| Manœuvres des pays du Golfe contre le peuple syrien par  Sami  Kleib | |
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| Mondialisation.ca, Le 30 novembre 2011 | |
| D’après  une personnalité proche du Secrétaire Général de la Ligue Arabe, Nabil  Arabi, celui-ci aurait exprimé, lors d’une réunion formelle, son  inquiétude réelle quant aux plans d’intégration de la Jordanie et du  Maroc au sein du Conseil de Coopération des Pays du Golfe (CCG),  suggérant à son auditoire que c’était là un véritable danger pour la  Ligue Arabe, car il en résulterait une nouvelle partition du Monde Arabe  avec, d’une part les monarchies et les principautés ; d’autre part le  reste des pays arabes. Ce qui permettrait à l’Occident de contrôler  efficacement les sources d’énergie et l’ensemble des décisions  politiques concernant la région. Selon la même source, le secrétaire  général adjoint de la Ligue Arabe, Ahmed Bin Houli (d’origine  algérienne) serait réduit le plus souvent à un rôle d’exécutant des  points de vue et directives du ministre des affaires Étrangères qatari,  Sheikh Hamad Bin Jassem Bin Jabr Al Thani, ce qui aurait conduit nombre  de participants à se poser des questions sur les positions réelles de  l’Algérie. D’autant plus, qu’historiquement — et à commencer par son  ministre des Affaires Étrangères Abdel Aziz Boutéflika dès l’époque où  celui-ci a occupé ce poste — la diplomatie algérienne s’est toujours  distinguée par sa fermeté et l’efficacité de ses initiatives au sein de  la Ligue. Aurait-elle peur de subir le même sort que la Tunisie ou la  Libye, voire pire ? Décrivant l’offensive des pays du Golfe, Nabil Arabi aurait dit : « Une offensive d’une telle force et d’une telle ampleur est des plus inquiétantes »  avec, pour preuve, le fait indiscutable que certains de ces pays se  comportent comme si la Ligue Arabe n’était qu’une sorte de couverture  les autorisant à s’en prendre à d’autres États membres tels que la  Libye, le Yémen, l’Egypte, la Syrie, etc… Comme d’autres responsables de  la Ligue Arabe, Nabil Arabi n’a pu que constater l’ambiguïté délibérée  des décisions prises à l’encontre de la Libye et serait allé jusqu’à  dire : « Personnellement, je ne savais pas que la  décision de l’établissement d’une « no-fly zone » et l’interdiction de  survol de l’aviation libyenne pouvaient donner prétexte à l’OTAN d’aller  bombarder, à l’artillerie lourde, des régions libyennes choisies pour  cibles. Si je l’avais su, je n’aurais jamais cautionné cette décision ». Il est certain que la légitimation de  l’intervention de l’OTAN en Libye a été ourdie sous la mandature d’Amr  Moussa. D’où la probabilité que Nabil Arabi ait voulu envoyer un message  très clair pour signifier que d’autres pays arabes sont tombés dans le  même piège alors même que, en sa qualité de Secrétaire Général de la  Ligue Arabe, Nabil Arabi ait dû finir par bien accueillir l’élimination  de Mouammar Kadhafi et de son régime. Par ailleurs, diverses sources proches  d’Ahmed Bin Houli rapportent que Nabil Arabi aurait ajouté que les pays  du Golfe ont exercé d’énormes pressions pour arriver à faire adopter la  position que l’on sait contre la Libye, et qu’ils sont en train d’agir  de même contre la Syrie. Il faut rappeler que le texte de  l’article premier de la décision de la Ligue arabe, prise le 14 mars  2011, équivalait à une sollicitation claire du Conseil de Sécurité pour  une intervention militaire en Libye, puisque cet article lui demandait  de : « Prendre immédiatement les mesures nécessaires  pour l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne interdisant tout  mouvement de l’aviation militaire Libyenne, établir une zone de sécurité  dans les sites exposés aux bombardements en tant que mesure préventive  permettant la protection du peuple libyen et des résidents de toutes  nationalités, tout en respectant la paix régionale et la souveraineté  des États voisins. » En outre, diverses personnalités proches  de la Ligue Arabe ont affirmé qu’actuellement certains pays du Golfe,  le Qatar en premier, font pression pour assurer une couverture  comparable pouvant légitimer une intervention internationale en Syrie,  mais qu’ils se sont heurtés à de sérieuses objections émanant d’autres  pays arabes. Ainsi, l’Égypte et l’Algérie ont refusé jusqu’ici de les  suivre. Le Roi d’Arabie Saoudite ne s’est pas montré enthousiaste non  plus, malgré les pressions venues de personnalités saoudiennes et  koweitiennes qui n’exprimaient pas nécessairement la décision officielle  de leurs deux pays. À ce stade, des questions se posent  concernant la complicité des pays du Golfe et d’Ankara visant à  déstabiliser la Syrie de l’intérieur. Les connaisseurs des arcanes de la Ligue  Arabe se transmettent les informations sur les manipulations destinées à  encourager la Turquie et la Jordanie à élever le niveau de leur  ingérence dans les affaires syriennes sous prétexte de protéger les  civils, les réfugiés, et les dissidents de l’Armée ; et à les inciter à  réfléchir sérieusement aux modalités d’établissement de « zones tampons »  à leurs frontières communes avec la Syrie. Tout cela assorti d’une  panoplie de sanctions telles que le gel des transactions et des avoirs  financiers dans les banques arabes, l’arrêt des investissements des pays  du Golfe, la suspension de la Syrie de la zone de libre-échange arabe  (GAFTA), et son asphyxie par l’exercice de pressions sur les États et  les sociétés qui traitent avec les secteurs économiques et financiers  syriens. Ingérence étrangère et opposition Des médias israéliens, dont le quotidien « Haaretz », se sont intéressés aux divers plans visant à transformer Homs, Hama, et Edleb en « zones sous protection internationale »,  mais les moyens pour y parvenir n’ont pas été réunis étant donné que le  double veto sino-russe prononcé contre toute intervention étrangère  dans les affaires syriennes contribue toujours à rendre cette manœuvre  très difficile. Si bien que d’autres moyens sont à l’étude, telle l’idée  des « couloirs humanitaires » avancée par le ministre des Affaires Étrangères français Alain Juppé. Il convient de préciser que la Chine et  la Russie ne sont pas les seuls pays à s’opposer aux plans de  déstabilisation de la Syrie. En effet, une intervention turque ou  internationale n’a pas reçu l’aval de tous les pays membres de la Ligue  Arabe. Plusieurs d’entre eux ont exprimé clairement des réserves, qui  sont restées cependant inaudibles ou délibérément ignorées, tout comme  le désaccord arabo-arabe au sujet de l’opposition syrienne censée être  représentée par le Conseil National Syrien (CNS). D’après Ammar al-Qurabi, (chef de  l’Organisation nationale des droits de l’Homme basée au Caire -Ndt),  Nabil Arabi aurait reçu vingt-cinq demandes d’entretien de la part de  l’opposition syrienne, au moment même où le Qatar et des pays du Golfe,  notamment, exerçaient d’intenses pressions sur les pays arabes pour les  conduire à reconnaître le CNS. Tandis que d’autres pays, notamment  occidentaux, considèrent qu’il est impératif d’élargir la  représentativité du CNS avant de le reconnaître officiellement, d’autres  forces de l’opposition syrienne déclarent que le CNS ne peut  représenter la volonté populaire. Ils accusent le CNS d’être dominé par  la Turquie, le Qatar, et d’autres pays arabes, et de n’être qu’un écran  derrière lequel se cachent les Frères Musulmans. Ceci explique pourquoi  le CNS n’aurait pas encore été reconnu comme l’unique représentant de  l’opposition syrienne, ni par un État arabe, ni par un État occidental. Il n’est absolument pas exclu que nous  assistions maintenant à une intensification des pressions devant  conduire à l’organisation d’une conférence réunissant une « opposition élargie »  - où seraient présentes toutes ou la plupart des parties - dans le seul  but de légitimer sa reconnaissance par les pays arabes et occidentaux  et, du même coup, réussir à délégitimer le gouvernement syrien avec tout  ce que ceci pourrait engendrer comme obstacles pour les diplomates  syriens basés à l’étranger, dans leurs tentatives de conciliation. Il faut savoir que la contrebande  d’armes - qui depuis plusieurs mois ont envahi le territoire syrien - a  provoqué la division de l’opposition syrienne extérieure, certaines  personnalités refusant d’accorder tout crédit au CNS. Ainsi, Haytham  Manna en grande délicatesse avec Burhan Ghalioun a déclaré : « Si les manifestations en Syrie s’étaient islamisées, confessionnalisées, ou armées, elles seraient déjà terminées »,  étant donné que ce sont toujours les armes qui l’emportent. Avec son  mouvement d’opposition, Manna a exigé de Ghalioun et du CNS qu’il  dirige, qu’il adopte une position claire quant à la séparation de la  religion et de l’État, les mettant au défi de le faire. Ceci dit, la plupart de ces opposants  disent que, si le régime syrien veut éviter une intervention étrangère,  c’est à lui de prouver sa volonté de réformes et d’initier des mesures  concrètes en ce sens, notamment en termes d’élections permettant un  partage effectif du pouvoir. Il n’en demeure pas moins que, ces  dernières semaines, c’est le Qatar qui a joué le rôle majeur pour  rassembler les opposants. Il a du reste invité la plupart de leurs  représentants à Doha. Certains vont jusqu’à dire que la dernière  rencontre entre le premier ministre qatari et le prince héritier  d’Arabie Saoudite a été quasi-exclusivement consacrée à la crise  syrienne alors que ce dernier, suite à sa nomination, avait reçu un  message d’amitié remarqué de la part du Président Bachar el-Assad,  auquel il a répondu en termes chaleureux, souhaitant à la Syrie de  sortir saine et sauve de la crise en cours. Les autorités turques aussi ont joué un  rôle majeur. Elles ont intensifié leurs pressions et leurs déclarations  intempestives par la voix de Recep Tayeb Erdogan. Et, au dire de  certains opposants, Al- Qurabi entre autres, toutes sortes de scénarios  ont été imaginé par la direction politique turque : « Coup  d’État militaire, établissement de zones tampons, sanctions économiques  et financières, et encouragement à la dissidence de militaires  syriens ». Aussi, il semble que l’intervention de l’armée syrienne à Homs, avec l’adoption d’une politique sécuritaire « chirurgicale »  visant à capturer ou à tuer des groupes de bandes armées, a poussé  certains pays du Golfe a accélérer la cadence et l’intensité des  pressions sur la Ligue Arabe, et particulièrement sur Nabil Arabi, pour  établir un protocole menottant la Syrie, de telle sorte qu’elle ne  puisse ni l’accepter, ni le refuser. En l’acceptant, elle ouvrait ses  portes à des observateurs pas nécessairement neutres, aux trafics  d’armes, aux manifestations, aux dissidents armés. En le refusant, elle  ouvrait la voie au Conseil de Sécurité et bridait l’action de la Russie. Sujets de désaccord entre la Syrie et la Ligue Arabe Le quotidien As-Safir  a pu se procurer, auprès de sources proches d’Ahmed Bin Houli, des  documents échangés entre la Ligue Arabe et Damas durant les deux  derniers mois. Le premier document (numéro 7435, daté du 16 octobre 2011), comportait les exigences suivantes : 1. Arrêt total de tous les actes de  violence dirigés contre les citoyens syriens, et arrêt total de toutes  les violences quelle qu’en soit l’origine. 2. Annonce par les autorités syriennes  de leur volonté de libérer tous les prisonniers politiques en raison des  événements en cours, avant la célébration de l’Aid Al-Adha [Fête du  Sacrifice ou AID AL-KEBIR, Ndt] 3. Évacuation totale de toute présence militaire des villes et des quartiers habités. 4. Tenue d’un Congrès pour un vaste  dialogue national au siège du secrétariat général de la Ligue Arabe et  sous ses auspices, dans un délai de 15 jours, et après exécution des  articles ci-dessus 1,2, 3. Ce congrès devant réunir des  représentants du gouvernement syrien et de toutes les parties de  l’opposition pour s’accorder sur une feuille de route précisant les  modalités nécessaires à la mise en œuvre d’un processus de réforme  politique conforme aux ambitions du peuple syrien. Le comité ministériel et le secrétariat  général de la Ligue Arabe sont chargés de la préparation des modalités  nécessaires à l’exécution de ces articles. Le 26 octobre 2011, un deuxième document émanant du comité ministériel « suite à son accord avec Son Excellence le Président Bachar el-Assad » précisait les amendements suivants, apportés par la Syrie : 1. Arrêt total de toutes les violences quelle qu’en soit l’origine. 2. Libération des détenus en raison des événements en cours. 3. Evacuation de toute présence armée des villes et des quartiers habités. 4. … non modifié 5. Invitation des organismes officiels  de la Ligue arabe et des médias arabes et internationaux à circuler  librement dans toutes les régions syriennes pour s’informer et rendre  compte de la réalité des événements sur le terrain. Les informations émanant de milieux  officiels de la Ligue Arabe indiquent que, lors des discussions qui ont  eu lieu en marge du conseil ministériel entre Nabil Arabi, ses  conseillers, et certains représentants des pays du Golfe, le Sheikh  Hamad en premier, l’impression générale était que la Syrie refuserait  ces résolutions, vu que Nabil Arabi avait entendu le Président Assad  répéter à maintes reprises qu’il refuserait toute atteinte à la  souveraineté de la Syrie et que le dialogue devrait avoir lieu sur le  territoire syrien. Mais l’approbation de l’Initiative Arabe par la Syrie, couplée avec le renforcement des mesures sécuritaires dans les régions « chaudes »,  notamment pendant l’AID Al-Adha, a contribué à relever le niveau des  pressions des pays du Golfe et des pays occidentaux sur la Ligue Arabe,  pendant que les médias arabes et internationaux s’acharnaient à diffuser  des images de meurtres, de violences, et d’incursions, prétendument  attribuées au régime syrien. Là-dessus est venu s’ajouter le fameux  « protocole arabe » dont le contenu était toujours censé être refusé,  sans délai, par les Syriens. Pièges du protocole arabe Là encore, la Syrie n’a pas répondu par  la négative. Au contraire, elle a décidé d’aller dans le sens du vent au  risque de se trouver entraînée dans la bourrasque. Elle a accepté le  principe du « protocole » tout en travaillant à son amendement. Ainsi, elle en a exclu l’article stipulant la présence de « gardes personnelles ou privées »,  comme elle a refusé de souscrire à tout rapport ou déplacements des  représentants de la Ligue Arabe avant consultations croisées avec le  gouvernement, en précisant que les rapports devraient être soumis en  parallèle au secrétaire général de la Ligue et au gouvernement syrien.  Quant au financement, il devait être assumé par la Ligue Arabe,  elle-même. Qu’est-ce qui conduit la Syrie à accepter ce qui risque de menacer sa souveraineté ? L’opposition voit dans cette attitude  conciliante du gouvernement syrien un signe de faiblesse révélateur de  son incapacité à refuser quoi que ce soit et qui annonce sa chute  imminente. Le point de vue des dirigeants syriens est radicalement à  l’opposé de cette analyse. En effet, ceux qui les côtoient vous font  remarquer que, alors que la crise entre dans son neuvième mois, il ne  peut pas avoir échappé aux observateurs que le gouvernement et l’armée  syrienne sont restés solidaires ; que le nombre de déserteurs n’a même  pas atteint la proportion observée en temps normal ; qu’il n’y a pas de  craintes particulières concernant la situation financière puisque la  Syrie sort de dix-sept années de blocus qui ne l’ont pas empêchée de  développer son agriculture, d’exporter ses produits, et que rien ne  pourrait étrangler son économie tant que ses relations resteraient  ouvertes avec l’Irak, le Liban, la Russie, l’Indonésie, l’Inde… Les mêmes considèrent que cette attitude conciliante de la part des Syriens a pour but premier de maintenir l’« unité du front arabe »  pour éviter de légitimer une intervention étrangère et renforcer les  positions de la Russie et d’autres alliés auprès du Conseil de Sécurité.  Cela d’autant plus que les Syriens peuvent présenter des dossiers  documentés par des photos, vidéos, et DVD, prouvant la participation de  centaines d’individus armés à des exactions, à des assassinats liés à  des différences communautaires, à des mutilations de cadavres, à des  viols… en particulier, dans la région de Homs ; certains de ces dossiers  confirmant l’implication directe de certains pays du Golfe dans le  financement et l’armement, dossiers qui pourront être divulgués si les  Arabes persistent dans leur intensification des pressions jusqu’au point  de rupture. Cette logique des Syriens laisse à  penser qu’ils ne prendront pas les devants pour sortir de la Ligue  Arabe. Mais, au cas où certains voudraient les en exclure, ils devront  en supporter les conséquences. Ici, il n’est pas inutile de rappeler que  Nabil Arabi a raconté récemment comment il a été obligé, lorsqu’il  était Ministre des Affaires Étrangères, de renvoyer à plus tard la  question du rapprochement égypto-syrien sous la pression des pays du  Golfe ; comme il n’est pas inutile de rappeler que cette logique est  soutenue par le peuple syrien. En effet, si les décisions de la Ligue  ont trouvé un écho favorable chez une partie des Syriens, l’autre partie  a réagi par des manifestations massives et répétées. C’est ainsi que  les décisions de la Ligue ont mis en mouvement les forces du patriotisme  arabe en soutien avec la Syrie contre toute intervention étrangère. Dans ces conditions, la situation  syrienne paraît se diriger vers plus de complexité, puisque le contrôle  de la sécurité intérieure subit les pressions immenses de l’extérieur.  Mais certains, dont les Russes en particulier, soutiennent que le régime  est encore capable de réaliser une percée majeure du fait de ses  avancées en matière de réformes politiques dont il faudrait accélérer le  pas pour le transposer dans la réalité des faits. C’est ce qui a  conduit Moscou à jouer un rôle de médiateur et à recevoir une délégation  du CNS. Cette démarche faisant suite à la « Conférence d’Antalya »  supposée réunir les représentants de tous les partis constitués  d’opposants syriens basés à l’étranger, qui s’était soldée par un appel à  la chute du régime de Bachar el-Assad. Récemment, un certain nombre de pays arabes ont exprimé leur réelle inquiétude en cas d’éventuels « faux pas »  contre la Syrie. Mais, il est intéressant de noter que ces réserves ont  été rejetées par Nabil Arabi et le Sheikh Hamed, et que les amendements  au « protocole » proposés par l’Algérie n’ont pas  été pris en considération. Certains suggèrent que les tentatives pour  envenimer la situation en Égypte sont en relation directe avec d’autres  dossiers arabes et internationaux. Du reste la déclaration officielle de  l’Égypte ne traduisait pas un grand enthousiasme, ni pour accueillir le  CNS, ni pour une intervention internationale dans les affaires internes  de la Syrie. Les pessimistes vont jusqu’à croire que  le Monde arabe assiste à une étape de désintégration de la Ligue Arabe  ou à sa soumission aux diktats des pays du Golfe, ce qui nécessiterait  l’affaiblissement du rôle de l’Égypte, pour commencer. D’autres pensent que la bataille  régionale/internationale a atteint son point culminant fournissant une  occasion favorable pour attaquer la Syrie comme prélude à l’encerclement  de l’Iran. Mais, cela suppose que le camp d’en face, c’est-à-dire  l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, la Russie, soient prêts à une  confrontation, ce qui ajoute à la complexité et à la durée de la crise  syrienne. À moins qu’un événement interne inattendu ne survienne et que  la situation ne glisse vers le piège d’une confrontation avec la  Turquie, la Jordanie, ou… Au milieu de tout cela, le Liban sera  probablement confronté à une série de secousses politiques et  sécuritaires, puisque la plupart de ses politiciens définissent leur  politique en fonction de leur positionnement face à la crise syrienne. Sami Kleib  As-Safir, 25 novembre 2011. Traduit de l’arabe par Mme Mouna Alno-Nakhal, le 29 novembre 2011 Article original:  http://www.assafir.com/Article.aspx ?EditionId=2011&ChannelId=47654&ArticleId=2482&Author= سامي%20كليب Traduction : Mouna Alno-Nakhal Version française sur silviacattori.net Sami Kleib, journaliste libanais de nationalité française, est diplômé en Communication, Philosophie du Langage et du Discours Politique. Il a été Directeur du Bureau du journal As-Safir libanais, à Paris, et Rédacteur en chef du Journal de RMC-Moyen Orient. Responsable de l’émission « Visite spéciale » sur Al-Jazeera, il a démissionné en protestation contre la nouvelle orientation politique de cette chaîne. Commentaire de la traductrice La guerre contre le peuple syrien n’est certes pas une « guerre déclarée » puisqu’on incite l’opinion publique à s’intéresser à son sort au nom de la prétendue « responsabilité de protéger »  qui apparaît désormais comme le moyen idéal, non pour éviter son  malheur, mais pour égarer notre compréhension des véritables enjeux. Peu  importe que ce peuple se mobilise inlassablement depuis des mois, pour  manifester en sa majorité son soutien à son Président, laissant de côté  des revendications de réforme devenues secondaires face à un danger  qu’il a bien mesuré. Peu importe qu’il rejette toute ingérence ou  intervention étrangère, et qu’il réaffirme son refus de céder à  l’escalade de la violence et aux escadrons de la mort téléguidés et  financés de l’extérieur. Peu importe la vérité des faits à ceux qui les  dénaturent, tant que l’opinion publique chez nous continue de croire que  le peuple syrien est victime de ses dirigeants, et non pas la cible de  puissances étrangères. Une fois de plus, la  grande majorité des journalistes jouent sur l’affrontement entre le Bien  et le Mal. Leurs mensonges sont des armes autrement plus meurtrières et  surtout « humainement » plus acceptables qu’une intervention militaire,  rendue momentanément impossible pour des « raisons techniques »,  comme nous l’explique Sami Kleib ; des journalistes qui pratiquent  contre le peuple syrien une stratégie que l’on pourrait qualifier de « terrorisme médiatique »,  par le biais d’informations erronées et non vérifiées, de vidéos qu’ils  savent truquées, et de reportages totalement mensongers. Comme on l’a  vu avec la diffusion du reportage de Sofia Amara, qu’Arte et la Télévision Suisse Romande  ont pourtant diffusé et rediffusé, malgré le fait que sa non  crédibilité n’a pas pu leur échapper, compte tenu des protestations  anticipées venues de personnes directement concernées. [1] Mais quelque chose est en  train de changer. Il semble qu’il ne soit plus absolument indispensable  de ne consulter que des sites internet non inféodés aux manipulateurs  de tous bords. En effet, certains rédacteurs de nos médias dits « traditionnels »  commencent à lever un coin du voile jeté sur nos consciences, sans  cependant renoncer à diffuser les informations fausses ou tendancieuses  qui émanent de sources plus que douteuses, tel que l’OSDH, le prétendu Observatoire Syrien des Droits de l’Homme  basé à Londres, et qui fait état quotidiennement d’un nombre de  victimes, sans que l’on sache ni qui compte les morts, ni leur identité,  ni surtout qui les a tués. [2] Témoin de ce changement ? Un article édifiant dans l’édition papier du 23 novembre du journal satirique « Le Canard enchaîné » qui titre : « Une  intervention « limitée » préparée par l’Otan en Syrie. En projet, une  formation à la guérilla des déserteurs syriens par les services secrets  français » ! Les extraits - recopiés ici - en disent long sur cette intervention extérieure : […]  « Les Turcs proposent d’instaurer une zone d’ « interdiction aérienne » et une zone tampon à l’intérieur de la Syrie, destinée à accueillir les civils qui fuient la répression et les militaires qui désertent (évalués à 8000, officiers supérieurs compris, par les services français de renseignement). Pas simple à réaliser, car il faudrait dès lors que des bases aériennes turques accueillent les avions français et britanniques. » « « Avant  même la réalisation de ces projets stratégiques, dit-on au ministère de  la Défense, les services secrets étaient à l’œuvre. » Au nord du Liban  et en Turquie, où se réfugient nombre de déserteurs syriens, des  officiers français de la DGSE et britanniques du MI 6 ont pour mission  de constituer les premiers contingents de l’Armée syrienne libre, encore  embryonnaire. »  […] « Déserteurs à mobiliser Une  guerre anti-Bachar par intermédiaire, donc ? « Il ne s’agit pas de  recommencer ce qui s’est passé en Lybie », confirme un officier de haut  rang à la Direction du renseignement militaire. « Mais ce sont les  Français et les Britanniques qui ont pris les premiers contacts avec les  rebelles. » Des contacts politiques, avec des exilés réfugiés à Paris  ou à Londres, et militaires, avec des déserteurs, afin d’évaluer  l’importance relative de leur Armée syrienne libre, qui a déjà attaqué  plusieurs bâtiments officiels. »  […] « L’ « Armée syrienne libre » !? N’est-ce pas cette armée qui a revendiqué avoir tué sept pilotes militaires syriens dans le bus qui les transportait ? » [3] Faut-il comprendre que c’est cette soit disant « Armée syrienne libre »  qui élimine les fleurons des « défenseurs de la patrie » (désignation  officielle de l’Armée syrienne), est celle-là même que la Ligue Arabe  voudrait promouvoir en exigeant du gouvernement syrien le retrait des  soldats de l’Armée Nationale hors des villes et des quartiers habités ?  Armée qui a déjà perdu plus de mille soldats. C’est en tout cas ce que  semble souhaiter François Zimeray, Ambassadeur de France pour les droits  de l’Homme et compagnon de route de BHL, lorsqu’il cherche  désespérément à nous convaincre, sur Europe 1, « de la dimension de cruauté de la répression syrienne ».  Lui, non plus ne s’embarrasse pas de détails pour nous communiquer ses  sources, mais joue plutôt sur une fibre sensible dont il semble être  lui-même dépourvu, tout simplement, parce qu’il ne peut pas ignorer qui  commet ces cruautés. Finalement est-il déraisonnable de considérer que le problème n’est pas « en » Syrie mais « autour »  d’une Syrie, prise entre le feu de visées hégémoniques contradictoires  et sommée de se mettre à genoux, alors que son peuple a décidé de rester  debout ? Y parviendra t-il ? Nous osons le croire. Mouna Alno-Nakhal  29 novembre 2011. [1] Voir le contre-documentaire, en 8 parties, mettant gravement en question la crédibilité du reportage : "Syrie, dans l’enfer de la répression" réalisé par Sofia Amara, diffusé sur Arte le 11 octobre 2011. http://www.silviacattori.net/article2441.html | |
03 décembre 2011
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