3
prisonniers palestiniens détenus dans les prisons sionistes poursuivent
la grève de la faim, contre la détention administrative.
Sami
Janazra, 43 ans, du camp al-Fawwar, dans la province d'al-Khalil, a été
hospitalisé d'urgence après 51 jours de la grève de la faim. Il avait
été placé en isolement, pour lui faire arrêter sa lutte, mais il a perdu
connaissance, et est tombé sur la tête. Il a été emmené à l'hôpital.
Le prisonnier Fouad Assi, 30 ans, mène la grève de la faim depuis 20
jours, après la prolongation de la détention administrative pour 6 mois.
Ancien prisonnier qui a passé 5 ans dans les prisons de l'occupation.
Adeeb Mafarja, 28 ans, de la région de Ramallah, est en détention
administrative depuis 16 mois. Il a commencé la grève de la faim le 3
avril dernier, dans la prison du Naqab.
Prisonniers palestiniens en grève de la faim, pour réclamer l'abolition
de la détention administrative et la fin de l'isolement dans les prisons
sionistes
Le prisonnier Fouad Assi, 30 ans, de Bayt Laqia,
Ramallah, en grève de la faim depuis le 3 avril dernier. Deux jours
après avoir entamé la lutte, la direction carcérale sioniste l'a placé
en isolement.
Iyad Fawargha, de Bayt Laham, condamné à 27 ans de prison, mène la grève de la faim depuis 37 jours.
Sami Janazra mène la grève de la faim depuis 46 jours pour réclamer la fin de la détention administrative.
Le prisonnier Adeeb Mafarja annonce la grève de la faim pour protester contre la détention administrative.
Agé de 28 ans, Adeeb Mafarja a passé 8 ans de sa vie dans les prisons
de l'occupation, en détention administrative, c'est-à-dire sans aucune
charge contre lui, sinon un rapport des services de renseignements
sionistes le considérant comme représentant une menace contre
l'occupation. Inscrit à l'université, il n'a jamais pu continuer ses
études, étant souvent arrêté et détenu. Sa dernière arrestation date de
décembre 2014, détention renouvelée sans cesse depuis cette date.
Il mène la grève de la faim avec son ami Fouad Assi. Il a été placé en
isolement, pour faire pression sur lui et sur son ami, qui poursuivent
la grève de la faim depuis 10 jours.
Grève de la faim du prisonnier Shukri Khawaja (47 ans) pour réclamer la fin de son isolement dans les prisons sionistes
Il est isolé depuis 16 mois dans la section d'isolement de la prison de
Ramon, dans le Naqab. Le tribunal sioniste d'Eschel vient de le
condamner à la prolongation de son isolement. Il souffre de plusieurs
maux, certains dus à la torture subie lors de son interrogatoire dans la
prison de Ofer.
Shukri Khawaja avait été prisonnier pendant 16
ans, avant d'être libéré il y a quelques années. Arrêté à nouveau en
2014, il avait été placé en détention administrative avant d'être jugé
pour appartenance au mouvement Hamas et condamné à 15 ans de prison par
le tribunal de l'occupation.
Des prisonniers palestiniens du Mouvement du Jihad islamique et du FPLP
entament une grève de la faim, pour protester contre le système
d'isolement que les sionistes pratiquent contre des prisonniers jugés
menaçants pour leur sécurité.
30 prisonniers de ces deux mouvements,
détenus dans Meggido, ont décidé de reprendre le mouvement de
protestation, dont le responsable du Mouvement du Jihad islamique dans
les prisons, Zayd Bsissi. La direction sioniste des prisons continue à
isoler les prisonniers du mouvement, qu'elle avait promis de remettre
avec les autres prisonniers. Il s'agit de Nahar Saadi, isolé depuis 3
ans, Fares Saada, Ahmad Abu Jazar, Mounir Abu Rabi', Husni Issa et Sa'id
Saleh.
24 avril 2016
22 avril 2016
Cela s’est passé un 26 Janvier 1997, assassinat d’Amel Zanoun Zouani
Amel, étudiante en droit, fut égorgée à un barrage dressé par un groupe armé près de Sidi Moussa (Alger).
Le 26 Janvier 1997, Amel Zenoune Zouani, jeune étudiante en droit quitte Alger dans un bus de l’université pour rentrer chez elle à Sidi Moussa, environ une heure avant la rupture du jeune. En ce dimanche 17ème jour du ramadan, l’on célèbre ghazouat badr. Le bus tombe sur un faux barrage du GIA au lieu dit Benedja (Bentalha). Les passagers tremblent de peur et voient leur dernière heure arrivée.
Mais les terroristes ne semblent pas se soucier d’eux. Une seule personne les intéresse : Amel Zenoune Zouani. On lui intime l’ordre de descendre du bus et la jeune fille s’exécute avec courage.
L’un des hommes armés aiguise son couteau sur une pierre et, sans le moindre état d’âme, égorge la jeune fille sous le regard des autres passagers terrifiés. Il leur dira en substance qu’elle servira d’exemple à toutes celles qui fréquentent les universités.
Amel n’avait que 22 ans. Elle était belle et avait des projets plein la tête. Elle laissera des sœurs et une mère inconsolables. Lors d’un rassemblement, le 22 mars 2012 (journée contre l’oubli, instaurée par l’association Ajouad Algérie Mémoire, elle dira qu’elle n’avait pas réussi à surmonter l’assassinat de sa fille. Qu’elle refusait de pardonner à celui qui lui avait tranché la gorge. Que cette amnistie était une supercherie pour plonger tout un peuple dans le déni. Et khalti Houria, comme toutes les victimes du terrorisme barbare, refuse d’oublier. La douleur de cette mère-courage ne diminuera jamais. Elle poursuivra son combat contre l’oubli et répondra toujours présente pour témoigner de l’horreur. En décembre dernier, khalti Houria s’éteindra, allant rejoindre sa fille qu’elle n’a jamais cessé de pleurer.
Amel, comme beaucoup de femmes algériennes, paieront de leur vie leur courage face au terrorisme intégriste. Elles seront nombreuses à passer sous la lame du couteau pour avoir refusées le diktat de ces hordes barbares qui voulaient imposer aux femmes de porter le hidjab et de ne plus mettre les pieds à l’école et à l’université.
Ces femmes, ainsi que tous ceux qui ont été assassiné par le terrorisme aveugle, deviendront le symbole d’une Algérie qui refuse sa mise à mort. Et aujourd’hui, leur rendre hommage est un devoir. Un devoir de mémoire et une obligation morale pour ne pas tomber dans les filets de l’obscurantisme qui continue de menacer l’Algérie.
Zineb Merzouk
Sources :
Jan 26, 2015
Amel, étudiante en droit, fut égorgée à un barrage dressé par un groupe armé près de Sidi Moussa (Alger).
Le 26 Janvier 1997, Amel Zenoune Zouani, jeune étudiante en droit quitte Alger dans un bus de l’université pour rentrer chez elle à Sidi Moussa, environ une heure avant la rupture du jeune. En ce dimanche 17ème jour du ramadan, l’on célèbre ghazouat badr. Le bus tombe sur un faux barrage du GIA au lieu dit Benedja (Bentalha). Les passagers tremblent de peur et voient leur dernière heure arrivée.
Mais les terroristes ne semblent pas se soucier d’eux. Une seule personne les intéresse : Amel Zenoune Zouani. On lui intime l’ordre de descendre du bus et la jeune fille s’exécute avec courage.
L’un des hommes armés aiguise son couteau sur une pierre et, sans le moindre état d’âme, égorge la jeune fille sous le regard des autres passagers terrifiés. Il leur dira en substance qu’elle servira d’exemple à toutes celles qui fréquentent les universités.
Amel n’avait que 22 ans. Elle était belle et avait des projets plein la tête. Elle laissera des sœurs et une mère inconsolables. Lors d’un rassemblement, le 22 mars 2012 (journée contre l’oubli, instaurée par l’association Ajouad Algérie Mémoire, elle dira qu’elle n’avait pas réussi à surmonter l’assassinat de sa fille. Qu’elle refusait de pardonner à celui qui lui avait tranché la gorge. Que cette amnistie était une supercherie pour plonger tout un peuple dans le déni. Et khalti Houria, comme toutes les victimes du terrorisme barbare, refuse d’oublier. La douleur de cette mère-courage ne diminuera jamais. Elle poursuivra son combat contre l’oubli et répondra toujours présente pour témoigner de l’horreur. En décembre dernier, khalti Houria s’éteindra, allant rejoindre sa fille qu’elle n’a jamais cessé de pleurer.
Amel, comme beaucoup de femmes algériennes, paieront de leur vie leur courage face au terrorisme intégriste. Elles seront nombreuses à passer sous la lame du couteau pour avoir refusées le diktat de ces hordes barbares qui voulaient imposer aux femmes de porter le hidjab et de ne plus mettre les pieds à l’école et à l’université.
Ces femmes, ainsi que tous ceux qui ont été assassiné par le terrorisme aveugle, deviendront le symbole d’une Algérie qui refuse sa mise à mort. Et aujourd’hui, leur rendre hommage est un devoir. Un devoir de mémoire et une obligation morale pour ne pas tomber dans les filets de l’obscurantisme qui continue de menacer l’Algérie.
Zineb Merzouk
Sources :
- https://ajouadmemoire.wordpress.com/2015/01/24/amel-zenoune-26-janvier-1997/
- http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/03/27/article.php?sid=132080&cid=2
notre gratitude va à Josiane Alépée qui nous a procuré cet article, afin que nul n'oublie
20 avril 2016
Docteur Sahbi Amri: Lettre ouverte au Président de la République
Publié par Candide le 20 avril 2016
رسالة الى رئيس الجمهورية التونسية الباجي قايد السبسي
التاريخ: الجمعة, أبريل 8, 2016
الدكتور الصحبي العمري
الموضوع: طلب تكفّل رئاسة الجمهورية بكامل مصاريف تركيب أرجل إصطناعية «جينوم إيكس 3» في باريس إثر رفض مقنّع صادر من الصندوق الوطني للتأمين على المرض في تنفيذ قرار اللجنة الوطنية للصحة وعدم تدارك إخلالاته الإدارية الصادرة في 7 ديسمبر 2015 ..
سيادة الرئيس .. سلاما وإحتراما .. وبعد ..
أشكر فضل رعاية شخصكم وتدخلكم في محاولة إزالة العقبات في تسهيل ظروف علاجي والتعاطي مع وضعي الصحي منذ 22 سبتمبر 2015 حيث بعد أن وقع بتر رجلي الثانية في جويلية 2015 وخضوعي للعديد من حصص إعادة التأهيل العضوي لجأت إلى سيادتكم طالبا من جنابكم التكفل بمصاريف تركيب أرجل إصطناعية «جينيوم إيكس 3» الغير متوفّرة في تونس .. حيث قمتم بتوجيه ملفي إلى جناب وزير الصحة السيد سعيد العايدي الذي تعهّد مشكورا بالموافقة عبر اللجنة الوطنية للصحة التي أصدرت قرار التكفّل بمصاريف تركيب الأعضاء الإصطناعية المشار إليها وإسناد عملية الإنجاز لشركة فرنسية في باريس بعد أن تقدّمت بملف طبّي في الغرض مصحوبا بفواتير تقديرية لشركتين تونسية وفرنسية تابعتين لمؤسسة «أوتوبوك» الألمانية بتاريخ 7 ديسمبر 2015 .. إلاّ أنّه بعد حصولي على وثيقة قرار التكفّل بمصاريف تركيب الأرجل الإصطناعية من مصلحة العلاج بالخارج بالصندوق الوطني للتأمين على المرض إثر إتمام الإجراءات الإداريّة وخلاص معلوم مساهمة براتبين خام من جرايتي الوظيفية حسب القانون المعمول به تفطّنت إلى خلل إجرائي في قرار التكفل الذي لم يتضمّن مصاريف االسفر ولإقامة والتنقل مدة شهرين للتأهيل على إستعادة المشي في باريس مع مرافق .. ومنذ ذلك الحين تحوّلت إلى حد اليوم رغم إعاقتي العضوية العميقة إلى كرة تتقاذفها أروقة ومكاتب وطوابق مقر الصندوق الوطني للتأمين على المرض حيث تعرّضت إلى التسويف والمماطلة والمغالطة والكذب من طرف العديد من مسؤولي الكنام لأجد نفسي ممنوعا دون سبب من الولوج على كرسي متحرك إلى مقر الكنام رغم موعد مسبق مع مدير التأمين على المرض والعلاج بالخارج فتحي الشتوان يوم 4 مارس 2016 ممّا إستدعى حضور الأمن لتأكيد الخروقات والتجاوزات والتلاعب بصحة مريض معاق ومقعد بعد أن نشرت إحدى الصحف معاناة أحد ضحايا التعذيب في الكنام..
وفي موعد لاحق يوم 7 مارس 2016 قررت إدارة الصندوق الوطني للتأمين على المرض التراجع الفجئي عن قرار التكفل الصادر عن اللجنة الوطنية للصحة في 7 ديسمبر 2015 وتغييره بإسناد تنفيذ قرارها الصادر في 7 ديسمبر 2015 إلى وكيل معتمد لشركة «أوتوبوك» في تونس الذي رفضت عرضه اللجنة الوطنية للصحة في 7 ديسمبر 2015 والذي لم أجد أيضا مانعا في قبول إنجازهذه الأرجل الإصطناعية لديه مع ضمان نجاح عملية التركيب وإستعادة المشي رغم قناعتي بعدم وجود الإطار الفني والتقني والطبي في تونس لتركيب «جينيوم إيكس 3» حسب تأكيدات صادرة لي مباشرة من الوكيل المعتمد لشركة «أوتوبوك» في تونس الذي رفض بعد ذلك التواصل معي حتى لا يفتضح كذبه ممّا إضطرني للتحاور معه عبر عدل تنفيذ لكشف المغالطة ..
وإذ تتستّر إدارة الكنام بوثيقة مفتعلة مسلّمة بتاريخ 29 فيفري 2016 من الوكيل المعتمد لشركة «أوتوبوك» الألمانية في تونس لتبرير التسويف والمماطلة والمغالطة مع رفض تدارك الإخلالات الإدارية في القرار الصادر في 7 ديسمبر 2015 عن اللجنة الوطنية للصحة من حيث مصاريف السفر والإقامة والتنقل مع مرافق في باريس مدة شهرين رغم وصولي إلى إلغاء شرط الدفع المسبق للشركة الفرنسية وتغييره بإعتماد بنكي يضمن الخلاص بعد الإنجاز وقبول الأرجل الإصطناعية وإستعادة المشي حسب تقرير إختبار طبي لاحق .. ورغم إستعدادي لقبول التعامل مع الوكيل المعتمد لشركة «أوتوبوك» الألمانية في تونس ورضوخي لتلاعب عناصر مسؤولة في الكنام بملفي بالإلتجاء إلى أساليب خسيسة في تفعيل رفض مقنّع للتكفّل الكامل بمصاريف تركيب أرجل إصطناعية «جينوم إيكس 3» أينما تقرر إدارة الكنام إلاّ أنّني رأيت نفسي شحّاتا ومتسوّلا في طلب حق مشروع بعد أن تضررت صحتي من جرائم التعذيب في سنوات الجمر ..
وإذ لا أرغب في التشهير الإعلامي واللجوء إلى القضاء بين الداخل والخارج لفضح ما يحدث لي من إهانة وقهر وغبن في إحدى مؤسسات الدولة بعد الثورة رغم تعليمات صادرة عن رئيس الجمهورية ووزير الصحة وعدم تجاوب وزير الشؤون الإجتماعية محمود بن رمضان في الموضوع لتحقيق طلب بسيط أسترجع من خلاله ما تبقى من حركيّتي الذاتية وليس عافيتي فإنّني أثمّن في سيادتكم حرصكم ومجهوداتكم في تفعيل مسؤولية الدولة في مثل هذه الممارسات الإجرامية في مؤسسات الدولة سابقا بإستجابتكم لطلبي من أجل السعي نحو مصالحة وطنية شاملة نتجاوز بها رواسب ومخلفات مآسي الماضي الأليم فإنّني أطلب من سامي جنابكم إعفائي من التوجّه والتعامل مع الصندوق الوطني للتأمين على المرض لهذا الغرض وذلك بأن تتكفّل رئاسة الجمهورية بمصاريف تركيب الأرجل الإصطناعية «جينيوم إيكس 3» في باريس كاملة من حيث السفر والإقامة والتأهيل والتنقل مع مرافق مدة شهرين .. مع الشكر والسلام وفائق التقدير والإحترام.
الدكتور الصحبي العمري
https://tunisitri.wordpress.com/2016/04/20/sahbi-amri-lettre-ouverte-au-president-de-la-republique/
merci Ahmed Manai
Ahmed Amri: Ahmed Loghmani, l’inaltérable cœur sur une lèvre
Il avait un manuscrit2 en attente de permis de publication, on lui a
refusé le permis. Et ses écrits, sa poésie, son nom, autrefois
incontournables dans les pages culturelles des quotidiens, et dans les
revues littéraires, sont devenus du jour au lendemain tabous,
blasphèmes.
Merci à Ahmed Amri pour ce magnifique hommage à un Grand poète
Tunisie: politique et culture
A. Amri
lundi 18 avril 2016
Ahmed Loghmani: l’inaltérable cœur sur une lèvre
Il a connu la gloire, les honneurs, les hautes fonctions, la récompense du mérite. Puis le vent a tourné.
Ahmed Loghmani
Durant 24 ans, pour avoir été l’indéfectible ami de Bourguiba, il a éprouvé ce que les ci-devant en France avaient subi au lendemain de la Révolution de 1789. Il avait un café à Tunis, on lui en a confisqué la patente. Ne pouvant le rouvrir, il fut contraint de le vendre. A moitié prix1. Il avait un manuscrit2 en attente de permis de publication, on lui a refusé le permis. Et ses écrits, sa poésie, son nom, autrefois incontournables dans les pages culturelles des quotidiens, et dans les revues littéraires, sont devenus du jour au lendemain tabous, blasphèmes.
Il était manifeste que le dictateur voulait sa mort. A défaut de le voir, délié de ses vieilles attaches, repenti de son bourguibisme inconditionnel, en commerce avec lui. Car derrière cette hargne, outre la fin de non recevoir opposée à Carthage qui, à travers son ministre de la culture, téléphonait, invitait, sollicitait les faveurs du poète3, un pamphlet, et marquant le début des années de braise4, contre Zin al-Arab5. Zin al-Arab qui voulait faire du Zarati6 le chantre du 7 Novembre, et «l’ingrat Zarati» crachait sur la main providentielle. Un autre à sa place, au premier clin d’œil gracieux de Ben Ali, aurait fait exploser de youyous sa gorge. Avant d’accourir baiser, avec la plus extrême dévotion, la main et les bottes de la grâce. Lui, il a tout simplement dit non. Sans même juger nécessaire de dire cela avec courtoisie. Et comble du kufr, il osait attaquer par une satire mordante Zin al-Arab! Carthage n’a rien ménagé pour lui faire regretter un tel affront. Mais c’était méconnaître la trempe du poète. Et l’indéfectible lien qui l’attachait à Bourguiba et le faisait mépriser si fort Ben Ali. Bourguiba l’ami, le frère ainé, le « ci-devant n°1» qui fut un monument, enfermé dans sa villa-prison de Monastir, injurié par l’un de ses anciens laquais, et avec la bénédiction de tant et tant de félons.
Mokhtar Loghmani
Le poète n’était ni de la race prostituable ni des plumes achetables. A ce propos, beaucoup de Tunisiens de la vieille génération se sont longtemps mépris sur son compte. Et quoique lui reconnaissant la force du vers classique, la verve étourdissante, l’esthétique irréprochable, ils lui en voulaient d’avoir été le tribun immodéré du bourguibisme. Même son neveu Mokhtar, pourtant sorti de l’école « Houat Al-Adab »7, ne l’a pas ménagé là-dessus8. Toutefois Mokhtar savait, en poète engagé d’abord, en professeur d’arabe9 autant qu’en littérateur averti, que « l’âme damnée» de son « Étoile polaire »10 n’était pas un vulgaire thuriféraire du pouvoir. Il savait que son oncle était à Bourguiba, toutes proportions gardées, ce que furent H̩assan ibn T̠habit au Prophète, Al-Moutanabbi à Seif-addaoulat, Aimé Césaire à Senghor, Pablo Neruda à Allende. Entre autres. S’il avait chanté, en toute occasion, les luttes et les mérites du Combattant-Suprême, c’était non par arrivisme, non par khobsisme comme diraient les Tunisiens, mais il l’a fait en militant sincère et convaincu, en bourguibiste engagé. Et chaque vers, chaque syllabe, chaque lettre dédiée à son ami sortaient droit de son cœur. Un cœur sur une lèvre11, comme le dit si bien le titre de son premier recueil de poésie. Mokhtar, politiquement d’une tout autre couleur, savait cela. Et si la politique, l’idéologie, l’âge, les formes d’écriture, séparaient nettement leurs poésies respectives, le cadet n’a jamais désavoué le sang. L’oncle non plus, d’ailleurs, qui a pleuré son petit neveu parti à la fleur de l’âge, à travers un poème ayant pour titre
«Atroce ! le crépuscule des croissants».
le croissant s’est évanoui
à peine émergé de la masse noire
pour annoncer la nouvelle lunaison
l’éphémère avait respiré
et ce fut un parfum étincelant
une lumière qui embaume
et un flambeau à l’horizon12
Son amitié avec le premier président de la Tunisie indépendante fut la conséquence d’un coup de cœur bourguibien pour l’un de ses poèmes, entendu à la radio13. Apparemment, il s’agirait de l’un des premiers poèmes dédiés à sa terre natale Zarat14. Grand mordu de poésie, Bourguiba a demandé aussitôt à voir l’auteur. Et dès la première rencontre, une amitié sans fin va unir les deux personnages, que les années-mêmes de l’infortune commune n’ont pu que fortifier. Dans sa villa-prison, le président déchu n’avait droit qu’à de rares visites. Même la correspondance avec ses proches et ses amis lui était interdite. Et le poète figurait en tête de la liste rouge. Bourguiba avait beau crier, beau écrire au procureur de Monastir, demandant à être sorti de sa geôle ou jugé, jugé pour donner quelque sens à l’absurde de sa condition, ses requêtes sont restées lettres mortes.
Le 6 avril 2000, la mort a daigné accorder au prisonnier de sa villa la délivrance. La télévision nationale qui a consacré à la nouvelle un flash d’à peine deux minutes a poursuivi ses émissions ordinaires comme si de rien n’était. Et les Tunisiens, médusés, n’imaginaient pas encore ce que leur réservait le lendemain, jour d’enterrement. Alors que de nombreux chefs d’États étrangers étaient venus pour rendre un dernier hommage à Bourguiba, que des millions de citoyens s’étaient rivés de bon matin à leurs télés pour suivre les funérailles, la télévision, elle, jugea plus sensé d’honorer le mort en rappelant aux vivants les acquis du 7 Novembre. Poussant jusqu’au bout son cynisme, Ben Ali avait donné l’ordre de ne pas transmettre les obsèques de Bourguiba.
Le poète, alors âgé de 88 ans, n’a pas pleuré depuis bien des années. Ce jour-là, à la faveur de cette dernière injure à Bourguiba il a retrouvé sa fraîcheur émotionnelle. Pleurant l’ami, le frère aîné, certes, mais bien plus de l’oppression qui ne pouvait plus se faire comprimer. Comment pouvait-on gratifier ainsi Si Lahbib15: celui qui a tout donné à la Tunisie, les plus belles années de sa jeunesse, 25 ans entre prisons internes et externes, déportations et exils16, celui qui a sillonné l’Orient et l’Occident pour plaider la cause de son pays, celui qui a fini par obtenir gain de cause et, devenu président, tablant sur l’enseignement comme atout majeur du développement, a fait de la Tunisie un pays moderne ? Comment priver dans son cercueil un tel homme de l’ultime honneur, certes, symbolique, mais inscrit comme devoir national dans les protocoles de tous les États ?Un tel coup lâche de Ben Ali, le poète en fut marqué pour la vie. Sans compter que les derniers vœux du défunt, l’oraison funèbre dont il a confié la charge depuis de longues années à son ami le poète, n’ont pas été exaucés.
Le 7 avril 2000, Ahmed Loghmani ne fut même pas autorisé à assister à l’enterrement de son ami. Ce qui ne l’a pas empêché de s’acquitter comme il se doit de la charge qui lui a été dévolue.
Seigneur tu fus, Seigneur tu resteras
le peuple a oublié ou feint l’oubli
à quoi bon les griefs ou les rappels
mais où sont les acclamations
en tout lieu retentissantes ?
où sont, tonitruants, les vivats ?
où sont « nous te sommes hosties
à toi notre sang et notre vie » ?
où sont les timbaliers et leurs timbales
les hautbois et leurs chalemies ?17
En janvier 2014, les Tunisiens ont chassé Ben Ali. Quoique marqué par la maladie d’Alzheimer, quand il a appris cela, Ahmed Loghmani a eu les yeux illuminés d’un vif éclat. Pour la jeunesse qui a réalisé l’exploit, il a ressenti un immense bonheur18. Quant aux torts subis à titre personnel et familial, cela faisait un bon bout de temps que, la maladie aidant, il n’y pensait plus.
Le 19 avril 2015, après un long combat contre la maladie, Ahmed Loghmani s’est éteint à l’âge de 92 ans. Dans la sérénité, au milieu de ses 5 enfants et sa femme, dans sa maison à Cité Annasr (Tunis). Il a été inhumé le lendemain dans sa terre natale, Zarat, à côté de son neveu Mokhtar Loghmani.
Le cimetière où les deux poètes reposent est à mi-chemin entre la belle plage de la ville et sa non moins belle oasis. Écoutons ce que dit de cette belle amante son achoug:
Oh, m’amie ! ma douce oasis ! quel picaro j’étais !
Je soupirais, étourdi, après des chimères
J’ai musé des années tissant mes illusions
Pour en faire une belle burda pas à ma taille
J’ai battu les chemins, scruté les horizons
Sollicitant un sein comme le tien qui m’abreuve
Mais nulle part, jamais, à l’étau de tes bras
Je n’ai trouvé d’égal et d’aussi chaud, jamais
Ni palmier qui émousse comme le tien la canicule
Ni eau de roche plus limpide que ta source
Ni d’autre bouclier contre l’adversité
Comme la fratrie nourrie à ton lait de palme19
Ahmed Amri
18.04.2016
=== Notes ===
1- في بيت الشاعر الكبير أحمد اللغماني – Achourouk du 11.03.2011
2- Ibid. Le manuscrit a pour titre عواصف الخريف Tempêtes d’automne.
3- Ibid.
4- Écrit en 1991, le poème يا نازح الدار [Ô toi le transmigré] a bénéficié d’une large diffusion sur les campus universitaires surtout, la censure qui frappait le poète ne permettant pas sa publication par les médias écrits.
5- En arabe زين العرب , littéralement « Beauté des Arabes », surnom donné par Yasser Arafat à Zine el-Abidine Ben Ali.
6- Gentilé des habitants de Zarat dont Loghmani est natif.
7- هواة الأدب , littéralement « Amateurs de littérature » était une émission de radio hebdomadaire dédiée aux auteurs en herbe, que Ahmed Loghmani a co-animée tour à tour avec Mokhtar Hchicha, Adel Youssef et Abdelaziz Kacem.
8- Dans son poème Hafryaton fi jassedin arabi حفريات في جسد عربي (Fouilles dans un corps arabe), on devine à qui s’adresse au juste le jeune poète quand il écrit:
« كلماتك حمرا » قال
فما لـَوْنُ دمي؟
« Tes mots, dit-il, sont rouges ! »
Mais quelle est la couleur de mon sang ?
9- De la vie qu’il a traversée vie en météorite, Mokhtar n’a pu donner à l’enseignent que deux mois, hélas.
10- Ya najmna attalîî يا نجمنا الطالع , littéralement Ô notre étoile ascendante, titre d’un poème dédié à Bourguiba, mis en musique par Chedhli Anouar et chanté par Naâma.
11- En arabe: قلب على شفة، تونس -الدار التونسية , 1966. STD, Tunis, 1966.
12- Le poème hommage a été publié dans Assabah du 20 janvier 1977.
فظيع أفول الأهلّة
توارى الهلال ولم يتبرّج سوى بعض ليله
على مطلع شفقيّ البساط
تنفست اللمحات المطلّة…
فكانت عبيرا مشعّ
وكانت ضياء يضوع
وكانت على الأفق شعلة
Source: http://almoktar1963.blogspot.com; page.
13- في بيت الشاعر الكبير أحمد اللغماني – Achourouk du 11.03.2011.
14- Il m’a été impossible de vérifier cette information que je tiens de l’un des neveux du poète. La merveille de facture qui n’a pas laissé indifférent Bourguiba serait «زاراتُ» إني قد أتيتُكِ ذاكرًا عهد الصبا , Zarat, je suis venu à toi, évoquant ma prime jeunesse.
15- Si, en arabe سي , est l’abréviation de sayed سيد (monsieur, seigneur) qui a donné « Cid » en espagnol et en français (Le Cid de Corneille), séide aussi, quoique le sens français ait été « corrompu » par Voltaire, ici titre d’un recueil dédié à Habib Bourguiba.
16- Bourguiba a été emprisonné au pénitencier de Téboursouk, puis au Fort Saint-Nicolas de Marseille, ensuite à la prison Montluc à Lyon, enfin au Fort de Vancia dans le département du Rhône. Il a été déporté également au Sud tunisien (3 ans à Bordj le Bœuf), puis à Tabarka, à La Galite et à l’île de Groix.
17- Extrait reconstitué à partir du texte oralisé dans l’émission de télé اليوم الثامن Al-Yawm atthamen [littéralement, Le 8e jour] sur Al-Hiwar Attounsi TV.
18- في بيت الشاعر الكبير أحمد اللغماني – Achourouk du 11.03.2011.
19- Le poème intégral dans sa version arabe et traduite sur ce blog.
Sur ce blog, voir aussi:
L’étreinte de l’oasis de Ahmed Loghmani (traduction)
Publié par Ahmed Amri à 11:01
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Libellés : Ahmed Loghmani, Ben Ali, ci-devant, Habib Bourguiba, le 7 Novembre, Mokhtar Loghmani, Un cœur sur une lèvre, Zarat
2 commentaires:
Tounes Thabet18 avril 2016 à 13:23
Un magnifique hommage rendu à un poète maudit par un dictateur. Ahmed Amri fait un devoir de réhabilitation d’une voix vive qui a chanté cette terre.
Répondre
Réponses
Ahmed Amri18 avril 2016 à 14:06
Merci infiniment pour ton soutien Tounès. Je regrette de n’avoir pu me procurer le pamphlet de feu Loghmani pour en traduire un extrait. Je promets toutefois de faire de mon mieux pour étoffer la page Loghmani sur Wikipédia et en créer une pour Mokhtar.
Répondre
merci Ahmed Manai
Ahmed Amri: Ahmed Loghmani, l’inaltérable cœur sur une lèvre
Merci à Ahmed Amri pour ce magnifique hommage à un Grand poète
Tunisie: politique et culture
A. Amri
lundi 18 avril 2016
Ahmed Loghmani: l’inaltérable cœur sur une lèvre
Il a connu la gloire, les honneurs, les hautes fonctions, la récompense du mérite. Puis le vent a tourné.
Ahmed Loghmani
Durant 24 ans, pour avoir été l’indéfectible ami de Bourguiba, il a éprouvé ce que les ci-devant en France avaient subi au lendemain de la Révolution de 1789. Il avait un café à Tunis, on lui en a confisqué la patente. Ne pouvant le rouvrir, il fut contraint de le vendre. A moitié prix1. Il avait un manuscrit2 en attente de permis de publication, on lui a refusé le permis. Et ses écrits, sa poésie, son nom, autrefois incontournables dans les pages culturelles des quotidiens, et dans les revues littéraires, sont devenus du jour au lendemain tabous, blasphèmes.
Il était manifeste que le dictateur voulait sa mort. A défaut de le voir, délié de ses vieilles attaches, repenti de son bourguibisme inconditionnel, en commerce avec lui. Car derrière cette hargne, outre la fin de non recevoir opposée à Carthage qui, à travers son ministre de la culture, téléphonait, invitait, sollicitait les faveurs du poète3, un pamphlet, et marquant le début des années de braise4, contre Zin al-Arab5. Zin al-Arab qui voulait faire du Zarati6 le chantre du 7 Novembre, et «l’ingrat Zarati» crachait sur la main providentielle. Un autre à sa place, au premier clin d’œil gracieux de Ben Ali, aurait fait exploser de youyous sa gorge. Avant d’accourir baiser, avec la plus extrême dévotion, la main et les bottes de la grâce. Lui, il a tout simplement dit non. Sans même juger nécessaire de dire cela avec courtoisie. Et comble du kufr, il osait attaquer par une satire mordante Zin al-Arab! Carthage n’a rien ménagé pour lui faire regretter un tel affront. Mais c’était méconnaître la trempe du poète. Et l’indéfectible lien qui l’attachait à Bourguiba et le faisait mépriser si fort Ben Ali. Bourguiba l’ami, le frère ainé, le « ci-devant n°1» qui fut un monument, enfermé dans sa villa-prison de Monastir, injurié par l’un de ses anciens laquais, et avec la bénédiction de tant et tant de félons.
Mokhtar Loghmani
Le poète n’était ni de la race prostituable ni des plumes achetables. A ce propos, beaucoup de Tunisiens de la vieille génération se sont longtemps mépris sur son compte. Et quoique lui reconnaissant la force du vers classique, la verve étourdissante, l’esthétique irréprochable, ils lui en voulaient d’avoir été le tribun immodéré du bourguibisme. Même son neveu Mokhtar, pourtant sorti de l’école « Houat Al-Adab »7, ne l’a pas ménagé là-dessus8. Toutefois Mokhtar savait, en poète engagé d’abord, en professeur d’arabe9 autant qu’en littérateur averti, que « l’âme damnée» de son « Étoile polaire »10 n’était pas un vulgaire thuriféraire du pouvoir. Il savait que son oncle était à Bourguiba, toutes proportions gardées, ce que furent H̩assan ibn T̠habit au Prophète, Al-Moutanabbi à Seif-addaoulat, Aimé Césaire à Senghor, Pablo Neruda à Allende. Entre autres. S’il avait chanté, en toute occasion, les luttes et les mérites du Combattant-Suprême, c’était non par arrivisme, non par khobsisme comme diraient les Tunisiens, mais il l’a fait en militant sincère et convaincu, en bourguibiste engagé. Et chaque vers, chaque syllabe, chaque lettre dédiée à son ami sortaient droit de son cœur. Un cœur sur une lèvre11, comme le dit si bien le titre de son premier recueil de poésie. Mokhtar, politiquement d’une tout autre couleur, savait cela. Et si la politique, l’idéologie, l’âge, les formes d’écriture, séparaient nettement leurs poésies respectives, le cadet n’a jamais désavoué le sang. L’oncle non plus, d’ailleurs, qui a pleuré son petit neveu parti à la fleur de l’âge, à travers un poème ayant pour titre
«Atroce ! le crépuscule des croissants».
le croissant s’est évanoui
à peine émergé de la masse noire
pour annoncer la nouvelle lunaison
l’éphémère avait respiré
et ce fut un parfum étincelant
une lumière qui embaume
et un flambeau à l’horizon12
Son amitié avec le premier président de la Tunisie indépendante fut la conséquence d’un coup de cœur bourguibien pour l’un de ses poèmes, entendu à la radio13. Apparemment, il s’agirait de l’un des premiers poèmes dédiés à sa terre natale Zarat14. Grand mordu de poésie, Bourguiba a demandé aussitôt à voir l’auteur. Et dès la première rencontre, une amitié sans fin va unir les deux personnages, que les années-mêmes de l’infortune commune n’ont pu que fortifier. Dans sa villa-prison, le président déchu n’avait droit qu’à de rares visites. Même la correspondance avec ses proches et ses amis lui était interdite. Et le poète figurait en tête de la liste rouge. Bourguiba avait beau crier, beau écrire au procureur de Monastir, demandant à être sorti de sa geôle ou jugé, jugé pour donner quelque sens à l’absurde de sa condition, ses requêtes sont restées lettres mortes.
Le 6 avril 2000, la mort a daigné accorder au prisonnier de sa villa la délivrance. La télévision nationale qui a consacré à la nouvelle un flash d’à peine deux minutes a poursuivi ses émissions ordinaires comme si de rien n’était. Et les Tunisiens, médusés, n’imaginaient pas encore ce que leur réservait le lendemain, jour d’enterrement. Alors que de nombreux chefs d’États étrangers étaient venus pour rendre un dernier hommage à Bourguiba, que des millions de citoyens s’étaient rivés de bon matin à leurs télés pour suivre les funérailles, la télévision, elle, jugea plus sensé d’honorer le mort en rappelant aux vivants les acquis du 7 Novembre. Poussant jusqu’au bout son cynisme, Ben Ali avait donné l’ordre de ne pas transmettre les obsèques de Bourguiba.
Le poète, alors âgé de 88 ans, n’a pas pleuré depuis bien des années. Ce jour-là, à la faveur de cette dernière injure à Bourguiba il a retrouvé sa fraîcheur émotionnelle. Pleurant l’ami, le frère aîné, certes, mais bien plus de l’oppression qui ne pouvait plus se faire comprimer. Comment pouvait-on gratifier ainsi Si Lahbib15: celui qui a tout donné à la Tunisie, les plus belles années de sa jeunesse, 25 ans entre prisons internes et externes, déportations et exils16, celui qui a sillonné l’Orient et l’Occident pour plaider la cause de son pays, celui qui a fini par obtenir gain de cause et, devenu président, tablant sur l’enseignement comme atout majeur du développement, a fait de la Tunisie un pays moderne ? Comment priver dans son cercueil un tel homme de l’ultime honneur, certes, symbolique, mais inscrit comme devoir national dans les protocoles de tous les États ?Un tel coup lâche de Ben Ali, le poète en fut marqué pour la vie. Sans compter que les derniers vœux du défunt, l’oraison funèbre dont il a confié la charge depuis de longues années à son ami le poète, n’ont pas été exaucés.
Le 7 avril 2000, Ahmed Loghmani ne fut même pas autorisé à assister à l’enterrement de son ami. Ce qui ne l’a pas empêché de s’acquitter comme il se doit de la charge qui lui a été dévolue.
Seigneur tu fus, Seigneur tu resteras
le peuple a oublié ou feint l’oubli
à quoi bon les griefs ou les rappels
mais où sont les acclamations
en tout lieu retentissantes ?
où sont, tonitruants, les vivats ?
où sont « nous te sommes hosties
à toi notre sang et notre vie » ?
où sont les timbaliers et leurs timbales
les hautbois et leurs chalemies ?17
En janvier 2014, les Tunisiens ont chassé Ben Ali. Quoique marqué par la maladie d’Alzheimer, quand il a appris cela, Ahmed Loghmani a eu les yeux illuminés d’un vif éclat. Pour la jeunesse qui a réalisé l’exploit, il a ressenti un immense bonheur18. Quant aux torts subis à titre personnel et familial, cela faisait un bon bout de temps que, la maladie aidant, il n’y pensait plus.
Le 19 avril 2015, après un long combat contre la maladie, Ahmed Loghmani s’est éteint à l’âge de 92 ans. Dans la sérénité, au milieu de ses 5 enfants et sa femme, dans sa maison à Cité Annasr (Tunis). Il a été inhumé le lendemain dans sa terre natale, Zarat, à côté de son neveu Mokhtar Loghmani.
Le cimetière où les deux poètes reposent est à mi-chemin entre la belle plage de la ville et sa non moins belle oasis. Écoutons ce que dit de cette belle amante son achoug:
Oh, m’amie ! ma douce oasis ! quel picaro j’étais !
Je soupirais, étourdi, après des chimères
J’ai musé des années tissant mes illusions
Pour en faire une belle burda pas à ma taille
J’ai battu les chemins, scruté les horizons
Sollicitant un sein comme le tien qui m’abreuve
Mais nulle part, jamais, à l’étau de tes bras
Je n’ai trouvé d’égal et d’aussi chaud, jamais
Ni palmier qui émousse comme le tien la canicule
Ni eau de roche plus limpide que ta source
Ni d’autre bouclier contre l’adversité
Comme la fratrie nourrie à ton lait de palme19
Ahmed Amri
18.04.2016
=== Notes ===
1- في بيت الشاعر الكبير أحمد اللغماني – Achourouk du 11.03.2011
2- Ibid. Le manuscrit a pour titre عواصف الخريف Tempêtes d’automne.
3- Ibid.
4- Écrit en 1991, le poème يا نازح الدار [Ô toi le transmigré] a bénéficié d’une large diffusion sur les campus universitaires surtout, la censure qui frappait le poète ne permettant pas sa publication par les médias écrits.
5- En arabe زين العرب , littéralement « Beauté des Arabes », surnom donné par Yasser Arafat à Zine el-Abidine Ben Ali.
6- Gentilé des habitants de Zarat dont Loghmani est natif.
7- هواة الأدب , littéralement « Amateurs de littérature » était une émission de radio hebdomadaire dédiée aux auteurs en herbe, que Ahmed Loghmani a co-animée tour à tour avec Mokhtar Hchicha, Adel Youssef et Abdelaziz Kacem.
8- Dans son poème Hafryaton fi jassedin arabi حفريات في جسد عربي (Fouilles dans un corps arabe), on devine à qui s’adresse au juste le jeune poète quand il écrit:
« كلماتك حمرا » قال
فما لـَوْنُ دمي؟
« Tes mots, dit-il, sont rouges ! »
Mais quelle est la couleur de mon sang ?
9- De la vie qu’il a traversée vie en météorite, Mokhtar n’a pu donner à l’enseignent que deux mois, hélas.
10- Ya najmna attalîî يا نجمنا الطالع , littéralement Ô notre étoile ascendante, titre d’un poème dédié à Bourguiba, mis en musique par Chedhli Anouar et chanté par Naâma.
11- En arabe: قلب على شفة، تونس -الدار التونسية , 1966. STD, Tunis, 1966.
12- Le poème hommage a été publié dans Assabah du 20 janvier 1977.
فظيع أفول الأهلّة
توارى الهلال ولم يتبرّج سوى بعض ليله
على مطلع شفقيّ البساط
تنفست اللمحات المطلّة…
فكانت عبيرا مشعّ
وكانت ضياء يضوع
وكانت على الأفق شعلة
Source: http://almoktar1963.blogspot.com; page.
13- في بيت الشاعر الكبير أحمد اللغماني – Achourouk du 11.03.2011.
14- Il m’a été impossible de vérifier cette information que je tiens de l’un des neveux du poète. La merveille de facture qui n’a pas laissé indifférent Bourguiba serait «زاراتُ» إني قد أتيتُكِ ذاكرًا عهد الصبا , Zarat, je suis venu à toi, évoquant ma prime jeunesse.
15- Si, en arabe سي , est l’abréviation de sayed سيد (monsieur, seigneur) qui a donné « Cid » en espagnol et en français (Le Cid de Corneille), séide aussi, quoique le sens français ait été « corrompu » par Voltaire, ici titre d’un recueil dédié à Habib Bourguiba.
16- Bourguiba a été emprisonné au pénitencier de Téboursouk, puis au Fort Saint-Nicolas de Marseille, ensuite à la prison Montluc à Lyon, enfin au Fort de Vancia dans le département du Rhône. Il a été déporté également au Sud tunisien (3 ans à Bordj le Bœuf), puis à Tabarka, à La Galite et à l’île de Groix.
17- Extrait reconstitué à partir du texte oralisé dans l’émission de télé اليوم الثامن Al-Yawm atthamen [littéralement, Le 8e jour] sur Al-Hiwar Attounsi TV.
18- في بيت الشاعر الكبير أحمد اللغماني – Achourouk du 11.03.2011.
19- Le poème intégral dans sa version arabe et traduite sur ce blog.
Sur ce blog, voir aussi:
L’étreinte de l’oasis de Ahmed Loghmani (traduction)
Publié par Ahmed Amri à 11:01
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Libellés : Ahmed Loghmani, Ben Ali, ci-devant, Habib Bourguiba, le 7 Novembre, Mokhtar Loghmani, Un cœur sur une lèvre, Zarat
2 commentaires:
Tounes Thabet18 avril 2016 à 13:23
Un magnifique hommage rendu à un poète maudit par un dictateur. Ahmed Amri fait un devoir de réhabilitation d’une voix vive qui a chanté cette terre.
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Réponses
Ahmed Amri18 avril 2016 à 14:06
Merci infiniment pour ton soutien Tounès. Je regrette de n’avoir pu me procurer le pamphlet de feu Loghmani pour en traduire un extrait. Je promets toutefois de faire de mon mieux pour étoffer la page Loghmani sur Wikipédia et en créer une pour Mokhtar.
Répondre
06 avril 2016
Message depuis le Chiapas pour le peuple de Palestine, ...ou quand l'histoire se répète
Voici une partie du discours du Sous Commandant Marcos, le 4 janvier 2009, faite à San Cristobal de Las Casas, Chiapas, Mexico.
Une
diatribe con la guerre éclaire menée par israel, contre la Palestine,
présentant la modeste et réaliste vision des indigènes face à
l'opération "plomb durci" qui aura amené la mort de plus de 1300
palestiniens.
Ce texte est plus que jamais d'actualité...l'histoire reste un eternel recommencement!
SOUTIEN DE LA RESISTANCE ZAPATISTE A LA RESISTANCE PALESTINIENNE
(...)Les rivières souterraines qui parcourent le monde peuvent changer de cours, mais elles chantent toutes la même chanson.
Et celle que nous écoutons aujourd’hui chante la guerre et la peine.
Pas tellement loin d ici, en un lieu qui s appelle Gaza, en Palestine, au Moyen-Orient, ici a cote, une armée fortement armée et entrainée, celle du gouvernement d Israël, continue son avancée de morts et de destructions.
Les étapes qu elle a franchi sont, jusqu’à maintenant, celles d une guerre militaire classique de conquête : premièrement, un bombardement intense et massif pour détruire les points militaires névralgiques (comme le disent les manuels militaires) et pour ramollir les poches de résistance; après vient le contrôle de fer de l information : tout ce qui s écoute et se voit dans le monde extérieur, c est-a-dire a l extérieur du théâtre des opérations, doit être sélectionné selon des critères militaires : maintenant le feu intense de l artillerie contre l infanterie ennemie sert a protéger l avance des troupes sur de nouvelles positions. Ensuite vient l assaut pour conquérir la position annihilant l ennemi. Ensuite c est le nettoyage des possibles nids de résistance.
Le manuel de la guerre moderne, avec quelques variations et adaptations, est bien suivi , étape par étape, par les forces militaires d invasion.
Nous, on ne sait pas grand chose de tout cela, et c est sur qu’ il y a des spécialistes dudit conflit au Moyen-Orient, mais de notre coin du monde il y a des choses que nous tenons a dire.
Selon les photos des agences de presse, les points névralgiques détruits par l aviation du gouvernement d Israël sont des maisons habitées, des chaumières, des édifices civiles. Nous n avons vu aucun bunker, ni quartier ni aéroport militaire, ou batteries de canons dans ce qui a été détruit. Donc nous autres, pardonnez notre ignorance, nous pensons que, soit les artilleurs des avions visent mal soit il n y a aucun point militaire névralgique à Gaza.
Nous n avons pas l honneur de connaitre la Palestine, mais nous supposons que dans ce cas, chaumières et édifices abritaient des gens, des hommes, des femmes, des enfants, des vieux, mais pas des soldats.
Nous n'avons pas vu non plus de poches de résistances, mais seulement des décombres.
Nous avons vu, oui, jusqu’à maintenant, que de vaines tentatives de contrôle de l information et des gouvernements du monde entier hésitant entre se tenir coi ou applaudir l'invasion et une ONU, toujours aussi inutile – et ce depuis longtemps - envoyant de faibles bulletins de presse.
Mais attendez! Il se peut aussi que peut être pour le gouvernement d Israël ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces vieillards sont des soldats ennemis et, pour cela, les chaumières et et les édifices qu'ils habitent sont des casernes qu'il faut détruire.
Et la garnison ennemie qu'il faut encercler, assiéger et détruire à Gaza, n'est autre chose que la population palestinienne elle-même. Et l'assaut ne sert qu'à anéantir cette population. Et que quiconque, homme, femme, enfant ou vieillard qui cherchent a s'en échapper, à se cacher de
l'assaut prévisiblement sanglant sera pourchassé par le nettoyage et les mandataires militaires pourront affirmer : mission accomplie.
Pardonnez de nouveau notre ignorance, peut-être que ce que nous disons ne se produira pas. Et au lieu de répudier et condamner le crime en cours, en tant qu’indigènes et en tant que guérilleros que nous sommes, devrions-nous plutôt discuter et prendre position dans la discussion sur le sionisme ou l antisémitisme ou sur les premières bombes tirées par le Hamas.
Peut-être que notre pensée est trop simpliste et qu il nous manque les nuances et les annotations toujours nécessaires dans ce genre d analyse, mais selon nous, les Zapatistes, il y a a Gaza une armée professionnelle qui assassine une population sans défense.
Vous voulez dire autre chose ? Nos cris sont-ils des bombes ? Nos paroles sauvent-elles la vie de quelques enfant palestinien ? Nous, nous pensons que si, c est utile, que peut être nous avons une bombe, que nos paroles se transformeront en escadrons blindes, et empêcheront que cette balle de calibre 5.56mm ou de 9 mm, avec ces lettres IMI (Industrie Militaire Israélienne) gravées sur la base de la cartouche, n'atteigne la poitrine d'une jeune fille ou d'un jeune garçon, parce que peut être nos paroles permettront de nous unir avec d autres personnes du Mexique ou du monde entier et peut-être que ce ne sera en premier qu' un murmure, qui se transformera en voix forte et après en un grand cri qui sera entendu jusqu’ a Gaza.
Vous ne savez pas vous autres, mais nous, les Zapatistes de l EZLN, savons l importance qu il y a, au milieu de la destruction et de la mort, d'écouter des paroles venues d ailleurs.
Je ne sais pas comment l expliquer, mais il semble bien que oui, que les paroles d ailleurs peut être ne porteront aucune bombe, mais ouvriront une lézarde dans la chambre noire de la mort et une petite lumière s y infiltrera.
Pour le reste, passera ce qui doit passer. Le gouvernement d Israël déclarera qu il a assailli un dur coup au terrorisme, cachera a son peuple l ampleur du massacre, les grands producteurs d armes auront obtenu un nouveau souffle économique pour affronter la crise et l opinion publique mondiale, cette chose malléable et toujours a la mode, se tournera vers d autres sujets.
Mais pas seulement cela. Il se passera aussi que le peuple palestinien va résister et survivre et continuera la lutte, et continuera d avoir la sympathie d en bas pour sa cause.
Et alors, là-bas, en haut ils écriront sur la nature violente de ces Palestiniens et feront des déclarations pour condamner cette violence et s en retourneront discuter de sionisme et d antisémitisme.
Et alors personne ne demandera qui a semé ce qu’on récolte.
Au nom des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards de l Armée Zapatiste de Libération Nationale.
Subcomandante Marcos
Mexique 4 janvier 2009
Merci à Tayeb Brahimi qui a eu la très grande gentillesse de me récupérer ce discours.
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