Venezuela : la santé des morts
EN OCCIDENT LA GAUCHE A RENONCÉ À DÉMOCRATISER LES MÉDIAS. LES GRANDS GROUPES PRIVÉS SONT LIBRES d´imposer leur image du monde. C'est parce qu´au Venezuela et dans l´ALBA L´ÉCONOMIE ne DOMINE plus La POLITIQUE et que LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE s´accélère, que LES MÉDIAS personnalisent le processus : « Chavez ceci, Chavez cela », « POPULISTE », « DICTATEUR », « IRANien»… Voici donc la révolution par ceux et celles qui la font et qui la pensent de l´intérieur, LOIN DE L´AFP OU DE REUTERS…
Par Luis Hernández Navarro, La Jornada (Mexique)
Traduction de l’espagnol : Thierry Deronne
Chávez à Mérida (Andes vénézuéliennes), septembre 2012 |
En avril 2012, Walter Mercado, le plus célèbre astrologue latino-américain, avait prédit la mort imminente de Hugo Chávez. À la fin du mois de mai, le journaliste états-unien bien connu Dan Rather, rédacteur de la chaîne câblée HDNet, assura que le mandataire vénézuélien souffrait d’un cancer agressif connu sous le nom de rhabdomyosarcome à métastases, et qu’il était très probable qu’il n’arriverait pas en vie aux élections présidentielles du Venezuela.
À moins d’une semaine des élections, le président Chávez est vivant,
sain et actif. Sans donner de signes d’épuisement, il mène une campagne
intense tout en assumant le travail gouvernemental. Il voyage, participe
aux meetings, prend la parole et donne des instructions sans
interruption. Il n’y a pas sur son visage ou dans son comportement le
moindre signe que les prédictions sur son décès se réalisent.
Que les prophéties d’un charlatan professionnel ne marchent pas, c’est prévisible. Que les « fuites » diffusées par un journaliste sérieux, dont on suppose qu’il vérifie ses sources, soient fausses, cela arrive. Mais il n’y a nul hasard dans le fait qu’au seuil d’un processus électoral décisif, soient diffusées de manière simultanée et systématique des prédictions de voyants et des rapports confidentiels de professionnels de la presse, et que soit organisée une vraie campagne de désinformation sur la santé de Hugo Chávez.
Pour démoraliser les partisans du président, la droite vénézuélienne et
ses alliés internationaux ont voulu faire de sa santé un élément central
de leur stratégie électorale. D'abord, ils ont assuré qu’il mourrait,
ensuite qu’il était à l’agonie et qu’il ne pourrait pas se présenter aux
élections; ensuite qu’il ne pourrait pas mener campagne; finalement, il
a fallu inventer qu’un Chávez malade et vieux avait été submergé par la
jeunesse et l’énergie de son concurrent de droite, Henrique Capriles.
Or, rien de tout cela ne s’est produit. Le pari de l’opposition a
échoué. Au lieu de se démoraliser, les sympathisants du président se
sont unis autour de lui et sont descendus dans la rue. Pratiquement tous
les sondages annoncent son triomphe le 7 octobre, avec une marge
d’avance de 10 à 20 points.
Est-ce un politicien vieux, épuisé comme l’assure l’opposition?
Chavez à 58 ans, le même âge qu’Angela Merkel, un an de plus que Mariano
Rajoy, deux de moins que Vladimir Poutine et sept de moins que Dilma
Rousseff. Il suffit de voir la dynamique de sa campagne, la
conviction de ses discours, sa capacité de séduction, le déploiement de
sa narration, le temps qu’il passe debout tous les jours pour se rendre
compte que c’est un homme vigoureux.
La force de Hugo Chávez dans la société vénézuélienne est
impressionnante. Sa candidature est profondément enracinée dans la
culture politique émergente de la citoyenneté. En elle s’incarne un
projet de transformation sociale partagé par beaucoup. Narrateur
d’exception, il a construit un récit national dans lequel des millions
de personnes se reconnaissent et avec lequel elles s’identifient. Il a
rendu visibles les invisibles et leur a ouvert des espaces pour qu’ils
soient les acteurs principaux de leur propre histoire. Comme le montrent
plusieurs études d’opinion, plus de 60 pour cent de la population est optimiste sur l’avenir du pays et plus de la moitié des Vénézuéliens sympathisent avec le socialisme. (1)
La droite vénézuélienne, par contre, ne peut assumer son identité.
Henrique Capriles, le candidat d’une haute (et rance) bourgeoisie doit
se présenter comme un membre de la classe moyenne, se déguiser en
progressiste qui veut améliorer le modèle chaviste, tout en occultant
son véritable programme de gouvernement. Cela ne lui a pas été facile.
Exprimer des idées qui ne sont pas les siennes lui a causé quelques
problèmes de communication.
Capriles a eu le mérite – jusqu’ici – de mener une campagne qui a fui la
polarisation de classe. Il a remisé au placard la haine que
l’oligarchie garde contre Chávez et s’est concentré sur le vote des
classes moyennes et des secteurs mécontents du chavisme, en dénonçant
les promesses non tenues de la révolution bolivarienne. Cependant, la
manoeuvre politique ne semble pas lui avoir permis de dépasser le
plafond historique des votes de l’opposition.
Le président a reconnu des erreurs dans sa gestion. Il y a quelques
jours il a admis qu’il peut y avoir des mécontents à cause d’erreurs
telles que le déficit persistant de logements, d’infrastructures, ou à
cause de désaccords avec les dirigeants, mais il leur a demandé de ne
pas voter en fonction de ces éléments. « Le 7 octobre – a-t-il dit –
l’enjeu n’est pas si l’électricité a été coupée ou non, si l’eau est
arrivée ou non, si on m’a donné ma maison ou pas, si je n’ai pas encore
d’emploi, ou si je suis fâché sur je ne sais qui. Non. Nous ne jouons
pas avec ces choses, je vous le répète, camarades : l’enjeu c’est la vie
de la patrie, le futur des fils et des filles de tout le Venezuela. »
De la même manière que l’opposition et les médias internationaux ont
annoncé la mort imminente de Hugo Chávez, pour finalement se retrouver –
comme dans la citation apocryphe de Don Juan Tenorio – face à un
mandataire en parfaite santé, ils veulent à présent créer l’impression
d’un scrutin indécis, que Capriles pourrait remporter. Rien ne permet de
supposer que ce sera le cas.
Dans ce peu de jours qui restent avant le 7 octobre, le débat ne porte
pas sur qui sera le vainqueur, ni avec quel pourcentage triomphera Hugo
Chávez. La vraie question n’est pas de savoir si l’opposition remontera
un retard avéré par la majorité des sondages (2), mais si elle acceptera
sa défaite ou choisira de jouer le reste de ses « cartes » en pariant
sur la déstabilisation.
Notes1- « Le Venezuela hors de la Caverne de Platon »
2- « La reprise de l’ » économie vénézuélienne est-elle durable? Le rapport du CEPR (Washington) »
Source Venezuela Infos
http://www.sergeadam.net/2012/10/venezuela-la-sante-des-morts.html?spref=fb
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