03 juin 2016

Un bel article d'Ahmed Manai

Cet extrait d’une longue interview donnée à TUNISIA MONITOR (USA) en 1996. Vingt ans plus tard, Ghannouchi est au pouvoir par la volonté des américains et pour exécuter leur projet dans la région, avec la complicité de prétendus Bourguibistes. « Le pouvoir ne change pas les hommes, il révèle leur véritable nature ».
TUNISIA MONITOR (USA)
JAN-FEB 1996
Traduit de l’Anglais
Interview avec Ahmed Manaï

T.M. :
Dans votre livre « Supplice Tunisien » vous avez fait l’éloge de Bourguiba et de Ghannouchi. Pouvez- vous nous expliquer l’antagonisme passé entre les deux hommes et comment réconcilier leurs points de vue ?

A.M. :
Pour agir en politique, faire bouger une société et mobiliser un peuple, il faut une idée mobilisatrice, un homme courageux et de conviction et un appareil politique. Bourguiba et Ghannouchi, ont été, à un demi-siècle d’intervalle, ces hommes là. Chacun d’eux a construit un puissant appareil politique, le Destour pour le premier et le Nahda pour le second. Il y a de nombreux points de convergence entre le Bourguiba d’avant l’indépendance et Ghannouchi d’aujourd’hui et l’antagonisme entre les deux hommes n’est pas aussi profond qu’on veuille le faire croire. Le rapport de Bourguiba de cette époque à l’islam, n’est pas aussi conflictuel qu’on le croit. Son rapport à l’occident et à la modernité n’était pas aussi aliéné et aligné qu’on le prétend. J’espère qu’un jour, des intellectuels tunisiens feront justice à Bourguiba sur ce point précis.
Mais Bourguiba ne s’est pas arrêté au combat pour l’indépendance. Il a construit un Etat et dirigé un pays pendant 30 ans et profondément marqué .sa société. Son bilan global n’est pas négatif, loin de là. Dans le bras de fer qui a opposé les deux hommes, Bourguiba et Ghannouchi, dans les années 80, je trouve des excuses au vieux Bourguiba d’avoir ignoré et combattu les motivations, légitimes, du mouvement islamiste, mais je n’excuse pas Ghannouchi dans sa méconnaissance de l’œuvre de Bourguiba et les préjugés défavorables qu’il continue à nourrir à son égard. Il lui serait plus judicieux de s’inspirer de ses grandes capacités manœuvrières et de son courage politique, pour sortir son mouvement et le pays de l’impasse dans laquelle il les a plongés..
Je ne juge pas ici les intentions et les convictions des hommes. Elles appartiennent au secret des consciences et Dieu seul peut en juger. Mais les deux hommes ont beaucoup de points communs, avec une franche vocation politique et d’homme d’Etat pour le premier et une franche vocation intellectuelle pour le second.

Aucun commentaire: