21 juin 2010

ITUC- CSI- IGB 2010
Rapport annuel des violations des droits syndicaux

Tunisie

Les militants du syndicat des journalistes ont été harcelés à d’innombrables reprises. Les peines très lourdes infligées aux syndicalistes et aux ouvriers de Gafsa ont été globalement confirmées en février, les 38 personnes emprisonnées ont été remises en liberté conditionnelle en novembre.

Droits syndicaux dans la législation

Bien que les droits syndicaux soient garantis, une série de restrictions sont d’application. Le droit de se syndiquer et de former des syndicats est inscrit dans le Code du travail et, contrairement à ce qui se passe pour les associations, aucune autorisation préalable n’est requise pour créer un syndicat. Toutefois, les ressortissants étrangers doivent recevoir préalablement l’aval des autorités pour exercer des fonctions syndicales. Les salaires et les conditions de travail sont fixés lors de négociations qui ont lieu tous les trois ans entre les syndicats et les employeurs après que des orientations générales aient été arrêtées dans des consultations tripartites nationales.
Bien que le droit de grève soit garanti, toutes les grèves doivent être approuvées par la centrale syndicale nationale, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui restreint indûment les activités des syndicats de premier échelon. Les syndicats doivent aussi annoncer préalablement la durée de la grève. En outre, les travailleurs qui participent à une grève illégale s’exposent à de longues peines d’emprisonnement pouvant aller de trois à huit mois.

Informations complémentaires concernant la législation
Droits syndicaux dans la pratique et violations en 2009

Contexte : La répression de toutes formes de contestation s’est encore accentuée depuis les élections d’octobre remportées avec près de 90% des suffrages exprimés par Zine El Abidine Ben Ali dont c’est le cinquième mandat présidentiel. Le développement économique du pays est mis à mal par la crise mondiale et la hausse du chômage.
Lourdes peines confirmées contre les "meneurs" de Gafsa : Le 4 février, une cour d’appel a confirmé les condamnations prononcées contre des ouvriers et des syndicalistes en décembre 2008 dans le dossier Gafsa. Trente-huit personnes accusées d’avoir mené les manifestations dans le bassin minier de Gafsa de janvier à juin 2008 qui avaient été réprimées dans le sang par les forces de sécurité (voir édition 2009 du Rapport) étaient jugées en appel. La plupart des peines ont été réduites, notamment celles infligées à Adnan Hajji et à Bechir Laabidi, deux dirigeants syndicaux de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) qui sont passées de dix à huit ans de prison. Mais cinq des personnes qui avaient été remises en liberté à l’issue du procès en première instance ont été condamnées à la suite d’un recours de l’accusation. Selon Amnesty international et plusieurs observateurs crédibles qui y ont assisté, le procès en appel n’a pas été équitable. Parmi les 38 personnes jugées, plusieurs ont subi des tortures et d’autres traitements inhumains. Début novembre, ils ont tous été remis en liberté conditionnelle dans le cadre d’une grâce présidentielle à l’occasion du 22e anniversaire de l’accession au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali.
Nombreuses tentatives du pouvoir de museler le syndicat des journalistes : Le 4 mai, la publication d’un rapport sur la liberté de la presse en Tunisie par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), créé en 2008, a déclenché des attaques généralisées contre ce nouveau syndicat par les partisans du gouvernement. Le document dénonçait notamment l’injustice dont étaient victimes des centaines de journalistes de la radio et de la télévision nationales en grève en janvier après le refus du gouvernement d’accéder à leurs revendications. Quelques jours après la sortie du rapport, des membres de médias pro-gouvernementaux ont orchestré une campagne contre le SNJT. La démission de plusieurs membres du bureau exécutif favorables au pouvoir a entraîné sa dissolution et la nomination "officielle" mais entachée d’irrégularités d’un nouveau bureau ouvertement favorable au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du président Ben Ali. Le 8 septembre, la police a expulsé des membres du SNJT qui se trouvaient dans le local du syndicat et a empêché d’autres journalistes d’y accéder, notamment Neji Bghouri, le président légitime du SNJT. Plusieurs autres militants du syndicat ont, ensuite, fait l’objet de menaces et de brimades diverses par leurs employeurs, par les autorités ou par des inconnus. Le 8 octobre, à l’aéroport, de retour de Jordanie où s’était tenue une conférence de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Neji Bghbouri, Néjiba Hamrouni et Zied El Heni ont dû subir un contrôle très long et la confiscation de documents. Le 15 octobre, Hanène Belaïfa, journaliste pigiste à Radio Jeunes militante de la SNJT se battant notamment pour la défense des agents temporaires de l’audiovisuel, s’est vue interdire l’accès de la chaîne. Le 16, Zied El Heni a été tabassé par des inconnus sur une place publique à Carthage et son blog piraté. Le 3 novembre, Sihem Bensedrine, journaliste et militante des droits de l’homme, a été frappée par des policiers qui l’empêchaient d’assister au procès d’un confrère. Le 30 décembre, des policiers en civil ont tenté d’empêcher Neji Bghbouri d’entrer dans son bureau au quotidien Assahafa, sous prétexte qu’ils avaient reçu des ordres du ministère de l’Intérieur. L’intervention de plusieurs collègues et de passants a fait échouer ce dernier acte de harcèlement de l’année sur un syndicaliste de la presse (voir aussi édition 2009 du Rapport pour des informations sur la naissance du SNJT).
Antisyndicalisme dans une filiale de Nestlé : Après l’élection, en juin, de Habib Ben Aifa comme secrétaire général du Syndicat de Nestlé Tunisie (affilié à la Fédération générale de l’alimentation et du tourisme (FGAT)), la direction de cette société a cherché à nuire à son employé, délégué commercial depuis 20 ans, promu chef des ventes de Nestlé Nutrition par la suite. Un "vérificateur" a été envoyé chez les clients visités par Habib Ben Aifa en sollicitant des plaintes, ce qui n’a donné aucun résultat. En septembre, le syndicaliste a été démis de son poste pour chute des ventes et il a été assigné à une fonction requérant "une présence assidue au bureau". Pour le syndicat, il s’agit de représailles liées au militantisme de Habib Ben Aifa dans le cadre de la vente négociée dans le secret d’une usine de crème glacée appartenant au groupe Nestlé. En décembre, le personnel de l’usine a mené deux grèves après avoir été informé que leur usine avait été vendue. Cependant, aucune négociation n’a eu lieu entre le syndicat et la direction sur l’avenir des 105 travailleurs/euses, et le dirigeant syndical n’a pas pu réintégrer son ancien poste.
Syndicalistes harcelés chez Leoni : Lors d’une réunion de coordination, organisé par la Fédération syndicale internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM), les 18 et 19 novembre à Tunis entre syndicalistes des unités de production du groupe Leoni au Maroc et en Tunisie, ceux-ci ont dénoncé les violations des droits fondamentaux du travail, et le taux extrêmement élevé d’emplois précaires (70% de la main-d’œuvre). Selon les participants, bien qu’un accord-cadre international (connu sous le nom de Déclaration des droits syndicaux) ait été signé par Leoni en 2003, les employeurs ne montraient aucun signe de respect pour les activités syndicales et que les délégués du personnel faisaient l’objet de toutes sortes d’actes d’intimidation. Ainsi, une procédure judiciaire arbitraire a été lancée chez Leoni Mateur Sud, une unité tunisienne du groupe, à l’encontre du secrétaire général du syndicat affilié à la Fédération générale de la métallurgie et de l’électronique (FGME-UGTT).
Discrimination dans l’enseignement supérieur : La reconnaissance officielle de la Fédération générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGESRS) comme organisation légitime de ce secteur n’a toujours pas été accordée par les autorités. Selon le FGESRS, la lenteur de la justice à se prononcer répond à une stratégie des autorités destinée à faire croire à l’existence d’une crise de la représentation syndicale au sein du secteur. En pratique toutefois, la FGESRS a été souvent consultée et associée dans le dialogue social, notamment dans la conclusion en 2009 de trois conventions collectives. La FGESRS est affiliée à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).

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