Embargo allégé,
quotidien inchangé
dimanche 20 juin 2010
Renée-Anne Gutter - Jérusalem
Israël va alléger l’embargo qu’il maintient contre la bande de Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007. Le Premier ministre Netanyahou en a scellé le principe avec Tony Blair, l’émissaire du quartet international (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Onu). Et le cabinet de sécurité israélien doit en finaliser les modalités ce jeudi. Après quoi, le ministre de la Défense, Ehoud Barak, en fera rapport au médiateur américain, George Mitchell. L’allégement sera cependant loin de satisfaire les Palestiniens.
A l’origine, le blocus -par terre et par mer- visait non seulement à freiner l’armement du Hamas, mais aussi à renverser le gouvernement islamiste et à récupérer le soldat Shalit, otage à Gaza depuis 2006. Désormais, l’embargo devrait uniquement s’axer sur le sécuritaire : empêcher le Hamas de consolider son arsenal d’armes et son infrastructure militaire.
Mais le quotidien de la majorité des Gazaouis ne s’en trouvera pas nécessairement normalisé. Et la minorité aisée -haut-fonctionnaires, politiciens, marchands- continuera de toute façon à s’approvisionner aux tunnels de contrebande sous la frontière égyptienne.
Primo, l’assouplissement israélien ne concernera pas les voies maritimes. Le blocus naval de Gaza restera entier. Certes, des armes entrent par les tunnels de contrebande. Mais la voie maritime est considérée encore plus dangereuse, car elle permet l’apport de missiles et équipements lourds. Et M. Netanyahou insiste : pas question de tolérer l’établissement d’un port iranien dans les eaux de Gaza, aux portes d’Israël. Ce blocus continuera toutefois à entraver la pêche des Gazaouis et à paralyser ce secteur qui était florissant dans le passé.
Secundo, les postes de passage entre Israël et Gaza se rouvriront à la plupart des 4 000 produits de consommation qui atteignaient Gaza avant 2007. Une manne, en principe, puisque seule une centaine de denrées étaient autorisées à franchir les passages depuis le blocus. Mais nombre de marchandises resteront cataloguées "soutien au combat" et donc interdites. Notamment, les matériaux de construction et les éléments pouvant aider à l’assemblage d’armes, tels ciment, fer, tuyauteries, outillages de toutes sortes. Or, la privation de ces matériaux empêche la restauration des structures civiles, qui ont souffert de la guerre d’Israël à Gaza il y a un an et demi.
Selon l’organisation israélienne des droits de l’homme, B’Tselem, 3 500 logements n’ont toujours pas été rebâtis. Et 93 % de l’eau de Gaza est polluée du fait que les réseaux de puits, égouts et purification n’ont pu être réparés. Israël autorisera toutefois l’entrée de certains de ces matériaux dans le cadre de projets d’aide spécifiques de pays étrangers ou d’organisations internationales.
Il n’est donc pas clair dans quelle mesure Israël permettra à nouveau l’entrée de matières premières, dont l’absence depuis 2007, selon B’Tselem, a contraint 95 % des ateliers et usines de Gaza à la fermeture. Ou l’entrée de produits pesticides et pièces de rechange pour irrigation, dont l’absence a paralysé l’agriculture locale.
Il n’a pas encore été spécifié non plus dans quelle mesure Israël rouvrira les portes à l’exportation de Gaza. Seules des fleurs et fraises cultivées malgré les difficultés ont été autorisées ces dernières années à atteindre les marchés européens. Les camions entiers de vêtements, meubles et autres produits fabriqués qui quittaient Gaza chaque jour pour Israël, ont disparu depuis 2007. A cause du ralentissement de tous ces secteurs de production et de commerce, Gaza enregistre aujourd’hui 40 % de chômage, et 80 % de sa population dépend de l’aide humanitaire.
Par ailleurs, Israël continuera à empêcher la circulation palestinienne entre Gaza et la Cisjordanie, et à restreindre la liberté de mouvement générale de et vers Gaza. L’Égypte a rouvert sa frontière à Rafah, mais les entrées et sorties y demeurent limitées. Gaza restera donc prise en étau, fût-ce un étau desserré.
le 17/06/2010
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