05 septembre 2012

Élection au Québec, une tragédie


Voici un excellent commentaire que je vous invite à partager et à faire connaître

LA NUIT DES MONSTRES.

Par Pascale Cormier

Françoise David de Québec solidaire
Les élections d’hier soir n’ont fait que des perdants. J’aurais voulu pouvoir me réjouir de l’élection de la première femme première ministre du Québec. Me réjouir de l’élection de Françoise David dans sa circonscription, et de la défaite de John James Charest dans la sienne. Mais nous voilà revenus à la case départ, avec un gouvernement minoritaire trop faible pour s’imposer, et il est évident que nous devrons retourner aux urnes très bientôt. Jean-Martin Aussant a été battu dans sa circonscription, ce qui m’apparaît comme un non-sens. Visiblement, beaucoup de nos compatriotes n’ont pas compris l’importance de permettre à la pluralité des voix de s’exprimer à l’Assemblée nationale. Ils préfèrent tourner en rond sempiternellement avec les mêmes vieilles idées, la même façon ronronnante et usée de faire de la politique.
Mais le plus consternant, c’est que malgré son bilan désastreux, malgré les scandales qui s’accumulent et la crise sociale sans précédent que le gouvernement Charest a cyniquement déclenchée et entretenue, le Parti libéral est parvenu à faire élire le nombre incroyable de 50 députés et à récolter 31,2 % des voix exprimées. Certes, il flotte autour de cette élection un répugnant parfum de fraude électorale, et je connais personnellement de nombreuses personnes qui n’ont pas pu voter parce que leur nom avait mystérieusement disparu de la liste électorale. Le DGE devra enquêter sérieusement là-dessus. Mais cela ne suffit pas à expliquer l’ampleur du gâchis.
Pauline Marois du Parti Québécois nouvelle Première ministre
Nous sortons tous et toutes salis et aigris de cette campagne désolante, au cours de laquelle les couteaux ont volé très bas. Le Parti québécois aura, lui aussi, un sérieux examen de conscience à faire. Avec ses 54 députés et un maigre 31,9 % des voix exprimées, il se retrouve pratiquement nez à nez avec les libéraux. Il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser. C’est dire que ce parti n’est pas parvenu à incarner le changement et le renouveau, malgré ses prétentions et une conjoncture qui, a priori, pouvaient lui paraître favorables. Au lieu de tirer à boulets rouges sur Québec solidaire et Option nationale, les militants péquistes auraient mieux fait de s’interroger sur les raisons pour lesquelles de nombreux indépendantistes sincères et convaincus se retrouvaient dans ces nouveaux partis de gauche, ne pouvant plus prendre leur place dans le vieux vaisseau amiral de la souveraineté-association. Malgré ses prétentions, le PQ ne parvient plus à convaincre qu’il peut gouverner beaucoup plus à gauche que les grands partis fédéralistes ni qu’il peut réellement nous rapprocher du pays à bâtir.
Ce qui me déçoit le plus, c’est que le parti que j’appuyais, Québec solidaire, n’est pas parvenu, lui non plus, à incarner un changement positif aux yeux de la population. Avec deux députés élus et un malheureux 6 % des voix, concentrées surtout dans l’île de Montréal, la preuve est faite que le PQ se trompait de cible en dénonçant la « division du vote souverainiste » : il aurait mieux fait de surveiller sa droite, c’est à la Coalition Avenir Québec que tout s’est jouée. Certes, la CAQ n’a fait élire que 19 députés, mais elle a récolté 27,1 % des voix et elle a le vent en poupe, visiblement. Comment ce parti à droite de la droite, ramassis de vieux adéquistes et d’anciens péquistes repentis, a-t-il réussi à incarner le changement pour une part aussi importante de l’électorat, alors qu’il n’a rien d’autre à proposer que des compressions, des mesures d’austérité et des privatisations sauvages? Voilà qui laisse sans voix. Chose certaine, la CAQ a joué les trouble-fêtes en se positionnant comme le parti des « nationalistes raisonnables », des partisans de l’attentisme souverainiste et du « un jour peut-être on-verra », grugeant ainsi le vote péquiste et permettant aux libéraux de se faufiler dans de nombreuses circonscriptions.
Personne, à part la CAQ, ne sort indemne de cette triste campagne déclenchée, on l’a oublié un peu vite, sur le dos de la jeunesse québécoise qui avait servi de chair à canon dans une crise sociale sans précédent, montée de toutes pièces par le très cynique gouvernement libéral. Rien n’est encore joué dans ce dossier, comme dans bien d’autres tout aussi importants, et quel que soit le gouvernement en place, la rue devra parler plus fort que jamais dans les mois et les années à venir. Cette élection prouve une fois de plus, si besoin était, que la démocratie ne se limite pas à l’exercice électoral et à l’élection d’un gouvernement. Le scrutin n’est en fait, dans une large mesure, qu’une mascarade, un ersatz de démocratie, où les gouvernements sont fabriqués à grand renfort de marketing avec la complicité de médias tout-puissants. Au mieux, la démocratie commence dans l’isoloir; mais elle ne s’y arrête surtout pas. Les abstentionnistes n’ont pas tort, au fond, quand ils affirment que les élections ne changent rien. Nous en avons, une fois de plus, la triste démonstration sous les yeux.
Le tireur Richard-Henry Bain a fait deux victimes
Je n’ai que des questions ce matin. Je m’interroge sur la manipulation des esprits qui embrouille nos choix; sur nos divisions qui alimentent la haine; sur les murs d’incompréhension qui s’érigent entre nous. Hier, cette soirée électorale s’est terminée dans la tragédie, alors qu’un attentat sanglant a été commis au Metropolis. Bien sûr, c’était visiblement l’acte isolé d’un cerveau dérangé; mais c’était aussi le fruit de l’enflure verbale, des passions qui flambent, de la paranoïa qu’on nourrit. Nous ne savons plus dialoguer; nous ne savons que nous crier des noms. Et c’est cela qui m’inquiète plus que tout. Nos adversaires ne sont pas forcément nos ennemis; il serait grand temps que nous réapprenions à faire la différence.
Une seule réponse, pour l’instant, me vient à l’esprit. Un mot : la peur. Le discours de la peur a gagné. Peur des soi-disant « casseurs ». Peur de la rue. Peur de la gauche qu'on diabolise et qu'on calomnie. Peur de l'indépendance. Peur du changement. On a si bien manipulé ce peuple qu'il a voté dans la terreur. Et un cerveau fêlé est même passé aux actes; un homme est mort pour rien. C'était écrit. Réjouissons-nous seulement – s’il y a là motif à réjouissance – que le tueur n'ait pas fait davantage de victimes. Mais si nous n’arrivons pas à freiner cette spirale de la manipulation et de la haine, si nous ne mettons pas un frein à cette folie, si nous ne parvenons pas très vite à renouer le dialogue avec tous nos compatriotes, il y aura d'autres morts. Beaucoup d'autres. Notre nation pourrait même ne pas y survivre.
Nous vivons des heures tragiques et cruciales. Laissons retomber la poussière quelques jours, mais, ensuite, retroussons-nous les manches et remettons-nous au travail. En cherchant à résoudre les conflits qui nous divisent, mais, surtout, en nous appuyant sur ce qui nous unit.

Source Facebook



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