La longue lutte des Afghans de Belgique
22 décembre 2013
Au cœur de Bruxelles, à quelques pas des attractions de « Plaisirs d’hiver », l’église du Béguinage abrite tant bien que mal plus d’une centaine d’Afghans, dont plusieurs familles avec enfants, qui se battent pour ne pas être expulsés vers leur pays en guerre. Noël est l’occasion de témoigner sa solidarité.
L’Afghanistan
est en proie à une situation de guerre civile quasi-ininterrompue
depuis 30 ans, et les rapports d’organisations internationales
soulignent les risques qu’implique un retour dans ce pays pour ceux qui
l’ont fui. Le ministère des Affaires étrangères indique que tout voyage
en Afghanistan est à proscrire. Maggie De Block estime, elle, qu’il n’y a
pas de problème mais a toutefois décidé de n’expulser que des hommes
seuls ; pour les familles, la situation est trop dangereuse… Etrange
logique. Les familles ne sont donc pas expulsées, mais maintenues dans
une situation de non-droit et de totale précarité. Pas contents ? On
vous offre un aller simple pour Kaboul.Depuis plusieurs mois, quelque
450 Afghans – dont des familles avec enfants –, réunis dans un mouvement
soutenu par de nombreux sympathisants et des dizaines d’organisations
(dont la Ligue des droits de l’Homme, la Ligue des Familles, des
syndicats…), se battent pour obtenir leur régularisation. La très
populaire Maggie De Block, secrétaire d’Etat à l’Asile et à
l’Immigration, le super-atout de l’Open VLD pour rogner sur la N-VA aux
prochaines élections, leur oppose un refus catégorique. En Belgique
parfois depuis plusieurs années, ces familles ont été déboutées de leur
demande d’asile. Elles ont du jour au lendemain dû quitter leur
logement, ne peuvent plus travailler et les enfants ne sont plus
scolarisés. Elles sont donc à la rue, sans papiers, sans revenu. La
seule chose qui leur est offerte : un retour « volontaire » vers
l’Afghanistan. L’asile est ainsi refusé à des personnes qui peuvent
pourtant y prétendre au titre de la convention de Genève sur le statut
des réfugiés et des législations qui en découlent.
Un aller simple pour Kaboul
Cet
aller simple, Aref, arrivé en Belgique en 2009, l’a finalement accepté
début 2013, désespéré après avoir passé plusieurs semaines à la rue. Il
avait lui aussi été débouté, bien que sa tête était mise à prix par les
talibans parce qu’il avait refusé de se battre avec eux. Pour les
autorités belges, Aref ne courait aucun danger. Arrivé en Afghanistan,
il a été assassiné.
Les
histoires des réfugiés afghans se ressemblent. Tous ont quitté
l’insécurité et la terreur quotidienne de ce pays où les femmes n’ont
aucun droit, où les filles sont interdites d’école, où les garçons sont
enlevés par les talibans afin de les engager dans leurs milices – seule
option pour ne pas se faire tuer –, où villes et villages sont bombardés
tous les jours.
Pour
ne pas rester isolés dans leur lutte, les Afghans se sont regroupés il y
a quelques mois à Bruxelles. Ils se sont d’abord installés à Ixelles,
dans un bâtiment désaffecté dont ils ont été violemment expulsés à la
requête d’Yvan Mayeur (PS), à l’époque président du CPAS et du Samu
social de la Ville de Bruxelles dont il est depuis le nouveau
bourgmestre. Depuis, ils ont été chassés de plusieurs lieux où ils
avaient trouvé refuge. Alors que les Afghans ont toujours manifesté dans
le calme, nombreux sont les témoins qui ont été choqués de la
répression policière violente dont ils font l’objet. En septembre, la
police a lancé gaz lacrymogènes et lâché des chiens policiers, y compris
sur les enfants, faisant plusieurs blessés par morsures. Puis, le 22
octobre, nouvelle charge policière brutale qui fera aussi des blessés.
Les Afghans sont terrorisés, les enfants, traumatisés. En quelques mois,
enfants, adultes et personnes âgées ont connu 8 expulsions de
bâtiments, deux rafles lors de manifestations dont la dernière avec 170
arrestations et des blessés graves, des violences physiques et des
humiliations de la police. Sans oublier 8 expulsions vers l’Afghanistan.
Depuis
novembre, les Afghans logent tant bien que mal dans l’église du
Béguinage, au cœur de Bruxelles, à 50 mètres des attractions de
« Plaisirs d’hiver ». Ils ont certes un toit, mais les conditions de vie
sont très pénibles. Le froid, la promiscuité, deux toilettes et un
lavabo pour autant de gens, des enfants, des bébés… Face à
l’indifférence politique et médiatique, trois jeunes Belges ont décidé
d’entamer une grève de la faim. Ils ont été rejoints par l’avocate Selma
Benkhelifa, de Progress Lawyers Network, qui défend depuis plusieurs
années la cause des réfugiés afghans. Ce 15 décembre, après 4 mois de
manifestations, les Afghans réussissaient enfin à voir le Premier
ministre lors de l’hommage à Nelson Mandela organisé par le PS à
Saint-Gilles. Elio Di Rupo a accepté de rencontrer une délégation et a
proposé une médiation pour sortir de cette crise par l’intermédiaire du
médiateur fédéral. Une lueur d’espoir ?
Une solidarité qui requinque
Dans
la situation, une chose est frappante. Quiconque entre dans l’église en
ressort étonné de la gentillesse, du calme, de la dignité des Afghans.
Et la solidarité présente a de quoi requinquer le plus désespéré de la
nature humaine. Des gens passent apporter de la nourriture, du thé, des
langes… et des sourires. Le weekend, certaines personnes invitent des
familles chez elles pour qu’elles puissent prendre une douche, laver
leur linge, se reposer un peu au chaud. Et elles ne le regrettent pas.
Une dame témoigne : « Une amie du groupe de soutien m’a appelée un
dimanche. Une famille avec trois petites filles n’avait plus pris de
douche depuis un mois : pourrait-elle venir chez moi cet après-midi ?
C’est une démarche à laquelle on pense, mais ce n’est pas évident
d’amener des inconnus chez soi. Et puis, j’ai rangé ma méfiance et je
suis allée les chercher, et j’ai insisté pour que le papa, qui ne
voulait pas "déranger", vienne aussi. Et j’ai été impressionnée par ces
gens, d’une gentillesse et d’une rare politesse, avec des enfants
adorables. J’ai même retrouvé ma salle de bains plus propre qu’avant !
Depuis, je les ai réinvités et c’est une belle expérience. »
Le
groupe de soutien appelle des familles belges à inviter une famille
afghane pour un ou deux jours pendant les vacances de Noël. Du 24 au 27
décembre, vous pouvez accueillir une famille afghane dans votre foyer,
que ce soit pour une soirée, une nuit ou plusieurs jours. Cette
opération de « parrainage » s’ajoute à la fête de solidarité du 18
décembre : rassemblement aux flambeaux à 17 heures à l’église, puis
concerts, expo de photos, rencontres… Ambiance et convivialité
garanties.
Accueil d’une famille afghane à Noël
Contact (FR) : Hélène 0499 41 92 01, helenesechehaye@gmail.com.
Contact (NL) : Myriam 0498 13 33 71 (de 14 à 17h), myriamvdl@hotmail.com ou Kim 0494 98 81 35 (à partir de 17h30).
Pétition de soutien aux revendications des Afghans
A voir sur Youtube : la courte vidéo réalisée au Béguinage par Claude Semal sur sa visite aux Afghans.
Source : ptb.be
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire