Le Maroc souffle le chaud et le froid sur les droits humains
En
accueillant la deuxième édition du Forum mondial des droits de l’homme à
Marrakech du 27 au 30 novembre, le Maroc veut s’afficher en pays modèle
dans la région.
27/11/14 - 10 H 48
Avec cet article
Plusieurs ONG appellent au boycott pour dénoncer les violations des droits humains.
« J’ai
été parmi les premiers à bénéficier de l’opération de régularisation.
Grâce à mon cachet d’entrée sur le territoire, j’ai pu prouver que
j’étais au Maroc depuis plus de cinq ans », raconte Amadou Sadio Baldè, vice-président du Conseil des migrants subsahariens au Maroc.Sa carte de résident ne l’a pas empêché d’être arrêté par la police, le 17 novembre à l’aéroport de Casablanca, pour détention de faux passeport, alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour Bordeaux. « J’étais invité à m’exprimer à une conférence sur la situation des migrants au Maroc. On m’a arrêté à cause de mes actions militantes », assure-t-il.
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Son histoire illustre tout le paradoxe du Maroc, désireux de défendre les droits humains pour devenir un modèle dans la région sans pour autant avoir totalement renoncé à ses pratiques abusives. Avide de convaincre de ses progrès, le royaume organise la deuxième édition du Forum mondial des droits de l’homme, à Marrakech, jusqu’au 30 novembre.
« Nous subissons une interdiction systématique de nos activités et manifestations »
Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), institution officielle remaniée au printemps 2011 à la faveur des révolutions arabes, est le fer de lance de la politique de défense des droits de l’homme, en dépit de moyens très limités. « Nous avons reçu, entre mars 2011 et décembre 2013, 53 000 requêtes. Nous faisons de notre mieux pour aider, accompagner, orienter les victimes », détaille Abderrazzak El Hannouchi, chef de cabinet du CNDH.Cela n’empêche pas les tours de vis récurrents pour bâillonner les défenseurs des droits humains. « Nous subissons une interdiction systématique de nos activités et manifestations. Tout récemment encore, alors que nous organisions une formation dans un hôtel à Agadir, le directeur de l’hôtel, après avoir reçu un coup de téléphone des autorités, a fait éteindre les lumières pour nous chasser », raconte Ahmed El Haij, président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).
Le recours à la torture par les autorités marocaines
L’association vient de gagner son procès contre la wilaya de Rabat (préfecture), qui avait interdit l’un de ses événements le 27 septembre. S’estimant trop malmenée, elle a décidé de boycotter le forum mondial, tout comme sept autres organisations marocaines.Au cœur du malaise, le sort réservé aux prisonniers sahraouis détenus depuis le grand mouvement de protestation de l’automne 2010 au Sahara occidental. Plusieurs d’entre eux, comme Ali Aarrass, Belgo-Marocain condamné pour terrorisme, seront en grève de la faim pendant la durée du forum pour dénoncer leurs conditions de détention. « À chaque fois que j’ai questionné Ali sur la torture, sa voix s’est étranglée dans les larmes », témoigne Farida Aarrass, sa sœur.
Le Maroc reste intraitable dès lors qu’il s’agit de défendre son intégrité territoriale. Juan Mendez, rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, estimait ainsi dans son rapport de 2013 sur le Maroc que « dans les situations de forte tension, par exemple en cas de menace perçue à la sécurité nationale, de terrorisme ou de manifestation de masse, il y a un recours accru aux actes de torture ».
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Les mariages de mineures en hausse
Plus de 35 000 adolescentes ont été mariées en 2013 au Maroc. C’est deux fois plus qu’en 2004, année de l’adoption du nouveau code de la famille qui prévoyait un âge minimum au mariage de 18 ans, sauf exception accordée par le juge pour les filles. Or il se trouve que la quasi-totalité des demandes d’exception sont satisfaites.
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« C’est contraire aux dispositions de la Convention des droits de l’enfant », s’était inquiétée l’ancienne haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Navi Pillay, lors d’une visite au Maroc en mai dernier. « Nous demandons que le pouvoir discrétionnaire du juge soit réduit », revendique Jaouad Chouaïb de l’association Bayti, qui œuvre pour la protection de l’enfance.
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