16 décembre 2012

Le rêve américain : Que la Russie lâche la Syrie_Dr Amer SABAILEH_

par Amin Os, dimanche 16 décembre 2012

  • Les Etats-Unis essayent d'améliorer leurs conditions de négociations à travers un putsch politique contre les accords conclus à Genève.
  • La reconnaissance américaine du Front d'Opposition s'est produite simultanément avec la classification du groupe "Jabhat Al Nosra" sur la liste des organisations terroristes, ce qui montre que l'action américaine est plutôt pragmatique et politique qu'opérationnelle.

Le pas américain est en contradiction avec ce qui est sorti des récentes rencontres de Genève lors de ces derniers jours, et qui ont rassemblé le vice-ministre russe des affaires étrangères Bogdanov avec son homologue américain William Burns (qui commence à devenir le seul personnage acceptable à Moscou) en plus de l'émissaire onusien Lakhdhar Al-Ibrahimi et l'ambassadeur américain à Damas Robert Ford. Ces pourparlers ont été qualifiés par les deux parties de constructives. Moscou qui a même pris en considération les demandes américaines d'apporter des modifications au premier accord de Genève, dont la non candidature de Bashar Al-Assad à un deuxième mandat et l'accélération de la formation d'un gouvernement de transition. Il est nécessaire de souligner que ces demandes seront la base de la prochaine visite d'Al-Ibrahimi à Damas et qui est en cours de préparation avec une coordination américano-russe.

Pour revenir à la démarche américaine, certains estiment que la reconnaissance des Etats-Unis du Front de l'opposition et la classification de Jabhat Al-Nosra dans la liste des organisations terroristes vise à réorganiser l'opposition et la transformer en une opposition plus modérée, et visent aussi à ne pas rééditer les erreurs américaines en Irak. Ceci confirme aussi l'attentisme des Etats-Unis dans la question de l'armement de l'opposition d'une part et le non retrait complet de la légitimité du régime d'Al-Assad d'autre part. Les "amis de la Syrie" et spécialement les Français trouvent dans la démarche américaine un grand acquis, mais en même temps, ils ont critiqué la lenteur des Etats-Unis à réagir positivement aux invitations françaises répétées qui voulaient arracher une position américaine plus radicale face à la Syrie. Les Français ont insisté sur le fait que le soutien demandé aux Etats-Unis n'est pas seulement politique mais un soutien complet comprenant armes et argent.

A travers son ministre des affaires étrangères, Moscou a condamné la décision américaine et y a vu une tentative de tuer tout effort de production de solutions politiques, surtout que les Russes sont récemment venus avec les Américains sur la nécessité de sortir de la situation tragique en Syrie à travers une opération de transition politique fluide à laquelle participeraient toutes les parties au gouvernement comme dans l'opposition. Alexander Loukachevtch, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, a nié ce qui a été relayé par les médias américains concernant les déclarations de Mikhaïl Bogdanov, vice-ministre russe des affaires étrangères, selon lesquelles la défaite du régime syrien serait proche. La Russie a considéré que cette manipulation américaine a pour but de remporter des victoires sur le terrain en propageant des informations selon lesquelles la Russie abandonnerait la Syrie. Ce qui est frappant, c'est que des informations semblables avaient été diffusées au mois de juin dernier, citant le même Bogdanov et avant d'arriver à la rencontre de Genève (ceci peut être retrouvé en revenant aux archives des informations). C'est pour ça que plusieurs analystes pensent qu'il y a une grande contradiction entre la diffusion d'informations erronées et des démarches stratégiques réelles qui réfutent ces rumeurs. Comment la Russie peut-elle livrer à la Syrie des missiles performants Alexander et l'abandonner après quelques jours !!

Le responsable russe a estimé que l'augmentation du soutien politique, moral et matériel à une opposition extrémiste de la part des membres de la communauté internationale, notamment de la part de ce qu'on appelle groupe des "amis de la Syrie", pousse les insurgés à activer leur entreprise. La conviction russe n'a pas changé, Moscou estime que la poursuite des affrontements militaires mènera sans doute à une impasse plus grande dont on ne peut contrôler les conséquences régionales. Par conséquent, l'insistance de Moscou sur la nécessité de revenir à l'accord de Genève et le prendre pour base du processus de transition politique en Syrie représente une réelle volonté d'éviter le scénario tragique dont on ne peut pas imaginer la forme.
Dans les prochains jours, il est prévu que les Américains tentent de redessiner les accords de Genève, que ce soit en réalisant des victoires sur le terrain ou par la supériorité médiatique, ce qui lui donnera sans doute un avantage politique et diplomatique. C'est pour cela que la porte-parole du Département d'Etat a insisté sur la nécessité de soutenir l'opposition syrienne jusqu'à ce que les choses prennent fin à travers la sortie d'Al-Assad.

Malheureusement, l'obstination américaine à ne pas s'en tenir à aucune forme de transition politique et sa continuelle volonté de recueillir des acquis politiques à en rendre la situation sur le terrain encore plus tendue, pourrait mener la situation à un point où on ne pourra plus la maitriser ni géographiquement ni militairement. En effet, la transformation de la crise syrienne en une crise régionale est devenue très probable surtout que tous les ingrédients de l'explosion sont réunis avec l'entassement des combattants, la prolifération des armes et et les tensions sur les frontières.

Tout le monde devrait se convaincre que sortir de la crise militairement est impossible, et que l'ambition américaine de voir Al-Assad de n'importe quelle manière pourrait conduire plus tard à des problèmes plus profonds. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui ne déposeront pas les armes même avec la sortie d'Al-Assad hors du cadre d'une transition politique convenue par toutes les parties. Donc, la seule garantie de la sauvegarde de l'Etat Syrien et sa transition politique vers une étape plus démocratique ne peut être qu'à travers l'adoption de toutes les composantes de la communauté internationale des conclusions réalistes du sommet de Genève et la considérer comme une base pour la construction d'une transition politique en Syrie.


Dr Amer SABAILEH

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