27 septembre 2013


Cuba a chanté ses héros

Amelia Duarte de la Rosa et Michel Hernandez
Photo Yander Zamora


IL ne pouvait pas en être autrement. C'était le 15e anniversaire de l'injuste arrestation des cinq Cubains aux États-Unis qui, du jour au lendemain, ont tout laissé derrière eux pour s'engager dans une cause : protéger la vie et la stabilité d'un pays. Les milliers de Havanais – en représentation du peuple – le savaient bien. C'est pourquoi ils ont uni leurs voix à celles de plus d’une trentaine d’artistes pour exiger du gouvernement nord-américain la libération immédiate de leurs compatriotes.
Le concert 15 ans d'injustice ça suffit !, qui a commencé par les paroles d'un des Cinq, René Gonzalez, s'est déroulé en présence de membres du Bureau politique, Miguel Diaz-Canel, Premier vice-président du Conseil d'État et du Conseil des ministres ; Mercedes Lopez Acea, première secrétaire du Parti de La Havane et vice-présidente du Conseil d'État ; Bruno Rodriguez, ministre des Relations extérieures, ainsi que d'autres dirigeants du Parti, de l'État et du gouvernement, et des membres des familles des Cinq.
Dans son allocution, René a appelé les gens de bonne volonté du monde entier à se solidariser avec la cause de ses frères emprisonnés arbitrairement aux États-Unis, et à exiger de plus en plus fermement leur retour au sein de leur famille, dans leur pays et auprès de leur peuple.
Les applaudissements de la foule, et les drapeaux cubains ondoyant pendant tout le concert, ont accueilli les messages de Gerardo Hernandez, Antonio Guerrero, Ramon Labañino et Fernando Gonzalez, qui ont réaffirmé leur volonté de résister et leur confiance dans le fait que leur peuple poursuivra la campagne pour faire connaître au monde cette injustice qui se poursuit depuis 15 ans.

Message de René lors du concert
Cubaines et Cubains,
Gens de bonne volonté du monde entier,
QUATRE enfants de cette terre languissent dans des prisons nord-américaines pour le seul crime d’avoir défendu la vie humaine, pour avoir protégé notre droit à la tranquillité et à l’existence. Leurs voix nous parviendront aujourd’hui depuis leur enfermement, ce qui les rendra libres de haines et de rancœurs. Elles nous apporteront cette joie de vivre qui leur a permis d’assumer ce sacrifice dès le premier instant. Elles nous rappelleront que leurs esprits ne peuvent pas être brisés malgré l’hostilité que le gouvernement le plus puissant de l’histoire a manifestée à leur égard. On les punit avec un tel acharnement car – en paraphrasant un poète – ils émettent une lumière qui est insupportable à leurs accusateurs.
Ils ne sont pas arrivés d’une autre planète. Dans ces rues, ils ont fait leurs premiers pas et ils se sont émerveillés d’apprendre leurs premières lettres. Ici, ils ont acquis de leurs parents l’âme et l’histoire de nos ancêtres. Ici, ils ont aimé et ils ont été aimés. Comme beaucoup d’entre vous, ils ont été des jeunes qui ici-même ont apprécié un concert. Seulement, quand il fallut franchir le pas pour protéger tout cela, et quand cela fut encore plus nécessaire, ils donnèrent à leurs procureurs une leçon de morale impardonnable. Et c’est pour cela qu’il leur fallut supporter plus encore toute cette rancœur, mais ils l’ont fait avec dignité, avec le cœur léger, avec un sourire sur les lèvres dans les moments les plus difficiles.
Ce soir, Gerardo, Ramon, Antonio et Fernando sont prisonniers de notre bonheur, mais ils auraient pu être aujourd’hui n’importe lequel d’entre vous, de même que n’importe lequel d’entre vous aurait pu être à leur place. Ils vibreront avec chaque note de ce concert.
Auprès de vos cœurs, leurs cœurs battront à la magie de la musique. Votre bonheur sera leur bonheur, parce que ce bonheur fut et reste l’aliment de leur âme, source de leur résistance et première raison de leur sacrifice.
Mais ils restent prisonniers. Privés de tout ce qui leur appartient. Ils nous ont été arrachés par une haine irrationnelle. Et, même s’ils nous invitent au bonheur, nous ne devons pas l’oublier car de ce bonheur, ils restent prisonniers. Et lorsque la musique cessera, lorsque nous retournerons à notre quotidien, nous ne pouvons jamais cesser de penser que nous leur devons et que nous nous devons de les ramener à la maison, et que nous nous devons tous le cadeau de cet énorme concert avec lequel nous devrons célébrer leur retour à la liberté.
Je vous remercie
(Ovation)

Message de Gerardo Hernandez Nordelo
ICI Gerardo, depuis Victorville, Adelanto, désert de Californie.
Mes salutations à tous les présents et à notre peuple en général, et les remerciements des Cinq, à tous ceux qui ont participé et organisé cette activité et bien d'autres, à l'occasion du 15e anniversaire de notre arrestation.
Mes remerciements également à tous ceux qui ont apporté leur art en signe de solidarité. Nous en avons besoin et nous sommes heureux de savoir que nous pouvons compter sur vous.
C'est facile de dire 15 ans. Je suis sûr qu'en plus d'Ivette, il y a d'autres jeunes filles de 15 ans qui sont nées l'année où les Cinq ont été privés de liberté.
Beaucoup d'eau a coulé depuis lors, mais n'ayez pas le moindre doute que les années n'ont pu ni ne pourront jamais entamer notre conviction qu'un jour les Cinq seront avec vous, avec notre peuple, là-bas sur cette même tribune.
Encore une fois, merci à tous et soyez assurés de notre entière loyauté.
Une forte accolade et que la musique continue, car cette bataille, il faut la livrer avec beaucoup d'enthousiasme. Pa'lante siempre !
Gerardo Hernandez Nordelo

Message de Fernando Gonzalez Llort
MES salutations révolutionnaires à tous les présents à la Tribune anti-impérialiste José Marti.
15 années d'une énorme injustice n'ont pas suffi à briser notre volonté de résistance.
Je peux vous affirmer, en mon nom et en celui de mes compagnons, que rien ne saurait y parvenir.
L'exemple héroïque d'un peuple révolutionnaire qui résiste depuis plus d'un demi-siècle face à l'empire le plus puissant de l'Histoire, est la source principale qui alimente notre esprit de combat, notre décision de résister et notre confiance en notre retour à la Patrie.
Pendant toutes ces années, nous avons été conscients de la bataille sans répit des Cubains pour que justice soit faite et que nous puissions revenir au sein du peuple auquel nous appartenons.
Vous vous rassemblez aujourd'hui sur cette Tribune de la dignité, où tant de moments importants de l'Histoire de notre pays ont été vécus, pour commémorer les 15 années de notre emprisonnement, et pour demander la fin de l'injustice.
Vos voix nous parviennent aujourd'hui, comme elles nous sont parvenues symboliquement pendant toutes ces années ; votre solidarité nous enveloppe dans un manteau humain, et nous encourage à poursuivre la bataille.
La voix d'un peuple, indigné à juste titre, associée à celle de centaines de milliers d'amis dans le monde, ne pourra pas être passée sous silence. Son message ne pourra pas être ignoré.
Tôt ou tard, les barreaux qui nous maintiennent captifs devront s'ouvrir pour nous permettre de retourner dans notre chère Patrie
Venceremos !
Fernando Gonzalez Llort

Message de Tony Guerrero
CHERS compatriotes, chers amis solidaires,
Vous le savez bien : aujourd'hui, la situation est différente ; aujourd'hui nous avons beaucoup d'amis partout dans le monde qui connaissent notre situation, qui connaissent notre affaire et qui nous soutiennent et nous encouragent à tout moment dans cette longue bataille pour notre libération. Mais il y a 15 ans, après notre arrestation, nous fûmes complètement isolés, et l'on nous enferma dans ces cellules que l'on appelle le « trou ». Là, j'ai commencé à écrire des poèmes ; je ne savais pas si c'étaient réellement des poèmes, mais ce fut pour moi la façon la plus efficace de résister à ce châtiment brutal et injuste.
Aujourd'hui, je voudrais partager avec vous certains de ces poèmes que j'ai écrits avec un tout petit bout de crayon, l'âme pleine d'innocence, au mois de janvier 1999, durant ces
17 longs mois en réclusion solitaire.
La vérité
Face à ton regard, je me suis éveillé de nouveau
Sans crainte de ma douleur je soigne ma blessure
En prenant dans ton jardin la fleur la plus aimée
Pleine de ton arôme et de ton être.
Face à toi aujourd'hui je poursuis mon chemin ;
D'un pas ferme le soleil couvre ma trace.
Qu'il est bon de pouvoir t'aimer encore,
Multiplier mon amour par chaque étoile.
Tu sais bien qu'il y a des jours de douleur
Quand le souffle se fait plus profond.
La vie n'est vie qu'avec le courage
De porter la vérité à la face du monde.

Nous atteindrons le Soleil
Que m'emporte aujourd'hui ton aurore essentielle
Vers ta demeure de bois pur.
Quand ma main ouvrira l'épaisseur
Offre-moi une étoile sans tarder.
Emmène-moi au-delà de l'hiver cru
Illumine ma table de ta flamme de paix
Et faisons ensemble la grande prouesse
De faire un monde sans hiver.
Main dans la main marchons
Sans craindre le crépuscule infini,
Nous atteindrons le Soleil, qu'importe le mythe,
Si nous sommes fermes, nous serons toujours vainqueurs.

Face au Soleil
Ne me refuse pas l'ombre que donne la rivière.
Ne me limite pas à une seule chanson.
Ne m'enlève pas une mer qui fut mienne.
Ne m'écarte pas de mon étoile de passion.
Ne me retarde pas sur ton chemin.
N'essaie pas de me voir sans ma raison
Ne m'incite pas à changer de destin.
Ne me juge pas sans voir mon cœur
Ne me fais pas regarder vers l'obscurité,
Ne tente pas de me tuer comme un traître,
Je suis un homme, et bon, sois-en assuré
Et un jour je dois mourir face au Soleil.

Recevez une fois de plus, mes chers amis, nos remerciements infinis pour votre soutien, pour votre solidarité, pour votre immense affection.
Je vous rappelle que pour comprendre l'énorme injustice qui a été commise à notre encontre, il suffit de lire les actes du procès.
Continuons de l'avant !
Cinq fortes accolades !
Venceremos !
Antonio Guerrero Rodriguez
 
Message de Ramon Labañino Salazar
CHÈRES sœurs et chers frères,
Ce furent 15 longues années d'injustice, de « trous » infâmes, de chaînes et de menottes qui lacèrent la peau. Ce furent 15 années loin de la Patrie, de notre peuple, de notre famille.
Quinze années au cours desquelles nos enfants sont devenus des adultes et que sur le visage de nos épouses et de nos familles s'inscrit la marche implacable du temps.
Quinze années pendant lesquelles nous avons souffert de la perte de certains de nos êtres chers et de nos amis les plus proches.
Mais il est important de dire aussi que ce furent quinze années d’une bataille dure et constante, un temps qui a servi à démontrer une fois de plus que Cuba ne se rend pas, ne s'agenouille pas, et moins encore ne trahit, que l'honneur d'un homme, et la dignité d'un homme ne s'achètent pas, pas même avec toute la richesse de l'univers.
Avec cette même conviction de nos mambises, de toute l'histoire de notre Patrie, nous continuerons à nous battre jusqu'à la victoire finale.
Merci à tout notre peuple, à nos dirigeants et à tous nos frères du monde pour leur accompagnement combatif, loyal et éternel.
Hasta la victoria siempre !
Venceremos ! Cinq fortes accolades !
Ramon Labañino Salazar

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