Le bras de fer gouvernement-Hezbollah se durcit au Liban
Sur la route menant à l'aéroport de Beyrouth. Des manifestants favorables à l'opposition libanaise, conduite par le Hezbollah, ont dressé des barricades de pneus enflammés dans la capitale, paralysant la circulation. /Photo prise le 7 mai 2008/REUTERS/ Mohamed Azakir
Des militants du Hezbollah ont bloqué les principaux axes de Beyrouth avec des pneus enflammés, des épaves de véhicules et autres moyens de fortune, paralysant l'activité de la capitale et coupant les routes menant à son port et à son aéroport.
De source proche de la sécurité, on indique que des partisans du gouvernement ont échangé des tirs de kalachnikov et des jets de grenades avec des militants du Hezbollah dans les quartiers de Noueïri, Ras el Nabaë et Wata al Moussaïtbeh. Une dizaine de personnes ont été blessées dans ces accrochages.
Des opposants armés ont également pris le contrôle de deux locaux du Courant du futur de Saad Hariri, chef de file de la majorité parlementaire et principale personnalité politique sunnite du pays.
Des jeunes gens des deux camps ont échangé des jets de pierres à Mazraa, l'un des quartiers de Beyrouth où la tension est très vive entre les communautés sunnite, qui domine le gouvernement, et chiite, qui constitue le gros des troupes d'opposition.
L'armée, considérée comme neutre dans le bras de fer politique qui dure depuis 18 mois entre le gouvernement pro-occidental de Fouad Siniora et l'opposition soutenue par la Syrie et l'Iran, s'était déployée en force pour s'interposer entre groupe rivaux. Mais elle n'a pas tenté de démanteler les barricades.
Face à l'évolution de la situation, Siniora a déclaré en fin de journée à la télévision que son gouvernement envisageait de proclamer l'état d'urgence et un couvre-feu. "Cette question fait l'objet de discussions et je n'en dirai rien tant qu'elle ne se concrétisera pas", a-t-il dit.
Le mufti sunnite, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, a dénoncé quant à lui les actes de "bandes armées hors la loi" dans Beyrouth et affirmé que le Hezbollah était devenu une force armée vouée à occuper Beyrouth.
"Les sunnites du Liban en ont assez", a-t-il dit dans une allocution télévisée à la population. "J'appelle les dirigeants du Hezbollah, en vertu de mes fonctions nationales et religieuses, à prendre l'initiative de retirer les hommes en armes de Beyrouth."
"LE LIBAN NE SERA PAS UN SATELLITE IRANIEN"
L'opposition a fait savoir qu'elle avait l'intention d'étendre cette révolte dans les prochains jours et de continuer à bloquer les routes, dont celle de l'aéroport, tant que le gouvernement ne serait pas revenu sur les mesures prises la veille à l'encontre du Hezbollah.
Reprochant au mouvement chiite de gérer son propre réseau de télécommunications parallèlement à celui de l'Etat et d'avoir installé des caméras d'espionnage à l'aéroport de Beyrouth, dont le responsable de la sécurité a démis, le gouvernement avait accusé le Hezbollah de porter atteinte à la souveraineté du Liban.
Le numéro deux du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, a rétorqué que le système de télécommunication du mouvement faisait partie de son arsenal de résistance contre Israël et que personne, pas même le gouvernement, ne pouvait l'empêcher de se défendre et de défendre le pays.
Il a aussi assuré que les caméras incriminées servaient à surveiller des entrepôts de la branche BTP du Hezbollah et non à espionner les allées et venues de personnalités gouvernementales sur l'aéroport de Beyrouth, situé dans les banlieues chiites du sud de la capitale.
Le ministre des Télécommunications, Marouane Hamadeh, a accusé mercredi le Hezbollah de "tenter de recourir à des moyens militaires pour bloquer l'aéroport", où 300 passagers qui venaient d'atterrir ont été bloqués. De plus, la grève du personnel au sol a entraîné un arrêt du trafic aérien durant six heures.
"Le Liban a déjà fait savoir qu'il ne deviendrait pas un satellite de l'Iran", a déclaré Hamadeh à Reuters.
LE LIBAN PLUS QUE JAMAIS SANS PRÉSIDENT
Le Hezbollah avait été la seule faction libanaise autorisée à conserver ses armes après la guerre civile de 1975-90, au nom de la résistance à l'occupation israélienne dans le sud du pays.
L'Etat juif s'est retiré en 2000 du Sud-Liban et, depuis, le sort de l'armement du groupe chiite, que ses adversaires accusent d'instaurer "un Etat dans l'Etat", est au coeur du débat politique au Liban.
La résolution du Conseil de sécurité de l'Onu qui a mis fin à la guerre de l'été 2006 entre Israël et le Hezbollah au Sud-Liban fait interdiction au Hezbollah de réarmer et de reconstituer son arsenal au Sud.
Le Hezbollah et ses alliés de l'opposition considèrent comme illégitime le gouvernement de Siniora depuis que les ministres chiites en ont claqué la porte en novembre 2006, provoquant une crise politique qui dure encore.
En raison du refus de la coalition d'accorder une minorité de blocage à l'opposition au sein du gouvernement, celle-ci empêche l'élection d'un nouveau président de la République.
Le pays est sans président depuis l'expiration du mandat du pro-syrien Emile Lahoud, en novembre.
La réunion de la Chambre des députés pour élire son successeur consensuel, le chef de l'armée Michel Souleïmane, a été reportée à dix-huit reprises. La prochaine échéance est fixée au 13 mai.
Mais le durcissement du bras de fer entre le gouvernement et l'opposition, les violences de mercredi et le risque qu'elles dégénèrent dans les jours à venir rendent probable un nouveau report de l'élection présidentielle.
Avec Nadim Ladki, Leïla Bassam, Iara Baïoumi, version française Marc Delteil et Eric Faye
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