Kidnappé par les Israéliens et abandonné par la Grande-Bretagne
jeudi 17 juin 2010
Jamal Elshayyal
Tout d’abord, je dois m’excuser d’avoir mis autant de temps pour mettre à jour mon blog. Les evènements de ces derniers jours ont été choquants, pour dire le moins, et je suis encore en train d’essayer d’assimiler tout ce qui est arrivé. C’était la semaine passée que je me trouvais sur le pont du Mavi Marmara et que j’aperçevais les navires de guerre israéliens encore à distance, alors qu’ils s’approchaient de la flottille d’aide humanitaire. J’avais peu idée à ce moment-là à quel point les évènements à venir allaient être mortels et sanglants.
Ce que je vais écrire ici, ce sont des faits, pas une opinion, ni une analyse. C’est toi, lecteur, qui jugeras.
Après avoir détecté les bateaux de guerre à distance (vers environ 11 heures du soir), les organisateurs ont appelé les passagers à mettre leur gilet de sauvetage et à rester à l’intérieur du bateau tandis qu’ils évaluaient la situation. Le navire de guerre transportant des hélicoptères est resté à distance pendant plusieurs heures.
A 2 heures du matin, les organisateurs ont informé qu’ils avaient dérouté le bateau, restant aussi loin que possible d’Israël et aussi loin qu’ils le pouvaient dans les eaux internationales. Ils voulaient surtout éviter d’être confrontés à l’armée israélienne, au moins durant la nuit. Juste après 4 heures, l’armée israélienne a attaqué le bateau, dans les eaux internationales. C’était une attaque sans qu’il y ait eu la moindre provocation. Des gaz lacymogènes ont été utilisés, des grenades assoudissantes ont été lancées, et des balles d’acier enrobées de caoutchouc ont été tirées, venant de toutes les directions.
Des dizaines de bateaux rapides transportant chacun de 15 à 20 soldats israéliens cagoulés, armés jusqu’aux dents, ont entouré le Mavi Marmara qui transportait près de 600 civils désarmés. A ce moment-là deux hélicoptères survolaient le navire. Des commandos à bord de ces hélicoptères se sont mis à tirer aussi.
Deux personnes, qui ne portaient aucune arme, ont été abattues juste à quelques mètres devant moi. Des dizaines de civils désarmés ont été blessés sous mes yeux.
Un soldat israélien, armé d’un pistolet-mitrailleur et d’un revolver, a été immobilisé par plusieurs passagers. Ils le désarmèrent. Ils n’ont pas utilisé ses armes mais les ont au contraire jetées par-dessus bord dans la mer.
Après un temps qui a duré une trentaine de minutes, les passagers à bord du bateau ont brandi un drapeau blanc. L’armée israélienne a continué à tirer à balles réelles. Les organisateurs ont fait une annonce par haut-parleur disant que le bateau se rendait. Mais l’armée israélienne a continué à tirer.
J’ai été la dernière personne à quitter le pont. Tous les passagers s’étaient réfugiés en dessous, dans les dortoirs. Il y avait un état de choc, de la colère, de la peur, le désordre.
Les médecins couraient dans toutes les directions, essayant de soigner les blessés ; il y avait du sang sur le sol, les larmes couraient sur le visage des gens ; des cris de douleur et d’angoisse étaient poussés de partout. La mort était présente.
Trois passagers gravement blessés étaient soignés à même le sol, dans la zone de réception du bateau. Leurs vêtements étaient imprégnés de sang. Des passagers regardaient, choqués, d’autres lisaient des versets du Coran pour tenter d’apaiser les blessés tandis que les médecins s’activaient désespérément pour les sauver.
Plusieurs annonces ont été faites par haut-parleur, en hébreu, en arabe et en anglais : « Ceci est un message pour l’armée israélienne, nous nous sommes rendus. Nous n’avons pas d’armes. Nous avons des personnes gravement blessées. S’il vous plait, venez les chercher. Nous ne ferons aucune violence. »
Il n’y avait pas de réponse.
Une des passagères, députée au parlement israélien, a écrit une pancarte en hébreu, disant excatement la même chose ; elle la brandissait en même temps qu’un drapeau blanc et s’est approchée des fenêtres derrière lesquelles se tenaient les soldats israéliens. Ils ont alors pointé leur viseurs à laser sur sa tête, lui ordonnant de s’en aller.
Un citoyen britannique essaya la même chose - portant cette fois un drapeau britannique et montrant la pancarte aux soldats derrière d’autres fenêtres. Ils répondirent de la même manière.
Trois heures plus tard, les trois blessés étaient morts. Les soldats israéliens qui avaient refusé que les blessés soient soignés ont réussi là où leurs collègues avaient précédemment échoué en leur tirant dessus.
Vers 8 heures du matin, les soldats israéliens ont envahi les dortoirs. Ils ont encagoulé les passagers. J’ai été jeté sur le sol, les mains liées derrière le dos. Je ne pouvais bouger d’un pouce.
Puis j’ai été emmené sur le pont où étaient les autres passagers, forcé de me mettre à genoux sous le soleil brûlant.
Un des passagers avait les mains attachées tellement serrées que ses doigts avaient toutes les couleurs. Lorsqu’il a demandé que ses liens soient relâchés, un soldat israélien les a au contraire serrés encore plus fort. Il a laissé alors échapper un cri qui m’a donné la chair de poule sur tout le corps.
J’ai demandé à aller aux toilettes. On m’en a empêché. Et le soldat israélien m’a dit que je n’avais qu’à uriner là où j’étais, sur mes vêtements. Trois ou quatre heures après, j’ai enfin pu y aller.
J’ai été alors renvoyé, avec tous les autres passagers, dans les dortoirs. La place avait été mise à sac, elle semblait comme après un tremblement de terre.
Je suis resté sur le bateau, assis, sans aucune nourriture ou boisson, sauf trois petites gorgées d’eau, pendant plus de 24 heures. Pendant ce temps les soldats israéliens avaient leurs armes pointées sur nous, le doigt sur la détente. Pendant plus de 24 heures...
J’ai ensuite été emmené hors du bateau à Ashdod où l’on m’a demandé de signer un ordre de déportation. D’après ce papier, j’étais entré illégalement en Israël et j’acceptais d’être déporté. J’ai dit à l’officier qu’en fait, je n’étais pas entré en Israël mais que l’armée israélienne m’avait kidnappé dans les eaux internationales et emmené en Israël contre ma volonté. Je ne pouvais donc pas signer ce document.
Mon passeport m’a alors été pris. Et on m’a dit que j’allais en prison.
Seulement à ce moment-là, mes mains ont été détachées ; j’avais passé plus de 24 heures avec les mains attachées dans le dos, sans rien à manger et quasiment rien à boire.
Une fois arrivé à la prison, j’ai été mis dans une cellule avec trois autres passagers. La cellule devait faire 2 mètres sur 3.
J’ai passé plus de 24 heures en prison. On ne m’a pas autorisé à passer même un seul coup de téléphone. Le consul britannique n’est pas venu me voir. Je n’ai vu aucun avocat.
Il n’y avait ni eau chaude ni douche.
Le seul repas était fait de pain congelé et de quelques pommes de terre.
La seule raison pour laquelle j’ai été relâché, c’était ue les prisonniers de nationalité turque refusèrent de partir tant que les prisonniers d’autres nationalités (ceux que leurs consuls n’ont pas visités et fait libérer) ne seraient pas également relâchés.
J’ai été emmené à l’aéroport Ben Gourion. Lorsque j’ai réclamé mon passeport, l’officier israélien m’a présenté un morceau de papier et m’a dit : « Félicitations, ceci est votre nouveau passeport. » J’ai répondu : « Vous devez plaisanter, vous avez mon passerport. » Ce à quoi il a répondu : « Tu me fais suer. »
Puis on m’a encore demandé de signer un ordre de déportation. A nouveau j’ai refusé.
J’ai été placé dans un avion à destination d’Istanbul.
Des soldats israéliens masqués et des commandos m’ont kidnappé dans les eaux internationales.
Des officiers israéliens en uniforme m’ont mis derrière les barreaux.
Le gouvernement britannique n’a pas levé un seul doigt pour m’aider, et depuis ces jours-là, je ni vu ni entendu un seul officiel britannique.
Le gouvernement israélien m’a volé mon passeport.
Le gouvernement israélien m’a volé mon ordinateur portable, deux caméras, 3 téléphones, 1 500 livres sterling et tout ce que j’avais.
Mon gouvernement, le gouvernement britannique, n’a même pas reconnu mon existence.
J’ai été kidnappé par Israël. J’ai été abandonné [forsaken] par mon pays.
Du même auteur :
Jamal Elshayyal
La piraterie reste de la piraterie, surtout quand elle est pratiquée par un Etat-voyou
6 juin 2009 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://blogs.aljazeera.net/middle-e...
Traduction : Nazem
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