28 juin 2010

Dans la grande prison

lundi 28 juin 2010 - 06h:39

Doaa Khalifa & Nader Taman


Dans les marchés, au bord de la mer, dans les cafés où s’assoient beaucoup de jeunes Gazaouis en chômage, les gens s’interrogent quand se terminera ce blocus.

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Gaza est la plus grande prison au monde. Le blocus maintenu sous diverses formes depuis le première Intifada, est à la fois une profonde régression du Droit International, une capitulation complète des pays occidentaux et de la majeure partie des pays arabes, face aux diktats israéliens, et la plus forte expression aujourd’hui de la violence et de l’injustice qui régit les rapports entre les pays impérialistes et les pays ou minorités opprimés.

Un état de siège qui coupe environ 1,7 million de personnes du reste du monde. Des vendeurs, dont les marchandises attendent au point de passage israélien, des patients qui cherchent un permis de passage pour subir des traitements, des pêcheurs qui veulent avoir le droit d’aller plus loin pour nourrir leurs familles. Et même si la vie à Gaza continue, que les supermarchés et les magasins exposent diverses marchandises, les gens se sentent prisonniers dans leur patrie depuis 4 ans. Des années pénibles et difficiles ont mis 75 % de la population de Gaza au chômage et ont fermé les portes de 90 % de ses usines (selon les chiffres de la Chambre de commerce palestinienne), et a ajouté 36 000 familles au seuil de la pauvreté (selon l’UNRWA).

Partout dans les rues d’une belle région que la guerre a rendue triste. En posant une question à des jeunes sur leur travail, ils répondent qu’ils sont au chômage. Ibrahim, diplômé depuis sept ans, ne trouve pas de quoi subvenir à ses besoins, surtout avec l’augmentation des prix. Il a quand même essayé de chercher une opportunité de travail hors de la bande de Gaza mais en vain. « Même si mes parents sont à l’étranger, je n’ai pas eu l’autorisation d’y sortir avec le blocus », dit Ibrahim.

Un chômage qui n’est, selon Mohamad Al-Qoudwa, président de la Chambre de commerce palestinienne, qu’une des conséquences du blocus. « Le secteur de la construction, dont dépendent plus de 74 métiers à Gaza, est de plus en plus affecté du fait que 120 000 Gazaouis qui travaillaient en Israël ne sont plus autorisés à le faire », dit-il, tout en ajoutant qu’avant le blocus, Gaza recevait 4 000 genres de marchandises qui ont été réduites à 120 seulement. Beaucoup de commerçants se plaignent du fait d’avoir des milliers de tonnes de marchandises bloquées dans les points de passage israéliens, comme le cas d’Abou-Haïssam Younès, grand commerçant d’appareils électroménagers et de vêtements, et qui assure qu’il a des produits d’une valeur de 150 000 dollars qui attendent chez les Israéliens. Des marchandises qui sont parfois pourries après des années d’attente comme c’est le cas de Khaled Abou-Sahloul qui, après trois ans, a eu la permission de faire rentrer ses produits. Mais mauvaise surprise, ils étaient avariés alors qu’il payait 1 700 shekels par mois pour le stockage.

La pêche miraculeuse

Du centre-ville à la mer, le blocus a tout touché. Sur le quai principal de Gaza, beaucoup de pêcheurs restent les mains croisées devant leurs embarcations et passent le temps à réparer leurs filets de pêche. Pas de poissons dans les 4 827 m2, où leur est permis de pêcher. « Sinon, nous sommes menacés de tirs par les Israéliens ou que nos embarcations soient brûlées », explique Mahmoud Al-Assi, chef de l’Association des pêcheurs de Gaza. Une menace qui n’empêche pas Mahmoud Abou-Ghayala de courir quand même le risque. Il n’a pas d’autre issue pour nourrir sa famille. « Ce n’est pas important qu’on me tire dessus, le plus important est qu’ils ne détruisent pas mon bateau de pêche qui sert de gagne-pain à ma famille », explique-t-il.

D’autres pêcheurs essayent d’aller chercher les poissons dans les eaux égyptiennes pour s’en sortir, mais la plupart assurent qu’ils restent des jours entiers pour ne gagner finalement que très peu. « 3 800 pêcheurs, qui travaillent dans une surface limitée, ne peuvent pas bien gagner », dit Iyad, professeur au chômage et qui essaye de trouver de quoi vivre dans une mer devenue avare suite au blocus. Face aux difficiles conditions de vie des pêcheurs, l’association leur a offert durant les 4 dernières années 600 000 dollars de crédits pour acheter des outils de pêche ou essayer de maintenir la vie. En plus d’un autre projet en coopération avec le programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD). Celui-ci avait pour objectif de leur offrir 405 chances de travail. Le programme prévoit aussi d’initier 20 autres pêcheurs à la construction et à la réparation des bateaux de pêche.

Des mesures similaires sont adoptées par l’UNRWA, qui offre des aides alimentaires à 70 % des réfugiés de Gaza. « Nous avons doublé nos aides pour les Palestiniens après le blocus, surtout pour 36 000 familles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, en plus d’un autre programme pour lutter contre le chômage qui engage 8 000 personnes dans des métiers saisonniers », explique Hossam Manna, directeur du programme de secours et des services sociaux à Gaza. Des moyens d’alléger les fardeaux du blocus pour une population qui en souffre beaucoup.

Mariage ? Non ...

Pour les jeunes de Gaza en âge de mariage, cet embargo a fait obstacle à leurs projets. « Nos traditions obligent l’homme à payer tous les frais du mariage qui coûtent aujourd’hui plus de 10 000 dollars, et avec la crise des matières de construction qui coûtent très cher, il est difficile de s’en sortir, ce qui a élevé à 30 ans la moyenne d’âge pour le mariage, ce qui n’est pas habituel pour notre population », explique Mohamad Nassar. Il relève que le blocus a aussi augmenté le taux de querelles ménagères, parce que beaucoup de couples nouveaux ont dû partager des surfaces exiguës dans les maisons de la famille « ce qui cause beaucoup de problèmes et mènent dans beaucoup de cas au divorce », ajoute Nassar, en s’interrogeant sur le jour où ce blocus serait terminé.

Une interrogation et un espoir pour tous les Gazaouis qui se sentent vivre dans une grande prison. « Il n’est pas question de manger, mais d’avoir la liberté de se déplacer. De sortir hors de Gaza pour visiter nos familles dans les autres villes palestiniennes et permettre à nos patients d’avoir accès au traitement qui n’est pas accessible à Gaza », dit Gassane, enfant de 12 ans, qui se demande quand est-ce qu’il aura le droit de mener un train de vie semblable à celui des autres enfants qui vivent en paix et ont une liberté de se déplacer.

23 juin 2010 - Al Ahram Hebdo - Vous pouvez consulter cet article à :
http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahra...





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