10 juillet 2008

pour Marina, ma camarade qui était de toutes les luttes

Pour Marina

Le corps de Marina tente une dernière résistance contre l’extradition, qui n’est autre pour elle qu’une sépulture de vivante.

Son corps me tient à coeur. Il est son dernier retranchement, une fois toutes les raisons rejetées, toutes les défenses anéanties.

Aucun intérêt d’évoquer ce qui se passe chez nous. Nos feuilles de choux répètent comme des petits perroquets bien dressés le bobard qui parle d’une Marina en fuite, tombée dans un banal contrôle de police. De cette façon, ils la font passer pour naïve et clandestine. Chez nous, le respect des faits n’est dû qu’aux puissants.

En France, les mots ont encore une dignité à défendre. Le corps de Marina dépend de ces mots. D’une signature ou d’un refus de signature, d’un geste de la main qui dans une pièce confortable décide du sort d’un corps épuisé dans une pièce dépouillée.

Je soutiens les dernières fibres qui retiennent la vie de Marina.

Je soutiens son ‘non’ extrême, qui choisit de s’éteindre au lieu de se livrer au premier jour d’une peine sans fin. Depuis presque un an, Marina est prisonnière d’un jour zéro.

Elle a été une révolutionnaire, elle s’est battue sans aucun profit personnel, avec une foule d’insurgés dans l’Italie des années 70. Elle a perdu, fait de la prison, s’est réfugiée en France et il y a un quart de siècle qu’elle a prononcé son définitif adieu aux armes. Elle a été condamnée par une justice d’exception, qui aujourd’hui ne lui reconnaît même pas un seul des jours de prison purgés pendant des années dans les pénitenciers d’Italie.

Aujourd’hui, elle a raison et le droit de confier à son corps sa dernière résistance.

Lèvres cousues, regard éteint, Marina met ses quatre os en travers, ultime obstacle au chemin qui la ramène en arrière, dans l’obscurité d’un pays excité par des rancunes et des peurs. J’approuve son choix : Que ce ne soit pas l’Italie, mais la France, terre de deuxième vie, la responsable du corps de Marina, mort ou vif.

Erri De Luca
Paris, journées du 9 et du 10 juillet 2008



pour toi, Marina, qui combattais le fascisme qui te foudroie en ces heures sombres, souviens-toi...





Ils m'ont dit "Résigne-toi"
mais je n'ai pas peur
j'ai repris mon âme
J'ai changé cent fois de nom,
J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis ;
J'ai la FRANCE entière.








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