02 novembre 2012

France-irak-actualité


Barack Obama piégé à Benghazi

Par Gilles Munier (Afrique Asie – novembre 2012)
 
Pendant qu’une intervention occidentale se profile en Azawad - nord du Mali -, le parlement libyen peine à rétablir l’ordre et la sécurité dans le pays. Les milices ont partout le champ libre.
 
En Cyrénaïque, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, principaux soutiens du Congrès général national (CNG), nouvelle instance suprême libyenne, sont dans la ligne de mire de salafistes armés. En juin dernier, un convoi transportant l’ambassadeur de Grande-Bretagne a été attaqué à Benghazi et, depuis quelques semaines, le personnel du consulat américain se sentait entouré d’ennemis invisibles. La Brigade Ansar al-Charia soupçonnée, sans doute à tort, par Ahmed Djibril – actuellement ambassadeur adjoint de Libye à Londres -, de l’assassinat de l’ambassadeur Christopher Stevens, n’est que la partie visible d’un iceberg sous lequel se meuvent des organisations secrètes autrement plus redoutables.
28 millions d’armes en circulation
Une multitude de milices rêve d’en découdre avec le nouveau pouvoir considéré comme apostat. Les deux partis dits « post djihadistes » qui pouvaient les fédérer, car issus du Groupe islamique de combat libyen (GICL) : Al-Watan (La Patrie) d’Abdelhakim Belhadj et Al-Umma al-Wasat (La Nation Centrale) de Sami al-Saadi, ont été balayés aux législatives de juillet dernier. Seul Adel Wahad Qaid, frère d’Abou Yahia al-Libi – n°2 d’Al-Qaïda tué par un drone au Waziristan – y a obtenu un siège. L’armée libyenne n’est d’aucun secours aux nouveaux dirigeants, et la Garde Nationale, dirigée par Khaled al-Sharif, ancien membre du GICL, n’a absorbé qu’une trentaine de milices, mais à l’ouest et au sud-ouest du pays. La Brigade du 17 février, Raf Allah al-Sahati et le Bouclier de la Libye, considérés comme « légitimes », c'est-à-dire contrôlés par les autorités, sont loin d’être à l’abri d’infiltrations d’opposants intérieurs.
Après l’assassinat de Christopher Stevens, la manifestation anti-milices de Benghazi visant Ansar al-Charia, présentée comme un sursaut populaire, n’avait rien de spontanée. Elle était organisée par les fédéralistes, pour ne pas dire autonomistes, d’Ahmed Zubair al-Senoussi, élu émir des tribus de Cyrénaïque en mars 2012. Elle était encadrée par l’Armée de Cyrénaïque - Djeïch Barqa – et par des soufis révulsés par la destruction des mausolées d’Al-Chaab al-Dahmani à Tripoli, du cheikh Abdelsselam al-Asmar à Zliten et de Ahmed al-Zarrouk à Misrata.
Intervention armée US
On sait aujourd’hui que l’attaque du consulat, le 11 septembre 2012, a été préparée minutieusement. Les manifestants réagissant à « L'innocence des musulmans », le film anti-islam diffusé sur Internet, ne sont arrivés qu’après l’assaut. Les secours arrivés de Tripoli sont tombés dans une embuscade. Barack Obama a été dépassé par les événements comme  le président Jimmy Carter en avril 1980, après l’échec de l’opération Eagle Claw destinée à libérer les 53 otages retenus à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Que peut-il répondre aux Républicains qui l’accusent d’avoir négligé la sécurité du consulat sous-traitée à une société qatarie ? Pourquoi n’a-t-il pas pris au sérieux la démission d’un gardien libyen ayant entendu parler d’une attaque du consulat ? Les tirs sur le convoi de l’ambassadeur de Grande-Bretagne aurait dû le faire réfléchir. Aujourd’hui, il ne reste plus au président américain qu’à surveiller les djihadistes avec ses drones. Parmi eux, il y aurait Sufian bin Qumu, commandant d’Ansar al-Charia à Derna, soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de l’ambassadeur. En avril 2011, le New York Times lui avait rendu hommage pour son combat en faveur de la démocratie dans son pays, d’avoir oublié son incarcération à Guantanamo et  son renvoi dans les geôles libyennes ! Tuer ou se faire livrer des coupables supposés de la mort de Christopher Stevens arrangerait Obama avant l’élection présidentielle du 6 novembre… Mais qui ? Le régime libyen leur propose Abou Khattala, chef d’Ansar al –Charia à Benghazi. Mais, côté CIA, on est dans le noir le plus total, et les agents du FBI enquêtant sur le meurtre n’ont pu se rendre sur les lieux que 15 jours après les faits et n’y sont demeurés que « quelques heures », sous haute protection armée. La liste locale des « amis des Etats-Unis » qui auraient pu les renseigner a été subtilisée pendant l’occupation du consulat. En cas d’intervention militaire américaine a prévenu Youcef Djehani, porte-parole d’Ansar al-Charia qui nie toute participation de sa brigade à l’attaque : « les Libyens mettront de côté leurs divergences pour frapper l’Amérique et les Américains ».
 
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