia Yossef, idéologue du parti Shass (Salah Hamouri est accusé sans preuve d’avoir voulu attenter à sa vie) s’est plusieurs fois livré à des diatribes contre les victimes du génocide.

La question du racisme en Israël

Pourquoi les institutions communautaires juives, si promptes à voir partout l’antisémitisme sont-elles aussi silencieuses face au racisme et aux discriminations en Israël ?

Il existe un racisme institutionnel contre les Palestiniens. Ceux qui ont la nationalité israélienne dans un Etat qui se dit « juif et démocratique » vivent les discriminations au travail (un grand nombre de métiers leur étant interdits), au logement, à la possession de la terre dans un pays où « légalement », 98% des terres sont réservées aux Juifs. Plus de 60 ans après la création de l’Etat d’Israël, plus de 100000 Bédouins du Néguev vivent dans des bidonvilles en plein désert. Leurs villages non reconnus sont détruits. Ils n’ont pas le droit de construire en dur, ils n’ont ni route, ni eau, ni électricité, ni école. On détruit leurs maisons dès qu’ils construisent en dur.

De très nombreux dirigeants israéliens profèrent régulièrement des injures racistes qui sont parfois des appels au meurtre contre les « Arabes » en toute impunité. Dans le cadre du « choc des civilisations » et de la « guerre du bien contre le mal », les médias israéliens considèrent le Hezbollah ou le Hamas comme des êtres démoniaques. D’où l’indifférence de l’opinion israélienne face aux crimes de guerre commis au Liban (2006) ou à Gaza (décembre-janvier 2008-9).

Que dire des Juifs séfarades ou Mizrahis venus des pays musulmans ? Avant l’avènement du sionisme, ils n’avaient jamais connu quelque chose d’équivalent à l’antisémitisme européen. Au contraire, quand les Juifs ont été expulsés d’Espagne, ils ont été accueillis au Maghreb et dans l’Empire Ottoman. C’est à la fois la construction d’un Etat juif expulsant les Palestiniens et le colonialisme européen qui vont déstabiliser ces communautés. Bien sûr, les régimes arabes ou le colonialisme français ont une responsabilité évidente dans le départ de communautés vieilles parfois de 2000 ans. Mais la propagande sioniste a joué un rôle essentiel. Il s’agissait de donner au nouvel Etat israélien le prolétariat qui lui faisait défaut après l’expulsion des Palestiniens. Quand les Juifs hésitaient à partir, tout a été fait pour les convaincre et par exemple les attentats de Bagdad de 1950-51 qui ont décidé la plus vieille communauté juive (celle d’Irak) à émigrer, ont été réalisés par des sionistes.

On a raconté une histoire assez fantastique aux Juifs venus des pays musulmans : « vous viviez dans des pays de sauvages au milieu des Arabes et les Ashkénazes (les juifs européens) vous ont sauvés en vous offrant un pays ». Ils se retrouvent aujourd’hui coupés de leur histoire, de leur culture, de leurs langues, de leurs racines. Les Juifs algériens qui étaient des autochtones ont dû quitter leur pays avec les colons à cause du décret Crémieux qui les a coupés de la population musulmane en les faisant passer du côté des colons.

Les Juifs du monde arabe ont souffert dès leur arrivée en Israël d’un racisme violent. On les a envoyés dans les régions périphériques ou désertiques. Ils ont occupé les emplois les plus dévalorisants, et leur niveau de vie en Israël est très nettement inférieur à celui des Juifs européens. Dans les années 50, des rayons X ont été expérimentés sur des enfants de Juifs marocains, on estime que le nombre de victimes tourne autour de 6000 morts. Il y a eu des révoltes dont celles des Panthères Noires. Les Juifs du monde arabe ont été éduqués à adopter une histoire, celle de l’antisémitisme européen, qui n’est pas la leur. Leur traumatisme, être coupé des Arabes avec lesquels ils avaient toujours vécu et être définitivement éloignés de leurs terres ancestrales, a été totalement nié et refoulé. Sans passé, ni présent, ni avenir, ils ont été une proie facile pour les partis de droite.

Enfin il est difficile d’évoquer le racisme en Israël sans parler des Falachas. La fameuse opération visant à les sauver tourne à la farce sinistre. Il y a aujourd’hui près de 100000 Ethiopiens en Israël dont beaucoup n’ont rien à voir avec le judaïsme. Ils subissent un racisme violent, et pas seulement de la part des autorités religieuses.

La société israélienne est à l’unisson de l’occident sur les questions du tiers-monde et des migrations. Plusieurs milliers de Sans Papiers venus d’Afrique de l’Est sont enfermés dans des centres de rétention. Leurs enfants ne sont pas scolarisés et le gouvernement construit une barrière entre Gaza et la Mer Rouge pour les empêcher d’entrer. Il y a en Israël des centaines de milliers de travailleurs immigrés notamment venus de l’Est de l’Asie et ils subissent les mêmes discriminations que les immigrés vivant en Europe.

Devoir de mémoire ou devoir de soutien inconditionnel ?

Il aura fallu du temps pour que le nouvel Etat israélien réalise tout le profit qu’il y avait à créer une religion du souvenir. La mémoire ne peut pas être un devoir. La mémoire n’est pas un rite. Elle a un sens évident, comprendre ce qui a produit les horreurs et faire en sorte qu’il n’y ait « plus jamais cela ». Ce sens a été perverti.

Avec la création du musée Yad Vashem et le procès Eichmann, l’Etat israélien s’est autoproclamé seul dépositaire de la mémoire du génocide. C’est lui qui nomme les « Justes », celles et ceux qui ont sauvé des Juifs. Tous les ans, chaque Israélien doit s’arrêter au garde-à-vous pour célébrer la Shoah et le voyage à Auschwitz pendant les années d’études est obligatoire.

Et pourtant ! Dès les années 50, pour pouvoir retrouver sa place dans le concert des nations, l’Allemagne fédérale a décidé d’indemniser les victimes juives du nazisme (pas les autres, pourquoi ?). L’Etat d’Israël a reçu des milliards de marks qui ont joué un rôle décisif dans son développement économique. Or le chancelier Adenauer a un passé douteux sur la question juive et plusieurs de ses conseillers qui ont mis en place l’aide à Israël sont des anciens nazis. Les Israéliens ont fermé les yeux.

Aujourd’hui c’est pire. Un président polonais se fait élire avec le soutien décisif d’une radio antisémite (Radio Marya) et il est décrit par tout le monde comme un ami d’Israël. Dans les pays baltes ou en Croatie, des partis héritiers des collaborateurs qui ont joué un rôle majeur dans l’extermination des Juifs, se retrouvent au pouvoir. Peu importe, ce sont des amis d’Israël ! En France, des anciens du groupe fasciste Occident se retrouvent dans les Amitiés France-Israël.

Aux Etats-Unis, les « Chrétiens sionistes » sont très puissants. Ces intégristes affirment que les « Arabes, c’est Armageddon, c’est le mal », que les Juifs doivent les expulser de la terre sainte, mais que bien sûr après, ils devront se convertir au christianisme ou disparaître. Ce sont des antisémites, héritiers de l’antijudaïsme chrétien traditionnel. Les Chrétiens sionistes ont donné une aide financière décisive pour coloniser la Cisjordanie et en particulier pour construire Maale Adoumim qui coupe la Cisjordanie en deux et qui rend non-viable dans ces conditions tout hypothétique Etat Palestinien. Bref, il faut le dire, la colonisation est financée par d’authentiques antisémites.

Mais en Israël et chez ceux qui défendent inconditionnellement les gouvernements israéliens, le curseur s’est déplacé. Tous les dirigeants politiques ont proclamé « qu’Arafat est un nouvel Hitler », que les Palestiniens sont les héritiers du nazisme (alors que, comme le montre Gilbert Achkar dans son livre « les Arabes et la Shoah », les sympathies arabes pour le nazisme ont été rares, à l’exception du mufti Amin al-Husseini). Le complexe de Massada fonctionne à fond qui persuade les Israéliens que les victimes, ce sont eux, et pas le peuple occupé. On ne traque plus les antisémites, on traque ceux qui critiquent Israël et qui sont « forcément » quelque part des antisémites. On a passé sous silence en Israël le fait qu’en 2002, les plus grands intellectuels palestiniens (Elias Sanbar mais aussi Edward Saïd et Mahmoud Darwish aujourd’hui décédés) ont empêché la tenue d’un colloque négationniste de Garaudy à Beyrouth.

L’antisémitisme aujourd’hui.

Il n’y a pas eu dans l’histoire un seul antisémitisme. Il y a d’abord eu pendant des siècles en Europe l’antijudaïsme chrétien. Les deux religions ont été en concurrence au début de l’ère chrétienne et le christianisme est issu du judaïsme. Quand le christianisme devient religion d’Etat, les persécutions antijuives commencent. Ce sont les interdits, notamment la possession de la terre, l’enfermement dans les juderias ou les ghettos, les stéréotypes racistes, l’accusation de déicide, les expulsions et les massacres de masse. Quand l’émancipation des Juifs européens commence au XVIIIe siècle, cet antijudaïsme chrétien va se transformer en antisémitisme racial. Tous les nationalismes européens ont en commun l’équation simpliste « 1 peuple = 1 Etat » (idée reprise par les sionistes) et il y a un consensus antisémite considérant que les Juifs sont « apatrides et cosmopolites » et constituent un obstacle à la construction d’Etats ethniquement purs. Cet antisémitisme racial a produit les horreurs du nazisme.

Après 1945, c’est principalement l’extrême droite qui propage l’antisémitisme avec le renfort d’un petit courant venu de l’ultra-gauche (Rassinier) qui nie l’existence de l’extermination. Les principaux courants politiques n’affichent plus l’antisémitisme d’avant-guerre, mais il ne faut pas se méprendre. Il ne s’agit pas d’un sentiment de culpabilité, mais d’une joie que les Juifs aient un Etat et donc éventuellement qu’ils puissent partir. Déjà en 1917, Balfour, le créateur du « Foyer National Juif » était un antisémite. Son projet politique visait à la fois à créer une tête de pont européenne au Proche-Orient et à se débarrasser des Juifs européens.

Il y a aujourd’hui un risque que se développe une troisième phase de l’antisémitisme. Edgar Morin a utilisé le terme d’antiisraélisme. À partir du moment où les partisans de l’Etat d’Israël mélangent sciemment juif, sioniste et israélien, il est logique que les mêmes confusions aient lieu dans les rangs de celles ou ceux qui défendent les droits des Palestiniens. Il est tout à fait illusoire, face à ce phénomène, d’hurler à l’antisémitisme aux côtés de ceux qui nient les crimes commis par l’armée israélienne. La meilleure parade à cette possible montée d’un nouvel antisémitisme, c’est de faire ce que font les anticolonialistes israéliens ou ce que fait l’Union Juive Française pour la Paix : montrer en tant que juifs que nous sommes solidaires des Palestiniens, parce que cette guerre n’est ni une guerre raciale, ni un conflit communautaire, ni une guerre religieuse. Elle porte sur des questions universelles : l’égalité des droits et le refus du colonialisme. Et nous sommes solidaires aussi au nom de notre identité et de notre histoire.

En même temps, il existe et il a toujours existé en petit nombre d’authentiques antisémites qui se dissimulent derrière le combat pour la Palestine. Je citerai les groupies d’Israël Shamir, un curieux Israélien d’origine soviétique, le parti dit « antisioniste » dont le fondateur (Dieudonné) est devenu un familier de Le Pen ou le « parti des musulmans de France ». Ces groupes sont totalement infréquentables et faire un bout de chemin avec eux discrédite un combat mené au nom des droits fondamentaux.

L’antisémitisme est-il un racisme « à part », « hors norme » ? Il l’a été car en général les communautés discriminées ne sont pas victimes d’un génocide systématique. Mais l’antisémitisme actuel n’est en rien comparable à ce qu’a été l’antisémitisme des années 30 ou 40 et par exemple en France, le racisme frappe beaucoup plus massivement les Noirs, les Roms et les Arabes.

La confusion organisée

Quand l’ONU a publié le rapport Goldstone confirmant que les troupes israéliennes avaient commis des crimes de guerre à Gaza, des défenseurs d’Israël ont affirmé qu’il s’agissait d’un rapport antisémite. Richard Goldstone est pourtant un Juif sud-africain réputé proche du sionisme.

Quand « l’association pour le bien-être du soldat israélien » (ABSI) n’a pas trouvé de salle pour faire sa réunion à Lyon, celle-ci s’est faite dans une synagogue. Mais si bien sûr, une synagogue est caillassée, il s’agira d’un acte antisémite.

Quand des militants se lancent activement dans la campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanctions contre Israël) initiée par la société civile palestinienne, ils sont accusés d’antisémitisme et menacés directement par la ministre de la Justice.

Quand un conseiller régional interpelle M. Frèche, président de la région Languedoc-Roussillon, sur le soutien qu’il apporte à la construction du terminal Agrexco, compagnie qui exporte les produits des colonies de Cisjordanie, il est traité d’antisémite.

Quand la plupart des élus français vont au dîner du CRIF et acceptent benoîtement des propos considérant que toute critique d’Israël est antisémite, on marche sur la tête.

Ça suffit ! J’apporte publiquement mon appui et celui de l’Ujfp à Madame Biermann, citoyenne luxembourgeoise engagée, victime d’une accusation infamante d’antisémitisme lancée contre elle par le consistoire israélite. Oui, il existe un lobby qui use et abuse de l’antisémitisme pour interdire toute critique d’une politique criminelle. Oui, face à Etat qui se dit Juif, qui a installé des colonies « juives », qui prétend parler au nom de tous les Juifs et face à des institutions communautaires ou religieuses qui sont devenues les auxiliaires de cette politique, il est logique et normal d’interpeller les Juifs. Le crime se fait en leur nom, et c’est une des raisons de l’existence de l’Ujfp. Qu’ils cessent de soutenir une politique criminelle et suicidaire et qu’ils se souviennent de ce qu’a produit le soutien d’un grand nombre de pieds-noirs à l’OAS pendant la guerre d’Algérie.

À tous et à toutes ! Ne vous laissez pas intimider ! Ne confondez jamais juif, sioniste et israélien ! Et rappelez-vous que ceux qui défendent jour après jour et quoi qu’il arrive la politique israélienne n’ont aucun droit à vous traiter d’antisémite. Défendre les droits du peuple palestinien comme ceux de tout peuple est un devoir universel, quelles que soient nos origines.

Pierre Stambul


http://jacques.tourtaux.over-blog.com.over-blog.com/article-28-juin-2010-intervention-de-pierre-stambul-a-luxembourg-peut-on-critiquer-israel-en-quoi-les-sionistes-sont-ils-legitimes-pour-instrumentaliser-l-antisemitisme-53174295.html

28 juin 2010

Approvisionnement en armes

L’industrie d’armement est ambivalente. Elle est à la fois une nécessité pour garantir l’indépendance d’une nation, mais elle produit aussi les moyens de violer l’indépendance d’autres nations.
Premiers producteurs d’armes au monde, les États-Unis non seulement en sont les premiers consommateurs, mais aussi les premiers exportateurs (34 % de parts du marché mondial). Ils sont suivis par la Russie (25 %), l’Allemagne (10 %), la France (8 %) et le Royaume-Uni (4 %). Côté importateurs, la Chine vient en tête (11 % des achats sur le marché mondial), suivie par l’Inde (7 %), les Émirats arabes unis (6 %), la Corée du Sud (6 %) et la Grèce (4 %) [Chiffres SIPRI, 2009].
La majeure partie des transactions sont légales, toutefois l’imposition d’embargos unilatéraux ou par le Conseil de sécurité de l’ONU a créé un marché parallèle. Contrairement aux discours officiels, il est impossible de vendre et d’acheminer des armes à l’insu du gouvernement du pays où elles sont produites. Le « trafic » n’est donc qu’une violation non-revendiquée par les États des embargos qu’ils prétendent appliquer.
Dépendant exclusivement de commandes publiques, l’industrie d’armement s’est confondue avec une partie du pouvoir exécutif aux États-Unis donnant naissance à ce que le général-président Eisenhower a appelé un « complexe militaro-industriel ». Dans une moindre mesure, le même phénomène a été observé chez les autres grands États producteurs.
Ce marché est évalué à 1 200 milliards de dollars annuels, soit environ la moitié du marché de l’énergie, mais dix fois plus que l’aide au développement. Le volume de cette production masque d’importantes disparités qualitatives. Ainsi, dans de nombreux domaines, l’industrie d’armement US est largement dépassée par la sophistication technologique de ses concurrents.

réseau Voltaire

Bruits de bottes à la frontière nord de l’Iran

Article placé le 28 juin 2010, par Agata Kovacs (Genève)

Depuis la traversée du Canal de Suez par une armada de navires de guerre, il semble indéniable que l’on assiste à un renforcement des dispositifs militaires américains et israéliens autour de l’Iran, ce qui pourrait indiquer la préparation d’une opération contre les infrastructures nucléaires du régime de Téhéran.

pasdaran

Selon l’agence officielle iranienne Fars, des hélicoptères israéliens auraient, les 18 et 19 juin dernier, « déchargé des équipements destinés à attaquer un Etat musulman l’aéroport de Tabuk en Arabie Saoudite », ce qui confirme l’information du Sunday Times que nous avons mentionné dans notre article du 20 juin dernier, qui rapportait que l’Arabie Saoudite aurait accepté d’ouvrir son espace aérien aux appareils israéliens en vue d’une frappe possible contre l’Iran.

Autre fait intéressant, le brigadier-général Medhi Moini, chef du corps des Pasdaran (Corps des Gardiens de la révolution islamique) dans la province iranienne d’Azerbaïdjan, a fait officiellement savoir, le 22 juin dernier, qu’il mobilisait ses troupes dans la région « en raison de la présence de forces américaines et israéliennes le long des frontières occidentales de l’Iran ».

De longs convois de chars, de matériel d’artillerie, de batteries de DCA et d’unités d’infanterie ont été aperçus sur les routes qui mènent vers la frontière de l’Iran avec l’Azerbaïdjan. Ces forces militaires auraient même été déclarées « en état de guerre »

nordiran

Le brigadier-général Medhi Moin a également ajouté « que certains pays européens compliquaient la situation en fomentant des troubles ethniques dans ces régions de la frontière nord de l’Iran afin de déstabiliser toute la région ».

D’autres sources de renseignement indiquent qu’Israël a récemment envoyé un grand nombre de chasseurs-bombardiers vers des bases en Azerbaïdjan, via la Géorgie, pour épauler des forces américaines déjà stationnées dans ce pays d’Asie centrale.

Pour le moment, les autorités azéries n’ont pas réagi à ces informations en provenance d’Iran, ni à la concentration de forces israéliennes sur son territoire.

L’État hébreu entretient une collaboration économique et militaire étroite avec la Géorgie, alliée stratégique et économique de l’Arménie, et une entente cordiale avec l’Azerbaïdjan, bien que ces deux États se trouvent en situation quasi conflictuelle permanente.

Ces informations, qui doivent encore confirmées, peuvent laisser penser que l’Azerbaïdjan remplacerait la Turquie voisine, qui a fermé son espace aérien aux avions militaires israéliens depuis le 31 mai dernier, comme l’une des bases de lancement d’une offensive militaire contre l’Iran.

Agata Kovacs, pour Mecanopolis

Pirates, corsaires et flibustiers du XXIe siècle


par Thierry Meyssan*

La piraterie au large de la Somalie fait courir un risque majeur aux navires reliant la Méditerranée à l’océan Indien. Officiellement le phénomène échappe à tout contrôle et les grandes puissances ont été contraintes de dépêcher leur marine de guerre dans la zone pour escorter leurs bateaux marchands. Pourtant, dans certains ports somaliens, on peut voir des navires capturés, amarrés sagement en ligne dans l’attente de leur rançon, sans que les pirates craignent les bâtiments de guerre croisant au large. A l’issue d’une longue enquête, Thierry Meyssan dévoile les commanditaires de ce nouveau business.

La piraterie maritime se concentre aujourd’hui dans trois régions du monde : le détroit de Malacca, le golfe de Guinée et la corne de l’Afrique. Cependant, il s’agit de situations très différentes.

30 % du trafic maritime mondial passe par le détroit de Malacca où les populations pauvres d’Indonésie et de Malaisie sont confrontées à l’arrogante opulence de la ville-Etat de Singapour. Les pirates sont des voyous organisés en bandes, se déplaçant vite et ne possédant que des armes blanches. Ils se contentent le plus souvent de monter à bord pour dévaliser les équipages. Depuis 2006, les trois Etats riverains, à l’amicale demande du Japon tout autant que par crainte de voir débarquer l’armada états-unienne, se sont coordonnés pour une surveillance aérienne et maritime qui a porté ses fruits (opération Yeux dans le ciel). Désormais, la situation semble stabilisée.

Le Golfe de Guinée n’est pas une zone de transit commercial, mais d’exploitation de pétrole et de gaz. Les plates-formes en mer et les bateaux ravitailleurs sont devenus des cibles de gangs et des insurgés du Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger. Il s’agit de groupes extrêmement violents, appuyant leurs exigences de prises d’otages souvent meurtrières. Ils sont parfois soutenus par les Ijaw, dont les terres ont été saccagées par des compagnies pétrolières et dont la révolte en 1999 a été écrasée dans la sang par les troupes de Chevron-Texaco. Plus souvent ces gangs sont craints par la population qu’ils terrorisent également. Ils conduisent des attaques indifférenciées en mer et sur terre, contre les étrangers et les natifs. Le Nigeria ne parvient pas à endiguer cette criminalité qui déborde sur le Cameroun et la Guinées Equatoriale. Devant le danger croissant, certaines multinationale comme Shell ont décidé de quitter la zone. La production nigériane d’hydrocarbures a baissé d’un quart, avec les conséquences que l’on imagine sur les finances de l’Etat.

Seule la situation dans la corne de l’Afrique est devenue une question stratégique mondiale. D’abord parce que le détroit de Bab el-Mandeb (« La porte des lamentations »), entre le Yémen et Djibouti, est une étape obligée entre la Méditerranée, le canal de Suez, la mer Rouge au Nord, et l’océan Indien au Sud. 3,5 millions de barils de pétrole y transitent chaque jour. Ensuite parce que la zone de piratage s’est progressivement étendue au golfe d’Aden et à la côte somalienne, de sorte qu’il ne s’agit plus simplement d’un goulot d’étranglement dans lequel les Etats riverains devraient rétablir une police maritime, mais d’une zone très vaste, principalement en haute mer, dans les eaux internationales. Ce qui était au départ —et reste dans de nombreux cas— une activité opportuniste de pécheurs affamés, a donné naissance à un business très lucratif. Des navires ont été capturés avec leurs équipages, tandis que des intermédiaires ont réclamé de lourdes rançons aux armateurs. Ce grand banditisme s’est développé en fonction des rebondissements politico-militaires en Somalie et a servi de justification au déploiement d’une armada occidentale à prétention néo-coloniale.

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Dans « Black Hawk Down » (La Chute du faucon noir), Ridley Scott met en scène la défaite des Etats-Unis face à un chef de guerre somalien lors de l’opération « Restore Hope ».

Le chaos somalien

Le lecteur se souvient de la très longue guerre civile qui a ravagé la corne de l’Afrique depuis 1974. En définitive, si l’Ethiopie et l’Erythrée se sont stabilisés, la Somalie est toujours en proie au désordre. Le pays est divisé entre clans. L’ancienne colonie britannique du Somaliland et le Pount forment deux quasi-Etats, aux frontières fluctuantes, qui se font occasionnellement la guerre, bien qu’ils soient tous deux appuyés par l’Ethiopie [1]. Leur formation a été encouragée par les Nations Unies qui pensaient ainsi reconstruire la Somalie en procédant par morceaux. L’AMISOM, la force de paix déployée par l’Union africaine grâce à des contingents ougandais et burundais, défend le gouvernement provisoire, seule autorité reconnue par la communauté internationale. Mais le président Sharif Ahmed est tout juste parvenu à se faire obéir dans quelques quartiers de Mogadiscio. On se bat toujours dans la capitale. Les miliciens d’Ahlu Sunna wal Jama’a protègent les confréries soufies [2], tandis que ceux d’Al-Shabaab (bras armé des « Tribunaux islamiques ») veulent imposer une interprétation rigoriste de la charia [3]. Des centaines, —peut-être des milliers— de groupuscules armés se créent, s’allient et se défont au gré des événements. L’ONU a édicté un embargo sur les armes, que personne ne respecte, et tente de venir en aide aux populations, malgré les fréquents détournements de l’aide alimentaire mondiale.

Dans ce contexte infernal, la piraterie est réapparue en 2000. A l’époque, les tensions régionales contraignaient les Ethiopiens à concentrer leur commerce maritime à Djibouti. Leurs navires furent les premières proies. Les attaques n’avaient lieu qu’au détroit de Bab el-Mandeb. Mais les attaquants –qui se considéraient comme des belligérants et non comme des pirates— en furent éloignés par les forces états-uniennes, israéliennes et françaises stationnées à Djibouti.
Pour faire face à la détérioration de la situation au Pount, d’autres pirates attaquèrent les bateaux croisant au large de leurs côtes pour se ravitailler. Le phénomène fut considérablement réduit en 2005-06. D’une part parce que le tsunami du 26 décembre 2004 ravagea les côtes et détruisit les ports dans l’indifférence de la communauté internationale qui n’avait d’yeux que pour les plages touristiques de Thaïlande. Et d’autre part, parce que les Tribunaux islamique, brièvement au pouvoir à Mogadiscio, déclarèrent la piraterie illégale au regard de la charia.
Ce n’est qu’à partir de 2007 que les choses prirent une tournure particulièrement grave. En soutenant une coalition hétéroclite de chefs de guerre contre les Tribunaux islamiques, la CIA et l’Ethiopie réactivèrent les conflits claniques qui commençaient à s’apaiser. A la faveur du désordre dans lequel le pays s’enfonçait à nouveau, deux milieux, bientôt structurés en organisations criminelles, se spécialisèrent dans la piraterie. La première sévit dans le golfe d’Aden et la seconde, dans les eaux internationales, très au large de Mogadiscio [4].

Il est clair que ces deux groupes n’ont rien à voir avec les pirates précédents. Alors qu’au début des années 2000 et dans certains cas encore, les abordages étaient soit l’extension en mer d’un conflit à terre, soit des razzias effectuées par des pêcheurs affamés, il s’agit cette fois de crime organisé avec des ramifications internationales.

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Pour la première fois à l’époque moderne, la marine chinoise se déploie au large de l’Afrique.

Sur-déploiement militaire

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis mobilisèrent leurs alliés, indépendamment de l’OTAN, pour s’emparer de l’Afghanistan. L’opération Justice infinie, renommée Liberté durable, comprenait —outre l’occupation de l’Afghanistan— un volet aux Philippines, un second au large de la Corne de l’Afrique et un troisième au Sahara.
Pour ce qui est de la région qui nous intéresse, la Force jointe d’intervention (Combined Task Force) 150 a rassemblé alternativement une quinzaine de contingents étrangers appuyant la Ve flotte US. Sous prétexte de lutte contre le terrorisme, l’objectif était de sécuriser la route du pétrole : golfe persique/détroit d’Ormuz/golfe d’Aden/ détroit de Bal el-Mandeb/mer Rouge/Canal de Suez.
Evoluant dans les mêmes eaux, la Force 150 se confronta occasionnellement à des pirates, mais il n’allait pas de sa mission de les combattre.

En 2007, la France fournit une escorte aux navires du Programme alimentaire mondial et à ceux de l’AMISOM. Comme de bien entendu, Paris communiqua sur la protection des cargaisons humanitaires et passa sous silence celle des chargements militaires de l’Union africaine.
En 2008, cette mission a été prolongée par l’Union européenne dans ce qui constitue sa première action navale : l’opération Atalanta. Cette fois, les instructions ont été étendues à la défense des intérêts européens —au sens large— face aux pirates [5].

Très inquiet de voir les Européens s’organiser militairement, le Pentagone reprit les choses en main en proposant une action de l’OTAN, laquelle a vocation à absorber la défense européenne. C’est l’opération Allied Provider, renommée Allied Protector. Dans des documents internes, les analystes de l’Alliance notent que la lutte contre la piraterie n’est absolument pas une nécessité militaire, mais que c’est une excellente occasion pour donner une image positive de l’OTAN à l’opinion publique [6].

Cette affluence de forces états-uniennes, européennes et atlantiques a poussé la Russie (septembre 2008), l’Inde (octobre 2008), la Chine (octobre 2009) et le Japon (janvier 2009) à dépêcher leurs propres bâtiments de guerre dans la région. Cette concentration comporte de graves risques. Aussi un Groupe de contact sur la piraterie au large des côtes de Somalie (CGPCS) a été mis en place à New York sous les auspices des Nations Unies. Il vise à clarifier les règles juridiques de la lutte contre la piraterie. En outre, des réunions dites de « Prise de conscience partagée et de prévention des conflits » (SHADE) ont été organisées à Bahrein, à l’initiative du Pentagone, entre les officiers de liaison des diverses marines concernées afin d’éviter que la méconnaissance des intentions mutuelles ne suscite d’accrochages.

Au passage, le lecteur notera que la présence de la marine militaire chinoise si loin de ses ports d’attache est une nouveauté. Elle a été encouragée par Washington qui croyait, au début de la crise financière mondiale, pouvoir créer un G2 et se partager le monde avec Pékin. Mais elle pourrait à terme jouer un rôle dans la rivalité sino-américaine en Afrique [7].

Quoi qu’il en soit, et malgré une tentative chinoise lors du piratage du De Xin Hai (octobre 2009), Pékin et Moscou ne souhaitent pas intégrer leurs flottes dans une éventuelle force multinationale de lutte contre la piraterie. C’est que, historiquement, le Royaume-Uni et les Etats-Unis poursuivent un projet d’Empire maritime universel, dont ils ont posé les jalons en signant la Charte de l’Atlantique (1941). Plus, récemment le Pentagone avec son Initiative de sécurité contre la prolifération (PSI, 2003), puis avec son Partenariat maritime global (GMP, 2006), a proposé d’associer tous les Etats qui le souhaitent à un vaste plan de sécurisation des routes maritimes, dont il serait bien entendu le maître d’œuvre.

Vu le dispositif actuel, les navires des petits pays ont peu de chances d’être protégés par les grandes marines. Les armateurs les plus sages ont installé à leur bord le système de détection optique Sea on Line, beaucoup plus efficace que les radars. Des caméras à infra-rouge surveillent les abords du navire 4 ou 5 kilomètres à la ronde et alertent l’équipage en cas d’approche, même de petites embarcations basses [8].

D’autres font appel à des gardes privés qu’ils placent sur leurs bateaux pour les défendre. Cette pratique inquiète les grands syndicats d’armateurs car elle suscite une escalade de la violence avec les pirates.

D’autres encore engagent des armées privées. Ainsi la société Blackwater, désormais dénommée Xe, a acquis en 2007 l’ancien navire des gardes-côtes états-uniens MV McArthur. Il est équipé de deux hélicoptères Boeing MH6 Litte Bird, de trois embarcations annexes ultra-rapides, et embarquent 35 mercenaires. Il escorte à la demande les navires civils « sensibles ».

De son côté, la société française Socopex a acquis 11 navires d’escorte de 24, 36 et 50 mètres de long. Chacun embarque un commando de neuf personnes : deux tireurs d’élite et sept hommes équipés de mitrailleuses automatiques [9].

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Comment juger les pirates arrêtés ?

Crimes sans châtiments

Au demeurant, bien que le gouvernement fantoche somalien ait « appelé à l’aide la communauté internationale » et bien que le Conseil de sécurité des Nations unies ait adopté quatre résolutions (1816, 1831, 1846 et 1851) pour légitimer l’option militaire contre les pirates et autoriser les marines étrangères à les poursuivre dans les eaux territoriales et jusque sur le territoire somalien, les règles juridiques restent floues.

Que faire des pirates une fois qu’on les a arrêtés ? Si l’on se reporte à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (dite Convention de Montego Bay), entrée en vigueur en 1994, arraisonner des pirates est une action de police, même si elle est entreprise avec des moyens militaires. L’arrestation doit avoir lieu en présence d’officiers de police judiciaire et les prévenus doivent être déférés devant la juridiction compétente pour y être jugés équitablement.

Seulement voilà : personne ne sait quelle est la juridiction compétente. La plupart des législations nationales s’interdisent de juger des étrangers alors qu’ils n’ont pas commis d’infraction sur le territoire national. Dans la pratique, il faut donc souvent les relâcher, ou les transférer vers un Etat avec lequel un accord ad hoc est conclu. Ainsi, les Occidentaux orientent souvent les pirates faits prisonniers vers le Kenya, qui condamne les exécutants et s’abstient de chercher les commanditaires.

C’est pourquoi le Kremlin a proposé de créer une juridiction internationale pour les crimes commis en haute mer. Cette fois, ce sont les Anglo-Saxons qui n’y tiennent pas, toujours en raison de leur projet impérial maritime.

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Pistris : les commandos corsaires des Etats-Unis.

Les corsaires du président états-unien

En 1826, Simon Bolivar tenta de pacifier les relations entre nations latino-américaines en prohibant la « guerre de course », c’est-à-dire la capacité des Etats à recourir à des armateurs privés pour défendre leurs intérêts sur mer, voire pour conduire des guerres. Le Libertador ne fut pas entendu.

Il fallut attendre que les Occidentaux et les Ottomans vainquent les troupes du Tsar Nicolas Ier en Crimée, pour que la Déclaration de Paris (1856) fixe le droit de la mer. Les « lettres de marque » furent abolies, c’est-à-dire que les Etats renoncèrent à patenter des groupes armés privés ; un système dont les protectorats ottomans d’Afrique du Nord avaient fait un grand usage et face auquel les présidents Thomas Jefferson et James Madison avaient conduit victorieusement les deux guerres contre les Barbaresques (1801-05, 1815).

Cependant, les Etats-Unis, l’Espagne et le Mexique refusèrent de signer cette déclaration, car la doctrine capitaliste libérale pose que la guerre, aussi, peut être privatisée. D’autant qu’à cette époque les jeunes Etats-Unis ne s’imaginaient pas encore capables d’entretenir une flotte militaire apte à rivaliser avec les grandes puissances.

Réactivant cette vieille pratique, le représentant Ron Paul a tenté de faire adopter par trois fois par le Congrès la September-11 Marque and Reprisal Act of 2001. Ce n’était pas nécessaire, considérant que le Congrès avait déjà voté la Guerre contre le terrorisme et s’appuyant sur l’article 1, section 8 de la Constitution des Etats-Unis, le département d’Etat a délivré des lettres de marque à des sociétés militaire privées pour chasser les « terroristes » dans l’océan Indien. Et, on le sait, vu de Washington, tout pirate est un terroriste en puissance [10].

Selon une publication du ministère français de la Défense, la première de ces lettres de marques a été octroyée en 2007 à la société Pistris Inc. « Elle a été habilitée à armer deux bâtiments de 65 mètres de long qui [sont] reliés aux satellites militaires d’observation. Ils [sont] dotés chacun d’un hélicoptère armé, d’embarcations annexes ultra-rapides capables d’atteindre la vitesse de 50 nœuds et embarquant un équipage de 50 hommes dont des commandos. La société Pistris possède son propre camp d’entraînement militaire, notamment aux opérations commando, dans le Massachusetts » [11]. Des barges ont été installées sur un lac artificiel où des combats sont simulés, tandis qu’une énorme machine agite les flots pour recréer les conditions de la houle marine.

Les pirates de la côte

Avant de décrire les organisations pirates, il convient de lever une confusion. Lorsque l’Etat somalien s’est effondré, des pécheurs français, espagnol et japonais en ont profité pour piller les bancs de thon et de crevettes dans les eaux territoriales somaliennes. Parfois, ils ont acheté de prétendues « autorisations » aux chefs de guerre, puis au soi-disant gouvernement provisoire.
Conscients que le déploiement inconsidéré des madragues épuise la mer, des pécheurs somaliens ont abordé les navires intrus et les ont dévalisés à titre de dédommagement. Dans le contexte du chaos politique du pays, et en l’absence de gardes-côtes nationaux, ces faits relèvent d’une forme d’auto-défense. Ils ne sont pas considérés en droit comme de la piraterie, vu qu’ils se sont déroulés dans les eaux territoriales somaliennes.

Ce qui nous intéresse ici, c’est l’activité criminelle conduite en haute mer. Celle-ci suppose des bateaux adaptés pour s’aventurer loin des côtes. Au départ, les pirates abordaient donc un gros bateau croisant à proximité, puis l’utilisaient pour gagner la haute met et attaquer alors une énorme proie. Aujourd’hui, ils ont leur flottille.

Le choix des cibles dépend avant tout de la hauteur du navire sur l’eau, de sa vitesse et de sa taille. Plus le bateau est bas, lent et grand, plus il est vulnérable. Les porte-containers sont indéfendables, d’autant que depuis le château, l’équipage ne peut voir tous les accès. Les thoniers également parce qu’ils ont une rampe d’accès arrière et qu’ils ne peuvent se dégager lorsque leurs madrague est déployée.

« Une fois un bateau capturé, le commanditaire indique au chef des pirates où aller mouiller ; le traducteur monte alors à bord pour conduire la négociation. La durée moyenne de rétention est d’une soixantaine de jours. L’ambiance à bord est plus ou moins tendue mais il n’y a jamais eu de morts, sauf peut-être une fois.
Les pirates savent très bien que s’ils commencent à éliminer des otages, la situation va changer de dimension et qu’ils risquent d’avoir contre eux la population et les autorités religieuses.
Ainsi, on sait que les pirates appliquent une sorte de code d’honneur : les rôles sont clairement répartis et le chef des pirates note toutes les dépenses engagées. La pratique du crédit est courante et les dettes sont respectées. Lors du versement de la rançon, chacun récupère son dû. Il existe même un système d’amendes pour faire respecter l’organisation de la vie sociale à bord des bateaux.
Les pirates établissent des camps temporaires à proximité des zones de mouillage des bateaux piratés. Ils ne sont pas forcément installés dans les villages, ce qui peut laisser penser qu’ils ne sont pas toujours acceptés par la population, tout particulièrement si le contexte clanique n’est pas favorable. Après l’attaque, une des difficultés est d’entretenir et de nourrir les otages. D’où la création d’une mini-économie alimentée par le montant croissant des rançons. La piraterie est créatrice d’emplois : les populations des côtes font venir leurs parents et leurs amis du centre du pays pour les aider dans les activités d’attaque puis de gardiennage (des bateaux et des otages).
La rançon est généralement versée en liquide, comptée à bord puis répartie entre les différents ayants droit et tous les participants à l’opération. Le partage de la rançon se pratique un peu comme pour la pêche : 50 % pour la « main d’oeuvre », c’est-à-dire les hommes qui ont mené l’action (ce qui peut représenter jusqu’à 80 personnes), 30 % pour le commanditaire, 15 % pour l’interprète, les commerçants et plus globalement les intermédiaires et 5 % réservés pour les familles des pirates morts. » [12]

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Les présidents de l’Etat non reconnu du Pount : Adde Muse à gauche (2005-08), et Faroole à droite (depuis 2009). Le gouvernement du Pount touche 30 % des rançons versées aux pirates locaux.

Le Pount, nouvelle île de la Tortue

Au XVIIe siècle, les Caraïbes furent le théâtre d’un conflit entre les empires chrétiens qui favorisa les pirates. Ils s’organisèrent au sein d’une société secrète, à la fois violente et égalitaire, les « Frères de la côtes », et s’emparèrent de territoires, leurs « 13 paradis ». Leur capitale était l’île de la Tortue, où ils prospéraient sous la discrète protection du roi de France. La même structure existe aujourd’hui en Somalie. Le groupe d’experts de l’ONU évoque neuf organisations criminelles concurrentes, dont trois principales [13].

La plus célèbre est dirigée par Abshir Abdillahi, dit « Boyah », un parent du président du Pount, Abdirahman Mohamed, dit « Faroole ». Agé de 44 ans, il est originaire du port d’Eyl, dont il a fait sa base principale. Il revendique une milice de plus de 500 hommes et 25 à 60 captures de navires en haute mer. Parmi ses prises, il compte le chimiquier japonais Golden Nori (28 octobre 2007, rançon : 1,5 million de dollars) et le yatch de luxe français Le Ponant (4 avril 2008, rançon 2 millions de dollars). Les rançons obtenues représentent des sommes astronomiques au regard du revenu annuel moyen des Somaliens —parmi les plus pauvres du monde— : 282 dollars par an.

L’Etat autonome du Pount, c’est la version moderne de l’île de la Tortue. Le gouvernement de Bossaso (c’est le nom de la capitale du Pount) se targue d’entretenir des relations avec l’Allemagne, Djibouti, les Emirats, l’Espagne, les Etats-Unis, l’Ethiopie, le Kenya et la Banque mondiale [14]. Il affiche un budget annuel de 30 millions de dollars, bien peu par rapport aux revenus des organisations pirates. Rien d’étonnant à ce que « Boyah » ait bénéficié de la protection du gouvernement du Pount, notamment du président « Faroole », du ministre de l’Intérieur, le général Abdullahi Ahmed Jama dit « Ilkajiir », et du ministre de la Sécurité intérieure, le général Abdillah Sa’iid Samatar. Selon ses déclarations à Garowe Online (août 2008), c’est à eux qu’il reversait les 30 % des rançons réservés aux commanditaires..

« Boyah » a annoncé, en mai 2009, se retirer des affaires avec 180 de ses hommes. Il semble qu’un de ses parents, Mohamed Abdi Garaad, ait pris sa succession. Sa milice comprend aujourd’hui 800 hommes divisés en 13 groupes. Il est notamment le responsable de la capture du vraquier japonais Stella Maris (20 juillet 2008, rançon 2 millions de dollars), et des navires marchands malais Bunga Melati Dua (18 août 2008, rançon 2 millions de dollars), allemand BBC Trinidad, rançon 1 million de dollars (21 août 2008) et iranien Iran Deyanat (21 août 2008). Il a aussi commis une maladresse en attaquant le porte container états-unien Maersk Alabama (8 avril 2009), suscitant l’intervention musclée de la Ve flotte US.

Un autre gang est installé dans la province disputée de Sanaag. Il est commandé par Fu’aad Warsame Seed, dit « Hanaano ». C’est une petite milice d’une soixantaine d’hommes, disposant d’un important équipement militaire. Elle a notamment capturé le yatch allemand Rockall (23 juin 2008, rançon 1 million de dollars), le chimiquier turc Karagol (12 novembre 2008), deux navires de pêche égyptiens Mumtaz 1 et Samara Ahmed (10 avril 2009) et le remorqueur italien Buccaneer (11 avril 2009).
« Hanaano » est protégé par le ministre de l’Intérieur « Ikaljiir », dont il finance les activités politiques. Par malchance, il a été arrêté par les Yéménites alors qu’il tentait une nouvelle opération dans leurs eaux territoriales, le 15 octobre 2009. Le gouvernement du Pount négocie sa libération.

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Localisation des actions pirates au cours du premier trimestre 2010 (source : Bureau maritime international).

Le paradis de Xaradheere et d’Hobyo

Au centre de la Somalie, une autre organisation a été créée par Mohamed Hassan Abdi, dit « Afweyne » et serait aujourd’hui dirigée par son fils Abdiqaadir. Elle est basée dans les ports de Xaradheere et d’Hobyo et, pour se donner une légitimité, elle s’auto-proclame « Gardes-côtes de la région centre ».

Son bilan connu est impressionnant : le Semlow (26 juin 2005), Le méthanier chinois Feisty Gas (10 avril 2005, rançon 315 000 dollars), le Rosen (25 février 2007), le cargo danois Danica White (2 juin 2007, rançon 1,5 millions de dollars), le thonier espagnol Playa de Baskio (20 avril 2008, rançon 770 000 euros), le chimiquier malais Bunga Melati (18 août 2008, rançon 2 millions de dollars), le vraquier grec Centauri (17 septembre 2008), le cargo grec Captain Stefanos (21 septembre 2008), le cargo ukrainien Faina (25 septembre 2008, rançon 3 millions de dollars), le chimiquier philippin Stolt Strength (10 novembre 2008), le thonier chinois Tian Yo no 8 (15 novembre 2008) , le super tanker saoudien Sirius Star (15 novembre 2008, rançon 15 millions de dollars !), le paquebot Indian Ocean Explorer (2 avril 2009), le porte-conteneurs allemand Hansa Stavanger (4 avril 2009, rançon 2 millions de dollars), le dragueur belge Pompei (18 avril 2009, rançon 2,8 millions d’euros), le vraquier grec Ariana (2 mai 2009, rançon 3 millions de dollars), le navire de pêche espagnol Alakrana (2 octobre 2009, rançon 2,3 millions d’euros), le porte-conteneurs singapourien Kota Wajar (15 octobre 2009, rançon 4 millions de dollars), le vraquier chinois Xin Hai (19 octobre 2009, rançon 4 millions de dollars), et dernièrement… le tanker russe Moscow University (5 avril 2010, pas de rançon).

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Le 23 septembre 2009, le colonel Khadafi prend la défense de son ami « Afweyne » à la tribune des Nations Unies
© Marco Castro, Service de presse de l’ONU

Pirates ou flibustiers ?

Si nous revenons au précédent historique des Frères de la côte dans les Caraïbes du XVIIe siècle, les pirates avaient pu s’installer dans leurs « 13 paradis » parce qu’ils rendaient de discrets services aux Etats. Ils étaient en fait des flibustiers, c’est-à-dire qu’ils étaient occasionnellement chargés par les autorités politiques de missions inavouables. Il ne peut évidemment pas en être autrement aujourd’hui.

L’état-major russe a envisagé une opération multinationale pour nettoyer le Pount et les ports de Xaradheere et d’Hobyo. Les Anglo-Saxons ont vivement repoussé cette brutale proposition. Et pour cause : les dirigeants politiques de ces territoires sont des alliés de la CIA, du MI6 et du Mossad contre les islamistes d’Al-Shabaab. Pour lui donner une couleur africaine, le soutien massif des Anglo-Saxons passe par Addis-Abeba (Ethiopie) où le département d’Etat est en train de construire sa plus grosse ambassade dans le monde, après celle de Bagdad (Irak).

Selon l’hebdomadaire britannique The Spectator, les chefs pirates du Pount ont été reçu en amis à bord de navires de guerre US pour prendre le café [15].

Pour « traiter » ceux de Xaradheere et d’Hobyo qui n’ont pas accès aux services d’un quasi-Etat comme le Pount, les Anglo-Saxons ont choisi une couverture haute en couleur.

Les diplomates qui écoutaient l’interminable discours de Mouamar Khadafi à l’Assemblée générale de l’ONU (23 septembre 2009) ont eu tendance à bailler et à partir discuter à la buvette en attendant que cela finisse. Ils ont eu tort. Au cours de sa harangue contre le fonctionnement de l’ONU, le chef de l’Etat libyen a multiplié les digressions. L’une d’entre elles a consisté à prendre la défense des pirates somaliens en assimilant les organisations criminelles actuelles à des pécheurs ruinés —ce qui est faux, comme nous l’avons vu— [16]. Le colonel Khadafi a évoqué l’accueil solennel qu’il avait réservé à « Afweyne » et à ses lieutenants, à Tripoli, du 1er au 4 septembre 2009.

La Libye entend jouer un rôle en Afrique, mais elle ne peut y prétendre réellement que depuis qu’elle s’est publiquement réconciliée avec les Etats-Unis (qui avaient portés le colonel Khadafi au pouvoir). Au demeurant, l’Afrique est devenue un champ clos où les Etats-Unis s’affrontent à la Chine, les premiers sous-traitant leurs actions secrètes à Israël, les second faisant appel aux services iraniens.

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Allo, ici Ehud Olmert.

Selon l’inamovible président yéménite, Ali Abdullah Saleh, les chefs pirates du Pount arrêtés dans ses eaux territoriales recevaient leurs ordres par téléphone satellite du cabinet de l’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert, des allégations largement reprises par la presse arabe, mais ignorées par la « communauté internationale ».

En bons flibustiers, les pirates somaliens savent rendre des services quant il le faut, et volent pour leur compte le reste du temps. Du coup, on ne s’étonne plus qu’ils continuent à brigander comme si de rien n’était au milieu de multiples marines de guerre. On peut même se demander si les informations glanées lors des réunions de « Prise de conscience partagée et de prévention des conflits » (SHADE) organisées à Bahrein par le Pentagone ne sont pas transmises aux pirates pour leur éviter de fatales rencontres.




 Thierry Meyssan