03 février 2009

israël : après la manif, le boycott !



Le cessez-le-feu à Gaza, décrétée unilatéralement le 18 janvier par Israël, reste fragile à Gaza un mois après l’offensive israélienne qui a fait plus de 1300 et 5000 blessés. Après les manifestations massives, la mobilisation pro-palestinienne prend une autre dimension : celle du boycott économique et culturel d’Israël pour protester contre sa politique à l’égard des Palestiniens. Les inconditionnels d’Israël tentent de limiter l’impact d’une campagne qui prend de l’ampleur aux quatre coins de la planète.

« Je ne consomme pas les produits des criminels de guerre israéliens », peut-on lire dans un de ces milliers d’autocollants affichés dans les rues de la région parisienne. L’appel au boycott d’Israël n’est pas nouveau mais l’ampleur de la mobilisation est sans précédent. Depuis le début de l’offensive à Gaza, on ne compte plus les textos et mails qui parviennent à tous et à chacun appelant à boycotter les marques et les produits soutenant l’État hébreu de manière directe ou indirecte. Les premiers impacts se font sentir pour l’économie israélienne à commencer par son agriculture. Celle-ci ressent, plus que les autres secteurs pour le moment, les premiers effets négatifs du boycott de ses fruits et légumes provenant essentiellement des territoires occupés palestiniens.

Une série de commandes provenant notamment de la Jordanie, de la Grande-Bretagne et des pays scandinaves a été annulé. De l’aveu même du directeur de l’organisation des cultivateurs de fruits d’Israël, Ila Eshel, « ça devient de pire en pire et de plus en plus de voix appelant à boycotter les produits israéliens se font entendre. Jusqu’au début de l’opération (à Gaza, ndlr), nous faisions d’excellentes affaires malgré la récession économique », a t-il expliqué au quotidien israélien Yedioth Aharonath mi-janvier.

Cependant, le boycott ne se limite pas aux produits agricoles. Les listes contenant les noms de compagnies sont longues et circulent à grande échelle sur le web. Sont historiquement cités McDonalds et Coca-Cola. D’autres entreprises redoutent davantage le boycott et ont pris les devants en déclarant, via les communiqués de presse, qu’ils ne soutiennent pas la politique israélienne. C’est le cas de Starbucks ou encore des hypermarchés Lidl et Aldi.

Malgré tout, ces listes font le buzz. Des petits commerçants et restaurants, qui ont pris leurs « responsabilités » , ont décidé de ne plus -ou pas momentanément- vendre certains des produits identifiés. C’est le cas de l’Alambra, un restaurant situé à Stains (93), qui ne vend plus de Coca-cola et reverse 2€ sur chaque menu ou repas acheté par client au Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens (CBSP). Ces actions permettent « d’aider les Palestiniens avec les moyens que l’on dispose et ne pas favoriser Israël en même temps en vendant Coca », nous confie un responsable de l’établissement.

Le boycott, une efficacité prouvée dans l’Histoire Le cessez-le-feu à Gaza, qui se maintient tant bien que mal, ne signifie pas pour autant la paix pour les Palestiniens. Cette crise figure parmi tant d’autres déclenchées par Israël, qui viole le droit international depuis 60 ans. Pourtant, les « grands » de ce monde, à quelques exceptions près, restent silencieux et n’appliquent aucune sanction envers l’État hébreu.

A défaut que la solution vienne d’en « haut » comme l’affirment les organisations de défense des Palestiniens, elle viendrait d’en « bas » via la campagne internationale BDS - Boycott, Désinvestissement, Sanctions. Lancée en juillet 2005 à la demande de la société civile palestinienne, cette campagne s’est bâtie sur celle qui a contribué à la chute de l’Apartheid en Afrique du Sud dans les années 1990. C’est par le boycott des oranges, l’une des exportations symboliques du pays, qui a amené au boycott politique puis à la fin du régime ségrégationniste sud-africain.

Ainsi, pour chaque boycott, un message politique est adressé à Israël pour dénoncer l’occupation, la colonisation et sa politique répressive envers le peuple palestinien que beaucoup n’hésitent plus à qualifier d’apartheid. La campagne BDS s’inscrit comme un acte citoyen non violent « à la portée de tous », lit-on sur différents sites internet. Contrairement à ses détracteurs, le boycott est légal puisqu’aucune loi n’oblige un consommateur à acheter un produit ni à se justifier.
L’Europe et les États-Unis sont les principaux partenaires d’Israël (deux tiers de ses exportations vont vers ces destinations). « L’argent est le nerf de la guerre ». Une campagne massivement suivie dans ces pays serait donc un moyen de pression efficace. Cependant, « le boycott français n’a pas encore d’impact sur l’économie israélienne », affirme Aima, membre d’une association de défense des Palestiniens active pour le boycott. « De nombreux citoyens, membres d’associations différentes, se sont formés en groupe pour lancer le boycott ici mais ça prend du temps pour voir des résultats », fait-elle savoir.

En revanche, les pays scandinaves sont davantage impliqués. Dernièrement, la compagnie française Veolia a perdu l’appel d’offre public pour la gestion du métro de Stockholm en Suède principalement en raison de son implication dans la construction du tramway reliant Jérusalem-ouest aux colonies israéliennes illégales dans les territoires occupées palestiniennes.
Du côté des anglo-saxons, le boycott d’Israël est davantage culturel et académique. Jusque là, les appels et l’organisation de la campagne BDS viennent principalement de la communauté universitaire britannique. Depuis peu, les appels d’Australie et du Canada se font entendre. Un mouvement national d’universitaires américains pour le boycott est même né la semaine dernière, ce qui constitue une première dans un pays traditionnellement pro-israélien.
La contre-attaque des pro-israéliens moins médiatique La campagne BDS est par ailleurs soutenue par les organisations israéliennes pacifistes telles que Gush Shalom et B’Tselem ainsi que par des intellectuels de renom à l’instar de Michel Warchawski, président du Centre d’information alternative à Jérusalem, et Ilan Pappé, historien israélien.

Pour le moment, l’impact de la campagne, qui s’inscrit sur la longue durée, reste limité. Malgré tout, les inconditionnels d’Israël ne se laissent pas faire. Plus de 90% des Juifs de France soutiennent l’Etat hébreu selon le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). L’Union des patrons juifs de France (UPJF) appellent à consommer massivement, entre autres produits israéliens, les médicaments génériques de la marque TEVA, le plus gros fabricant au monde depuis qu’il a racheté le département générique du laboratoire Bayer. La plupart de ces médicaments sont fabriqués en Israël. L’UPJF appellent ainsi médecins, pharmaciens et patients, à prescrire ou à se faire prescrire cette marque.

Quant au salon du tourisme israélien qui devait se tenir le 15 janvier dernier à Paris et annulé « face à l’indignation exprimée par de très nombreuses personnes », il a été reporté pour une date encore inconnue « afin de bénéficier d’une période beaucoup plus sereine et propice au développement immédiat du tourisme vers Israël auprès du grand public » selon les organisateurs.

Il est encore trop tôt pour faire une quelconque estimation des pertes économiques liées au boycott et de son impact réel sur Israël. Mais la campagne BDS n’a pas fini de faire parler d’elle si elle continue sur cette lancée.

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