L’aide de l’Union européenne à l’armée israélienne
lundi 21 juin 2010
David Cronin
IPS
Une façon de dire qu’il a été testé à Gaza.
Les agressions d’Israël contre la bande de Gaza fin 2008, début 2009, ont donné à son armée de l’air une occasion de tester des drones (appareils télécommandés sans pilote - ndt) à la pointe de la technologie tels que le Héron. Alors que des organisations de droits de l’homme ont calculé que le Héron et d’autres drones avaient tué au moins 87 civils pendant les trois semaines de guerre, l’Union européenne, à titre provisoire, a approuvé un déblocage de fonds disponibles au profit du fabricant du Héron, Israel Aerospace Industries (IAI).
Deux projets impliquant IAI ont récemment passé avec succès les étapes d’évaluation d’un appel à propositions dans le cadre du programme pluriannuel de l’Union européenne pour la recherche, programme auquel il a été attribué 53 milliards d’euros (65,4 milliards de dollars) pour la période 2007-2013.
Le bras exécutif de l’Union, la Commission européenne, a confirmé que IAI était bien l’un des 34 « partenaires » israéliens engagés dans les 26 projets financés par l’UE pour la technologie de l’information et actuellement en phase de préparation.
Parmi les autres sociétés israéliennes sur les rangs pour ce genre de financement, il y a Afcon, le fabricant des détecteurs de métaux pour les check-points militaires dans les Territoires palestiniens occupés, et notamment pour le passage d’Erez entre le sud d’Israël et le nord de la bande de Gaza. Afcon a également obtenu un contrat en 2008 pour la mise en place d’un système de sécurité pour un projet de transport urbain destiné à relier les colonies illégales israéliennes de Jérusalem-Est avec le centre ville (de Jérusalem-Ouest).
D’après Mark English, porte-parole de la Commission, les procédures relatives à ces projets ne sont pas encore closes. Mais le Globes, quotidien financier israélien, a indiqué le mois dernier que les sociétés israéliennes pouvaient gagner quelque 17 millions d’euros avec la dernière série de subventions de l’Union européenne au titre de la technologie de l’information. Selon le Globes, la somme d’argent européen qu’Israël tire du programme de recherche de l’UE depuis 2007 sera portée à 290 millions d’euros.
Pour tuer,et sans risque.
Israël est le principal participant étranger au programme scientifique de l’UE. Les officiels à Tel Aviv pensent que les sociétés et instituts de recherche israéliens devraient récupérer 500 millions d’euros de ce programme, d’ici qu’il soit conclu.
Chris Davies, député démocrate libéral britannique au Parlement européen, a exprimé sa colère à voir la façon dont le département Recherche de la Commission s’apprête à entériner de nouvelles subventions au profit des entreprises israéliennes. Une telle démarche, « les affaires, toujours », va en contradiction avec les assurances tacites des officiels qui traitent les relations plus courantes de l’Union avec Israël, dit-il.
Fin 2008, les 27 gouvernements de l’UE ont accepté une demande israélienne pour que l’Europe « rehausse » ses relations avec Israël de sorte que celui-ci puisse s’impliquer davantage dans un large éventail d’activités de l’Union. Mais les efforts visant à donner à cet accord un effet officiel ont été bloqués du fait de l’invasion de Gaza.
L’approbation pour un financement de l’UE en faveur d’Israel Aeorospace Industries « doit être considéré comme totalement inacceptable, incohérent et scandaleusement naïf, » indique Davis à IPS. Et il fait valoir qu’il n’y a apparemment « un manque total de communication » entre les différents groupes de représentants UE sur la façon dont Israël doit être traité. « Où est la réflexion commune ? » interroge-t-il.
Alors que la Commission européenne prétend que l’intégralité de sa coopération en recherche scientifique avec Israël concerne le civil, le gouvernement israélien s’est empressé de faire connaître les liens vraiment étroits existant entre le secteur technologique florissant du pays et son armée. Une brochure, Communications en Israël, publiée par le ministère de l’Industrie plus tôt cette année, parle de « symbiose » entre les secteurs sécurité et technologie en Israël. Plusieurs progrès technologiques - comme l’invention de dispositifs de reconnaissance vocale par ordinateur par l’armée israélienne dans les années 80 - résultent de cette « convergence », prétend la brochure.
D’autres bénéficiaires israéliens potentiels de cette nouvelle manne financière européenne ne cachent pas la façon dont ils bénéficient de cette convergence. La filiale israélienne de SAP, le concepteur de logiciels, a publié des informations expliquant comment elle avait fourni des équipements spécialisés à l’armée israélienne. Et tant Emza que LiveU, deux « start-up », sont deux exemples de ces nombreux décideurs de l’équipement de surveillance en Israël qui ont vu leur carnet de commandes se remplir depuis que le pays tente de se positionner comme le partenaire indispensable dans la « guerre contre le terrorisme » déclarée par l’ancien Président US George W. Bush.
Selon Marcel Shaton, directeur de l’ISERD (Israeli Directorate for EU Framework Programme - organisme interface pour la participation d’Israël aux Programmes-Cadres de l’Union Européenne) à Tel-Aviv, les citoyens européens ne doivent avoir aucun scrupule à financer les sociétés israéliennes d’armements. « C’est l’ensemble de la recherche qui soutient l’industrie d’armement » dit-il. « La technologie non militaire est utilisée à des fins militaires partout dans le monde ».
Mais pour Yasmin Khan, une spécialiste du commerce de l’armement, de l’organisation Lutte contre la pauvreté, l’Union européenne se fait la complice de l’occupation de la Palestine en soutenant l’industrie militaire d’Israël.
Elle fait remarquer que les drones fabriqués par IAI, et d’autres sociétés israéliennes, ont été achetés par plusieurs pays européens qui participent à la guerre américaine en Afghanistan. « L’industrie militaire est un point central de l’économie israélienne, » dit-elle. « L’équipement qu’elle produit est vendu comme "déjà testé pour la guerre" ; façon sinistre de montrer qu’il a déjà été utilisé dans les Territoires (palestiniens) occupés. »
David Cronin, né à Dublin en 1971, est le correspondant à Bruxelles de l’agence de presse Inter Press Service. Il a d’abord occupé cette fonction pour le quotidien irlandais The Sunday Tribune après avoir travaillé comme chargé de recherches et attaché de presse auprès du Parlement européen. Entre 2001 et 2006, il collabore à European Voice, hebdomadaire du groupe The Economist.
Le livre de David Cronin Europe’s Alliance with Israel : Aiding the Occupation sera publié dans le courant de l’année par Pluto Press.
Du même auteur :
L’UE stimule ses liens avec Israël et ferme les yeux sur les colonies illégales
L’alliance de l’Europe avec Israël
Comment les fabricants d’armes israéliens bénéficient des fonds européens pour la recherche
Le silence de l’Union européenne face aux actions de l’Etat d’Israël
Bruxelles, 18 juin 2010 - IPS - traduction : JPP
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