08 septembre 2012

Le Mossad au Maghreb : renforcer sa présence et ses actions

jeudi 6 septembre 2012 - 07h:05
Noureddine Baltayeb & Nizar Maqni - Al-Akhbar




Ces trois derniers mois, les pays arabes du Maghreb ont été témoins d’un nombre croissant de controverses et de scandales concernant des cellules liées à des activités d’espionnage pour le compte d’Israël. 
 
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Manifestation vendredi 30 décembre 2011, devant le siège de l’Assemblée Nationale Constituante à Tunis, pour exiger qu’un article incriminant la normalisation avec l’entité sioniste figure dans la prochaine Constitution
 
 
Tout a commencé quand un réseau d’informateurs a été démantelé en Mauritanie au début de cette année. Ensuite, le Mossad a fait les manchettes en Algérie et au Maroc dans une série d’articles, de rumeurs et de canulars. Enfin, un nouveau scandale a éclaté en Tunisie la semaine dernière, impliquant un vaste réseau du Mossad dont les centres d’espionnage utilisent le pays comme base pour prospecter toute la région du Maghreb.
Abderraouf al-Ayadi, chef du Mouvement Wafa qui s’est séparé du Rassemblement pour la République (RPR), a provoqué une énorme sensation la semaine dernière quand il a révélé que le Mossad a renforcé ses activités dans la Tunisie post-révolutionnaire.
Il a indiqué que ces activités étaient menées sous la « couverture d’ONG européennes et américaines qui prétendent être caritatives, humanitaires ou culturelles. »
Ceci fait écho à des déclarations antérieures du responsable du Parti des travailleurs tunisiens (POCT auparavant), Hamma al-Hammami, sur les « réseaux d’espionnage israéliens opérant en Tunisie post-révolutionnaire qui profitent de l’état de chaos et d’anarchie qui a balayé le pays après la fuite du président Ben Ali. »
L’information, révélée par Ayadi et Hammami a coïncidé avec un rapport publié en février dernier par le Centre d’études et recherche de Yafa, axé sur les activités du Mossad au Maghreb. Le rapport révèle que le Mossad a commencé à concentrer ses opérations en Tunisie après le départ de l’OLP de Beyrouth et sa relocalisation à Tunis en 1982.
L’intérêt pour la région a diminué après la signature des accords d’Oslo, jusqu’à ce que la révolution tunisienne l’ait ravivé.
Le rapprochement tuniso-israélien de l’après-Oslo a été rendu public par la mise en place en 1996 d’un bureau pour la coopération économique. L’accord comprenait un article secret sur la mise en place « d’un système de coordination de la sécurité entre le Mossad et la Tunisie par Shalom Cohen, un Juif tunisien travaillant dans la section ’Afrique du Nord’ du Mossad israélien. Dans la même année, il est devenu le directeur du bureau des intérêts israéliens en Tunisie. »
Selon le rapport, Cohen a utilisé sa couverture diplomatique pour construire un « réseau du Mossad » basé à Tunis, la capitale, avec des antennes à Sousse et Djerba.
Les informations du centre Yafa sont cohérentes avec celles d’Ayadi, qui dit avoir reçu l’information d’une source de haut rang de la sécurité tunisienne qui signalait la surveillance d’un réseau secret du Mossad « d’environ 300 agents » répartis sur les trois bases d’espionnage.
La première base est dans la capitale et dirigée par un certain Jalboagh Nachman. Elle s’occupe de l’Algérie par la collecte d’informations et le recrutement d’agents.
La seconde base est à Sousse et était alors dirigée par Pierre Doron. Ses activités sont concentrées principalement à l’intérieur de la Tunisie, et consistent en particulier à surveiller les Palestiniens vivant en Tunisie, les mouvements salafistes et les groupes opposés à la normalisation avec Israël.
La troisième base est à Djerba, dirigée par Nurit Tsur, et se concentre sur la Libye. Elle agit également pour protéger la minorité juive de Tunisie, qui habite essentiellement sur l’île, et recueillir des informations sur les sites archéologiques juifs et les sites d’intérêt en Tunisie, en Algérie et en Libye.
Les autorités tunisiennes ont gardé le silence malgré le tollé provoqué par les révélations. Le gouvernement n’a pas encore pris de mesure publique sur la question.
Parlant au journal Al-Maghreb, le ministre de l’Intérieur, Ali al-Arid a déclaré : « les déclarations concernant les 300 espions du Mossad en Tunisie, qui travaillent sous le couvert d’ONG culturelles et d’agences de voyages, sont sans fondement et totalement irresponsables. »
« Elles sont destinées à perturber le travail des agences de sécurité qui peinent jour et nuit pour protéger la Tunisie. Toute personne qui possède des renseignements au sujet de cette question devrait communiquer avec les organismes de sécurité afin qu’ils puissent les vérifier », a-t-il ajouté.
Les militants tunisiens « anti-normalisation » estiment que les déclarations du ministre de l’Intérieur sont en contradiction avec l’information diffusée à la télévision officielle israélienne dans les premiers jours de la révolution tunisienne.
Le Mossad avait vanté « une opération spéciale en Tunisie, sous le couvert de sociétés européennes, pour évacuer un groupe d’Israéliens qui étaient en visite à Djerba, le site de la plus ancienne synagogue dans le monde, le temple al-Ghariba. »
Les militants tunisiens suggèrent que « les activités et les crimes du Mossad ne sont pas nouveaux en Tunisie. Le plus connu fut le bombardement de la banlieue Hammam al-Shat à l’automne 1985. Ce bombardement ciblait les bureaux de l’ex-président palestinien Yasser Arafat. Le Mossad a également organisé de nombreux assassinats en Tunisie, y compris celui de l’organisateur de la première Intifada, Abou Jihad, en 1988. »
Après les accords d’Oslo, les courants nationalistes et de gauche, ainsi que les associations anti-normalisation ont accusé Ben Ali de « faciliter les opérations et les activités du Mossad en Tunisie. »
Cela a été souligné dans un documentaire diffusé par la télévision tunisienne après la révolution, dont le titre était « L’état de la corruption. » Le film exposait le rôle important que Ben Ali a joué dans la mise au point des accords.
Après Oslo, l’ancien dictateur a ouvert un bureau de coopération économique avec Israël à Tunis. Le bureau a commencé ses activités en communiquant avec plusieurs intellectuels et journalistes tunisiens afin de les compromettre dans des activités de normalisation. La majorité a refusé d’être impliquée.
Le bureau de coopération économique a ensuite été fermé en raison de la pression populaire après l’attaque israélienne de 2002 sur la Cisjordanie et sur le siège du quartier général de Yasser Arafat à Ramallah.
Le cri d’alarme lancé par Ayadi et Hammami s’appuie sur des preuves et des informations corroborées par le militant des droits de l’homme, Ahmed al-Kahlawi, président de l’Association tunisienne de lutte contre la normalisation et de soutien la résistance arabe (TAFNSAR).
Kahlawi a déclaré que « plusieurs organisations étrangères actives dans la Tunisie post-révolutionnaire, comme Freedom House, jouent un rôle majeur dans la propagation de la culture de la normalisation sous le prétexte de la défense des droits de l’homme. »
Il a également mis à nu les rouages d’une organisation appelée « AMIDEAST, qui enseigne Anglais sous la supervision de l’ambassade américaine. Elle incite les étudiants à renoncer à leur animosité envers Israël et promeut des programmes qui prétendent appeler à la paix et au dialogue entre les cultures, mais en réalité, cette organisation vise à favoriser la normalisation. »
« Avec la chute de Ben Ali, Israël a perdu un allié stratégique en Afrique du Nord », a expliqué Kahlawi. Il a indiqué aussi que la plupart des dirigeants sionistes l’admettent ouvertement, y compris Benjamin Netanyahu et Silvan Shalom (ce dernier est d’origine tunisienne et est né dans la ville de Qabis).
Ben Ali avait accueilli officiellement Shalom en 2005 lors d’une réunion qui n’a pas été couverte par les médias tunisiens, et qui coïncidait avec le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) à Tunis.
Kahlawi a aussi déclaré que les dernières révélations sur le rôle du Mossad en Tunisie devraient être une raison de plus pour que l’assemblée constituante ratifie l’article 27 de la constitution proposée, criminalisant la normalisation et la collaboration avec l’État sioniste.
Il a ajouté que « al-Nahda avait rejeté la criminalisation de la normalisation, avec un argument démagogique en faisant valoir que la constitution tunisienne durera plus longtemps que l’État d’Israël, qui va inévitablement périr ! »
La plupart des militants tunisiens anti-normalisation soupçonnent que la vraie raison derrière cette prise de position d’al-Nahda, est « la pression des États-Unis sur la troïka au pouvoir, et plus particulièrement sur le mouvement al-Nahda, pour empêcher la ratification du chapitre 27, qui a été proposé par les associations anti-normalisation. »

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31 août 2012 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Naguib


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