04 août 2013

Sayyed Hassan Nasrallah:
le serment pour la Palestine
 
Samer R. Zoughaib

Samedi 3 août 2013
La presse et les analystes du monde entier se perdent en conjectures pour tenter de comprendre les causes et les effets de l'apparition publique du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, vendredi 2 août au soir, dans la banlieue sud de Beyrouth. Dans une première réaction, les Israéliens ont qualifié cette apparition d'«événement exceptionnel». Ils ne croyaient pas si bien dire. Il s'agit effectivement d'un fait extraordinaire, aussi bien sur le fond que dans la forme. Voilà pourquoi!
Dans la forme d'abord. Cette sixième apparition du leader de la Résistance libanaise depuis la guerre de juillet 2006, est la plus longue. Trente-cinq minutes, dans un lieu public connu de tous, devant les caméras du monde entier. Habituellement, le leader du Hezbollah prend la parole à partir d'un lieu secret et ses discours sont retransmis instantanément sur écran. En apparaissant au milieu de la foule de ses partisans, sayyed Nasrallah prend un risque certain, sachant qu'un avion israélien a besoin de dix minutes seulement pour décoller et atteindre sa cible au Liban. Cette apparition intervient aussi à un moment où la banlieue sud de Beyrouth a été le théâtre, le 9 juillet, d'un attentat à la voiture piégée et d'un tir de roquettes, le 26 mai. Sans oublier les menaces quasi-quotidiennes proférées contre le Hezbollah par les groupes extrémistes-takfiris et la guerre totale lancée contre lui par les monarchies du Golfe et par l'Union européenne, qui a récemment placé le «bras militaire» du parti sur sa liste des organisations terroristes. 
Si sayyed Nasrallah a tenu à se présenter en personne devant son public dans ce contexte chargé de menaces, c'est que les messages qu'il a voulu délivrer sont exceptionnels.
Le premier de ces messages est qu'aussi pesantes et graves les menaces soient-elles, le leader du Hezbollah n'hésitera pas à se montrer en public lorsqu'il le jugera nécessaire. Une fois de plus, sayyed Nasrallah prouve qu'il est passé maître dans l'art de la guerre psychologique. Si ses ennemis pensaient que l'intensification des menaces et des pressions physiques, politiques et diplomatiques, allait pousser le chef de la Résistance à faire profil bas, à se montrer plus prudent et à s'isoler dans un abri sûr, le voilà qu'il dément tous leurs pronostics et choisit de se montrer à un moment crucial. En l'espace de 35 minutes, sayyed Nasrallah a inversé des équations que ses détracteurs ont tenté d'instaurer au prix de beaucoup de temps, d'efforts et d'énergie. Ils voient tous leurs plans tomber à l'eau, alors que la base populaire du Hezbollah, censée être désespérée et inquiète, voit, elle, son moral boosté et sa détermination renforcée.
La Palestine, cause suprême
Dans cet événement, le fond est aussi important que la forme, sinon plus. Le caractère exceptionnel du fait réside, surtout, dans les messages politiques que sayyed Hassan Nasrallah a voulu délivrer, à ses partisans et à ses ennemis. S'il a choisi d'apparaitre en public à l'occasion de la journée al-Qods, c'est pour rappeler à tous que la Palestine reste la cause suprême, celle pour qui il vit et il lutte depuis des décennies, et celle pour laquelle il est prêt à offrir sa vie en sacrifice. A tous ceux qui l'accusent d'avoir dévié ses armes de leur destination initiale, il adresse un message d'une clarté éclatante: la Palestine reste la boussole, la seule, et tout le reste n'est que détail. «La Palestine doit être rendue dans sa totalité à son peuple, a martelé sayyed Nasrallah. Aucun roi, prince, dirigeant, président ou État n'a le droit de sacrifier un grain de sable du territoire palestinien», a-t-il dit, en allusion à la reprise, lundi dernier, des négociations entre Israéliens et Palestiniens, sous l'égide des Etats-Unis. Des pourparlers secrets, dont personne ne sait sur quelles bases ils ont lieu et sur quoi ils peuvent aboutir, sinon à des concessions supplémentaires de la part de l'Autorité palestinienne. «Israël, base du projet sioniste dans la région, représente un énorme danger qui menace l'existence non seulement de la Palestine mais aussi de tous les pays de la région. Naïf est celui qui croit le contraire», a-t-il poursuivi. Selon lui, il est de l'intérêt national de tous les pays de la région, dont le Liban, qu'«Israël» disparaisse.
Dans le même contexte, sayyed Nasrallah a dénoncé ceux qui veulent remplacer «Israël» par l'Iran en tant qu'ennemi des Arabes. Selon lui, tous les maux et les misères dont souffre le monde arabe sont dus au fait que les États arabes ont abdiqué leur responsabilité historique, préoccupés par des ennemis créés de toutes pièces par «Israël» et les États-Unis. «Ce fut d'abord les communistes, puis la révolution islamique en Iran, puis la marée chiite.» Certains pays arabes, soutenus par l'Occident, a-t-il relevé, veulent faire oublier la cause palestinienne à leurs peuples en leur créant d'autres ennemis. «Ils ont évoqué le danger iranien et ils ont lancé une guerre contre la République islamique. Aujourd'hui, ils parlent d'un nouvel ennemi, la vague chiite, qu'ils combattent sur plusieurs chaînes arabes du Golfe», a déclaré sayyed Nasrallah. «Ils créent des conflits confessionnels pour nous faire oublier le véritable ennemi. N'est-il pas temps de réaliser l'étendue du complot qui vise à affaiblir et détruire tous les pays de la région? N'est-il pas temps de pointer du doigt ceux qui dirigent et parrainent un tel projet?» a-t-il ajouté.
A ceux-là, sayyed Nasrallah a rappelé que quoi qu'ils fassent, la Palestine restera la cause centrale. Il a déclaré sur un ton solennel: «Exceptionnellement, je vais m'exprimer en tant que chiite cette fois-ci. Nous, les chiites de Ali ben Abi Taleb, affirmons que nous n'abandonnerons jamais la Palestine. Les divisions provoquées entre sunnites et chiites sont destinées à semer la discorde. L'attaque menée contre les chiites a pour objectif de leur faire oublier al-Qods (Jérusalem) et de les pousser à haïr les Palestiniens. Si nous allons nous concentrer sur nos divergences pour renforcer les rancunes et les jugements, alors nous ne sommes pas une nation qui mérite de vivre».
Une volonté inébranlable
S'adressant aux pays occidentaux et à «leurs instruments dans la région», le leader de la Résistance a réaffirmé que les chiites ne laisseront jamais tomber la cause palestinienne. «Dites que nous sommes des terroristes, des criminels, dites ce que vous voulez et tuez-nous sur tous les fronts... Nous, les chiites, ne laisserons jamais la Palestine. Combattre Israël et défendre le Liban et la Palestine est une cause héritée de nos ancêtres, une cause que nous avons dans le sang, le Hezbollah n'oubliera jamais la Palestine», a-t-il martelé.
Dans son discours, sayyed Nasrallah a ignoré toutes les attaques et les critiques dont le Hezbollah fait l'objet, y compris de la part du président de la République, Michel Sleiman, qui a tenu, jeudi, un discours ambigu, sur les armes de la Résistance. A ceux qui tentent, désespérément, de semer la discorde entre le Hezbollah et l'Armée libanaise, en accusant le parti d'être derrière les roquettes tirées jeudi soir sur la région de Yarzé, sayyed Nasrallah a répondu: «La Résistance restera prête pour défendre le Liban aux côtés de l'Armée libanaise que nous saluons et nous rendons hommage à ses martyrs».
Le leader du Hezbollah a ensuite appelé à arrêter le bain de sang en Syrie, en Irak et au Pakistan, et à renforcer le dialogue pour trouver des solutions aux crises. Pointant un doigt accusateur en direction de «ceux qui soutiennent et financent» les takfiris, il a relevé que le sang coule là où sévissent ces groupes. «Ceux qui parrainent les groupes takfiris et les poussent au combat portent la responsabilité de la destruction des pays de la région», a-t-il estimé. «Mais leur projet vengeur sera voué à l'échec», a-t-il assuré, avant d'ajouter que, dans ce contexte, tout conflit confessionnel, politique, idéologique ne doit pas faire oublier la cause palestinienne.
L'apparition publique de sayyed Nasrallah et l'importance des messages exceptionnels qu'il a délivrés, ont vidé de son contenu le discours qu'a prononcé, quelques heures plus tard, l'ancien Premier ministre, Saad Hariri. Les propos du chef du Courant du futur, qui a dénoncé 45 fois les «armes du Hezbollah», sont apparus bien faibles devant le serment de sayyed Nasrallah de ne jamais oublier la Palestine.  

Source : al-Ahed

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