Des milliards par mois pour en finir avec Bachar ?
Un plan anti-Bachar vient d’être préparé
par les généraux américain s, et une lettre de trois pages a été remise,
le 22 juillet, à Carl Levin, président de la commission des Forces
armées du Sénat pour l’en informer. C’est de tradition, aux États-Unis :
les relations entre élus et militaires sont constantes, même s’il
s’agit de projets plutôt secrets. Une pratique qui n’a jamais cours en
France, bien sûr. Cette lettre, signée par Martin Dempsey, chef
d’état-major des forces interarmées US, présente les cinq scénarios
récemment soumis à Barack Obama et au Pentagone pour qu’ils choisissent
celui qui pourrait convenir.
En voici la liste : entraînement des
unités rebelles, frappes limitées sur les forces loyalistes au moyen de
missiles de croisière tirés à distance, interdiction totale ou partielle
du ciel syrien à l’aviation de Bachar, établissement de zones de
sécurité pour les insurgés aux frontières du pays avec la Turquie et la
Jordanie, prise de contrôle des sites d’armes chimiques, etc. Un choix
difficile pour Obama, car le moindre de ces projets suppose le
déploiement dans les pays voisins de plusieurs dizaines de milliers de
militaires US, d’avions de combat, plus l’envoi de navires de guerre en
Méditerranée.
Les généraux américains ont évalué
l’effort financier nécessaire à la réalisation de chacun de ces
scénarios. Exemples : 1 milliard de dollars ou 500 millions par mois (à
débourser par le seul Pentagone, alors que la facture sera bien plus
élevée) pour la protection des zones de sécurité aux frontières, et 5
milliards au total, toujours par mois, à débourser par les États-Unis et
leurs alliés, si Obama décide d’interdire l’espace aérien aux avions de
Bachar. Les mêmes chefs de guerre US prévoient pour chacune de ces
interventions, mais sans vraiment y croire, une participation aux frais,
si l’on ose dire, des alliés de l’Otan.
« Un coût insensé » estime un diplomate
français, à qui « Le Canard » a soumis ces chiffres, tandis qu’un
officier d’état-major affirme, lui, que présenter une telle prévision de
dépenses incitera la Maison Blanche à limiter l’engagement militaire
des USA, comme aujourd’hui, à la simple formation des forces rebelles et
aux livraisons clandestines d’armements, rien de plus.
Djihad à l’exportation
Voilà qui va sans doute provoquer
quelques commentaires ironiques des alliés de Washington. « Mais nous
sommes, nous aussi, en retrait sur le dossier syrien », admet-on au Quai
d’Orsay. Les services français de renseignement, eux, se montrent plus
sévères dans leur appréciation du comportement des Américains au Proche
et au Moyen-Orient depuis quinze ans. Un projet de note d’analyse en
préparation à la DGSE évoque à ce propos " un flottement général » de la
politique des États-Unis dans ces régions troublées. Ce qui est une
façon de découvrir l’Amérique.
Ce même document affirme que le prochain
départ d’Afghanistan des troupes US, en 2014, va laisser un grand vide
militaire et stratégique dans cette région, et pas seulement favoriser
le retour au pouvoir des talibans. Puis, avant même la récente décision,
prise par Washington, de fermer une vingtaine de ses ambassades et de
ses consulats, ces analystes de la DGSE dressent une liste des
principales menaces terroristes, du « chaudron irako-syrien » au Maghreb
et au continent africain.
Et d’une : formation d’un foyer
djihadiste permanent au Sahel, à partir du Sud libyen. Et de deux :
développement d’un foyer de même nature en Syrie et en Irak, avec la
participation de volontaires européens. Et de trois : fragilité
récurrente de la Tunisie, du Maroc, de la Libye et de l’Égypte. Et de
quatre : menaces permanentes sur certains États africains, de l’ouest du
continent (golfe de Guinée) à la côte est (Somalie), et jusqu’au
Moyen-Orient, « avec le désormais sulfureux Yémen » selon la formule
d’un diplomate aussi pessimiste que les services français.
Non loin de !’Hexagone, la situation
actuelle en Méditerranée provoque cette brutale réaction d’un vieux
routier du renseignement : « C’est un vrai merdier sécuritaire. »
Claude Angeli (Le Canard Enchainé)
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