Interview de Sayyed Hassan Nasrallah à la chaîne Al Jazeera du 21 juillet 2006
(1ère partie)
Ghassan Ben Jeddou. Traduit par Ahmed Manaï et révisé par Fausto Giudice
Les dimensions militaires de la guerre et le black-out médiatique
Ghassan Ben Jeddou :La paix de Dieu sur vous tous. Il nous suffit de dire que nous sommes en présence de son Éminence Sayyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, au moment où les combats se poursuivent. Nous sommes à un moment et quelque part dans le monde et non pas au Liban comme je le disais souvent auparavant. Aussi pas besoin de préambule et je commence directement à poser mes questions à son Éminence, que je remercie d’avoir accepté cette rencontre, à ce moment précis, dix jours après le début des combats.Que dites-vous au plan militaire et politique?Hassan Nasrallah : Au nom de Dieu, Le Clément, Le Miséricordieux. Au plan militaire et politique, les deux en même temps. Laissez-moi commencer…GBJ (l’interrompant) : juste les grandes lignes sans entrer dans les détails. Je ferai avec vous…HN : Nous allons commencer par l’aspect militaire, sur le terrain. En général et clairement, ce que nous pouvons dire à ce niveau c’est l’extrême acharnement de la résistance et puis que nous avons réussi à amortir le choc. Je crois que les Israéliens ont entrepris tout ce qu’ils pouvaient faire au cours des premiers jours, par mer et par air. Nous discuterons plus tard du volet international. Il n’y a pas une cible, ancienne ou récente, déterminée par leurs services et leurs analyses, susceptible d’être attaquée qui ne l’ait pas été. Je peux vous affirmer en ce moment, loin de toute exagération ou de guerre des nerfs, mais simplement en me basant sur les faits, que la structure de commandement du Hezbollah n’a pas été touchée. Hier soir, de nombreux avions israéliens ont attaqué violemment un immeuble dans la banlieue sud et parlé de 22 tonnes d’explosifs. Ils ont parlé d’une grande opération réussie qui a coûté la vie à de nombreux dirigeants du Hezbollah et de très nombreux combattants. Tout cela est faux et votre correspondant sur place a raconté par la suite que les secours n’ont pas eu à se déplacer parce qu’il n’y avait aucune raison à cela. Il n’y avait personne à secourir, parce que l’immeuble, étant en construction, était simplement vide.Toute la chaîne de commandement du Hezbollah, politique, jihadiste (=militaire, NdT), exécutive et sociale est sauve. Les sionistes n’ont pas réussi jusqu ici à tuer un seul cadre ou dirigeant de quelque niveau que ce soit du Hezbollah.GBJ : Vous parlez des dirigeants politiques ou militaires ?HN : Tous réunis. En premier lieu, je dois vous dire ainsi qu’aux téléspectateurs, que lorsque nous perdons un chahid (martyr), nous commençons par en informer sa famille puis nous l’adoptons et nous publions un communiqué officiel. Nous ne gardons pas le mutisme sur nos chouhada (martys) jusqu’à la fin des combats. Jamais nous n’avons agi ainsi. Au contraire nous sommes fiers de nos chouhada et nous le clamons. En tout cas et Grâce à Dieu Tout Puissant, toute la structure qui dirige la bataille ainsi que la structure administrative est indemne, et notamment le commandement militaire présent sur le terrain des opérations.Le deuxième point concerne les allégations israéliennes, prétendant avoir détruit 50% de nos capacités et de nos stocks de roquettes. Tout ça est faux et dénué de tout fondement. Je peux vous assurer, que jusqu’à maintenant ils n’ont pas réussi à détruire quoique ce soit. La preuve est que nous poursuivons la résistance et nous continuons à lancer des roquettes. Non seulement les Katiouchas traditionnelles destinées aux colonies du front, mais celles qui atteignent aussi Haïfa, Tabaria, Safad et le fin fond du pays. Nous maîtrisons même le nombre de roquettes à lancer. Par exemple, nous pouvons aujourd’hui en lancer des centaines par jour et rien ne nous empêche de le faire, malgré l’activité intense de l’aviation sioniste. Nous maîtrisons le facteur numérique parce que nous dirigeons notre bataille, ce sur quoi je vais revenir tout à l’heure.La structure relative à nos capacités offensives en roquettes est donc toujours excellente et elle n’a pas été touchée. Nous avons la capacité de poursuivre sur ce rythme pendant encore longtemps.Sur le terrain, nos combattants ont à peine commencé leur travail. Ces deux derniers jours ont été les premiers dans la confrontation terrestre et nos combattants des premières lignes n’ont pas eu à s’épuiser.En résumé, sur le plan des capacités comme ailleurs, au niveau de l’encadrement, du commandement et de l’organisation, comme au niveau politique, social et médiatique, nous sommes encore très forts, ce dont nous rendons Grâce à Dieu. Le jour où nous avons fait couler le navire de guerre israélien, au large de Beyrouth, le commandement sioniste a ordonné à ses navires de s’éloigner des côtes de dizaines de kilomètres. Mais ils ont continué à annoncer le bombardement par leur marine, de telle ou telle cible dans la banlieue sud. Ce qui est strictement faux. Les unités de la marine israélienne sont très loin des côtes libanaises et ne peuvent plus bombarder quoi que ce soit. Par contre c’est l’aviation qui bombarde et là-dessus, il n’y a rien à dire, ils ont une supériorité totale.Sur le terrain des opérations, nous avons détruit un certain nombre de chars Merkava et surtout des Merkava de la 4ème génération, les plus sophistiqués. Les Israéliens reconnaissent eux-mêmes la violence, l’acharnement et le courage de nos combattants sur les premières lignes et bien sûr nous comptons sur eux.En gros, si on observe les choses sur le terrain, je peux dire que : primo, le Hezbollah a réussi jusqu’ici à résister, secondo qu’il a amorti le premier choc, tertio qu’il passe à la phase de l’initiative et quarto qu’il va faire les surprises qu’il a promises ce que nous gardons secrètes pour l’instant. Le Hezbollah continue donc à diriger la bataille, avec sérénité, dans le calme, sans la moindre nervosité, sans exaspération ni discours démagogique, ce que vous constatez par vous-mêmes. Nous suivons les choses sur le front avec précision, en tenant compte du temps, du lieu, du nombre, des moyens, du combat et des détails. Ceci au niveau militaire.GBJ :Pardon Éminence. Qu’est-ce qui garantit que le calme que vous évoquez n’est pas un désarroi et que le calme avec lequel vous dites diriger la bataille n’est pas un moyen de camoufler vos pertes militaires, qui seraient lourdes selon Israël ?HN :Les Israéliens ont établi un black -out total sur les médias, au nord et dans l’ensemble de la Palestine occupée. Personne ne peut envoyer une information ou une photo sans l’autorisation de la censure militaire, qui seule, autorise ou livre l’information. Vos confrères d’Al Jazeera ont connu des problèmes. Ils ont été arrêtés, soumis à des interrogatoires et dérangés dans leur travail. Pourquoi l’Israélien se voit obligé de cacher la vérité aux autres ? Parce qu’il accuse les médias de donner des précisions sur les impacts des bombardements ? Tout cela est puéril. Toutes les cibles israéliennes, les colonies comme les objectifs militaires, au nord, au centre et dans n’importe quel point de la Palestine occupée, nous sont connues et nous n’avons besoin de personne pour nous fournir des informations, des photos ou autres. C’est donc pour cacher la vérité sur la situation militaire qu’il le fait, de crainte que cela ne porte atteinte au moral de la population, des troupes et des médias israéliens. C’est ce qui fait peur au gouvernement Olmert.De l’autre côté, au Liban, que vous connaissez très bien vous-même, les choses sont différentes. Les médias rapportent tout sur les attaques de l’aviation israélienne, les chouhada, la population civile, les combattants, les routes bombardées, les villages. Tout est largement ouvert et accessible. Les zones bombardées hier soir, ont été aussitôt visitées par les correspondants de la presse. Tout a été filmé, photographié. Vous savez personnellement que si on voulait cacher quelque chose, on ne pourrait pas le faire pendant plus de deux heures. Il n’y a pas de secret au Liban, c'est-à-dire que si on avait des chouhada on ne peut le cacher plus d’une heure ou deux, parce que les combattants ne viennent pas d’un autre pays, mais ils sont originaires des villages où ils combattent. Si un dirigeant du Hezbollah tombe au champ d’honneur, cela devient public au bout de quelques heures. Ainsi nous ne cachons pas nos chouhada parce qu’ils sont l’objet de notre fierté.Au plan des structures de commandement et de leur efficacité, je peux vous assurer qu’elles sont en plein rendement. D’autre part les Israéliens ont prétendu qu’ils avaient détruit des camions transportant des armes et des munitions pour le Hezbollah, alors qu’ils nous montrent les photos puisqu’ils prennent des photos de toutes leurs cibles, des rampes de lancement de roquettes et des bases militaires. En fait ils ne bombardent que de fausses cibles, des leurres et cela prouve l’échec de leurs services de renseignements. Par exemple, ils ont bombardé deux vieilles foreuses de puits à Achrafieh en les prenant pour des rampes de lancement. Certains ont prétendu que c’était pour dresser les chrétiens contre le Hizbollah ce qui ne tient pas du tout. Le fait est qu’ils ont échoué au plan du renseignement sur terre et de l’analyse de leurs photos aériennes.Est-ce à dire qu’aucune de nos rampes de lancement de roquettes n’a été touchée ? Non bien sûr, il y en a une ou deux. Mais le fait que l’une des armées de l’air les plus puissantes au monde, qui a la maîtrise totale des airs, avec des avions de reconnaissance en permanence dans le ciel libanais, alors que nous sommes privés de tout, échoue durant 10 jours à arrêter le lancement de nos roquettes et à réduire notre puissance de feu, voilà qui est très clair.GBJ :Peut-on dire que les opérations terrestres ont vraiment débuté ou non ?HNOn ne peut pas le dire avec précision. Ce qui se passe jusqu’ici, ce sont des tentatives de pénétration dans un certain nombre de points de la frontière et l’Israélien tente de réaliser un quelconque succès. Mais l’unique succès qu’il a eu jusqu’à maintenant, qui est à la portée de n’importe quelle aviation au monde et n’a point besoin de toute la puissance israélienne, c’est de détruire les ponts, l’aéroport, les usines, les immeubles et les maisons, de tuer les femmes, les enfants et les vieillards et de contraindre des dizaines de milliers de gens à l’exode. Par contre, dans leur confrontation avec les structures de la résistance, ils ont échoué lamentablement et ils le savent très bien. Ils prétendent que nous nous cachons parmi les civils alors que nos combattants sont sur le terrain, aux premières lignes. Ils sont sur les collines, dans les ravins, entre les arbres et en tout cas dans un très large secteur sur la frontière. Mais l’ennemi cherche un succès et il présente son bombardement de la banlieue sud d’aujourd’hui comme tel. J’ai suivi leurs racontars de ces derniers jours sur le bombardement et la destruction de grandes casernes et de camps retranchés sur toute la longueur de la frontière. J’ai discuté avec nos frères de la manière d’y répondre pour démentir tout cela. Il y a eu deux points de vue, l’un qui disait qu’il fallait les laisser dans leurs divagations et qu’il ne fallait pas sortir de démenti à ce sujet. Les pauvres ont besoin de quelque chose pour rehausser le moral de leur peuple. L’autre point de vue disait qu’il faudrait démentir tout cela parce qu’il y va aussi du moral de notre peuple et qu’il faudrait que les nôtres sachent exactement où se trouvent toutes ces cibles fictives. En fait, ce dont ils parlent, les camps, les citadelles et les casernes consistent en quelques points d’observation, c'est-à-dire des poteaux munis de caméras, avec à leur pied une niche pour le combattant de garde.. Ce sont les positions avancées qu’ils prétendent avoir détruit ou occupé alors que nous les avons évacuées dès le premier jour, c'est-à-dire lors de la capture des deux soldats. L’ennemi israélien a des problèmes avec ses renseignements. Ses agents sur le terrain sont tous arrêtés, en fuite ou incapables d’agir. Il a aussi des problèmes avec ses renseignements obtenus par les airs. Aussi, il est contraint à quelques actions de commandos, soit pour collecter des renseignements, capturer des combattants ou en tuer quelques-uns pour pouvoir se targuer de ces hauts faits d’armes. On le comprend aisément puisque même sa marine, qui a subi des pertes, ne peut plus bombarder. Revenons à ce qui se passe sur le terrain. Je dois vous affirmer que jusqu’à présent tout se passe encore sur la frontière. Nous avons réussi à briser toutes les tentatives de pénétration de l’ennemi. Nous avons détruit de nombreux chars et blindés ennemis et tué et blessé nombre de soldats, ce que l’ennemi reconnaît lui-même. Il aurait fallu que nous publiions des images, mais cela est difficile pour l’instant. Nous leur promettons en tout cas davantage d’acharnement dans la résistance sur la frontière, nous sommes depuis le premier jour, prêts à tout ce qu’ils peuvent entreprendre ou essayer, mais je ne veux pas verser dans ce discours propagandiste parce que nous sommes dans une bataille sérieuse. Je n’ai jamais dit que les Israéliens ne pourront jamais entrer dans une position quelconque au sud Liban, nous ne sommes pas une armée classique, présente de la mer au Mont Ecchikh (Hébron), nous sommes un mouvement de résistance populaire sérieux, présent sur de nombreux points et axes. Pour qu’on ne dise pas un jour que le Hezbollah s’est engagé à interdire telle ou telle position à l’ennemi, je dois vous dire qu’il peut en effet pénétrer dans un village ou entreprendre une opération à tout moment, mais jamais il ne pourra réaliser une victoire décisive et historique. Pour nous, notre règle est que si l’ennemi rentre quelque part, il doit payer un prix cher en officiers, en hommes et en chars. C’est là notre engagement. Il en sera ainsi si Dieu le veut.GBJ : Pensez-vous que les combats vont durer longtemps ? Jusqu’à quand ? Est-ce que vous vous préparez à une guerre d’usure comme l’a prévu un général de l’intérieur ?HN : À ce niveau et si je dois répondre à votre question, je dois revenir un peu aux objectifs assignés par l’ennemi à cette guerre. Aux premières heures nous avons pensé que c’était une réaction, somme toute normale, à la capture des deux soldats. Puis, on s’est aperçu que cela allait au-delà d’une réaction puisque les chefs politiques et militaires de l’ennemi, ainsi que ses médias ont défini un certain nombre d’objectifs et ils l’ont plafonnée à l’anéantissement total du Hezbollah. Anéantissement total du Hezbollah et non pas de ses structures militaires ou de ses roquettes. Puis les choses ont été revues à la baisse, à raison d’un palier par jour. On ne parle plus de l’anéantissement du Hezbollah, ni même du démantèlement de ses roquettes, mais on veut lui faire mal, l’affaiblir, puis l’éloigner de 10 à 20 km de la frontière. Ce qui par ailleurs ne gêne guère le lancement de nos roquettes, puisque nous avons la capacité de frapper Haïfa, Afoula et des localités plus lointaines.Plus tard on a prétendu que l’objectif de cette guerre était de libérer les deux soldats capturés, ce qui n’est pas vrai du tout. En tout cas, il y a des objectifs et des slogans, ce qui veut dire que nous sommes en présence d’une guerre qui peut durer encore. Je ne sais pas, 2, 3 ou 4 semaines, cela dépend des développements politiques et des opérations sur le terrain…GBJ : Pardon, est-ce que cela dépendra de vous ou d’Israël ?HN :Cela dépendra des deux, c'est-à-dire de l’issue de la bataille. Aujourd’hui en Israël estime que l’opération israélienne a atteint son summum. C’est une analyse correcte, parce qu’Israël ne peut rien de plus que ce qu’elle a déjà fait. Il y a bien sûr l’attaque terrestre, mais celle-ci pose problème et suscite beaucoup de polémique, aussi bien parmi les politiques que les militaires et les services de sécurité parce qu’elle risque de leur être coûteuse en vies humaines. Israël est devant une alternative : ou bien elle continue sur sa lancée, c'est-à-dire maintenir son agression au niveau actuel, mais jusqu’à quand ? Ou bien elle commence à baisser d’intensité et là s’ouvre la voie à une solution politique. Combien cela va demander de temps ? Tout dépendra des développements sur le terrain. Aujourd’hui tout le nord d’Israël, pardon de la Palestine occupée est paralysé. Il y a deux millions d’Israéliens qui sont terrés dans les abris ou ont quitté leurs domiciles. L’économie du nord, les usines, les sites touristiques et le commerce, sont donc totalement paralysés. Le nombre de morts et de blessés chez eux est sûrement moins important que le nôtre. Eux disposent d’abris et les nôtres n’en ont pas. Il n’y a pas un seul village chez nous qui ait un abri. De nombreux habitants du sud sont encore chez eux et s’ils avaient des abris, ils n’auraient jamais quitté la région. Puis les Israéliens ont un important arsenal de destruction massive, alors que le nôtre est modeste et défensif. Il n’est pas destiné comme le leur à assouvir la hargne et la vengeance. En tout cas toute activité humaine est gelée dans le nord, alors qu’ils leur ont promis une opération éclair, quelques jours au plus. Et depuis, ils annoncent de grandes victoires, ma mort et celles des dirigeants du Hezbollah tous les jours. Moi, c’est la quatrième fois que leurs médias annoncent ma mort. Jusqu’à quand cela peut-il continuer ? Peut-être que la société israélienne est encore solidaire de son gouvernement, mais jusqu’à quand ? Nous avons connu cela chez nous en 1993 et 1996 lors de précédentes guerres et nous savons que la solidarité finit par s’effilocher.Alors maintenant si l’intensité de la guerre ne s’estompe pas et qu’elle prenne un tour ascendant et ils n’ont d’autre choix que d’entreprendre une invasion terrestre. Mais cela sera une véritable catastrophe pour l’armée israélienne, je peux vous le garantir. Ce n’est pas une menace en l’air, ce n’est pas mon genre, vous vous en êtes rendus compte déjà.GBJ :Pardon, vous avez répété plusieurs fois le mot catastrophe…HN :Depuis le premier jour, j’ai dit dans mes déclarations précédentes et dans nos réunions, que je ne pouvais rien contre l’aviation, je n’ai pas des F16 à leur opposer. Même pour les roquettes utilisées contre leur marine, je n’ai rien dit. C’était la surprise. Mais sur terre, nous avons une expérience vieille de 23 ans, une expérience sérieuse et réelle, une combativité reconnue, des réserves importantes et de grandes capacités d’armement. Alors, c’est une question de temps et puis je ne pense pas que les Israéliens s’estimeraient capables de remporter une victoire. Nous avons une situation politique assez solide dans le pays ainsi qu’une résistance populaire réelle et c’est ce que les Israéliens attendent de voir s’atténuer. Ils attendent que la solidarité populaire avec la résistance s’affaiblisse pour qu’ils réalisent une victoire politique. Notre pari à nous c’est justement de nous fonder sur notre résistance et sur la solidarité de notre peuple avec nous. Nous comptons aussi sur une baisse du soutien populaire israélien au gouvernement de l’ennemi et à sa guerre et il semble que cela commence à avoir des effets. C’est un commencement.Les dimensions politiques de la guerre et l’aspect populaire de la résistanceGBJ Nous allons entamer les aspects politiques mais je dois vous dire que c’est très important, ce que vous avez dit sur la résistance et le soutien populaires. Éminence, vous n’ignorez pas que la résistance trouve un soutien populaire réel dans ses régions traditionnelles, mais la population de ces régions a été durement atteinte et beaucoup de gens ont pris le chemin de l’exode. Avez-vous encore confiance dans ce soutien populaire ? Ne croyez-vous pas, que même au cas où vous remportez une victoire militaire, vous risquez de perdre le soutien populaire, même à l’intérieur de votre confession et non pas uniquement dans les autres confessions ?HNAvant de vous rencontrer, les frères m’ont informé que certaines ambassades occidentales avaient envoyé des équipes de leurs agents auprès des gens déplacés pour les sonder. Ces agents posent des questions sur l’origine confessionnelle et ils sont sûrement très intéressés de connaître surtout les réactions de chiites (selon les normes en vigueur aujourd’hui au Liban), convaincus que si le soutien de ces derniers au Hezbollah venait à faillir, il en serait sûrement de même pour celui des autres confessions. Ces équipes de sondeurs ont été surprises par le soutien total de ces populations à la résistance et de leur disposition à continuer dans cette voie. Elles ont écouté de nombreuses femmes qui les avaient assuré qu’elles étaient prêtes à donner leurs fils à la résistance et qu’elles mêmes étaient prêtes à s’y engager et qu’en tout cas elles acceptaient tous les sacrifices pour que la résistance continue et remporte la victoire.N’importe qui peut aller à la rencontre de ces gens et leur poser des questions. En tout cas, nous sommes au contact de ces gens, ce sont nos familles et les nôtres, que ce soit dans les villages et les villes qui continuent à combattre ou bien les déplacés. Nos informations à ce niveau sont très claires et je crois que les ambassades étrangères n’ont pas tardé à transmettre la même chose aux Israéliens et aux centres de décision dans le monde. Tout cela va influer sur le déroulement de la bataille.Pour ma part je remercie tous ces gens qui vont aider, par leurs déclarations et par leurs prises de position, à abréger la durée de la guerre. Si par contre leurs déclarations étaient négatives, exprimaient la tiédeur ou le désarroi, le signal aurait été donné aux Israéliens qu’il leur fallait continuer dans leur voie parce qu’il ne leur restait que peu de temps pour atteindre leurs objectifs. Avec leur ténacité et leur patience, ils auront découragé l’ennemi. Je ne parle pas ici des chiites seulement mais de l’ensemble des Libanais, de ce valeureux peuple libanais, de ce grand et digne peuple et croyez-moi ce n’est pas là ……. Vous pouvez aller n’importe où, dans toutes les régions du Liban où il y a des sunnites, des chrétiens et des druzes et vous verrez comment les déplacés y ont été accueillis.GBJ :Mais il semble qu’il y deux choses différentes. Il y a la manière dont ces déplacés ont été accueillis et la position vis-à-vis du Hezbollah et de la résistance. Il se dit que les autres confessions, les autres protagonistes ne sont pas du tout d’accord avec la position du Hezbollah et sur sa gestion de l’affaire et considèrent qu’il a engagé le Liban dans cette bataille ?HN :Je ne parle pas de certaines forces politiques mais des gens, ceux qui sont d’habitude dans la difficulté, les gens simples qui se comportent dignement, avec honneur et patriotisme, surtout qu’il y actuellement un climat politique sain. Maintenant ce qui est fait est fait et le temps de rendre des comptes viendra sûrement. Le climat politique est dans l’ensemble sain avec quelques réserves, mais l’essentiel est de demeurer unis pour être forts dans les négociations. Les gens se comportent instinctivement avec dignité. Le soutien populaire de la résistance n’est pas marginal au plan national et la résistance n’a pas le sentiment que la solidarité autour d’elle a faibli. Bien plus, je peux vous assurer que le soutien à la résistance est plus fort et plus déterminé que jamais. Quand nous irons aux négociations, parce qu’il y aura des négociations et des discussions politiques, le plus important est que la direction du Hezbollah soit convaincue qu’elle jouit du soutien populaire, que ce dernier l’empêche de faire des concessions jugées humiliantes et qu’au contraire, il l’engage à avoir des positions honorables, en rapport avec les sacrifices et la résistance des gens. C’est là-dessus que nous comptons le plus.GBJ :Dans tous les cas, Éminence, il y a des gens qui disent que le Hezbollah est peut-être fort sur le terrain, au plan militaire, comme vous venez de l’affirmer, mais qu’il paraît isolé et pourchassé au plan international et gêné au plan national. Même vos alliés, vos anciens alliés surtout, ceux avec lesquels vous aviez des pourparlers politiques en tant que force politique, ne cachent pas leur gêne. Il est vrai qu’ils disent qu’il y aura un temps pour les comptes et les bilans, mais aussi, que le Hezbollah a pris le pays en otage, qu’il l’a engagé dans cette aventure, seul, sans consulter personne, que le gouvernement n’était pas au courant et qu’il ne peut assumer la responsabilité d’un acte auquel il est étranger ?HN :D’accord, mais je voudrais en finir avant avec cet aspect des choses, avant d’entamer le volet politique. Je voudrais m’adresser à la famille qui a été touchée à Nazareth pour lui présenter mes excuses, en mon nom et au nom de mes frères. En fait les excuses ne suffisent pas. Je dois assumer toute la responsabilité de ce qu’il lui est arrivé et lui dire que ce n’était pas prémédité. Nous considérons les gens qui sont morts à Nazareth comme des martyrs de la Palestine, du Liban, de la Oumma et de la résistance. Nous sommes dans une confrontation difficile et violente et il arrive que ce genre de méprise se produise. J’adresse à la famille mes excuses et mes condoléances et j’espère qu’elle les acceptera.J’entame l’aspect politique. A ce niveau, je dois dire que jamais la communauté internationale n’a été avec nous pour prétendre que c’est seulement aujourd’hui qu’elle ne l’est pas. La communauté internationale nous encercle, nous abandonne et nous marginalise mais elle n’a jamais été avec nous. Elle nous a été au contraire toujours hostile. Nous sommes, par exemple, fichés sur la liste des terroristes. Certains pays européens nous considèrent aussi comme des terroristes. La position de la communauté internationale est claire et nous n’en sommes pas surpris. Nous n’avons jamais parié sur une communauté internationale dont aucune de ses résolutions, pas même la 425, n’est appliquée par Israël C’est nous qui le lui avons imposé. Aucune des résolutions internationales relatives à la Palestine et aux territoires arabes occupés, n’a été appliquée. Donc la position de cette communauté et ses pressions nous sont indifférentes. Il en est autrement de certains régimes arabes. Il est vrai qu’auparavant, certains régimes arabes avaient abandonné la résistance et les résistants. Aujourd’hui nous acceptons de ces régimes qu’ils adoptent une position neutre. Je sui très réaliste et objectif et nous acceptons leur position de neutralité. La position des frères palestiniens, dénonçant et accusant les régimes arabes est un peu différente, parce que leur situation est beaucoup plus difficile que la nôtre, mais nous, nous avons toujours évité cela. Vous pouvez vous en rendre compte en analysant notre discours et notre littérature. Nous estimons que nous n’avons pas besoin de ça, parce que dénoncer des régimes inexistants ou absents, est une perte de temps. Pendant longtemps nous demandions à la communauté internationale de condamner le tortionnaire et d’avoir de la compassion pour la victime. Aujourd’hui nous nous contentons de demander la condamnation de l’un et l’autre en même temps. Alors dans la situation actuelle nous nous attendons à ce qu’il y ait une résolution nous condamnant en même temps que l’agresseur. Pour ce qui est des régimes arabes, nous estimons qu’ils ne resteront pas neutres, mais s’ils optaient pour la neutralité, qu’ils nous traitent comme ils traitent Israël et jugent de la même manière le tortionnaire et sa victime. Mais qu’ils couvrent les crimes du tortionnaire et se délectent du sang de la victime, cela est surprenant, vraiment surprenant.GBJ :Pourquoi surprenant, alors qu’il y a quelques jours…HN :Non rien, cela veut dire…GBJMais il s’agit là de pays importants, Éminence, ce sont des pays qui peuvent peser sur la décision de la Ligue arabe et influencer d’autres pays arabes.HN :Actuellement nous sommes en état de guerre. Il y a beaucoup de discussions internes au Liban ainsi que dans le monde arabe. Essayons de les renvoyer à plus tard et il y aura un temps pour les bilans. Mais je dois dire, en fait répéter ce que d’autres ont dit avant moi, que, sans la couverture internationale et arabe, la réaction israélienne à la capture des deux soldats serait dure mais limitée. Israël n’a pas eu le feu vert des USA, monsieur GBJ, mais elle a reçu l’ordre des USA pour en finir avec ce problème au Liban. Nous dirons ce que nous avons à dire à ce propos en temps opportun. La communauté internationale a donné le feu vert à Israël pour accomplir la destruction de la résistance au Liban, certains régimes arabes ont assuré la couverture pour la poursuite de la guerre, estimant sans doute que c’est là l’occasion historique pour en finir avec toute résistance au Liban. En fait ils veulent détruire non pas la résistance du Hezbollah mais toute forme de résistance, toute volonté de résistance, du Hezbollah ou autre. Ils veulent arriver à une situation où tout ce qui a trait à la résistance, tout ce qui a un rapport avec la volonté, la détermination, la libération, la confrontation, les chouhada, le Jihad, la liberté, la dignité, l’honneur, soit banni du dictionnaire des Libanais, de la presse, du discours politique, des sentiments populaires. C’est ce que fait actuellement Israël et c’est ce que veulent les Usaméricains pour remodeler la région à leur guise. C’est la vérité et je le dirai plus tard à l’heure des comptes et des bilans. Tous le disent et je le redis moi aussi : s’il n’y avait certaines positions de certains pays arabes, la guerre n’aurait pas duré tant et elle se serait terminée au bout de quelques heures. En tout cas chacun dira ce qu’il a sur le cœur à l’heure des comptes et moi je dis que je n’attends rien des régimes arabes. Je connais le sentiment de l’Oumma et des peuples qui la constituent et, si vous pénétrez dans les cœurs des Arabes et des Musulmans, vous verrez qu’ils sont avec nous. Les gens se mettent devant leurs télévisions, pleurent devant les massacres et les horreurs mais, dès qu’ils apprennent le moindre événement réconfortant, ils se dressent debout pour acclamer et crier leur joie. Je n’ai pas de doute sur les sentiments profonds des gens et je suis même certain que des filles, des fils et des épouses de certains dirigeants arabes, sont avec nous. Je dis aux dirigeants arabes : nous ne voulons pas de vos épées, ni même de vos cœurs et de votre compassion, mais simplement, de grâce, laissez-nous ! Restez neutres, en dehors de tout. Que vous parliez ou non, que vous ayez des sentiments ou non, restez à l’écart, bien tranquilles et que Dieu vous donne du plaisir. Aujourd’hui, il y a une guerre qui a été imposée au Liban avec pour objectif de liquider tout ce qui a trait au résistant et à la résistance, qui veut corriger le Liban pour avoir flanqué une défaite à Israël. En fait la guerre menée contre le Liban vise à liquider la question palestinienne. Tout le monde sait que l’Intifada déclenchée en Palestine, l’a été après la victoire réalisée au Liban et tout ce qui se passe en Palestine est une copie améliorée de ce qui se passe au Liban. Si aujourd’hui on écrase le modèle libanais, qu’allons-nous dire aux Palestiniens : qu’ils se résignent et désespèrent !Aujourd’hui on assiste à toutes ces horreurs au Liban et personne ne bouge le petit doigt dans le monde arabe et dans la communauté internationale. Il se passe la même chose en Palestine depuis longtemps et croyez-vous que les gens vont réagir s’il se passera demain de plus terrible encore à Gaza ? Aussi, nous estimons qu’une défaite du Liban consacrera la fin de toute forme de résistance dans la région, la liquidation définitive de la question palestinienne et l’instauration de la pax israélienne, comme nous avons entendu dire A’mr Moussa récemment « qu’il n’y a plus de processus de paix, avec un intermédiaire honnête », alors que cet intermédiaire n’a jamais été honnête depuis le premier jour. Aujourd’hui le processus de paix est confié à Olmert. Auparavant Georges Bush disait aux Arabes et aux Palestiniens d’accepter toutes les miettes que leur proposait Sharon. Et maintenant au Liban, il se passe la même chose. C’est ce qui se passe donc et tout le but de l’opération contre le Liban, n’est pas une réaction à l’affaire des deux soldats capturés, mais au-delà. Mais soyez sûrs qu’ils échoueront. Je reviens à votre question, celle que se posent beaucoup de gens : pourquoi je n’avais pas prévenu le gouvernement de l’opération de capture des deux soldats. Le communiqué du gouvernement, auquel nous étions partie prenante et qui a adopté la résistance et son droit légitime à libérer la terre et les prisonniers, n’a pas prévu comment agir dans les faits. Pour ce faire, la résistance ne va pas s’adresser à Georges Bush. Je ne m’adresserais pas à lui pour libérer les prisonniers et je ne m’adresserais pas à lui du tout. Mais quand on reconnaît le droit de libérer les prisonniers, cela ne s’adresse pas au ministère des Affaires étrangères mais à la résistance, une résistance qui porte des armes et qui va agir en fonction de ses moyens. C’est le communiqué du gouvernement sur la base duquel ce dernier a eu la confiance du parlement. Certains disent que Sayyed a dit ceci ou cela à la table des discussions. Il y a des enregistrements de tout cela et on peut y revenir. Je leur ai dit à la table des discussions que nous nous engageons à garantir le calme sur les frontières et c’est notre politique. J’ai dit qu’il y a quatre points essentiels dont deux peuvent être à la limite retardés. Il y a la libération des fermes de Chebâa. Nous sommes d’accord pour renvoyer leur libération à plus tard. C’est une petite superficie de terre et nous n’allons pas faire la guerre pour ces fermes. Il y a aussi le problème des violations quotidiennes de la souveraineté libanaise par l’aviation et la marine israéliennes. Là aussi, nous avons dit qu’on va continuer à les dénoncer et qu’on ne va pas provoquer un malheur pour cela. Mais j’ai dit aussi qu’il y a deux problèmes qui ne souffrent aucun retard : le premier est celui des prisonniers parce qu’il s’agit de tragédies humaines et le second celui des attaques contre les civils. Je leur ai dit à plusieurs occasions que le problème des prisonniers est très sérieux, que nous sommes très sérieux et qu’il n’y a pas d’autre solution pour résoudre ce problème qu’en capturant des soldats israéliens. Je ne l’ai pas dit violemment à la table que je vais capturer des soldats au mois de juillet, mais avec beaucoup de douceur.GBJ :Pardon, mais vous leur avez dit clairement que vous alliez capturer des soldats israéliens ?HN :Je leur disais qu’il nous faut régler le problème des prisonniers et que cela ne pouvait se faire qu’en capturant des soldats.GBJ : clairement ?HN : Clairement et personne ne m’a dit qu’il était interdit de capturer des soldats ou même des gardiens. Je l’ai dit au cours de rencontres avec de nombreux dirigeants politiques de premier ordre, je ne citerai pas de noms et je le ferais au moment opportun. On m’a demandé si cela permettrait de résoudre le problème des prisonniers et j’ai dit oui et que c’était logique. Je crois que nous n’avions pas tort parce qu’aucun pays, à travers l’histoire du monde n’a déclaré la guerre pour la capture de deux soldats ou la prise de deux otages. Même Israël ne l’a jamais fait et je le répète, ce qui se passe aujourd’hui n’est pas une réaction à la capture des deux soldats. Je peux vous assurer que même si nous n’avions pas capturé ces deux soldats, Israël nous aurait attaqué quand même, peut être pas au mois de juillet ou août mais dans un délai très court et en inventant n’importe quoi pour justifier son action. La raison à cela est que le problème du désarmement de la résistance ne trouvait de solution ni à l’intérieur du Liban, dans nos pourparlers avec les autres forces politiques, ni au plan régional, ce que savaient pertinemment les Usaméricains. Leur réaction était donc celle-ci : Libanais, écartez-vous et laissez Israël faire ce qu’il faut pour détruire le Hezbollah et le désarmer. Et c’est ainsi qu’ils ont assuré la couverture internationale et arabe. Le problème n’est pas plus compliqué que cela. Encore un mot sur ce problème : quand on veut capturer des soldats, la direction politique me transmet sa décision et son application m’incombe, en dehors de tous. Rien ne doit percer, ni le moment, ni le lieu, parce que s’il y a 60 ou 70 personnes qui le savent, le projet n’a aucune chance de réussir. Comment dans ces conditions en informer un gouvernement où il y a 24 ministres, 3 présidents, des forces politiques diverses et des coalitions multiples ? Nous discutons de tout à la table des négociations et, une heure plus tard, les procès-verbaux se retrouvent dans les ambassades. Vous voulez que je crie au monde que je vais fais faire une opération pour capturer des soldats ? Ce n’est pas logique !
Original : Al JazeeraTraduit de l’arabe par Ahmed Manaï et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (http://www.tlaxcala.es/). Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction, à condition d ‘en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs. URL originale de cet article à mentionner : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1286&lg=fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire