16 mars 2008

les prisonnièr(e)s palestinien(ne)s


Entretien avec Fouad al-Khuffash au sujet des prisonnières palestiniennes

Palestine -Par Saed Bannoura

Je suis Fouad al-Khuffash, directeur du Centre Ahrar pour les droits des détenus. Notre Centre administre un site web qui relate les histoires des détenus palestiniens, leurs problèmes et leurs souffrances dans les prisons de l'occupation israélienne.

Q. Vous avez publié récemment un rapport sur la prisonnière Ahlam Jawhar. Pour commencer, pouvez-vous nous dire quand Ahlam a été enlevée par les forces israéliennes d'occupation, et ce qui lui est arrivé depuis ?

Fouad al-Khuffash : Notre sœur Ahlam Jawhar a 30 ans ; elle vit avec sa famille à Huwwara, près de Naplouse et elle travaille dans le domaine des droits de l'homme comme militante de la paix, avec le groupe "Friends of Humanity International", basé à Vienne, en Autriche.

Elle a été kidnappée il y a quarante jours, le 12 janvier 2008.

Depuis, elle a été soumise aux pires tortures dans le centre d'interrogatoire de Peta Tikva, situé en Palestine occupée depuis 1948. On l'a empêchée de rencontrer son avocat pendant l'interrogatoire.

Elle a subi des tortures psychologiques, on l'a privée de sommeil et on l'a forcée à se tenir debout, les bras en l'air et les mains attachées pendant de longues périodes. Ils ont essayé de la faire avouer, mais elle n'avait rien à leur dire parce qu'elle n'a rien fait.
Ne pouvoir obtenir d'elle aucune confession les a rendus furieux et ils l'ont déportée en Jordanie le jeudi 6 mars.


Q. Des militants pour les droits de l'homme comme Ahlam sont-ils en général ciblés par l'occupation ?

Fouad al-Khuffash : Mon cher frère, l'occupation israélienne cible chaque Palestinien qui parle de Palestine et travaille pour la Palestine. L'occupation vise les arbres, et les pierres, alors évidemment elle vise toute personne qui défend les droits de l'homme et les droits du peuple palestinien, sans aucune hésitation. Tout ce que fait l'occupation, à savoir forcer les Palestiniens à quitter la terre où ils sont nés, viole les lois et traités internationaux, puisque ces traités interdisent de telles déportations.

La déportation est une nouvelle, mais aussi une ancienne politique pratiquée par l'occupation israélienne contre les militants palestiniens. Cette politique a été réactivée lorsque Ariel Sharon est arrivé au pouvoir, et l'Intifada actuel a commencé en 2000. Sharon a déporté un grand nombre de détenus de la prison du Néguev à la Bande de Gaza. Et, en mars 2002, pendant l'opération israélienne "Bouclier défensif", les forces d'occupation ont déporté à Gaza de nombreux combattants de Bethléem qui s'étaient réfugiés dans l'Eglise de la Nativité. Ces pratiques violent la loi internationale et les Conventions de Genève.

Q. Pouvez-vous nous donner des informations sur le nombre de détenus dans les prisons de l'occupation, y compris les femmes et les enfants ?

Fouad al-Khuffash : Cher frère, en fait, c'est une question très importante. Il y a 11.600 détenus palestiniens et arabes emprisonnés dans les prisons de l'occupation, dans des conditions très dures. J'ai moi-même été emprisonné, j'ai passé plus de six ans dans une prison israélienne, et j'ai été libéré il y a un an.

Dans les prisons de l'occupation, les détenus palestiniens souffrent du racisme. Certains sont malades, tellement malades qu'ils ne peuvent même pas bouger et prendre soin d'eux-mêmes. Et à l'hôpital de la prison d'Al Ramla, 28 prisonniers, dont 12 qui sont paralysés, ont des condamnations qui dépassent 120 ans d'emprisonnement. Il y a au total 11.600 prisonniers, dont 103 femmes. L'une d'entre elles est Noor Al Hashlamoon, qui a eu un bébé en prison il y a 45 jours.

Il y a aussi une députée, le Docteur Marian Saleh, qui a plus de 55 ans. Elle a été Ministre des Affaires Féminines dans le dixième gouvernement du peuple palestinien. Pouvez-vous imaginer qu'un Ministre, avec le titre de Ministre des Affaires Féminines, puisse être emprisonnée sous détention administrative, sans aucune accusation ?

367 enfants sont en prison. Toutes les lois internationales interdisent l'arrestation d'enfants. Ils sont soumis à une pression psychologique terrible, les interrogateurs israéliens les menacent de viol jour et nuit.

67 détenus ont été arrêtés il y a plus de 20 ans. 3 détenus ont été arrêtés il y a plus de 30 ans : Sa'id al-Attaba, arrêté en 1977, Na'el al-Barghouthi et Saher al-Barghouthi, arrêtés en 1978.

Il y a 1.100 prisonniers en détention administre – je pense que chacun sait de quoi je parle lorsque je parle de détention administrative. Cela a commencé sous le mandat britannique, et Israël est le seul pays au monde qui continue à pratiquer l'arrestation de Palestiniens sans charge, juste parce qu'ils sont Palestiniens.

Q. Israël continue de déporter les prisonniers, dites-vous. N'est-ce pas considéré comme une violation grave de la législation internationale ?

Fouad al-Khuffash : Vous avez raison. Mais, comme je l'ai dit, Israël se fiche de la communauté internationale et des organismes de droits de l'homme. Israël est un pays qui n'hésite pas à lancer des bombes d'une tonne sur les enfants palestiniens, alors pourquoi hésiterait-il à déporter des prisonniers vers la Jordanie, en violation de la loi internationale ?

Q. Quel est le rôle des femmes dans les sphères politique et sociale en Palestine ? Comment évaluez-vous le rôle des femmes ?

Fouad al-Khuffash : Depuis le premier jour de l'occupation israélienne, les Palestiniennes se sont tenues aux côtés des hommes qui résistaient à l'occupation, élevant leurs enfants dans la défense du pays. La lutte des Palestiniennes s'est développée au cours des décennies. Par le passé, les Palestiniennes s'occupaient des besoins des enfants, semant l'amour du pays dans leurs cœurs. Mais au cours de l'Intifada actuel, nous avons remarqué une réelle participation des Palestiniennes dans la lutte contre l'occupation israélienne. Et ne vous étonnez pas lorsque je vous dis que depuis 2000, plus de 3.500 femmes ont été arrêtées. Et sur les seuls deux derniers mois, 15 femmes ont été arrêtées. Certaines d'entre elles, comme Ahlam al-Tamimi, sont eu des condamnations très dures – al-Tamimi a été condamnée à 16 fois la perpétuité.

Les Palestiniennes participent avec les hommes à la résistance et à la défense de leur terre. Leur rôle n'est pas moins important que celui des hommes. Elles sont des partenaires, dans la lutte et au travail. Comme je l'ai dit, leur rôle a évolué vers une participation directe lors de cet Intifada. Certaines d'entre elles ont donné leur vie à la cause, comme Waffah Idriss et Dareen Abu-Aisha.

Certaines ont été condamnées à de très longues peines de prison. 4 prisonnières sont moins de 18 ans. Et la plus âgée est Mariam Saleh, dont j'ai parlé plus haut. Elle est le symbole des femmes qui travaillent – elle était députée et elle est devenue Ministre dans le gouvernement. Et permettez-moi de dire qu'il y a actuellement 51 députés et ministres du gouvernement palestinien élu dans les geôles israéliennes, dont le docteur Aziz Dweik, qui souffre de plusieurs problèmes de santé. Pour répondre à votre question, permettez-moi de vous dire que les Palestiniens se sont toujours tenus aux côtés des hommes, résistant et défendant leur terre. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'entre elles ont été emprisonnées, tuées ou déportées.

Q. Frère Fouad, nous vous remercions infiniment pour cet entretien et pour les informations que vous nous avez données.

Fouad al-Khuffash : Merci beaucoup. Nous sommes à votre disposition pour parler de la question des détenus.

Source : IMEMC

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