Pour suivre les guerres et les combats actuels, suivez les pipelines
Si l’origine des basses besognes des
terroristes est dans la guerre en Irak et Syrie comment la stopper
là-bas ? Il faut d’abord pour cela ne pas se tromper sur ce qu’elle est.
Prenons un instant pour nous souvenir d’un commencement que les moins
de 24 ans n’ont pu connaître.
J’ai voté en 1991 contre la guerre en
Irak d’où est parti tout le chaos actuel. À l’époque, le président des
USA, George Bush avait annoncé qu’avec cette guerre allait naître un «
nouvel ordre mondial » après l’effondrement de l’URSS. La théorie du «
choc des civilisations » surgit en 1996 pour donner un habillage
idéologique au nouvel âge de l’Empire enfin débarrassé de son adversaire
et qui s’en cherchait un autre pour justifier son interventionnisme et
ses budgets d’armement. On voit en quoi ce nouvel ordre consiste. Si
vous voulez bien rire, cherchez les éditos d’alors signés par Alain
Duhamel ou Jean-Pierre Elkabbach et des autres grands prêtres de toutes
les guerres. Un an plus tard, en 1992 se tenait le premier « sommet de
la Terre » sur le climat à Rio de Janeiro. J’étais dans la délégation
française qui accompagnait François Mitterrand sur place.
Deux décennies plus tard, on sait ce
qu’il en est des belles résolutions « non contraignantes » de l’époque.
Le même Bush avait annoncé : « le mode de vie américain n’est pas
négociable ». Dans l’un et l’autre cas, je ne dis rien de la façon dont
furent traités les gens comme moi, qualifiés de suppôts des crimes de
Saddam Hussein et « d’anti-américanistes primaires ». Ceci m’est
l’occasion de vous dire combien le temps long est le temps du réel qui
se construit tandis que le temps court des effets de communication et
des emballements est un temps vain, source d’erreurs tragiques. Vous
verrez bientôt ce que valent les décisions, élaborées en pleine crise
émotive cette fois ci, le super état d’urgence et la reforme
constitutionnelle décidée par François Hollande moins de 60 heures après
le massacre du 13 novembre…
En ce qui concerne le nouvel épisode
actuel de la guerre commencée en 1991, Alain Billon, mon maître en la
matière, bien malade aujourd’hui, m’a enseigné à ne pas perdre de vue
les niveaux qui s’empilent pour former le terrain du conflit. Mais c’est
sur la dernière couche que fleurissent les évènements. Je laisse donc
de côté ici le conflit israélo-palestinien. Les autres strates qui
entrent en jeu sont souvent moins bien perçues en Europe. On connaît
l’antique rivalité des Perses et des Arabes dans la région. On connaît
aussi celle plus actuelle entre les monarchies et les autres régimes de
la région qui ont à tour de rôle menacé leur existence archaïque :
nassérisme, panarabisme, socialisme, baassisme (en Syrie et Irak) et à
présent l’actuelle République tunisienne, du fait de sa constitution
démocratique et de sa façon d’opérer la séparation du religieux et du
politique dans les institutions. On sait quel rôle joue la question
kurde et l’inflexible détermination du peuple kurde réparti entre quatre
pays. Et on sait aussi que tous les conflits finissent par transiter
par l’opposition religieuse entre sunnites et chiites, sans oublier
celles qui opposent ou allient les sous-composantes de chacune de ces
branches de l’islam dans la région, et ce n’est pas du tout un détail.
Sans oublier non plus la prégnance du tribalisme. Évidemment, à mesure
que les structures étatiques sont détruites, la société glisse par pans
vers les autres niveaux d’organisation qu’elle contient et qui n’ont
jamais été effacés.
Alors l’observateur superficiel peut
croire que la situation qu’il voit a toujours été. En réalité, il ne
voit qu’un état transitoire de décomposition de la société. Tout cela
joue. Mais plus que tout joue l’accès au pétrole et au gaz, les points
de passage des pipelines. Ils étaient les enjeux de la première guerre
du Golfe. Ils étaient la vraie cause de l’intervention en Afghanistan.
Ils sont au cœur de la lutte présente. Pour suivre les guerres et les
combats actuels, suivez les pipelines.
nous remercions infiniment Ahmed Manaï qui a placé ce texte sur ITRI et Facebook.
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