Les médecins israéliens et la torture dans les prisons israéliennes
Etudier la généralisation de la torture et de son institutionnalisation dans les prisons israéliennes et en particulier la participation active ou passive des fonctionnaires de la santé est, disons-le d’emblée, une mission peu aisée. Cette mission est d’autant plus complexe que la torture se pratique n’importe où, derrière des portes closes et dans le secret le plus total. Ce qui empêche d’obtenir rapidement et avec certitude des informations crédibles. La recherche et la connaissance du degré d’implication des fonctionnaires de la santé dans la torture est, elle aussi, une opération difficile et complexe.Ce rapport sur l’implication des médecins israéliens dans la torture et les mauvais traitements infligés aux prisonniers palestiniens est vieux de près de douze ans, mais plus que jamais d’actualité en cette journée de grève. Nous le diffusons en soutien aux grévistes palestiniens dans les prisons israéliennes! A.M.
Les médecins israéliens et la torture : la torture dans les prisons israéliennes
Des tortionnaires en blouses blanches : les fonctionnaires de santé et la torture dans les prisons israéliennes
par Issam Younis
Centre Palestinien des droits de l’homme (PCHR) à Gaza
L’auteur est juriste, chercheur au Centre Palestinien des droits de l’homme (PCHR) à Gaza, ancien chercheur à l’organisation Al Haq à Ramallah, auteur de nombreuses études sur la torture et les violations des droits de l’homme sous l’occupation israélienne. Ce texte est extrait de l’ouvrage Violences et torture dans le monde arabe, coordonné par Haytham Manna, L’Harmattan, Paris 2000- ISBN : 2-7384-8807-2
Etudier la généralisation de la torture et de son institutionnalisation dans les prisons israéliennes et en particulier la participation active ou passive des fonctionnaires de la santé est, disons-le d’emblée, une mission peu aisée. Cette mission est d’autant plus complexe que la torture se pratique n’importe où, derrière des portes closes et dans le secret le plus total. Ce qui empêche d’obtenir rapidement et avec certitude des informations crédibles. La recherche et la connaissance du degré d’implication des fonctionnaires de la santé dans la torture est, elle aussi, une opération difficile et complexe.
En effet, les victimes sont elles-mêmes la source d’information. Or, les conditions scientifiques de collecte et de compilation des informations imposent de soumettre les témoignages de ces victimes à un examen rigoureux. Quand une victime témoigne de ce qu’elle a subi lors de sa détention, il arrive qu’elle n’accorde aucune importance au rôle qu’aurait joué le fonctionnaire de santé aux diverses phases précédant, ou surtout accompagnant, la torture. Il lui arrive de considérer au contraire, que ce que fait le fonctionnaire de santé est partie intégrante de l’acte de torture. Il en résulte que ce rôle est parfois évoqué incidemment et non pas d’une manière fondamentale. En tout cas, l’absence d’une évocation formelle du rôle des fonctionnaires de la santé dans la torture ne signifie guère qu’ils n’y sont pas impliqués(1).
D’autre part la victime ignore si les personnes qui l’ont examinée et soignée appartiennent réellement au corps des fonctionnaires de la santé. Il est rare en effet que la victime soit elle-même médecin ou infirmier, pour juger avec certitude de la qualité du soignant et de son implication ou non dans la torture. Ainsi, pour ce qui est des « compétences médicales de ceux que les détenus prennent pour des médecins, il paraît d’une façon générale indispensable de ne pas se contenter des témoignages individuels et isolés, mais de recourir à des procédés de preuves tangibles » (2). Toutes les informations données par les victimes ne sont pas forcément authentiques et elles ne couvrent pas toujours la totalité des faits. Il y a de nombreuses raisons à cela, dont la crainte d’actions de représailles et de vengeance de la part des individus ou des services impliqués. D’autre part, il semble qu’il est difficile pour un certa in nombre de victimes de se rappeler de ce qu’ils ont vécu sous la torture. En témoignant, il se pourrait qu’elles ne souhaitent pas évoquer certaines pratiques subies et tout particulièrement celles qui sont trop dégradantes et humiliantes. Aussi celles choisissent souvent de les occulter.
L’ampleur du phénomène
Les résultats des nombreuses enquêtes effectuées par des organisations locales et internationales des droits de l’homme, ont révélé, preuves à l’appui, l’implication de fonctionnaires israéliens de la santé, dans la torture des détenus palestiniens. Cela constitua un choc gra ve pour certains, mais pour d’autres, ce fut tout simplement la confirmation d’une triste réalité : la généralisation de la torture dans les prisons israéliennes. C’est son institutionnalisation et son officialisation par le gouvernement israélien qui permet aux fonctionnaires de la santé et à d’autres de s’y impliquer.
Aussi convient-il d’analyser cette situation, et notamment la part prise par les fonctionnaires de la santé dans la torture au cours des interrogatoires menés par les instructeurs israéliens du Service israélien de la sécurité générale (Schabak). La torture a été pratiquée et continue de l’être, à une très grande échelle, par toutes les branches des services de sécurité israéliens, dans les prisons et les nombreux camps de détention disséminés sur les territoires occupés et en Israël. Depuis 1967, ce sont des dizaines de milliers de Palestiniens qui ont été torturés et soumis à des pratiques dégradantes, surtout de la part du Schabak.
Avec le début de l’Intifada à la fin de 1987, l’usage de la torture à l’encontre des Palestiniens a été généralisé par tous les services de police israéliens. De nombreux détenus sont morts au cours de leur interrogatoire. Les autorités israéliennes ont usé de nombreux procédés de torture, comprenant par exemple « des coups sur toutes les parties du corps et principalement les parties sensibles, telles les organes génitaux, la mise de sacs de détritus sur la tête, la privation de nourriture et de sommeil durant l’isolement cellulaire, l’enchaînement des détenus dans des positions pénibles, la détention dans des geôles exiguës et obscures appelés « les tombes ». Quand elles sont froides, celles-ci sont dénommées « les frigos » » (3).
La légalisation de la torture comme politique officielle : la Commission Landau
Le gouvernement israélien a créé le 31 mai 1987 une Commission présidée par le juge Mosché Landau, à l’époque président de la Haute cour israélienne, pour enquêter sur les conditions dans lesquelles se déroulent les interrogatoires menés par les agents des services israéliens de sécurité. Cette Commission a pris naissance quand fut publiquement connu que la torture était pratiquée à une très large échelle par les agents du Schabak pour extorquer des aveux aux détenus palestiniens. Cela a éclaté au grand jour dans les deux affaires célèbres de Azzet Nafissou et du Bus N° 300 (4).
Le gouvernement israélien avait publié en novembre de la même année, le rapport de la Commission et ses recommandations, mais non pas sa partie secrète fixant les moyens et les pratiques de torture autorisés aux instructeurs. Cette partie n’a jamais été divulguée jusqu’à ce jour. Le rapport a révélé que les instructeurs du service de sécurité générale avaient utilisé la force physique pour extorquer les aveux des détenus palestiniens. Ils prirent donc soin, depuis 1987 et d’une mani ère organisée, de livrer de faux témoignages sur l’usage de la force physique à l’encontre des détenus. Cette attitude est motivée, selon ce rapport, par « la nécessité de ne pas évoquer les procédés utilisés » (5). Bien qu’elle ait reconnu les faits, la Commission a recommandé de ne pas prononcer d’acte d’accusation à l’encontre d’anciens agents instructeurs du service israélien de sécurité générale ou d’autres fonctionnaires de ce service impliqués dans des affaires de torture. Malgré les preuves, la Commission a justifié cette pratique par le fait que « le service de sécurité s’était trouvé devant le dilemme posé par la nécessité d’obtenir des informations sur des suspects, d’une part, et les entraves légales qui interdisent les moyens d’y parvenir, d’autre part » (6).
Concernant les actes de sabotage, le rapport a recommandé « que, en principe, la pression reste psychologique et non violente, qu’on procède à de longs interrogatoires et qu’on use de la ruse, voire de la tromperie. Si cela se révèle inopérant, l’usage de pressions physiques « modérées » devient inévitable » (7). Mais alors que la Commission recommandait l’usage de « pressions physiques modérées », elle évite de définir ce qu’elle entend par « actes de sabotage » et même par «pressions physiques modérées» et garde secrète la partie du rapport énumérant les procédés légaux d’interrogatoire (8).
La Haute cour israélienne
Pour créer un consensus politique complet sur la question, la Haute cour de justice, qui est la plus haute juridiction israélienne, a donné la caution légale nécessaire à l’usage de la torture. Bien qu’en principe la justice soit indépendante, elle cesse de l’être dès qu’il s’agit d’une affaire se rapportant aux territoires palestiniens occupés. Le 14 janvier 1996, pour la première fois, la Haute cour israélienne a légalisé l’usage de la violence physique dans les interrogatoires de détenus palestiniens. Cela ressort clairement de la réponse faite par la cour à l’avocat d u détenu palestinien Abdel Halim Al Balbissi.
Un des procédés les plus utilisés par les tortionnaires, consiste à secouer violemment la tête du détenu. Ce qui a entraîné la mort de nombreux détenus palestiniens. Dernier en date, Abdessamed Harizet qui a sombré dans le coma vingt quatre heures après son arrestation et es t décédé deux jours plus tard. Le médecin légiste a conclu à une hémorragie cérébrale ayant entraîné la mort consécutive aux secousses violentes et brusques de la tête. Cette décision a donné les mains libres aux enquêteurs israéliens. La Haute cour a réitéré une seconde fois sa position en publiant deux décisions, les 15 et 17 novembre 1997, par lesquelles «elle autorise les enquêteurs du service de sécurité israélien, non seulement d’user de pressi ons physiques modérés, comme cela avait été prévu par la Commission Landau, mais de faire usage de fortes pressions physiques. Comme si le premier procédé, qui avait entraîné déjà la mort de nombreux détenus, n’était pas lui-même suffisant. Ce qui dénote une connivence entre la cour et le service israélien de sécurité générale et donne une idée des dimensions du problème et de la grave crise morale traversée par la société israélienne.
Dans sa plus récente décision, datée du 12 janvier 1998, la cour a une nouvelle fois autorisé les instructeurs à faire usage de la torture à l’encontre des détenus palestiniens. Composée de neuf membres et contrairement à l’accoutumée, elle avait jugé recevable la demande d’ordonner l’arrêt de la torture du détenu Abderrahmane Ghénimet. La décision a été prise à une majorité de cinq membres sur neuf.
Le Centre palestinien des droits de l’homme publia à cette occasion une déclaration dans laquelle il précisa que « l’autorisation de la torture comme politique officielle israélienne et sa légalisation par la haute cour, ne constituaient pas des faits nouveaux. Ce qui est nouve au, par contre, c’est que la cour ait siégé avec neuf membres, ce qui révèle ainsi la gravité des faits qu’elle avait à examiner. En tout cas (…) pour ce qui est de la torture des Palestiniens (…) c’est une affaire qui ne mérite même pas de discussion : cela allait de soi, selon les normes légales et juridiques en vigueur dans l’Etat d’Israël ».
L’implication du fonctionnaire médical dans la torture et les mauvais traitements
Compte tenu de la généralisation de la torture dans les prisons israéliennes et aussi de sa légalisation comme politique officielle avalisée par la Haute cour, il n’est guère étonnant que les fonctionnaires médicaux israéliens y soient impliqués. C’est ce qui ressort des nombreuses informations disponibles réunies par les organisations internationales des droits de l’homme. La participation de fonctionnaires médicaux israéliens à la torture des détenus palestiniens revêt plusieurs aspects, comme l’examen avant l’interrogatoire des capacités du détenu à résister à la torture ou le chantage aux soins dont il a besoin. Cette participation consiste aussi à éliminer des rapports médicaux des détenus les mentions prouvant que l’intéressé a été victime de torture.
L’évaluation des capacités physiques du détenu avant l’interrogatoire
Dans tous les centres israéliens de détention, qu’ils dépendent de l’armée ou des services pénitentiaires, tous les détenus sont soumis dès leur arrivée et avant tout interrogatoire, à un examen médical. Cet examen est effectué par un médecin ou un infirmier de service dans le centre. Il est certain que ces médecins et autres fonctionnaires de la santé jouent un rôle éminemment dangereux et en parfaite contradiction avec la déontologie médicale la plus élémentaire. En effet, ils se retrouvent directement impliqués dans les interrogatoires quand ils procèdent à l’évaluation des capacités du détenu à résister à la torture (9).
Il leur est demandé de remplir un questionnaire sur l’état de santé des détenus et leur capacité à supporter la détention dans l’isolement, le maintien prolongé en position debout (le fantôme), la mise de cagoules sur la tête. Ces procédés ont été révélés dans un article du journal israélien Davar daté du 16 mai 93, sous le titre «Exemples des exploits de la médecine». Ce questionnaire doit être rempli et signé par le médecin qui examine le détenu (10). A la suite de la publication de l’article, l’ordre des médecins israéliens a envoyé un télégramme au Premier ministre dans lequel il déclare que « les questions A, B et C du dit questionnaire et les réponses attendues des médecins constituent une participation active de ces derniers à la torture » (11).
D’autre part, les organisations palestiniennes des droits de l’homme ont recueilli sous serment, des centaines de témoignages de détenus palestiniens qui ont tous affirmé l’implication du personnel médical dans les actes de torture dans les prisons. Dans un de ces témoignages, un ancien détenu au camp Al- Fariâ, proche de Naplouse, déclare : « Nous étions dix-sept détenus… Quand je suis entré à l’infirmerie, j’ai vu une personne portant un uniforme militaire qui m’a demandé de me déshabiller. J’ai obtempéré aussitôt. Puis il m’a dit de me retourner alors que lui-même se trouvait derrière une table à trois mètres de moi. Il observa mon dos très rapidement et me demanda de me rhabiller et de sortir. Tout cela s’est passé en quelques secondes et je n’exagère n ullement en disant que l’examen des dix-sept détenus n’a pas demandé plus de quinze secondes » (12).
Des centaines de cas analogues nous permettent d’affirmer que le personnel médical présent dans les centres de détention, et portant souvent l’uniforme militaire, procède à l’examen des détenus avant leur interrogatoire et dès leur entrée au camp. Cet examen médical n’a pas pour objet de servir les intérêts du détenu, il se fait d’une façon routinière et superficielle. Son objectif principal est la réponse au questionnaire sur les capacités de résistance physique du détenu. Or, en fait, les détenus, quel que soit leur état de santé, subissent l’interrogatoire des services israéliens comme il ressort des déclarations du témoin qui ajoute : « l’un des dix-sept détenus a informé le médecin qu’il avait le typhus. Le médecin n’accorda aucune importance à sa déclaration, ne lui apporta aucune assistance et ne lui donna aucun soin. Nous avons tous été conduits les mains attachées et les yeux bandés ».
Rôle du personnel médical lors de l’interrogatoire
La participation du personnel médical des prisons et camps israéliens à la torture des détenus palestiniens n’est pas uniquement passive. Elle ne consiste pas seulement à fermer les yeux sur ce qui se passe et à ne point divulguer d’informations. Les médecins et autres fonctionnaires médicaux des camps et prisons se sont souvent impliqués activement dans les interrogatoires. Ils n’hésitent pas, pour inciter les prisonniers à avouer, à exagérer la gravité de leurs maladies ou à les faire douter de leur capacité à résister à la torture. Un détenu a témoigné en déclarant qu' »un médecin est venu vers sept heures soigner le groupe de détenus où je me trouvais. Quand il m’examina, il me demanda pourquoi j’étais là ? Je lui répondis que je l’ignorais. Il me dit alors qu’il vaudrait mieux pour moi de tout raconter parce que j’allais souffrir de maux d’estomac terribles et que les symptômes en étaient déjà apparents » (14).
Un autre détenu a déclaré : « Quelques jours après mon examen, l’infirmier me demande si j’ai été interrogé. A ma réponse affirmative, il s’étonna que je sois encore en vie, ajoutant qu’il nourrissait des craintes pour moi, parce que l’interrogatoire risquait d’être difficile et qu’il valait mieux pour moi et dans mon état, que j’avoue tout » (15).
Le personnel médical israélien des prisons et camps n’est pas seulement au courant de la pratique régulière de la torture sur les détenus palestiniens. Il est même de connivence puisque jamais l’un d’eux ne s’est opposé à ces pratiques ou ne les a dénoncées. En fait, l’implication de ce personnel va encore plus loin, puisque ses membres participent directement à l’extorsion des aveux.
Le rôle du personnel médical après la torture
Les agents médicaux des prisons et camps israéliens collaborent à la rétention de la vérité et cachent les preuves de la torture subie par les détenus. Ainsi, la Commission israélienne de lutte contre la torture cite le cas de H.A.H, qui a été interrogée au camp Al- Maskoubia à Jérusalem en octobre 1990 et qui a été malade au cours de l’interrogatoire. Le médecin qui a été appelé à son chevet, ayant constaté une hypotension, lui donna à boire dix verres d’eau. Une fois la tension redevenue normale, il le renvoya à l’interrogatoire (16).
Un autre détenu déclare dans son témoignage: « l’instructeur me frappa la tête plusieurs fois contre le mur puis me frappa sur le genou. Cela me fit terriblement mal et me causa une déchirure, d’autant que j’étais déjà blessé par balles. Je fus conduit par la suite dans une clinique où un médecin soigna ma blessure. Je fus ramené enfin à ma geôle où je demeurais quelques jours à l’issue desquels je fus ramené à l’interrogatoire » (17).
Les agents médicaux israéliens déterminent aussi si l’état de santé du détenu autorise ou non la poursuite des tortures. Mais le plus dur qu’un détenu puisse affronter, c’est d’être privé de soins, pour les besoins de l’enquête, alors qu’il en a le plus grand besoin. Le cas du détenu palestinien Amin Amin, est éloquent. Etudiant à l’université de Bir Zeit à l’époque des faits, il a été arrêté le 01 août 1988. Ayant subi de terribles tortures lors de son interrogatoire par les services de renseignements israéliens au camp militaire Addahira, proche de Al Khalil (Hébron), il perdit connaissance. Quand son état de santé s’aggrava sérieusement, il fut conduit au médecin du camp qui recommanda son transfert urgent à l’hôpital. Mais les instructeurs le ramenèrent à sa geôle pour y demeurer encore cinq jours (18).
Ce qui est arrivé à Amin Amin prouve incontestablement que les agents médicaux présents dans les prisons et les camps israéliens sont au courant de la pratique de la torture dans les centres d’interrogatoire. Ils sont même au service de l’instruction et des instructeurs. Le médecin traitant, dans le cas d’Amin Amin, n’a pas pris soin d’assister son patient jusqu’au bout et de veiller tout simplement à ce qu’il soit transféré à l’hôpital comme il l’avait recommandé.
Un article publié par un journal israélien avait donné des détails sur la manière dont les détenus palestiniens sont traités et le rôle des médecins. Le journal Haaretz du 3 mai 1991 a publié un article sous la signature de Ariel Shafit, dans lequel celui-ci a rappelé son expérience personnelle de soldat de réserve, ayant accompli son service actif dans le camp d’internement « Plage de Gaza » (appelé par les Palestiniens Camp Ansar H). Il y déclare: « Quand tu le réveilles à minuit [le médecin du camp] pour s’occuper de quelqu’un qui vient d’être arrêté, un jeune homme ensanglanté, aux mains enchaînées, les pieds nus, en état de choc, et qui vous dit avoir immédiatement été battu sur le dos, le ventre et la poitrine, le médecin se tourne vers le jeune pour lui crier méchamment : « Si au moins tu pouvais crever ». Puis, se tournant vers celui qui l’a réveillé, il lui crie : « Si seulement ils crevaient tous ». Il s’agit d’un médecin juif, portant l’uniforme de l’armée israélienne » (19).
Le phénomène dépasse le cadre des prisons et des camps d’internement, pour gangrener les hôpitaux. C’est là que médecins et autres agents médicaux collaborent avec les enquêteurs pour «retaper» les victimes de la torture et les préparer à de nouveaux interrogatoires, effacer les preuves de la torture dans leurs rapports ou tout simplement taire la vérité sur leur véritable état de santé.
C’est là une vérité attestée par des dizaines de témoignages d’anciens détenus auprès des organisations des droits de l’homme. Citons à titre d’exemple le cas de Nader Kamsia. Détenu depuis neuf jours, ce dernier a été présenté au juge d’instruction pour une prolongation de sa détention. C’est alors qu’il se plaignit d’avoir été battu sur ses testicules. Citons à ce propos le rapport du juge : « A ma demande, le chef instructeur m’a présenté un rapport de l’hôpital Soroka, attestant que le susnommé a eu les testicules blessés à la suite d’un coup qu’il a reçu » (20). Nader a été hospitalisé le 11 mai 93. Il est à noter que le rapport émanant du service d’urgence de l’hôpital Soroka « n’a apparemment pas été signé mais (…) le nom du médecin apparaissait sur le rapport ». Le 17 mai 93, un deuxième rapport du même médecin, affirme que Nader a été soigné à l’hôpital le 11 mai au service d’urgence, mai s pour d’autres motifs : « Après avoir reçu un coup dans la zone du scrotum ; le patient a déclaré être tombé d’une échelle deux jours avant son admission au service d’urgence de l’hôpital. Le rapport médical a révélé un hématome localisé (A localised Haematoma) dans la région du scrotum, correspondant à un traumatisme local, survenu deux à cinq jours avant son admission au service d’urgence » (21). Le rapport a été établi rétroactivement sans examen complémentaire et ne correspond pas aux extraits cités par le juge, comme le signale le docteur Maraton, qui ajoute : « II nous semble que ce rapport a été falsifié dans le but de tr uquer la vérité. Le médecin n’a pas signalé la déchirure du scrotum qui, à l’en croire, n’a pas été causée par un coup donné lors de l’interrogatoire mais serait imputable à une chute ? » (22).
Passons au cas de Châouane Jabbarine. Celui-ci a été arrêté le 10 octobre 1989. Il a été hospitalisé à la suite de tortures que lui avaient fait subir les garde-frontières israéliens. Selon le conseiller juridique de l’administration civile israélienne, Jabbarine a été admis à l’hôpital Hadassa-Aïn Karm où il a été soigné. Le 12 octobre 1989, on a demandé à l’hôpital des informations sur son état de santé. C’est alors que l’on a appris qu’il n’y avait aucun dossier au nom de Châouane Jabbarine, son hospitalisation n’avait pas eu lieu (23).
Amin Youssef Amin, cité plus haut, affirme qu « il a été hospitalisé sous un pseudonyme et qu’il en avait informé le médecin. Ce dernier lui avait rétorqué que cela lui importait peu et qu’il se contentait de soigner » (24). Jabbarine et Amin ont bel et bien été torturés. Cela explique la disparition de toute trace d’hospitalisation du premier et l’admission du second sous un pseudonyme (ce qui est aussi une forme de négation de son hospitalisation). Mais, de plus, la disparition de leurs dossiers médicaux respectifs les prive aussi de tout recours et de toute surveillance médicale ultérieure.
Les détenus palestiniens, malades ou torturés, qui sont hospitalisés, ne sont pas non plus épargnés par les mauvais traitements et les tortures lors de leur hospitalisation. Citons le cas de Mme Intissar Alquak, détenue au p avillon des femmes à la prison israélienne Hacharoun et admise pendant trois jours à l’hôpital Mâar à Kafr Saba pour accoucher, et qui affirme avoir été « durant son hospitalisation, enchaînée au lit par les mains et les pieds. Je n’ai été détachée, les pieds seulement, que lors de l’accouchement » (25).
Les décès de détenus
Depuis le début de l’Intifada en 1987, des dizaines de détenus sont décédés lors des interrogatoires dans les prisons israéliennes, ou plus tard, des suites de la torture. Selon la loi israélienne, l’autopsie à l’institut Abou Kebir de médecine légale à Tel Aviv devrait suivre tout décès suspect. Il est à noter qu’avant 1989, les familles du défunt n’étaient pas autorisées à faire pratiquer l’autopsie par un médecin légiste indépendant (26). En fait, la participation du médecin légiste désigné par la famille se réduit à l’autopsie elle-même, mais il n’est pas autorisé à visiter le centre de détention et le lieu du décès qui peuvent grandement aider à déterminer les causes du décès (27).
Etant donné, d’autre part, l’extrême pauvreté de Gaza et de la Cisjordanie en médecins légistes, celui qui représente la famille est le plus souvent un étranger, invité et pris en charge par les organisations palestiniennes des droits de l’homme. Cela signifie que son séjour est très court, deux à trois jours au plus, et qu’il ne peut participer qu’à l’autopsie du cadavre, avec interdiction de prendre des échantillons de tissus ou autres, afin de les faire analyser dans des laboratoires indépendants. Aussi, les résultats disponibles sont ceux produits par le seul centre habilité à le faire en Israël et qui est une institution officielle.
Les rapports d’autopsie concernant les personnes mortes dans les centres d’interrogatoire indiquent tous que la mort est naturelle ou consécutive à un suicide. En admettant qu’il y ait effectivement suicide, l’on doit se demander pourquoi un jeune entre vingt et trente ans, se suiciderait quelques jours seulement après son arrestation, d’autant qu’il n’a jamais donné auparavant de signes d’instabilité psychologique ? La réponse, toute simple, est qu’il ne pense vraiment à se suicider qu’à cause de violentes tortures physiques et psychologiques qu’il n’a pu supporter.
Un cas illustre bien les compromissions de la médecine légale israélienne. Ibrahim Almatour a été arrêté le 8 juillet 1988 par les soldats de l’armée israélienne et détenu à la prison Addahiria. Le 21 octobre 1988, Ibrahim Almatour a été trouvé mort dans sa geôle. Son corps a été transporté à l’Institut israélien de médecine légale à Tel Aviv pour y être autopsié.
Le rapport du médecin légiste de l’hôpital, signé par le docteur B. Levy, attribue la mort à une forte pression exercée sur le cou, ce qui pourrait être dû à un suicide… Il y a correspondance entre le diagnostic du médecin légiste et la version de l’armée quant aux causes du décès. Curieusement, le légiste mandaté par la famille, le docteur Dierrik Bonder, donna, dans son rapport de juillet 1989, une autre explication des causes ayant entraîné la mort. On se souvient que le premier rapport d’autopsie n’avait pas mentionné les conditions ayant entouré le décès de Ibrahim Almatour, ce qui dénote une négligence manifeste. Le deuxième rapport accorde à ces conditions une importance primordiale et les considère comme essentielles pour connaître les causes du décès. Le docteur Bonder conclut dans son rapport que « la cause de la mort est l’étranglement et ce, suite à une très forte pression sur le cou. A mon avis, écrit-il, la cause probable de la mort n’est pas la pendaison. Je considère qu’au cours des trois jours qui ont précédé la mort, le défunt a dû subir des traitements avilissants, indignes et inhumains et je pense que le défunt a mis fin à ses jours pour leur échapper. Si tel fut le cas, je considère qu’il s’agit d’un décès par suicide aggravé (aggravated suicide) »(28). Négliger les conditions entourant le décès, c’est vouloir cacher la cause véritable du décès et dissimuler que la victime a enduré les pires tortures (29).
Robert H.Kirschner signale que l’institut de médecine légale d’Abou Kebir en Israël se trouve sous la responsabilité du ministère de la santé. Il est ainsi en apparence indépendant de la police et de l’armée. Malgré cela, l’institut fonctionne comme un univers clos. C’est pour cela que le diagnostic repose sur la seule autopsie et c’est aussi pour cela que les résultats de l’autopsie sont présentés à la police et non à la famille. Ce qui conduit à classer le décès de nombreux Palestiniens en détention sous la rubrique « mort naturelle ». L’enquête sur les conditions de la mort révèle clairement que les décès naturels par crise cardiaque, asthme ou ulcère, résultent des conditions de l’interrogatoire. Les décès résultant de tels procédés doivent être désignés pour ce qu’ils sont: des meurtres (30).
Les normes internationales en vigueur
Que l’on se situe sur le plan des considérations éthiques qui régissent le comportement du personnel médical, ou des droits de l’homme reconnus par les conventions internationales et la juridiction internationale humanitaire, la torture et les mauvais traitements sont catégoriquement interdits et ne sont justifiables sous aucun prétexte. Dans le chapitre suivant, nous étudierons l’interdiction faite au personnel médical par les conventions internationale de participer à la torture. Nous examinerons aussi les obligations des agents médicaux et celles des Etats.
Les normes éthiques
Les terribles massacres commis au cours de la deuxième guerre mondiale furent à l’origine de la législation internationale sur les droits de l’homme. Ils approfondirent aussi la conviction que seul le respect des droits de l’homme pouvait éviter que de tels massacres ne se rééditent. Le procès de Nuremberg avait confirmé la participation organisée et préméditée des médecins nazis dans ces terribles massacres. Les victimes, rescapées des expériences médicales des médecins nazis, avaient déclaré que ces derniers avaient, entre autres, fait « mettre les détenus dans des conteneurs sous haute pression et leur avaient injecté des germes vivants du typhus » (31).
Les révélations sur l’implication des médecins nazis dans la torture a fortement incité les associations professionnelles médicales à déclarer que toute participation du personnel médical à une quelconque forme de torture est en contradiction avec l’éthique de la profession, et par conséquent formellement interdite quels que soient les circonstances et les motifs. Le but de la médecine est de chercher toujours à préserver et sauver la vie et ce, par l’assistance aux malades et le respect de leur intégrité. Il n’est nullement de détruire la vie du patient L’association médicale mondiale (WMA), créée en 1947, fut la première organisation à s’attaquer aux règles morales régissant les professions médicales. Un pas important a ét é fait avec l’adoption du Serment de Genève, introduisant une modification importante par rapport au Serment d’Hippocrate.
Le Serment de Genève insiste sur la nécessité de distinguer entre le devoir du médecin et l’appartenance religieuse, nationale, politique ou sociale de son patient. De nombreuses professions paramédicales ont pris l’initiative, au plan régional et national, d’adopter et de développer les normes éthiques en vigueur au niveau international. Elles ont défini les rapports entre les professionnels, d’une part, et les détenus et autres personnes privées de liberté, d’autre part. Nous passerons en revue les plus importantes de ces normes.
L’Association médicale mondiale a publié en 1949, un code international de l’éthique médicale. On y lit notamment : « Le médecin est tenu de respecter les droits du patient, des collègues et des autres professionnels de la médecine. Il doit aussi garder secret les confidences du patient « . En 1956, l’organisation a rédigé des règles applicables aux conflits armés qui fixent les orientations relatives aux normes éthiques médicales en temps de conflit armé. Le code insiste aussi sur le rôle du personnel médical qui est de préserver la santé et de sauvegarder la vie, ainsi que sur celui du médecin : qui doit, fournir l’assistance attendu de lui, avec équité et sans considération aucune de race, d’ethnie, de nationalité, de religion, d’opinion, et ce même si l’état d’urgence a été décrété Une telle assistance doit se poursuivre tant que le besoin se fait sentir et tant qu’elle est possible » (33).
La Déclaration de Tokyo
La Déclaration de Tokyo est considérée, au niveau international, comme le document fondamental relatif à l’éthique de la profession médicale. Elle a été adoptée par l’Association médicale mondiale au cours de son vingt-neuvième congrès qui s’est tenu au mois d’octobre 1975 à Tokyo. La déclaration comporte six principes directeurs au sujet de la torture des prisonniers et des détenus (34).
Premièrement, il est interdit au médecin de prêter son concours à des actes de torture ou à d’autres formes de traitement inhumain et cruel, et aussi de couvrir ces actes (…) et ce, quel que soit le crime de la victime, que celle-ci soit suspecte, accusée ou confondue et quelles que soient ses convictions et les raisons de son action, en toutes circonstances, y compris dans les situations de conflit armé ou de guerre civile.
La Déclaration interdit au médecin d’utiliser son savoir pour faciliter l’usage de la torture et pour vaincre la résistance de la victime. Elle interdit aussi la présence du médecin dans tout lieu où se pratique la torture et où existe le risque qu’elle soit pratiquée. La Déclaration insiste, en plus, sur la nécessité pour les médecins de soigner les douleurs et les souffrances. Aucun motif, d’ordre politique, individuel ou collectif, ne doit l’en empêcher. La déclaration interdit d’autre part aux médecins d’alimenter de force les prisonniers qui font une grève de la faim. Le sixième principe précise que l’Association médicale mondiale apportera un soutien total aux médecins et à leurs familles qui auraient été menacés à la suite de leur refus de couvrir l’usa ge de la torture.
Principes d’éthique médicale de l’ONU
L’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies a adopté en 1982, à l’issue d’un long débat, les principes de l’éthique médicale relatifs au rôle du personnel médical, et notamment les médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres traitements ou sanctions cruelles ou inhumaines (35).
Ces principes constituent la pierre angulaire « de la responsabilité morale internationale » (36). La Déclaration de Tokyo de 1975 a fait franchir un pas fondamental dans l’élaboration de principes moraux de la profession médicale. L’interdiction de participer à des actes de torture concerne non seulement les médecins mais aussi l’ensemble du personnel médical et paramédical, spécialistes de la médecine naturelle et infirmiers compris (37). Les prisonniers, par ailleurs, ont droit aux mêmes soins que les individus libres.
L’examen de l’état de santé du malade et le diagnostic, ne doivent, en aucun cas, aider à juger de la possibilité ou de l’impossibilité de lui faire subir torture et mauvais traitements. Aussi « l’examen doit servir à protéger et soigner le malade. Cela n’a pas besoin d’être expliqué davantage. Il est inadmissible moralement, qu’il y ait un autre mode de diagnostic médical que celui qui vise à protéger et soigner le malade » (38).
Il est, d’autre part, considéré comme une atteinte flagrante à l’éthique médicale d’aider par son savoir médical et la connaissance du cas d’un patient à l’interrogatoire « d’une façon qui peut porter atteinte à la santé physique ou mentale des détenus ou prisonniers et être en contradiction avec les règles internationales en vigueur en la matière ». De même, juger ou inciter à juger de la capacité du détenu ou du prisonnier à subir quelque forme que ce soit de mauvais traitements ou de sanctions risquant de porter préjudice à sa santé physique ou mentale est en contradiction avec les conventions internationales en vigueur.
Le devoir du fonctionnaire de santé est « non seulement d’évaluer si l’interrogatoire aurait éventuellement des conséquences néga tives, mais aussi s’il est conforme aux accords internationaux » (39). De plus, les fonctionnaires de la santé ne sont pas autorisés à évaluer l’état de santé physique ou psychologique dans un but lié à l’interrogatoire, que ce soit avant, pendant ou après ce dernier, ni de l’évaluer dans le but d’appliquer une sanction de peine capitale (40).
Le cinquième principe de l’éthique médicale stipule que toute mesure de limitation des mouvements d’un prisonnier ou d’un détenu doit être décidée en fonction des impératifs de santé physique ou mentale et aussi de sa sécurité, et qu’elle doit reposer sur des critères strictement médicaux.
Le sixième principe est d’une très grande importance puisqu’il stipule que l’on ne peut se délier des obligations contenues dans le texte relatif à l’éthique médicale de 1982, quelles que soient les circonstances et les justifications, y compris la proclamation de l’état d’exception.
Autres principes
En 1977, l’Association mondiale de psychiatrie, a adopté la Déclaration de Hawaii qui fixe des règles morales particulières au comportement des psychiatres. Dans son article 5, cette déclaration stipule qu’il « ne faut appliquer aucune mesure ni ne donner aucun soin contre le gré du patient ».
L’article 7 interdit au psychiatre d’utiliser « ses compétences professionnelles pour porter atteinte à la dignité de l’homme ou à ses droits individuels et collectifs. Il ne doit laisser aucune place aux sentiments personnels subjectifs ni aux préjugés quand il s’agit de dispenser des soins » (41).
Les autres professions médicales ont adopté des normes similaires interdisant aux leurs toute forme de participation à la torture ou autres mauvais traitements. Il en est ainsi du Conseil international des infirmiers (INC) qui a adopté en 1975, une déclaration sur « la position des infirmiers par rapport aux détenus et prisonniers » et qui interdit formellement aux infirmiers de «s’impliquer dans la torture ou dans toute recherche clinique appliquée aux patients contre leur volonté». La déclaration stipule d’autre part que «la fonction première de l’infirmier est de prendre soin de son malade quelles que soient les considérations de sécurité ou d’intérêt national».
Le chapitre le plus important de cette déclaration est celui qui engage les infirmiers à informer les institutions nationales ou internationales et à prendre toutes dispositions nécessaires dès qu’ils apprennent que des détenus ou prisonniers subissent des mauvais traitements physiques ou psychologiques. Le Conseil international des infirmiers a adopté en 1983, une déclaration sur «le rôle des infirmiers dans la protection des droits de l’homme» qui stipule que «le patient détenu, a le droit de refuser la nourriture et les soins Le devoir de l’infirmier est de s’informer du consentement des patients préalablement à tout examen les concernant» (42).Le Conseil a eu d’autre part une position tranchée sur l’implication des infirmiers dans la torture, leur interdisant de l’encourager, de s’y compromettre ou d’y participer ainsi que dans toute forme préméditée et organisée de traitement humiliant et con traire à la dignité, que celui-ci soit le fait d’un individu ou d’un groupe, agissant à titre personnel ou sur ordre d’une quelconque autorité, pour faire avouer des faits ou pour tout autre motif (43).
Au plan régional aussi, de multiples recommandations et normes éthiques ont été adoptées par de nombreux corps de métier et ce, pour généraliser au plan international l’adoption de cette éthique. On peut citer à ce niveau l’importante déclaration de Madrid qui a appelé à combler le vide constaté au niveau de la régularité des rapports. Cette déclaration appelle en effet à « instituer un fichier international pour les rapports sur les délits moraux à l’intérieur de la profession et aussi pour diffuser les informations sur l’existence de la torture ». La déclaration appelle aussi à soutenir au plan international les médecins qui refusent de s’impliquer dans la torture (44).
Il faut signaler que du point de vue strictement légal, celle éthique médicale et les obligations morales qu’elle comporte n’engagent nullement les médecins ou les organismes médicaux sur le plan légal. Elles ont simplement un caractère indicatif (45). Malgré leur caractère facultatif, il faut que ces normes soient largement respectées, notamment celles qui sont relatives à la torture et qui ne sauraient être considérées indépendamment des engagements juridiques contenus dans la législation internationale des droits de l’homme. Les organismes médicaux nationaux doivent avoir aussi pour mission de faire le suivi de leur application.
Le fondement éthique de ces normes a été formulé par Jonsen et L. Sagon de la manière suivante :
1) « II est exigé de celui qui exerce la médecine de ne point occasionner de préjudice qui ne soit compensé par un bien être au malade » (47). Ainsi, toute participation du médecin à une opération de torture contredit ce principe moral qui préside à l’intervention médicale. La souffrance et le préjudice qui en résultent ne procurent en effet aucun bénéfice au patient.
2) « On peut justifier l’intervention médicale non seulement par l’intérêt du malade, mais aussi par les dispositions du patient et son désir de la subir » (48). Si le patient n’est pas atteint d’une maladie mentale, c’est à lui de décider de l’opportunité ou non de l’intervention et d’accepter ses conséquences. La torture viole ce principe fondamental parce qu’elle est dans le seul intérêt du tortionnaire et que l’accord de la victime n’est pas requis.
3) « L’éthique médicale impose que les soins médicaux soient donnés à ceux qui ont en besoin sans considération de situation sociale, de ressources financières ou de convictions politiques » (49). La participation des médecins dans la torture des victimes pour des objectifs politiques est en contradiction avec ce principe.
Les normes éthiques n’ont pas de force légale directe. Elles constituent juste des lignes directrices régissant le comportement des fonctionnaires médicaux et leurs rapports aux détenus. Ces normes ont été élaborées et adoptées par de nombreux corps de métier de la santé et constituent aujourd’hui une éthique professionnelle reconnue par tous. C’est une référence pour les fonctionnaires médicaux. El le vise aussi à renforcer la transparence dans la profession et s’adresse principalement aux hommes de devoir, c’est-à-dire aux fonctionnaires médicaux, pour les inviter à ne pas s’impliquer dans des actes contraires à la morale. Elles ne comportent pas de protection du droit du patient en tant que bénéficiaire du service.
Ces normes organisent le comportement des fonctionnaires de la santé et ont malgré tout une valeur relative. Les actes criminels comportent toujours des violations morales. Ainsi les violations graves des normes éthiques médicales peuvent constituer matière à pénalisation. Remarquons cependant que cela n’est pas toujours le cas pour toutes les violations éthiques.
L’implication dans la torture des fonctionnaires de la santé, engage en principe la responsabilité individuelle, celle de l’Etat ou du corps médical concerné. Celui qui pratique la torture étant en principe le médecin ou l’infirmier, c’est donc leur responsabilité qui est engagée.
Le tribunal de Nuremberg qui avait jugé des criminels de guerre avait révélé la participation de médecins nazis dans la torture. Ces pratiques n’engagent alors pas seulement l’Etat mais aussi les individus, et la responsabilité pénale individuelle des médecins était donc engagée (51).
Comme le souligne Nigel Roodly : « Le refus d’exécuter des ordres est contradictoire et complexe pour les agents de police et les militaires, mais il l’est moins pour les médecins. Ceux-ci n’appartiennent pas en fait à une profession hiérarchisée et chaque médecin est théoriquement indépendant. Même les médecins rattachés à des institutions médicales n’en sont pas aussi dépendants que le sont les officiers de police et de l’armée de leurs institutions respectives » (52). La Déclaration de Tokyo reconnaît les menaces et les dangers qui pèsent sur les fonctionnaires médicaux au cas où ils refuseraient de participer à la torture. C’est pour cela que les associations médicales nationales se doivent de soutenir totalement ces médecins et leurs familles (53).
Les Principes d’éthique médicale des Nations unies ainsi que la Déclaration de Tokyo, ne comportent aucune sanction à l’encontre des fonctionnaires médicaux qui violent leurs recommandations. Ils n’ont pas prévu non plus des mécanismes de contrôle pour garantir leur respect. En fait, et parce que les normes éthiques sont tout juste des recommandations générales, le soin a été laissé aux corps médicaux nationaux de décider des mesures à prendre en matière de contrôle, de suivi de l’exécution et de sanctions.
Le Conseil international des infirmiers s’est, pour sa part, clairement prononcé là-dessus. Sa déclaration comporte «une obligation à prendre les mesures adéquates, y compris l’envoi de rapports aux organismes internationaux ou nationaux»… En fait, l’absence d’un mécanisme efficace de contrôle et d’échelle de sanction, sont de nature à ébranler la valeur légale de ces principes. Mais la valeur éthique et professionnelle demeure de la plus haute importance.
4) La consécration de telles normes ne peut se faire et donner lieu à une application, sans être liée aux conventions internationales des droits de l’homme. Ces normes éthiques internationales comportent des engagements spécifiques aux fonctionnaires médicaux en tant qu’individus, alors que les conventions des droits de l’homme engagent la responsabilité des Etats au sein desquels ces fonctionnaires médicaux exercent leur profession. :
La législation internationale des droits de l’homme
II est dans notre intention non pas d’analyser ici les conventions internationales relatives aux droits de l’homme, mais de retenir les interdictions de la torture qu’elles comportent.
Sans mentionner spécifiquement les médecins, tous l es textes des droits de l’homme dans la législation internationale interdisent en fait l’usage de la torture en toute circonstance et quelles que soient les justifications et les explications.
Dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), l’article 5 stipule que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (54). La DUDH occupe une place privilégiée parmi ces textes, étant donné l’unanimité qui s’est faite autour d’elle. Il convient de rappeler que cette déclaration inspire nombre de constitutions nationales et de conventions internationales. Bien qu’elle ne soit pas une convention internationale et qu’elle n’ait pas d’autorité légale contraignante, elle est devenue pour les experts, les juristes et les organisations des droits de l’homme, une partie intégrante du droit international à caractère contraignant (55).
L’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit la torture et autres mauvais traitements. Il abonde dans ce sens en précisant que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale et scientifique ». Tous les pays signataires de cette déclaration sont tenus de respecter l’interdiction totale et immédiate de la torture et ne peuvent se libérer de leur engagement même en état d’exception. L’article 10 stipule pour sa part que « toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » (56).
L’Assemblée générale des nations unies a adopté en 1984 une Convention interdisant la torture (57). L’adoption d’un texte séparé sur l’interdiction de la torture vise, d’une part, à appuyer sa prohibition et à intensifier la lutte, mais aussi, à présenter une définition contraignante de la torture, rarement évoquée ailleurs (58). Cette convention est la seule, au niveau international, qui consacre l’interdiction de la torture.
Définition de la torture
Selon l’article I de la Convention, le terme « torture » désigne « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne à fin notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discriminat ion quelle qu’elle soit, lorsque de telles douleurs ou souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite ». Cette définition n’est pas, à notre sens, exhaustive. Elle ne fait pas la distinction entre torture et mauvais traitements. L’article 16 traite spécialement des mauvais traitements, en les interdisant dans un Etat de droit, mais ne les définit pas et ne les distingue pas de la torture (60).
Les engagements des Etats
Selon la Déclaration de Tokyo, les médecins et accessoirement les organismes médicaux, nationaux ou internationaux, sont responsables de l’exécution des engagements découlant des règles éthiques. La Déclaration»a été ainsi rédigée: « Tout médecin -est tenu… », alors que la Convention des nations- unies sur ta torture engage la responsabilité des Etats. C’est à ces derniers qu’elle s’adresse et non pas aux individus ou aux organismes. C’est l’Etat signataire qui assure la responsabilité légale de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements. L’interdiction faite au médecin de participer à la torture et aux mauvais traitements engage sa responsabilité perso nnelle ainsi que celle de l’Etat.
Le cadre de cette étude ne nous permet pas de détailler les engagements de l’Etat. Le principal d’entre eux est contenu dans l’article 4 qui fait de la torture, de toute tentative de l’exercer ou de tout acte constituant une participation à la torture, un délit sanctionné par les lois pénales du pays. Il se peut, concernant les médecins et autres fonctionnaires de la santé, que l’on prétende que certains d’entre eux n’appartiennent pas à un corps officiel, laissant planer un doute sur l’application de l’article 1 de la Convention. Or, celui-ci ne concerne pas que les fonctionnaires de la santé, mais toute personne : « Les mêmes dispositions sont applicables à toute personne convaincue de tentative de participation à la torture, ou de tout acte l’impliquant ou la compromettant dans la torture ».
Les articles 5 et 7 fondent une responsabilité pénale internationale, ce qui est d’une grande importance dans une convention qui consacre la lutte contre la torture. Cette convention autorise les états signataires – chacun dans les limites de sa compétence juridique et chaque fois que se trouverait sur son territoire une p ersonne suspecte d’avoir commis un crime défini par l’article 4 – d’engager contre elle les mesures nécessaires, quels que soient sa nationalité d’origine et le pays où le crime a été commis.
L’article 10 stipule, quant à lui, que les Etats ont la responsabilité de faire que l’enseignement et l’information sur l’interdiction de la torture, figurent en bonne place dans les programmes de formation des fonctionnaires chargés de l’application des lois.
L’article 11, stipule que tout Etat partie exerce une surveillance systématique sur les règles, instructions pratiques et méthodes d’interrogatoire et sur les dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées, de quelque façon que ce soit sur tout territoire sous sa juridiction, en vue d’éviter tout cas de torture.
La vingt quatrième des règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus stipule que « le médecin doit examiner chaque détenu aussitôt que possible après son admission et aussi souvent que cela soit nécessaire ultérieurement, particulièrement en vue de déceler l’existence possible d’une maladie physique ou mentale, et de prendre toutes les mesures nécessaires (pour le soigner) ». L’examen du « malade doit avoir pour objet l’intérêt du malade et sa santé et non pas l’évaluation de ses dispositions à subir l’interrogatoire » (61).
Tous les principes des Nations unies relatifs à la protection des personnes incarcérées ou détenues, interdisent la torture et l es mauvais traitements. Ils viennent renforcer la convention de lutte contre la torture et autres formes de mauvais traitements. Aussi, les médecins et autres fonctionnaires de la santé ne peuvent trouver d’excuse à leur participation à la torture, que ce soit d’une manière passive ou active.
Le premier de ces principes stipule « que les personnes amenées à être détenues ou emprisonnées doivent être traitées avec humanité et respectées dans leur dignité » (62). C’est ce qui a été confirmé par la déclaration de Tokyo et par l’ensemble des normes relatives à l’éthique médicale et au comportement des fonctionnaires de santé.
En 1989, le Conseil économique et social des Nations unies a adopté un ensemble « de principes condamnant les exécutions extra- judiciaires et abusives » et recommandant de mener les enquêtes sur ces morts.
Le principe 9 stipule qu’une enquête exhaustive, rapide et honnête doit se faire, afin de « déterminer la cause du décès, le moment où il s’est produit, la personne qui en est responsable et le procédé qui y a conduit. L’enquête doit comporter une autopsie, la collecte et l’analyse de toutes les preuves matérielles, ainsi que les témoignages ». Pour garantir à l’autopsie sa neutralité et son efficacité, le principe 12 stipule que celui qui fait l’autopsie doit pouvoir accéder à tous les éléments de l’enquête, voir les lieux où s’est produite la mort ainsi que l’endroit où a été découvert le cadavre.
L’autopsie, quant à elle, doit analyser, selon le principe 13, «toutes les lésions que porte le corps et les preuves éventuelles de la torture». Un rapport d’autopsie détaillé doit être fait et publié, selon le principe 17, et comporter «les preuves de torture éventuelle, les résultats de l’enquête, les recommandations.». Le princip e 18, qui traite des procédures judiciaires, engage le pays où de tels actes ont été commis, à en juger les responsables éventuels et à coopérer avec d’autres pays en extradant les coupables.
Le principe 19 recommande de « n’accorder aucune immunité à toute personne dont la compromission dans des actes de torture serait avérée (…) et ce, en toutes circonstances, y compris l’état de guerre, de siège ou d’exception ».
La juridiction humanitaire internationale
Les lois de cette juridiction sont applicables uniquement en cas de conflit armé. Les principales conventions en sont les quatre Conventions de Genève (1949) et leurs deux annexes. Ces conventions, qui visent à protéger les victimes de la guerre, comportent de nombreuses interdictions de la torture. Certains de ses articles sont consacrés aux fonctionnaires de la santé, à leurs droits et devoirs en cas de conflit armé. L’article 3, applicable dans les cas de conflits armés à caractère non international, interdit la torture de s personnes protégées par ces conventions, en l’occurrence celles qui ne sont pas parties prenantes dans ces conflits. Il stipule : « sont et demeurent prohibés, en tout temps, les actes suivants sont interdits en tout lieu et circonstance : a) les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices; c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ».
Les critères internationaux et leur mise en pratique
Après son enquête sur les procédés utilisés par les instructeurs israéliens dans leurs interrogatoires, la Commission Landau a recommandé dans son rapport l’usage de pressions physiques et psychologiques modérées à l’encontre des présumés terroristes. Elle conclut « que l’action efficace des agents de sécurité pour neutraliser les actions terroristes, serait impossible sans recours à la machine de l’interrogatoire qui permet d’extorquer des informations vitales que seuls les terroristes connaissent et que l’on ne peut obtenir par d’autres moyens (66) « . Le professeur israélien Karmetzner commente le rapport en ces termes : « Si quelqu’un veut interdire la torture, il n’y a qu’un seul moyen pour y parvenir : c’est de faire tout pour que le corps du suspect soit tabou » (67).
L’article 1 de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la torture, ratifiée par Israël, définit la torture par rapport au but qui en est attendu. Ainsi, « la torture est tout acte provoquant un mal et une grande souffrance, physique ou psychologique, chez un individu en vue de lui soutirer, à lui ou à une tierce personne, des informations… » La Commission Landau a recommandé l’usage de pressions, psychologiques ou physiques, comme moyen d’extorquer aux présumés terroristes, des informations vitales. Ces pressions sont une forme de torture (68), car il est difficile sinon imp ossible à l’instructeur d’user de pressions modérées. Il va exercer les pressions jusqu’à l’obtention d’aveux complets. On ne peut tracer une ligne de séparation nette entre ce qui est considéré comme torture et ce qui est pression physique. Comment peut-on considérer comme modérée une pression qui oblige la victime à faire des aveux contre sa volonté. En cela, le professeur Karmetzner a bien raison de déclarer : « Toute pression physique ayant pour but d’obliger quelqu’un à parler est une torture et au moins un traitement avilissant et une atteinte à la dignité. Cela aussi est interdit » (69).
Ces procédés « modérés » d’interrogatoire sont demeurés secrets. Ce qui a été révélé du rapport précise seulement « l’emploi de menaces et l’usage des gifles » (70). Amnesty International commente ce rapport en ces termes : « Ces procédés doivent être pour le moins considérés comme un traitement ou une punition humiliante et indigne et donc catégoriquement interdits par le droit international. Les gifles sur le visage sont un traitement humiliant. Quant aux coups qui visent les oreilles et les pieds, ils peuvent causer de graves préjudices. «Les menaces (en particulier les menaces de mort) peuvent représenter une torture» (71).
Le rapport justifie l’usage de pressions physiques par la nécessité de lutter contre le terrorisme. Mais cette nécessité ne peut guère justifier cette tolérance à l’égard de la torture, interdite formellement par le droit international et par la quatrième Convention de Genève. Celle-ci l’interdit pour les civils et la place au niveau d’un crime de guerre. Pour ce qui est du corps médical, il est précisé que «la neutralité prend fin au moment où commence la souffrance du détenu et quand le médecin décide de la prolonger ou de l’ignorer» (72).
Le rapport sur l’état de santé du détenu, que le médecin est tenu de rédiger à l’entrée de ce dernier au centre de détention, est révélateur des procédés d’interrogatoire demeurés secrets. Conformément aux recommandations de la Commission Landau, la cagoule que l’on met sur la tête du détenu, son enchaînement, son isolement et la position debout prolongée qu’on lui impose, sont des procédés régulièrement utilisés. Ils constituent au moins des mauvais traitements, sinon une torture. La responsabilité du médecin est manifeste dans tous ces traitements illégitimes, eu égard à l’éthique de la profession et à la législation internationale.
L’article 2.4 de la Convention des nations unies contre la torture stipule que «nul ne peut invoquer lés ordres reçus de supérieurs hiérarchiques ‘ou d’une autorité supérieure pour justifier » la torture». Les fonctionnaires du corps médical sont tenus de ne pas participer à la torture. Leur responsabilité vis-à-vis de l’éthique de leur profession et en tant que fonctionnaires les en empêche. Leur qualité de fonctionnaire implique aussi bien évidemment la responsabilité de l’Etat israélien.
L’article 2.1 de la Convention contre la torture stipule que «tout Etat signataire doit prendre les mesures législatives, administratives et juridiques efficaces, ou toutes autres mesures pour empêcher les actes de torture sur tout territoire relevant de sa juridiction». Ce texte a surtout un caractère préventif. L’interdiction effective de la torture repose, en effet, sur des mesures législatives, juridiques, administratives et autres. Le gouvernement d’Israël n’a pas rempli ses engagements relatifs à l’article 2.1 de la Convention interdisant aux fonctionnaires de la santé de participer à la torture, dans les centres d’interrogatoire. C’est donc l’Etat qui viole la Convention de lutte contre la torture.
D’autre part et selon les termes mêmes de l’article 11 de la Convention contre la torture, «chaque Etat doit révéler régulièrement les conditions, procédés, recommandations et mesures régissant l’interrogatoire des personnes exposées à la détention sous toutes ses formes, dans les territoires relevant de sa compétence juridique et ce en vue d’empêcher la torture». Israël n’a pas respecté cette clause puisque les recommandations de la Commission Landau ont donné à la torture et aux autres traitements inhumains, valeur d’institution. L’adoption de ces recommandations contrevient aux obligations internationales d’Israël et a des effets directs sur le rôle des fonctionnaires médicaux. Les raisons en sont les suivantes. Le rôle joué par les fonctionnaires médicaux, et surtout les médecins, n’a pas été pris en compte par la commission Landau, malgré les preuves réelles de leur implication. L’occultation de certains procédés d’interrogatoire par la Commission Landau a de graves conséquences. L’avocat Avigdor Feeldman écrit à ce propos : «Les pressions physiques modérées n’ont souvent pas le succès escompté et il s’ensuit le décès du suspect. Dans ce cas, il faut faire appel au médecin qui, tenu par le rapport Landau de garder le secret sur les procédés d’interrogatoire, ne dira rien. Il pourra même fabriquer de toutes pièces le rapport médical et ira jusqu’à le falsifier en déclarant qu’il n’y a pas eu coups mais blessures au cours d’une tentative d’évasion » (73).
En fait, c’e st ce qui arrive chaque fois que quelqu’un subit la torture et qu’on le transporte chez le médecin. Celui-ci ne peut lever le secret sur les méthodes d’interrogatoire qui constituent une politique officielle à caractère secret. Ce faisant, le médecin couvre le crime de torture. C’est un cercle vicieux : L’Etat institutionnalise la torture, oblige les médecins à ne pas dévoiler les méthodes pratiquées au cours de l’interrogatoire, ce qui implique leur complicité dans les actes de torture. Evidemment, l’Etat n’entame aucune poursuite contre eux.
Le rôle du Conseil de l’ordre des médecins israéliens
Les principes de l’Ethique médicale des Nations unies ainsi que la Déclaration de Tokyo ont été ratifiés par le Conseil de l’ordre des médecins israéliens. Rappelons tou t de même que ces deux documents ne prévoient aucun mécanisme de contrôle national ou international, pour garantir une conformité du comportement des médecins aux critères éthiques. L’absence d’un tel mécanisme relativise l’interdiction de la torture. Et l’incitation par les juridictions internationales à adresser des rapports aux organismes nationaux ou internationaux spécialisés se révèle purement formelle. L’OMS, consciente de ce qu’un tel refus pourrait créer comme désagréments à ses auteurs, promet son soutien à ces médecins et appelle les organismes de médecins nationaux et internationaux à les soutenir. Il est, dans ces conditions, pour le moins curieux que jamais un médecin israélien n’ait opposé un tel refus. On ne peut dès lors que s’interroger sur le rôle de l’ordre des médecins israéliens.
En juillet 1990, le Dr Rohamma Maraton, présidente de la Ligue des médecins palestiniens israéliens pour les droits de l’homme, a écrit au Dr Myriam Zenger, présidente l’ordre des médecins israéliens, la lettre suivante : «Les fonctionnaires médicaux se retrouvent souvent dans des lieux sensibles où s’exercent des actes de violence et de torture. Aussi, nous invitons tous ces fonctionnaires médicaux à s’opposer à tout acte de violence et de torture qu’ils viendraient à surprendre et à nous adresser des rapports dans ce sens» (74). Le D1″ Zenger a promis dans sa réponse d’enquêter «sur toute accusation de participation à la torture lancée contre un médecin». Rien de tel ne s’est jamais produit et aucune enquête de ce genre n’a été entreprise (75). Le Dr Zenger a adressé aussi une lettre au Premier ministre israélien au sujet «du formulaire que remplissent les médecins à propos de l’état de santé des détenus», dans laquelle elle déclarait que l’ordre des médecins israéliens ignorait tout du formulaire dont elle avait pourtant reçu une copie envoyée par la Ligue des médecins palestiniens et israéliens pour les droits de l’homme. Elle ajoutait : « si un tel formulaire existe réellement, nous n’en avons absolument pas connaissance… Les médecins ne seraient de toute façon pas autorisés à répondre aux questions (B, C et D) du formulaire, ni prêter leur concours aux autorités pour de semblables pratiques » (76). Cette lettre montre bien que l’Ordre des médecins israéliens ne fait pas convenablement son travail de contrôle, en particulier auprès des médecins exerçant dans les camps de détention et les prisons israéliennes (77).
Affirmer, comme le Dr Zenger, que les médecins ne sont pas autorisés à coopérer avec les autorités à propos du questionnaire ne suffit pas. L’ordre des médecins devrait enquêter très sérieusement sur les médecins des prisons et des camps pour mettre fin à ces graves violations. «La juridiction internationale et les principes éthiques unanimement reconnus dans le monde peuvent constituer une arme redoutable dans une action menée de leur propre initiative par le monde médical et la société toute .entière» (78). Sanctionner les médecins reconnus coupables de participation à la torture est d’une grande importance si l’ordre des médecins a vraiment le souci d’empêcher l’implication des médecins dans la torture. Car, en dernier ressort, ce sont ceux qui (font silence sur ces pratiques qui portent la principale responsabilité.
NOTES : 1- Amnesty International, Involvement of Médical Personnel in ‘Abuses Against Detainees and Prisoners, AI Index: ACT 75/08/90, Nov. 1990, p.3.
2- British Médical Association, Medicine betrayed, Zed book, London, 1992, p.2.
3- Amnesty International, Israël and thé Occupied Territories: Fears of Torture or ill-treatment, London, 1992, AI Index: MED 15/5/92.
4- Azzet Nafissou : officier circassien de l’armée israélienne. Arrêté, jugé et condamné par un tribunal militaire à 18 ans de prison pour espionnage en faveur de la Syrie. Il allégua à l’époque que ses aveux lui furent extorqués sous la torture mais les instructeurs du service de sécurité générale l’ont nié.
Quant à l’affaire du Bus n° 300, il s’agissait de quatre Palestiniens ori ginaires de Gaza qui se sont emparés en avril 1985 d’un bus israélien et ont ordonné au chauffeur de se diriger vers la frontière égyptienne. En cours de route, un commando israélien a attaqué le bus. Il fut publié sur le moment que les auteurs de la prise d’otages avaient été tués lors de l’attaque. Mais des photos prises lors de l’attaque montrent que deux des quatre preneurs d’otages ont été arrêtés vivants et tués par la suite.
Dioud Yatoum était sous-directeur de la Sécurité générale israélienne et principal suspect dans l’affaire du Bus n° 300. C’est lui qui a participé à l’action du commando et ordonné la mise à mort des deux rescapés. Il a été démis de ses fonctions mais, au lieu de passer en jugement, il fut nommé par Natanyahou conseiller pour les affaires de terrorisme. Le Centre palestinien des droits de l ‘homme a demandé au nom des familles des victimes la réouverture du dossier et réclamé l’inculpation de Yatoum à la suite de la publication de ses aveux dans le journal Y. Ahranout du 31 octobre 1996. Le ministère public israélien a refusé la requête au motif que Yatoum, gracié par le Premier ministre, ne peut être jugé dans une affaire définitivement close. Le Centre palestinien a publié de nombreux communiqués à ce sujet pour réclamer, vainemen t, la comparution de Yatoum en justice.
Pour plus d’information : Al-Haq, A nation Under Siège, Al-Haq annual Report on Human Rights Report in thé Occupied Territories of 1989, Ramallah, West Bank, 1990, p. 171.
5- The Report of thé Commission of Inquiry of thé methods of Interrogation of thé General Security Services Regarding Hostile Activity (Known as Landau Commission) was Published by on 30 October 1987. The full English translated text is in thé Library of thé Palestinian Center for Human Rights. Ch.4, Par. 26. See also par. 20 and 36.
6- Al-Haq : A nation Under Siège, p. 171.
7- Rapport de la Commission Landau 4 et 7
8- Pour plus de détails sur le rapport de la Commission, cf .Moderate physical pressure : Interrogation methods in Israël, The Public Committee Against Torture in Israël, Jérusalem, 1990, pp.14-19.
9- Amnesty International, « Israël and thé occupied Territories : Doctors: and Interrogation Practices, thé case of Nader Qumsieh », AI Index : MED 15 septembre 1993, p. 17.
10-Annexe I
11-Annexe n
12- Organisation Al-Haq : témoignage n° 15 53.
13- Organisation Al-Haq : témoignage de Youssef Manna, âgé de 18 ans, en date du 23 juin 1989.
14- Organisation Al-Haq : témoignage n° 461 en date 11 juin 1984
15- Organisation Al-Haq : témoignage n° 459 en date du 11 juin 1984.
16- Hanna Friedman, « Wh ere Hâve ail doctors Gone? » Challenge, Jérusalem, vol. III., n°6, p.12.
16- Hanna Friedman, « where Have All the Doctors Gone? » Challenge, Jérusalem, vol. III, no. 6, p. 12.
17- Organisation Al-Haq : témoignage n° 3181 en date 8/07/1992.
18- A Nation Under Siège, P. 214
19- Arie Shavit, « Twelve days on Gaza Beach » reprinted from Ha’aretz, 3rd March 1991, translated and published by Al-Fajr a weekly newspaper, published in East Jérusalem, 13 and 20 May 1991.
20- Ruchama Maraton, « Defming Torture: Médical Community and thé Employaient of Torture », News from within, 2nd July 1993, p.8.
21- Le rapport d’A.I. déjà cité.
22- Ruchama Maraton, : « The white coat passes like a shadow: thé health profession and torture in Israël » in N. Gordon & R. Maraton (éd.) Torture: Human Rights, Médical Ethics and thé Case of Israël, Zed Books, new Jersey, 1995, p. 34,
23- A Nation Under Siège, P 106
24-Ibid,P.107
25- The Association of Israeli – Palestinian Physicians for Human Rights, Annual Report 1990, Tel-Aviv, p. 30.
26- Le premier cas où une famille fût autorisée à déléguer un médecin légiste pour assister à l’autopsie fut le cas de Ibrahim Al Moutaouar, décédé en date du 21 octobre 98, au camp Addahiria à El-Khalil.
27- La première fois où les autorités israéliennes autorisèrent un médecin légiste désigné par la famille d’une victime à se rendre sur le lieu du décès ce fut lors du décès de Khaled Ecchikh à la prison centrale de Gaza le 20 décembre 1989.
28- A Nation Under Siège, P.230.
29- Le cas du défunt Ibra him Al Moutaouar, fut le premier où le rapport d’un médecin légiste a été publié par l’Institut de médecine légale. Auparavant ces rapports étaient gardés secrets.
30- Robert H.Kirschner, « Médico-Légal Death Investigation in Israël » in R.Maraton and N.Gordon in R.Maraton and N.Gordon (ed), Torture : Human Rights, Médical Ethics and thé Case of Israël ( AIPCHR), Zed Books, New Jersey, 1995, p..83.
31- Eric Sover, Breaking of Bodies and Minds, W.H. Freeman Company, NewYork 1985, p.30. Pour une étude plus détaillée sur les crimes commis par les médecins Nazis au cours de la 2ème guerre mondiale, voir : G.Annas M.Grodin, The Nazi Doctors and thé Nuremberg Code : Human Rights in Human Expérimentation, 1992, Oxford University Press, Ch 4 and 5.
32- Geneva Oath, voir : Amnesty International, Ethical codes and Déclarations relevant to thé Health Professions, AI Index : ACT 75/01/85, Second Edition : June 1985, p.2.
33- Source précédente, P. 5
34- Voir texte complet dans la source précédente, P 90. Le texte de la Déclaration est publié en français dans : Commission médicale de la section française d’A.I et Valérie Marange: Médecins tortionnaires, médecins résistants, La Découverte, Paris, 1989, P. 166-167.
35- L’Assemblée générale de l’ONU. a adopté en 1975 « La déclaration de protection contre la torture… » et tout de suite après la résolution N° 2453, dans laquelle elle lança un appel à l’OMS pour accorder un intérêt supplémentaire à l’étude des problèmes d’éthique médicale en rapport avec la protection des personnes contre la torture et les mauvais traitements. L’OMS a publié en janvier 1979, un rapport intitulé « Evolution des critères éthiques médicaux ». Dans une de ses annexes, figurait un avant-projet de principes, préparé par Le Conseil des organisations mondiales des sciences médicales (CIOMC). L’Assemblée générale des N.U. a adopté au cours de sa 37ème session « les principes éthiques de la profession médicale » et ce par décision N°37/194, datée du 18 décembre 1982.
36- Danish Médical Bulletin, Copenhagen, Vol.43.N°4, August 1987,p . l95.
37- Rapport du rapporteur de l’ONU. pour la torture UN/ DOC.E/CN 4/1987/13, 9 January 1987, p.10, paragraph 28.
38- Amnesty International French Médical Commission and Valérie Marange, Doctors and Torture, Bellow Publishing, London, 1989, p.26.
39- Niger Rodly, The Treatmentof prisonersunder International Law, Oxford University Press. New york 1987, p.296.
40- II n’est pas permis aux fonctionnaires médicaux de participer sous quelque forme que ce soit, à une sanction corporelle ou toute autre sanction pouvant avoir des effets contraires à la bonne santé, physique ou mentale du prisonnier ou du détenu. En plus, les fonctionnaires médicaux sont dans l’obligation d’estimer si de telles sanctions son t conformes aux critères internationaux. Source précédente, P.294-296.
41- L’Association mondiale de psychiatrie a adopté la déclaration de Hawaï en 1977 au congrès international de la médecine mentale de Honolulu. Pour connaître le texte de la déclaration, voir Amnesty International, Ethical Codes.
42- Source citée, p. 12.
43-A été adopté par l’assemblée du Conseil international des infirmiers à Séoul, en Mai 1989.
44- Déclaration de Madrid : adoptée par la commission permanente des Médecins européens, lors de sa réunion à Madrid en date du 24 et 25 Novembre 1989.
45- Danish Médical Bulletin, Copenhagen, January 1990, Supplément N° 1, p.45.
46- Breaking of Bodies and Minds, p. 13.
47-Source citée.p36.
48-Source précédente. P.36
49-Source précédente, p.3 6.
50- Danish Médical Bulletin : Source citée, p.194-195.
51-Rodly, op. cité, p.278,
52-Source précédente , p.298.
53- Les principes d’éthique médicale des Nations unies n’ont pas comporté un article équivalent. Ceci s’explique par le fait que la Déclaration de Tokyo a été le fait d’un organisme professionnel et non d’une institution politique comme les Nations unies.
54- L’assemblée générale des Nations Unies. a adopté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme par sa résolution 217(ii), le 10 Décembre 1948.
55-Pour plus de détails sur la valeur juridique de la DUDH, voir par exemple : Humphrey J, The Universal Déclaration of human Rights : Its History, Impact and Judicial Character in Ramcharan C(ed) Human Rights, Thirty Years after thé Universal Déclaration, Nijhoff,1977.
56- L’Assemblée générale des N.U a adopté le traité international sur les droits civiques et politiques. Résolution 2200 ACXXI, en date du 16 Décembre 1966.
57- La Convention des nations unies contre la torture a été adoptée par l’Assemblé générale des N.U. par sa résolution 39/46 en date du 10 décembre 1984.
58- Pour les objectifs de la convention, voir notamment : Sighart P. ; The international Law of Human Rights, Clarendon ; Press, Oxford 1983, p.173. See also, Rodly, p.173.
59- Pour plus de renseignements sur de tels manques, voir par exemple : tardu, ME, thé UN Convention and other Cruel, Inhuman or Degrading treatment or Punishment, 56 Nordic journal of International Law. Botterud,k., international Protection of Fundamental Freedoms and
Human Rights : The Convention Against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment, 8 ASILS International Law Journal, 1984.
60- La Commission Européenne des droits de l’Homme a été la première à donner une définition de la torture dans le cas de Greek case le 5 novembre 1969, lors de son interprétation de l’article 3 de la Convention Européenne des droits de l’homme, p.45.
61- L’ensemble de Règles minima pour le traitement des détenus, ont été adoptées par la première réunion des Nations Unies consacrée au crime, tenue à Genève en 1955. Elles ont été adoptées par le Conseil Economique et Social des Nations Unies par ses résolutions 663 (D-24), datée du 31 juillet 1975, et 2067 (D-62), en date du 13 mai 1977.
62- L’ensemble des Principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, ont été adoptés par la résolution de l’assemblée générale des N.U. 43/173, en date du 9 décembre 1988.
63- Le Comité International de la Croix Rouge : Convention de Genève, en date du 12 août 1949, Gen ève 1989. Les annexes aux conventions de Genève en date du 12 août 1949, Genève 1977.
64- Voir les articles 12 de la première Convention, les articles 17 et 87 de la troisième Convention et les articles 32, 118, 119 de la quatrième Convention.
65- Voir l es articles : 50 de la première Convention, SI delà deuxième Convention, 13 de la troisième et 147 de la quatrième.
66- Rapport de la Commission Landau, 4et 6.
67- Moderate Physical Pressure, p. 18.
68- Pour que le mauvais traitement le soit vraiment, il n’a pas besoin d’être prémédité. La convention des N.U. ne l’a pas mentionné comme elle l’a fait pour la torture.
69- Source précédente, p. 18.
70-Commission Landau, 3 et 15.
71- Amnesty International, Israël and thé Occupied Territories, The Military justice System in thé Occupied Territories. Détention, Interrogation ans trial Procédures, AI Index : MED 15/34/91, July 1991, p.63.
72- Doctors and Torture, p.28. op. cité.
73- Moderate physical pressure, p.25.
74- Judith Green, « The Doctoring of Torture : IsraePs Médical Profession turns a Blind Eye to Human Rights Violations », Challenge, Jérusalem, V.ILN0 3, May-June 1991.
75- Source précédente, p. 12.
76- Voir annexe II.
Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï
Ndt : Cette étude est parue dans l’ouvrage : Violence et torture dans le monde arabe, l’intégrité physique et morale (en arabe et français), Paris 1998 ; seconde édition L’Harmattan, Paris 2000- ISBN : 2-7384-8807-2.
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