La
veuve d’Ali Mécili, ancien opposant algérien assassiné en 1987, a
publié une lettre ouverte dans laquelle elle interpelle la Garde des
Sceaux française, Christiane Taubira. Annie Mécili redoute que le
dossier relatif à l’assassinat de son mari ne soit refermé par la
justice française, alors même que justice n’a pas été rendue.
Affaire Mécili : madame Taubira, que les crimes politiques ne restent pas impunis
De 1987 à 2014, d’Ali Mécili aux moines
de Tibéhirine, il faut se rendre à l’évidence : la mauvaise volonté des
autorités algériennes perdure. Fin mai, le voyage du juge Marc Trévidic à
Alger, dans le cadre de sa mission d’expertise sur l’assassinat des
moines français de Tibéhirine, a de nouveau été reporté sans explication de la part des autorités algériennes. Cela m’a interpellée.
Je reviens rapidement sur l’affaire
Mécili : mon mari, l’avocat Ali Mécili – français et algérien à la fois,
il s’appelait aussi André – a été assassiné le 7 avril 1987 à Paris sur
ordre du pouvoir algérien. Il a combattu, avec Hocine Ait Ahmed, pour
le respect des droits de l’homme et l’instauration de la démocratie en
Algérie. Il en est mort.
27 ans après, nous réclamons justice
Très vite, le pacte du silence conclu
entre Paris et Alger a conduit au renvoi en Algérie de l’assassin
présumé, interpellé dès le 10 juin 1987 et expulsé en urgence absolue
sur décision du ministre délégué à la Sécurité de l’époque, Robert
Pandraud. Le principal suspect ayant ainsi été soustrait à la justice
française au nom de la raison d’Etat, nous en sommes encore, 27 ans
après, à réclamer justice.
Le juge d’instruction n’a jamais pu
obtenir la coopération judiciaire de l’Algérie, tout comme, jusqu’ici,
le juge Trévidic. Lors de la commémoration, le 30 mars 2007, du 50e anniversaire
de l’assassinat de maître Ali Boumendjel pendant « la bataille
d’Alger », Hocine Aït-Ahmed et moi vous avions entretenue de l’affaire
Mécili et vous nous aviez écoutés avec beaucoup d’intérêt.
Désormais, il y a urgence : le nouveau
juge d’instruction en charge de cette affaire nous a avisés que
l’information lui paraissait terminée et qu’à l’issue des délais prévus,
l’ordonnance de règlement pourrait être rendue. Comment peut-on
l’envisager dans un dossier aussi complexe montrant clairement
l’implication des services de sécurité algériens ?
À la suite des révélations de deux
anciens responsables de ces services spéciaux, la justice s’est remise
en marche : deux mandats d’arrêt internationaux ont été délivrés par
le juge d’instruction en décembre 2007. Et l’on voudrait aujourd’hui
clore le dossier, comme si on reconnaissait à un Etat étranger le droit
de paralyser l’action judiciaire en France alors qu’il faudrait
justement ne jamais cesser d’en exiger des réponses.
L’annonce par Laurent Fabius, de retour d’Alger, que le juge Trevidic pourrait enfin être autorisé à se rendre en Algérie atteste d’ailleurs d’une nécessité, d’une obligation de ne jamais renoncer.
Les pistes demeurent nombreuses
“Mes enfants et moi, citoyens français
victimes d’un crime d’Etat, risquons, si ce dossier est clos, de devenir
des exclus du dispositif judiciaire, comme si le temps permettait
d’effacer un assassinat et d’absoudre des tueurs. L’affaire Ben Barka,
bien plus ancienne puisqu’elle remonte à 1965, n’a pas fait l’objet d’un
tel traitement.
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Madame la garde des Sceaux, je
m’adresse à vous non pour que vous interveniez sur la décision d’un juge
dont l’indépendance est au fondement de notre démocratie, mais pour
qu’une loi vienne rendre impossible la clôture d’un tel dossier de crime
politique. Qui plus est s’agissant d’une affaire où les personnes à
entendre, à commencer par le tueur présumé de mon mari, et les pistes à
exploiter demeurent nombreuses.
Il me semble que l’édification de la justice du XXIe siècle
que vous avez appelée de vos vœux, lors du lancement d’un débat
national, au palais de l’Unesco en janvier dernier, aurait tout à y
gagner et les citoyens aussi. Vous aviez affirmé : « Il est important
pour nous de faire en sorte que cette justice [...] force le respect
parce qu’elle donne à voir la force de la loi. Nous la voulons donc de
qualité, nous la voulons juste, nous la voulons comprise et acceptée,
nous la voulons bien exécutée. »
Votre déclaration m’a confortée dans mon espoir de voir un jour justice rendue à Ali Mécili.”
Chronologie d’une affaire d’État
Ali André Mécili, homme politique et
avocat franco-algérien, a été assassiné le 7 avril 1987 à Paris. Engagé
dans la guerre de libération puis membre fondateur du Front des forces
solidaires (FFS), Mécili s’exile en France en 1966. Il n’abandonne pas
pour autant son combat politique, et devient, depuis l’autre rive de la
Méditerranée, l’un des piliers de l’opposition algérienne, aux côtés de
Hocine Aït Ahmed.
Le 7 avril 1987, il est assassiné de
trois balles dans la tête devant son immeuble parisien. C’est le début
de ce qu’on appellera ensuite l’affaire Mécili.
Dès le 10 avril, une instruction
judiciaire est ouverte. 2 mois après, un premier suspect, Abdelmalek
Amellou, est placé en garde à vue. Mais Amellou n’est pas inculpé. Il
est expulsé en Algérie dès sa sortie de garde à vue. Une décision que
dénonce encore aujourd’hui la veuve d’Ali Mécili, puisque plusieurs
preuves semblent attester de l’implication d’Amellou dans cette affaire.
En novembre 1992, le procureur de la
République à Paris requiert un non-lieu, prononcé quelques jours plus
tard par le juge Gilles Rivière. Les avocats d’Annie Mécili font
immédiatement appel. En mars 1993, la chambre d’accusation de la Cour
d’appel de Paris se prononce pour la poursuite de l’enquête. Mais les
autorités algériennes refusent toujours de coopérer.
De nouvelles révélations paraissent dans
la presse française. Le 14 juin 2001, Hichem Aboud, ancien chef de
cabinet du directeur central de la Sécurité militaire algérienne,
affirme au Nouvel Observateur qu’il connaît Rachid Hassani, le
signataire de l’ordre de mission d’Amellou, et que celui-ci lui a confié
être l’organisateur de l’assassinat. Aboud réitère ses déclarations
devant la justice française en juillet.
En juillet 2003, soit 2 ans après ces
révélations, l’avocat d’Annie Mécili obtient que le juge en charge de
l’enquête entende le colonel Mohammed Samraoui, ex officier de la
Sécurité militaire algérienne. Celui-ci assure avoir vu Mohamed Ziane
Hasseni, responsable du protocole au ministère des Affaires étrangères
algérien, remettre à Amellou une forte somme d’argent en règlement de
son contrat. Mais le parquet de Paris estime que « la délivrance d’un
mandat d’arrêt ne s’impose pas ».
Malgré cela, le juge en charge de
l’affaire lance, en décembre 2007, un double mandat d’arrêt
international contre Amellou et Hasseni. Ce dernier est arrêté en août
2008 et mis en examen pour « complicité d’assassinat ». En février 2010,
le parquet de Paris requiert le non-lieu en faveur de Hasseni.
Mais le non-lieu est écarté par le juge, qui fait cependant passer
Hasseni du statut de mis en examen à celui de témoin assisté. Le 31
août, la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris accorde à Hasseni le non-lieu.
Aujourd’hui, la veuve d’Ali Mécili se bat
pour que l’instruction ne soit pas refermée. Elle ne cesse de réclamer
que l’État algérien collabore avec la justice française, pour que la
vérité soit faite sur cette affaire. Malgré le manque d’avancement du
dossier, Annie Mécili espère que la justice sera un jour rendue.
La
veuve d’Ali Mécili, ancien opposant algérien assassiné en 1987, a
publié une lettre ouverte dans laquelle elle interpelle la Garde des
Sceaux française, Christiane Taubira. Annie Mécili redoute que le
dossier relatif à l’assassinat de son mari ne soit refermé par la
justice française, alors même que justice n’a pas été rendue.
Affaire Mécili : madame Taubira, que les crimes politiques ne restent pas impunis
De 1987 à 2014, d’Ali Mécili aux moines
de Tibéhirine, il faut se rendre à l’évidence : la mauvaise volonté des
autorités algériennes perdure. Fin mai, le voyage du juge Marc Trévidic à
Alger, dans le cadre de sa mission d’expertise sur l’assassinat des
moines français de Tibéhirine, a de nouveau été reporté sans explication de la part des autorités algériennes. Cela m’a interpellée.
Je reviens rapidement sur l’affaire
Mécili : mon mari, l’avocat Ali Mécili – français et algérien à la fois,
il s’appelait aussi André – a été assassiné le 7 avril 1987 à Paris sur
ordre du pouvoir algérien. Il a combattu, avec Hocine Ait Ahmed, pour
le respect des droits de l’homme et l’instauration de la démocratie en
Algérie. Il en est mort.
27 ans après, nous réclamons justice
Très vite, le pacte du silence conclu
entre Paris et Alger a conduit au renvoi en Algérie de l’assassin
présumé, interpellé dès le 10 juin 1987 et expulsé en urgence absolue
sur décision du ministre délégué à la Sécurité de l’époque, Robert
Pandraud. Le principal suspect ayant ainsi été soustrait à la justice
française au nom de la raison d’Etat, nous en sommes encore, 27 ans
après, à réclamer justice.
Le juge d’instruction n’a jamais pu
obtenir la coopération judiciaire de l’Algérie, tout comme, jusqu’ici,
le juge Trévidic. Lors de la commémoration, le 30 mars 2007, du 50e anniversaire
de l’assassinat de maître Ali Boumendjel pendant « la bataille
d’Alger », Hocine Aït-Ahmed et moi vous avions entretenue de l’affaire
Mécili et vous nous aviez écoutés avec beaucoup d’intérêt.
Désormais, il y a urgence : le nouveau
juge d’instruction en charge de cette affaire nous a avisés que
l’information lui paraissait terminée et qu’à l’issue des délais prévus,
l’ordonnance de règlement pourrait être rendue. Comment peut-on
l’envisager dans un dossier aussi complexe montrant clairement
l’implication des services de sécurité algériens ?
À la suite des révélations de deux
anciens responsables de ces services spéciaux, la justice s’est remise
en marche : deux mandats d’arrêt internationaux ont été délivrés par
le juge d’instruction en décembre 2007. Et l’on voudrait aujourd’hui
clore le dossier, comme si on reconnaissait à un Etat étranger le droit
de paralyser l’action judiciaire en France alors qu’il faudrait
justement ne jamais cesser d’en exiger des réponses.
L’annonce par Laurent Fabius, de retour d’Alger, que le juge Trevidic pourrait enfin être autorisé à se rendre en Algérie atteste d’ailleurs d’une nécessité, d’une obligation de ne jamais renoncer.
Les pistes demeurent nombreuses
“Mes enfants et moi, citoyens français
victimes d’un crime d’Etat, risquons, si ce dossier est clos, de devenir
des exclus du dispositif judiciaire, comme si le temps permettait
d’effacer un assassinat et d’absoudre des tueurs. L’affaire Ben Barka,
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m’adresse à vous non pour que vous interveniez sur la décision d’un juge
dont l’indépendance est au fondement de notre démocratie, mais pour
qu’une loi vienne rendre impossible la clôture d’un tel dossier de crime
politique. Qui plus est s’agissant d’une affaire où les personnes à
entendre, à commencer par le tueur présumé de mon mari, et les pistes à
exploiter demeurent nombreuses.
Il me semble que l’édification de la justice du XXIe siècle
que vous avez appelée de vos vœux, lors du lancement d’un débat
national, au palais de l’Unesco en janvier dernier, aurait tout à y
gagner et les citoyens aussi. Vous aviez affirmé : « Il est important
pour nous de faire en sorte que cette justice [...] force le respect
parce qu’elle donne à voir la force de la loi. Nous la voulons donc de
qualité, nous la voulons juste, nous la voulons comprise et acceptée,
nous la voulons bien exécutée. »
Votre déclaration m’a confortée dans mon espoir de voir un jour justice rendue à Ali Mécili.”
Chronologie d’une affaire d’État
Ali André Mécili, homme politique et
avocat franco-algérien, a été assassiné le 7 avril 1987 à Paris. Engagé
dans la guerre de libération puis membre fondateur du Front des forces
solidaires (FFS), Mécili s’exile en France en 1966. Il n’abandonne pas
pour autant son combat politique, et devient, depuis l’autre rive de la
Méditerranée, l’un des piliers de l’opposition algérienne, aux côtés de
Hocine Aït Ahmed.
Le 7 avril 1987, il est assassiné de
trois balles dans la tête devant son immeuble parisien. C’est le début
de ce qu’on appellera ensuite l’affaire Mécili.
Dès le 10 avril, une instruction
judiciaire est ouverte. 2 mois après, un premier suspect, Abdelmalek
Amellou, est placé en garde à vue. Mais Amellou n’est pas inculpé. Il
est expulsé en Algérie dès sa sortie de garde à vue. Une décision que
dénonce encore aujourd’hui la veuve d’Ali Mécili, puisque plusieurs
preuves semblent attester de l’implication d’Amellou dans cette affaire.
En novembre 1992, le procureur de la
République à Paris requiert un non-lieu, prononcé quelques jours plus
tard par le juge Gilles Rivière. Les avocats d’Annie Mécili font
immédiatement appel. En mars 1993, la chambre d’accusation de la Cour
d’appel de Paris se prononce pour la poursuite de l’enquête. Mais les
autorités algériennes refusent toujours de coopérer.
De nouvelles révélations paraissent dans
la presse française. Le 14 juin 2001, Hichem Aboud, ancien chef de
cabinet du directeur central de la Sécurité militaire algérienne,
affirme au Nouvel Observateur qu’il connaît Rachid Hassani, le
signataire de l’ordre de mission d’Amellou, et que celui-ci lui a confié
être l’organisateur de l’assassinat. Aboud réitère ses déclarations
devant la justice française en juillet.
En juillet 2003, soit 2 ans après ces
révélations, l’avocat d’Annie Mécili obtient que le juge en charge de
l’enquête entende le colonel Mohammed Samraoui, ex officier de la
Sécurité militaire algérienne. Celui-ci assure avoir vu Mohamed Ziane
Hasseni, responsable du protocole au ministère des Affaires étrangères
algérien, remettre à Amellou une forte somme d’argent en règlement de
son contrat. Mais le parquet de Paris estime que « la délivrance d’un
mandat d’arrêt ne s’impose pas ».
Malgré cela, le juge en charge de
l’affaire lance, en décembre 2007, un double mandat d’arrêt
international contre Amellou et Hasseni. Ce dernier est arrêté en août
2008 et mis en examen pour « complicité d’assassinat ». En février 2010,
le parquet de Paris requiert le non-lieu en faveur de Hasseni.
Mais le non-lieu est écarté par le juge, qui fait cependant passer
Hasseni du statut de mis en examen à celui de témoin assisté. Le 31
août, la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris accorde à Hasseni le non-lieu.
Aujourd’hui, la veuve d’Ali Mécili se bat
pour que l’instruction ne soit pas refermée. Elle ne cesse de réclamer
que l’État algérien collabore avec la justice française, pour que la
vérité soit faite sur cette affaire. Malgré le manque d’avancement du
dossier, Annie Mécili espère que la justice sera un jour rendue.
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