Monsieur Hollande, pourquoi livrer des armes aux « insurgés » syriens ?
Vous armez les mêmes que ceux que vous combattez au Mali
Par une femme franco-syrienne, contrainte à l’anonymat.
Monsieur le Président, Je suis une Franco-Syrienne de quarante ans, installée en France depuis plus de quinze ans. Je suis mère de famille. Je travaille pour l’État français. Une grande partie de ma famille habite en Syrie.
Depuis le début de la crise syrienne, la France n’a cessé de jouer un rôle majeur. D’abord par son support aux pétromonarchies, en particulier le Qatar et l’Arabie saoudite, partenaires économiques de la France et principaux fournisseurs d’armes et de matériel aux « insurgés ». Ensuite par le modelage d’une opinion publique qui reçoit depuis bientôt trois ans une information soigneusement sélectionnée, servie par des médias qui ont fait le pari de présenter un pouvoir syrien assassin, et surtout de faire abstraction des crimes inqualifiables perpétrés par lesdits « insurgés » sur une population civile désespérée, terrorisée, abusée, violée, égorgée, brûlée vive, décapitée… Les documents illustrant ces actes barbares n’ont pas pu échapper à vos collaborateurs, comme les images publiées dans l’hebdomadaire Paris Match du 12 septembre 2013.
Après l’attaque à l’arme chimique du 21 août 2013, et dans le mépris total du résultat de l’enquête de l’ONU sur les preuves de l’implication du gouvernement Assad dans l’utilisation de ces armes, vous décidez de punir davantage le peuple syrien, considérant qu’il n’a pas suffisamment souffert, et vous brandissez la menace d’un bombardement qui tuerait davantage de Syriens et détruirait le peu de bâtiments ou d’infrastructures ayant pu échapper aux tirs des « insurgés ».
Mais, au fil des jours, l’horizon d’une intervention militaire s’éloigne. Vous décidez tout de même d’agir et vous envoyez une généreuse livraison d’armes par la Jordanie et la Turquie, destinées à l’opposition. Or vous savez très bien que ces armes seront utilisées contre le peuple syrien.
Monsieur Hollande, je ne souhaite pas m’attarder sur mon cas personnel de femme rongée par la peur de perdre des proches et inquiète pour ses parents âgés qui habitent Alep, cette ville qui est assiégée depuis des mois dont aucun véhicule ne rentre ni ne sort, avec une population terrorisée, à la merci de ces fous de Dieu que vous comptez approvisionner. Je ne veux pas plaider la cause de tous les Syriens qui se sentaient tellement proches de la France et fiers de connaître sa culture. Je ne vais pas non plus m’attarder sur la douleur et le désespoir d’une communauté franco-syrienne, active, fière de sa deuxième patrie (la France), qui assiste depuis deux ans, impuissante, au massacre des siens.
Car le sentiment qui l’emporte, c’est la colère de constater que la France puisse livrer des armes aux « insurgés » pour servir des intérêts économiques et géopolitiques dans le mépris total du peuple syrien. Vous ne pouvez pas ignorer que l’opposition est infiltrée à hauteur de plus de 90 % par des djihadistes, les mêmes que vous combattez au Mali, et vous ne pouvez pas nier que ces armes sont destinées à tuer nos familles, nos parents, nos grands-parents, nos cousins restés en Syrie. Au lieu d’être un intermédiaire pour la paix qui œuvre pour inciter aux négociations, écartant toute violence et exigeant l’arrêt du bain de sang, vous décidez d’abonder dans le sens de la terreur.
Monsieur le Président, en quoi mourir déchiqueté par les tirs des armes livrées par la France serait plus acceptable que mourir torturé, décapité, égorgé ou gazé ? Le peuple syrien aspire tout simplement à vivre en paix. Vous qui présidez la conférence des pays amis du peuple syrien, employez toute votre énergie pour imposer rapidement l’arrêt de ces violences. Cessez d’armer les Syriens, quel que soit leur camp, et privilégiez la paix et la voie des négociations. Soulagez la souffrance du peuple syrien et faites honneur à la grande nation que doit rester la France.
Cette lettre est paru dans le quotidien français L’Humanité
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