19 octobre 2011

« J’avais un jour quand mon père a été emprisonné »

mardi 18 octobre 2011 - 17h:36
Shahd Abusalama - E.I




Un sentiment très déroutant m’a traversé après avoir entendu parler de l’échange de 1027 détenus palestiniens pour un seul soldat israélien, Gilad Shalit, qui avait été capturé par les combattants de la résistance palestinienne. 
 
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La libération des prisonniers a donné lieu à des scènes très émouvantes - Photo : Oren Ziv/ActiveStills

Je ne sais pas s’il faut se sentir heureux ou triste.
Contemplant les visages des familles des prisonniers dans la tente de solidarité dans la ville de Gaza, je vois des regards que je n’ai jamais vus auparavant : des yeux brillants d’espoir. Ces personnes ont assisté à chaque événement en solidarité avec nos détenus, n’ont jamais abandonné l’espoir que leur liberté était certaine un jour, et ils sont restés forts pendant toute la durée de l’absence de leurs proches, confinés dans les cellules israéliennes.
Penser à ces femmes dont les proches doivent être libérés et voir leurs grands sourires me rend heureuse. Mais dans le même temps, la pensée des 5000 autres prisonniers qui vont avec volonté poursuivre leurs résistance dans les prisons, fait que mon coeur se brise pour eux.
Des cœurs meurtris pour ceux toujours en prison
Quand je suis arrivée à la tente [de la solidarité avec les prionniers], le 12 Octobre, l’épouse du prisonnier Nafez Herz, qui a été condamné à l’emprisonnement à vie et est resté emprisonné depuis 26 ans, m’a serré la main et m’a dit son enthousiasme après avoir entendu dire que son mari serait libéré. Puis elle m’a dit : « Mais vous ne pouvez pas imaginer combien mon cœur saigne pour ces familles dont les prisonniers ne seront pas relâchés dans cette opération d’échange. Toutes les familles des prisonniers sont devenues comme une grande famille. Nous nous réunissons chaque semaine, sinon quotidiennement devant la Croix-Rouge, nous partageons nos tourments, et nous comprenons les souffrances des uns et des autres. » J’ai saisi ses mains et les ait pressées tout en disant, « Nous ne les oublierons jamais, et si Dieu le veut, ils vont bientôt gagner leur liberté. »
Pendant que j’écrivais cet article au milieu de la foule de gens dans le bâtiment de la Croix-Rouge, j’ai soudain entendu des personnes chanter et taper des mains et je pouvais voir une femme sautant de joie. Alors au téléphone, elle dit à haute voix : « Mon mari va être libre ! » Son mari est Abou Thaer Ghneem, qui a été condamné à la prison à vie et a passé 22 ans incarcéré. Comme je regardais les gens célébrer et chanter pour la libération des détenus palestiniens, j’ai rencontré son fils unique, Thaer. Il tenait sa mère serrée tout en adressant à Dieu des prières pour montrer leur reconnaissance. J’ai touché son épaule, en essayant d’attirer son attention. « Félicitations ! Comment vous sentez-vous ? » lui ais-je demandé. « J’avais un seul jour quand mon père a été arrêté, et maintenant j’ai 22 ans. J’ai toujours su que j’avais un père en prison, mais ne l’ai jamais eu près de moi. Mais mon père va enfin être libre et il va occuper la place qui est la sienne, restée vide au cours des 22 années de ma vie. »
Sa réponse a été très touchante et m’a laissé sous le choc et admirative. Alors qu’il me parlait, j’ai senti combien il ne pouvait pas trouver les mots pour décrire son bonheur à l’idée de la libération de son père.
La fête se poursuit depuis une heure. Puis je suis revenue à mon ancienne confusion, me sentant noyée dans un flot de pensées. Les familles des 1027 détenus fêteront la liberté de leurs proches, mais que dire du sort du reste des prisonniers ?
Ne pas oublier la grève de la faim
J’ai entendu beaucoup d’informations depuis la nuit dernière concernant les noms des prisonniers bientôt libérés, mais il était difficile de trouver deux sources donnant les mêmes nouvelles, en particulier sur Ahmad Saadat et Marwan Barghouti, et s’ils étaient impliquées dans la opération d’échange. J’ai me suis toujours sentie spirituellement reliée à eux, surtout Saadat, car il est un ami de mon père. Je ne peux pas supporter l’idée qu’il puisse ne pas être concerné par cette opération d’échange. Il a subi suffisamment de tourments sans merci sous le régime d’isolement qu’Israël lui impose depuis plus de deux ans et demi.
N’oublions pas ceux qui sont encore dans les prisons de l’occupation israélienne et qui sont en grève de la faim, car cette grève n’a pas eu lieu pour un accord d’échange, mais pour que l’Administration pénitentiaire israélienne cède face aux demandes des prisonniers. Les personnes qui ont rejoint la grève de la faim dans la ville de Gaza se trouvent parmi ceux qui ont des proches en prison.
Nous devons parler haut et fort et dire au monde qu’Israël doit répondre aux demandes de nos martyrs vivants. Nous ne cesserons jamais de crier pour la libération des détenus palestiniens des prisons israéliennes, jusqu’à ce que celles-ci soient vides.

* Shahd Abusalam est artiste, blogueuse et étudiante en littérature anglaise dans la bande de Gaza. Son blog est appelé Palestine from my eyes.

18 octobre 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : al-Mukhtar

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