La Ligue de Défense juive commet une nouvelle attaque anti-juive : retour sur les faits, et analyse
Jonathan Moadab, journaliste
indépendant, a été victime le 13 septembre dernier d’une attaque
revendiquée par la Ligue de Défense Juive. Une bombe artisanale a
explosé sous son véhicule, et des menaces de mort ont été proférées
contre lui, et sa famille.
Un juif agressé par la Ligue de Défense Juive, donc d’autres juifs ?
Oui oui, vous avez bien lu. Je vais en ces lignes exposer ce qui a mené
aux faits qui m’ont touché le jeudi 13 septembre 2012, puis effectuer
une analyse de cette attaque.
Le début du contentieux démarre avec
l’affaire Oberlin. Christophe Oberlin est un professeur d’Université à
Paris VII, spécialisé en médecine humanitaire. C’est parce qu’il a posé
une question à propos de Gaza que j’ai été amené, avec mon ami et binôme
Raphaël « JahRaph » Berland, à le rencontrer. Nous cherchions à
comprendre pourquoi une simple question d’examen avait déclenché un tel
torrent de calomnies à son égard. Après avoir effectué une interview d’une trentaine de minutes,
je la mettais en ligne adjointe d’une analyse détaillée de la
situation, ainsi que d’une déconstruction méthodique des attaques
publiques dont il était victime (voir l’article : Christophe Oberlin : nouvelle victime du lobby sioniste de France).
C’est à ce moment que plusieurs
organisations communautaires juives se sont mises à nous calomnier. Tout
d’abord, JCall s’est fendue, par le biais de la plume de l’ancien
directeur de l’Arche Meir Waintrater (aujourd’hui remercié), d’un
article diffamatoire à notre égard, nous qualifiant notamment de
« rouges-brun-pro Assad-antisionistes-identitaires ». Voir ici
Ensuite,
Jean-Marc Moskowicz, Président de l’association ultra-sioniste
Europe-Israël, m’invitait dans les commentaires de l’article à effectuer
une contre-interview : « Jonathan l’antisioniste/antisémite primaire,
toute l’équipe d’Europe Israël vous attend dimanche 24 juin à 15 h
devant l’UNESCO pour nous interviewer sur le cas Oberlin. Venez nous
vous attendons impatiemment. Jean-Marc ». Pris par des obligations
familiales, je n’ai pas pu m’y rendre. Ce sont donc d’autres membres du
Cercle des Volontaires qui s’y rendront, après avoir couvert une
manifestation en solidarité avec le Printemps Érable (Voir 24 juin, journée du Québec libre !). Arrivés
sur place, ils voient leur entretien reporté d’une heure par M.
Moscowitz qui affirme avoir d’autres choses à faire avant. Lorsque les
journalistes du Cercle reviennent une heure plus tard, les manifestants
les plus âgés avaient quitté l’UNESCO pour ne laisser place qu’à
quelques dizaines de jeunes de la Ligue de Défense Juive. L’interview se
fera quand même… Mais ne sera jamais publiée.
Intimidations, insultes, menaces de
mort… Les jeunes de la LDJ font monter la pression. Alors que les cinq
membres du CdV s’éloignaient et quittaient les lieux, JahRaph, qui avait
mené l’interview, reçoit deux coups dans la mâchoire. Les victimes,
après une nuit de débats intenses, décident collégialement de ne pas
porter plainte. La raison majeure étant qu’elles ne souhaitaient passer
du temps et de l’énergie contre la LDJ ; elles préféraient le consacrer à
autre chose, et notamment le métier de journaliste.
Seule une main courante sera déposée
pour prendre acte de ce qu’il s’était passé. Le Cercle ne communiquera
pas sur ce sujet, mis à part au travers d’un article d’Oscar : A propos de l’entretien avec M. Jean-Marc Moskowicz, Président de l’association Europe-Israël,
qui, contre sa volonté et pour respecter la volonté du groupe,
n’abordera que très peu l’altercation. L’heure était donc à
l’apaisement, même si le chef de la LDJ (que l’on peut voir s’entrainer avec son Glock 19 dans le dernier Enquête Exclusive, mais aussi conter son expérience de la guerre au Liban lorsqu’il servait dans Tsahal) avait émis le souhait de me retrouver, et de « s’occuper » de moi.
Quelques temps passent. Puis, suite à la publication d’un reportage (La mission « Bienvenue en Palestine » refoulée au checkpoint d’Allenby) les intimidations ont repris sur notre page Facebook.
Après avoir passé de nombreuses heures à dialoguer en vain avec eux,
j’ai tout simplement arrêté de leur répondre. C’est justement à ce
moment que commencent à fleurir sur la toile de nouveaux documents
calomnieux à notre égard. Tout d’abord, un amas de mensonges publié le
10 septembre intitulé « Alerte antifasciste : le Cercle des Volontaires » hébergé par le site Indymedia Paris (repris sur le site de la Ligue de Défense Juive), puis une vidéo mise en ligne le 11 septembre utilisant les images filmées par la LDJ le jour de la manifestation du 24 juin (Alerte antifasciste : le Cercle des Volontaires). Même titre et mêmes photos utilisées à un jour d’intervalle…
Deux jours plus tard, alors que j’étais
revenu à mon domicile familial pour fêter la naissance de mon neveu, je
reçois un coup de fil anonyme qui se solde par un « Am Israel Haï ». Ce
slogan, qui signifie littéralement « le peuple d’Israël vivra », ne
concernait pour mes agresseurs que l’Etat d’Israël et les juifs
sionistes, et non les juifs, comme ce qui suit peut en attester.
1h30 plus tard, j’entends une détonation
venant de mon parking. Une bombe artisanale (constituée d’une bouteille
de plastique, de liquide inflammable, d’acide et d’aluminium) vient
d’exploser sous ma voiture. Plus de bruit que de mal, l’engin explosif
avait valeur d’avertissement, ainsi qu’en attestent les tags effectués
sur les panneaux situés sur la cloture : « Ligue de Défense Juive – Fais
attention à toi avec ton Cercle des Volontaires ». Mon pare-brise
arrière et mon rétroviseur ont eux aussi été tagués « LDJ », adjoint
d’un symbole de la culture juive et d’Israël : la maguen david. Une
demie-heure plus tard, lorsque les gendarmes seront sur place, ce seront
eux qui auront la joie et le bonheur d’entendre les menaces de mort qui
m’étaient adressées par téléphone, ainsi qu’à ma famille. Quelques
jours plus tard, après un formidable travail de la gendarmerie, deux
jeunes de 17 et 20 ans sont interpellés, ainsi qu’un troisième plus âgé
ayant, selon toute vraisemblance, supervisé l’opération.
Analyse -
J’éprouve une sorte de peine pour mes
agresseurs. Sans connaître la trajectoire sociologique de ces deux
jeunes juifs (17 et 20 ans), il m’est aisé de comprendre que seul un
endoctrinement idéologique a pu les pousser à commettre un acte aussi
déraisonné. S’abaisser à user de ce genre de méthodes pour limiter la
liberté d’expression dans la République, au nom de la Torah et d’Israël,
est une véritable capitulation intellectuelle. Incapables de débattre
des idées que je défends, ils préfèrent employer la force pour arriver à
leurs fins. Le sentiment d’impunité qui les habite est notamment dû à
la protection de cette organisation au niveau
politico-médiatico-judiciaire. On minimise l’impact et l’importance de
cette faction dans l’opinion, on classe des dossiers ou on prononce des
peines clémentes à l’égard de ses membres, on cache les enjeux de ces
débats… Voilà quelques éléments qui expliquent que la LDJ fasse preuve
d’autant d’audace et d’impudence dans ses actions. La protection
communautaire juive (dont le CRIF, dont le Président Richard Prasquier a
récemment déclaré à Politis – dans un courageux article consacré au groupuscule sioniste – : « Le
choix de la dissolution ne me paraît pas être un sujet d’une grande
urgence. Je ne pense pas que la LDJ ait été accusée de méfaits graves.
J’en n’en sais d’ailleurs pas grand-chose. ») est évidente et rend
encore plus difficile le traitement de ce sujet par les journalistes.
S’attaquer à la Ligue de Défense Juive, c’est s’attaquer à ceux qui
s’affichent sionistes, et donc majoritairement à des juifs. C’est
pourquoi lorsque certaines attaques de la LDJ sont médiatisées, seuls
les faits sont traités. Il n’est jamais question du fond idéologique,
bien trop complexe et sulfureux.
D’ailleurs, concernant mon affaire, si une première dépêche AFP
avait fait mention de mon appartenance religieuse, cette
caractéristique éclairante des paradoxes de la Ligue de Défense Juive a
ensuite disparue des articles qui ont suivi pour me qualifier de
« pro-palestinien ». S’il peut apparaître « logique » (mais aussi
critiquable) pour un pro-palestinien d’avoir des ennuis avec cette
faction, insister sur le fait que l’agressé soit juif pourrait rendre
confus le discours habituel concernant les juifs de France et leur
« soutien inconditionnel » supposé à Israël. Or, et ainsi que j’ai pu le
montrer dans plusieurs documents, dont cette vidéo retraçant les agressions d’Olivia Zémor et Jacob Cohen
(tous deux juifs), il existe une politique d’épuration intellectuelle
menée contre les membres juifs de ce que nous pourrions appeler la
dissidence. Insister sur le fait que, parmi les juifs, il existe des
individus opposés à la politique du gouvernement israélien, voir même du
concept d’une souveraineté nationale juive en Palestine, remet en
question la représentativité des organisations qui disent parler au nom
des juifs, et qui prennent systématiquement le parti d’Israël au nom du
judaïsme, ou de l’identité juive.
Est-ce parce que je ne partage pas leurs
convictions politiques, que cela fait de moi un « juif indigne », ou un
juif traître ? Le fait qu’ils se soient sentis obligés de dessiner des
symboles juifs sur ma voiture démontre bien que pour ces gens,
l’identité juive est indissociable de l’allégeance à Israël. Et bien,
s’il fût un temps où j’adhérais à ce postulat (dans mon enfance et mon
adolescence), les discussions, débats et lectures que j’ai effectué à
l’âge adulte m’ont mené vers d’autres conclusions. J’ai parfaitement le
droit (conformément à la loi française et aux principes universels des
Droits de l’Homme) d’expliquer celles-ci et de les promouvoir au travers
d’articles, d’interviews, ou de reportages. Mais la Ligue de Défense
Juive, et ceux qui la supporte, cherchent à annihiler ce droit au nom de
l’Etat juif et de l’identité juive. En effet, le soutien de la
« diaspora » à Israël est indispensable à sa légitimation.
En cette fin de Yom Kippour, c’est avant
tout un message d’apaisement que j’envoie au travers de cet article. Je
n’ai rien de personnel contre les membres de la LDJ (qui se sont
pourtant déclarés mes ennemis), ni contre les juifs sionistes. Je ne les
combat pas eux, je combat simplement leurs idées, que j’estime
dangereuses à plus d’un titre… L’existence d’une contradiction crédible
dans le débat public n’est-elle pas indispensable au caractère
démocratique d’une société ? Il semble que la France s’éloigne de plus
en plus de celui-ci…
Plus d’information sur le Cercle des Volontaires :
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