29 octobre 2009

Zouheir Makhlouf

Lettre de prison de Zouhaïer Makhlouf, journaliste en grève de la faim

Lettre de prison de Zouhaïer Makhlouf, journaliste en grève de la faim
Voici la lettre que le journaliste et activiste tunisien Zouhaïer Makhlouf a écrite depuis la prison. Accusé d’être entré illégalement dans une zone industrielle et d’avoir usurpé le titre de journaliste, il risque une peine de prison.

« J’écris cette lettre de la prison de Mornaguia, dans la banlieue de Tunis. Mon nom est Zouhaïer Makhlouf, reporter et militant des droits de l’homme, membre de la section de Tunis d’Amnesty International, membre fondateur de l’Organisation Liberté et Equité, ex-membre aussi de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques, et militant du Parti démocratique progressiste (PDP), parti d’opposition reconnu. J’ai été candidat pour la liste que ce dernier a présentée dans la région de Nabeul lors des élections du dimanche 25 octobre 2009. Je suis également correspondant du journal électronique Assabilonline, inaccessible depuis la Tunisie.

Alors que la Tunisie vivait un événement politique important, à savoir les élections législatives et présidentielle du 25 octobre 2009, et que de larges franges du peuple tunisien et des élites politiques s’attendaient à des initiatives venant du pouvoir en place dans le sens d’une ouverture politique, j’ai été arrêté et écroué le 20 octobre 2009, à la suite d’un reportage vidéo sur les problèmes environnementaux de la zone industrielle de Nabeul. Ce reportage s’insérait dans le cadre de la commission Environnement de la liste électorale du PDP de Nabeul, qui avait obtenu un récépissé définitif, avant de se retirer de la compétition électorale en application d’une décision du Parti. Ces autorités ont, en effet, invalidé l’ensemble de ses listes et refusé la candidature de Maître Ahmed Nejib Chebbi à la présidentielle en vertu d’une amendement à la Constitution.

Après que le parti s’est retiré de la compétition électorale, les autorités ont voulu le sanctionner à travers ma personne et ont poussé Mourad Ladhib, artisan local qui apparaît de son plein gré sur la vidéo, à m’attaquer. Ce monsieur est à l’origine de l’accusation contre moi portée par le parquet pour “nuisance à un tiers à travers le réseau public des télécommunications”, en vertu de l’article 86 du Code des télécommunications. Dans la plainte qu’il a déposée contre moi, Mourad Ladhib prétend qu’on lui a nui et exige des dédommagements financiers conséquents, tout ceci sur injonction des pouvoirs politiques et sécuritaires. A la suite de quoi, j’ai été convoqué pour une enquête au poste de police de la délégation de Maamoura, qui relève du gouvernorat de Nabeul, les 15 et 16 octobre 2009. Le 20 octobre, j’ai eu la surprise d’être convoqué à nouveau au poste de police qui a décidé de m’arrêter et de me déférer. J’ai été écroué à la prison de Mornag et de là, transféré à celle de Mornaguia.

Après la visite de mes avocats en prison, j’ai été surpris. Un témoin, Saïd Jazi, est devenu un accusateur. Je l’avais sollicité pour confirmer l’accord de Mourad Ladhib à être filmé dans la vidéo en commentant la réalité de la zone industrielle de Nabeul et les conditions vécues par les professionnels. Ceci confirme que le pouvoir est bien décidé à m’impliquer et à monter une accusation pour me priver du moyen de défense que j’avais présenté pour prouver mon innocence. Pour protester contre cette injustice et l’acharnement des autorités à mon endroit, j’ai commencé une grève de la faim illimitée, le 21 octobre 2009, dans le but d’obtenir ma libération et un non-lieu.

Je m’adresse à vous et sollicite votre intervention rapide pour mettre un terme à l’injustice qui s’abat sur moi et ma famille dont je redoute qu’elle ne soit l’objet des représailles du pouvoir. Des agents de la police politique encerclent encore notre domicile, d’après ce que m’a rapporté mon épouse, la dernière fois qu’elle m’a rendu visite.

Signature : Zouhaïer Makhlouf, reporter et militant des droits de l’homme »

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