Arno Klarsfeld, les Roms et les Marocains juifs
Par Badia Benjelloun
Même si l’ignorance a été élevée au rang de vertu par l’équipe politique dirigeante en France, rappeler les quelques éléments connus de cette saignée des Juifs arabes vers l’entité sioniste au milieu du siècle dernier, ses circonstances et ses buts, dépeindra sous un jour mal connu car expurgé du calendrier occidental le fait colonial israélien.
Les sources convergent pour appuyer qu’au lendemain de l’indépendance du Maroc en 1956, Mohamed V avait interdit aux Juifs marocains de rejoindre la Palestine occupée. Le fils de Moulay Youssef, le sultan de substitution intronisé par la Régence de Lyautey, Mohamed qui deviendra le cinquième est connu pour s’être opposé au port de l’étoile jaune par ses sujets juifs sous les Vichyssois. Mais il ne pouvait ignorer la solidarité panarabe qui avait entouré le mouvement de libération marocain et lui avait permis son retour sur le trône. Elle recommandait de s’opposer à la colonisation de la Palestine par des européens juifs qui se déclaraient athées et socialistes.
De plus, Mohamed V souhaitait la présence de tous ses sujets pour la construction d’un Maroc nouveau et libéré, les juifs, souvent éduqués par l’alliance israélite universelle fondée par Adolphe Isaac Moïse Crémieux (1), le même qui ministre de la Justice en 1870 avait donné par décret la nationalité française aux Juifs d’Algérie.
Le régime de Tel Aviv, malgré l’épuration ethnique réussie par le plan Dalet (2), n’avait pas obtenu une majorité démographique juive dans les territoires conquis militairement sur les Palestiniens. Ses appels à la montée en Israël des juifs occidentaux ne trouvant pas d’échos, des opérations de psy-op bien documentées maintenant et de la plus pure veine du terrorisme de l’État sioniste furent menées en Irak et en Égypte. Elles ont visé à paniquer les Juifs arabes des pays de la première ceinture en faisant exploser des bombes dans leurs lieux de rencontre pour les convaincre de s’exiler.
Comment disposer de la réserve des 300.000 juifs marocains gardés jalousement par la Maroc, pays de la deuxième ceinture ? En 1960, le sort du Maroc n’est pas scellé. Il pouvait encore évoluer vers une monarchie authentiquement constitutionnelle avec un gouvernement issu des urnes et responsable devant un Parlement élu. L’aile gauche du parti de l’indépendance était au pouvoir et l’on s’acheminait vers une politique économique d’inspiration socialiste. L’invention très pratique d’une tentative de coup d’État et d’assassinat du prince héritier ont permis des arrestations massives et la restauration de la fraction conservatrice au commandement politique. Le Mossad entre à cette occasion dans les coulisses de la scène politique marocaine puisque que ce serait lui qui aurait ‘prévenu’, ou plus précisément intoxiqué, Moulay Hassan. Depuis, celui qui devint Hassan II entretiendra les meilleurs rapports avec les sionistes patents ou non, en particulier avec ceux qui deviendront des figures du journalisme français, Jean Daniel et Anne Rosenberg Sinclair. Il était généreux avec ses conseillers en communication et toujours reconnaissant pour la ‘protection’ que lui concédait le régime sioniste.
La livre de chair exigée par le Mossad pour service rendu à Hassan ben Mohamed fut celle des cent mille juifs Marocains envoyés en Israël et qui versèrent chacun entre 50 à 150 $ pour leur droit de passage au couple Oufkir-Hassan.
Une fois arrivés sur la Terre promise d’après un vieux document qui atteste de son attribution divine à une tribu qui le reçut bel et bien mais qui n’a pas su le garder, les Arabes (leur qualité de juifs disparaît dès l’aéroport de Tel Aviv) sont reçus avec de touchants égards, une douche au DTT.
Deuxième marque de bienvenue, leur entassement dans des tentes de transit qui durent et au mieux leur installation dans des banlieues vite devenues des lieux de relégation, exactement à l’image des lieux de bannissement en France où le nom, l’aspect de la peau et l’adresse rendent inapte au travail l’émigré.
Le Juif séfarade a constitué la variable démographique d’ajustement pour l’économie israélienne, précarisée, niée dans son identité et prolétarisée. Le séfarade qui avait opté de rester dans son pays d’origine eut bien meilleure condition de vie. L’exemple le plus significatif d’une réussite marocaine juive est celle de Yoel Zaoui (4), patron de la Goldman Sachs Europe depuis 2004 (5). D’autres, dont le regretté Abraham Serfaty (6), furent des antisionistes convaincus et ne renièrent jamais leur marocanité en faveur d’une identité israélienne artificielle. Assidon Sion (7), secrétaire général de la section marocaine Transparency International, appelle au boycott d’Israël.
Le cantonnement dans les ghettos des Marocains a conduit à l’éclosion de mouvements politiques radicaux. Dans le sillage des mouvements contestataires de gauche dans le monde des années soixante-dix, les Panthères Noires israéliennes (8) se firent connaître par nombre d’actions spectaculaires dont la plus émouvante a été la distribution de bouteilles de lait destinées aux quartiers riches ashkénazes aux enfants de la plèbe juive arabe.
Arno Klarsfeld, entre deux poudrages de nez, pourra prendre le temps de voir un documentaire présenté sur une chaîne israélienne, Channel Ten, intitulé Les enfants de la Teigne (9) mis en scène par David Belhasen et Asher Hemias. Il expose comment furent irradiés pour les besoins de la recherche (déjà bioterroriste) américaine des milliers d’enfants exclusivement séfarades. Le gouvernement des US(a) aurait versé 300 millions de livres israéliennes par an pour que des doses de rayons X représentant des milliers de fois la norme admise soient délivrées sur le crâne d’enfants de migrants arabes juifs. Ils ont été odieusement sélectionnés dans des camps de vacances sous prétexte de soins contre un parasite fongique (10).
L’État au sein duquel les Juifs du monde devraient se sentir en sécurité a reconnu sa responsabilité, cependant les indemnités versées aux victimes survivantes semblent attribuées avec parcimonie.
L’officier israélien Arno Klarsfeld a servi dans l’arme qui est directement impliquée dans la répression des Palestiniens, la Police des Frontières. Il a donc bien le titre qui lui donne compétence à diriger un établissement public administratif français, l’Office de l’Immigration et de l’Intégration. En 2009, l’ANAEM, agence de l’accueil des étrangers et des migrations, change d’intitulé et de fonction et devient un office ou sous-ministère de l’Intégration, en parfaite harmonie copiée et collée avec le Ministère de l’Intégration israélienne.
La machinerie française s’occupe vaillamment à sécréter de l’ennemi intérieur et/ou extérieur pour cimenter une identité très mal en point sous les assauts répétés de la finance sans frontière.
(1) Adolphe Crémieux, "Cimetières de France et d'ailleurs".
(2) Plan Dalet, Wikipedia.
(3) Aucun codicille biblique n’inclut une garantie millénaire sur la perte d’une propriété foncière qui a eu le temps de changer de mains plus d’une fois.
(4) "Yoël Zaoui, le Frenchy préféré de La City", eFinancial Careers, 27.11.2008.
(5) "Yoel Zaoui, Une interview préparée à l'avance sur Europe 1", vidéo DailyMotion.
(6) Abraham Serfaty, Wikipedia.
(7) Sion Assidon, Wikipedia.
(8) "Histoire : Les Panthères noires", Un Echo d'Israël, 01.04.2009.
(9) et (10) "Israël : Les Enfants Irradiés du Sionisme", Mondialisation.ca, 23.11.2006.
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