11 mars 2012

Guerre contre l’Iran : capituler devant le lobby ?

dimanche 11 mars 2012 - 08h:23
Ludwig Watzal - The Palestine Chronicle




Obama s’est littéralement transformé en paillasson lors la dernière conférence de l’AIPAC, explique Ludwig Watzal. 
 
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L’AIPAC fait littéralement la politique américaine au Proche-Orient. Véritable fauteur de guerre, l’AIPAC presse et manipule l’ensemble de l’oligarchie américaine, dont Obama qui n’a qu’un seul objectif en vue : assurer sa réélection même au prix d’une multiplication des bains de sang.
Après avoir subi le battage médiatique autour de la réunion annuelle du lobby pro-israélien organisée par « The American Israel Public Affairs Committee » (AIPAC) à Washington, DC, et après avoir écouté le discours du président Obama devant l’auditoire, j’ai été sidéré par les tours et détours pris par le chef de la seule « hyper-puissance » dans le but de plaire au peloton bien organisé des lobbyistes qui défendent une guerre d’agression contre l’Iran.
Tout en sachant ce qu’il en est, Obama se prosterna devant cet événement de pure propagande. Au lieu d’affronter de face Netanyahu et les lobbyistes d’Israël sur les conséquences politiques d’une attaque unilatérale israélienne contre l’Iran, il a donné une leçon d’opportunisme politique et a voulu faire la preuve de son zèle. « Au cours des trois dernières années, en tant que président des États-Unis, j’ai maintenu mes engagements vis-à-vis de l’État d’Israël. A chaque moment crucial, à chaque croisement, nous avons été présents pour Israël. À chaque fois ».
Commençant comme un lion rugissant contre les colonies israéliennes illégales, le président Obama a fini par comme un tapis de chevet sioniste. Obama semble manipulé par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a également participé à ce forum et a fait la visite obligatoire à la Maison Blanche. Pour le Président des États-Unis, la visite de Netanyahu a été une autre épreuve parce que les deux ne s’aiment pas. Le mieux que Netanyahu a pu tirer de Barack Obama était la banalité selon quoi tout pays a le droit de se défendre. D’une façon générale, Netanyahu n’est pas seulement considéré par Sarkozy, mais aussi par Obama comme une épine dans le cou. Mais politesse oblige...
De l’extérieur, la politique étrangère américaine envers le Moyen-Orient semble vraiment définie à l’avance par ce qu’on appelle le lobby américain en Israël ou par Israël même. Mais si cela était exact, Obama ne serait rien d’autre qu’une marionnette de Netanyahu ou du lobby. Mais une telle impression est erronée et nous pousse à mal estimer les véritables motivations géopolitiques de l’Empire américain. Les objectifs hégémoniques d’Israël au Moyen-Orient ne seraient rien sans le consentement des États-Unis. Du point de vue de la puissance réelle, il semble impossible qu’un petit pays comme Israël, fortement tributaire des largesses de son maître et de son soutien politique, puisse déterminer la politique de Washington au Moyen-Orient, sans parler de la politique mondiale en général.
Il existe de nombreux exemples montrant que ce sont les États-Unis qui commandent en Israël. Lorsque Israël a attaqué l’Égypte en 1956, en collusion avec les puissances coloniales européennes, la France et la Grande-Bretagne, le président Eisenhower est intervenu. Israël a dû faire marche arrière et quitter le Sinaï égyptien occupé. En 1981, les États-Unis ont condamné le bombardement par Israël du réacteur nucléaire irakien et a voté contre le pays au sein du Conseil sécurité des Nations Unies. D’un autre côté, il y a beaucoup de preuves de comportements ambivalents de la part des États-Unis reflétant un asservissement de l’Amérique aux caprices israéliens et un soutien des États-Unis aux mesures illégales prises par Israël, qui violent les normes du droit international. Jusqu’à ce jour, personne ne peut expliquer pourquoi les États-Unis ont jeté un voile sur l’attaque israélienne de l’USS Liberty dans les eaux internationales le 8 Juin 1967, où 34 marines américains ont été tués et au moins 174 blessés. Pourquoi le Congrès américain ne parvient-il pas à enquêter sur cet assassinat de soldats américains jusqu’à aujourd’hui ?
La colonisation des territoires palestiniens occupés est une autre cas révélateur. Sans le soutien politique et financier des États-Unis, le projet de colonisation israélienne ne pourrait pas connu un tel succès. Lorsque vice-président américain, Joe Biden, est arrivé en Israël en 2010, il a déclaré : « C’est bon d’être à la maison ». Apparemment, il a estimé qu’Israël faisait partie des États-Unis. Pourtant, les politiciens israéliens ne se sont pas gênés pour l’humilier publiquement.
À côté de la désinformation ordinaire et de la rhétorique politique, il n’y a pas de « menace existentielle » pour Israël ou pour les États-Unis, et encore moins pour la paix internationale, qui émanerait de l’Iran. Tous les discours sur une menace nucléaire iranienne sont des mensonges. Les agences de renseignement des Etats-Unis ont estimé clairement en 2007 et en 2010 que l’Iran a cessé son programme d’armes nucléaires en 2003. Et la classe politique américaine ne voit pas de nécessité imminente d’attaquer l’Iran et son programme nucléaire civil, auquel ce pays a droit pour pouvoir se développer comme toute autre nation. Même l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’est pas revenue avec des faits fiables qui prouveraient le contraire, alors que leurs contrôleurs sur place sont dans et hors des installations nucléaires iraniennes.
D’autre part, Israël dispose d’un énorme arsenal nucléaire (de 200 à 300 ogives nucléaires), en plus d’armes biologiques et chimiques, et il refuse de signer le « Traité de non-prolifération des armes nucléaires » (TNP), sans parler du protocole additionnel au TNP qui permet des inspections de l’AIEA. En décembre 2003, l’Iran a signé ce protocole. Mais Israël non seulement refuse des inspections de l’AIEA, mais ne reconnaît pas l’existence de ses armes nucléaires même si c’est un secret de polichinelle. L’Iran a demandé à plusieurs reprises que le Moyen-Orient soit exempt d’armes nucléaires, mais la classe politique israélienne ne veut pas en entendre parler. Tant que les puissances occidentales n’exigeront pas d’Israël qu’il ouvre ses installations nucléaires aux inspections internationales, leurs rodomontades et leur diabolisation de l’Iran resterons pure hypocrisie.
L’Assemblée générale des Nations Unies a demandé à plusieurs reprises que le Moyen-Orient soit instauré comme une zone sans armes nucléaires. Il incombe donc aux pays occidentaux de faire respecter cette résolution.
L’actuel Premier ministre israélien Netanyahu utilise chaque occasion pour faire du leadership iranien un bouc émissaire et met en garde contre « un nouvel Holocauste ». Il compare l’Iran à l’Allemagne dans les années 1930 et décrit Ahmadinejad comme un revenant d’Hitler qui nie non seulement le massacre par les Nazis des juifs européens, mais veut aussi « rayer Israël de la surface de la Terre », comme Netanyahu l’a prétendu à la Knesset israélienne le jour international de commémoration du génocide des communautés juives d’Europe. Bien qu’Ahmadinejad puisse avoir des vues erronées sur la question, il n’a pas dit qu’Israël devrait être rayé de la surface de la Terre ou rayé de la carte, et encore moins que son peuple doit disparaître. Selon une traduction officielle, il a fait référence à l’Imam Khomeini en disant que « ce régime occupant Jérusalem doit disparaître de la page du temps ». Deux ans plus tard, Ahmadinejad a précisé ses vues sur le conflit israélo-palestinien en disant que toute décision prise par le peuple palestinien sur son avenir dans le cadre d’élections libres, conviendra à l’Iran.
Peut-être que cette avis scientifique pourra convaincre les politiciens occidentaux, bien que j’en doute fortement. Martin van Creveld, un professeur bien connu de l’histoire militaire israélienne, a déclaré au sujet de la prétendue « menace existentielle » pour son pays en 2002 : « Nous avons la capacité de faire tomber le monde entier avec nous et je peux vous assurer que c’est ce qui arriverait avant qu’Israël ne disparaisse ». Il a fait remarquer en 2004 au sujet des menaces de l’Empire américain à l’égard de l’Iran, que les Iraniens « seraient fous de ne pas construire des armes nucléaires compte tenu des menaces à leur sécurité auxquelles ils sont confrontés ». Et trois ans plus tard, il a ajouté que « le monde doit maintenant apprendre à vivre avec un Iran nucléaire comme nous avions appris à vivre avec une Union soviétique nucléaire et une centrale nucléaire en Chine. (...) Nous, les Israéliens, avons ce qu’il faut pour dissuader une attaque iranienne. Nous ne sommes pas en danger du tout de voir une arme nucléaire iranienne nous tomber dessus (...) Et grâce à la menace iranienne, nous recevons des armes des États-Unis et de l’Allemagne ».
Après la visite de Netanyahu, Obama a ordonné au secrétaire à la Défense, Leon Panetta, d’approuver la fourniture à Israël d’avions ravitaillement et de bombes GBU-28 anti-bunker. Les deux sont essentiels pour effectuer une attaque qui aboutisse contre les installations nucléaires iraniennes. Tous les signes politiques indiquent une guerre d’agression par Israël, bien que l’ensemble des services de renseignement des États-Unis aient déclaré lors d’une audience devant le Senate Armed Services Committee le 16 février, qu’une menace iranienne n’existait pas.
L’Autorité religieuse suprême de l’Iran, l’autorité religieuse, l’Ayatollah Ali Khamenei, a déclaré à plusieurs reprises que pour des motifs religieux, l’Iran ne fabriquera pas d’armes nucléaires. Il a déclaré que de telles armes sont contraires à toute éthique. Les experts occidentaux s’appuient sur leur racisme et leur néo-orientalisme pour dire qu’il ment. Apparemment, on ne pourrait faire confiance à des musulmans et ils agiraient en outre de manière « irrationnelle ». Ce genre de stéréotype imprègne l’ensemble du débat sur l’Iran. Les dernières élections iraniennes ont entraîné une défaite importante pour les partisans d’Ahmadinejad. Dans un an, son second mandat est terminé. Dans la hiérarchie du pouvoir iranien, le président occupe le troisième rang derrière l’Ayatollah Ali Khamenei et le président du parlement, Ali Laridschani. Le commandant en chef de l’armée est l’ayatollah Khamenei.
La vérité sur ce virtuel programme nucléaire iranien s’impose encore pour l’instant face aux accusations irrationnelles et infondées portées contre l’Iran, mais le temps de la vérité nous est compté. Obama va-t-il gagner un peu de temps en convainquant Netanyahu que Bachar al-Assad doit passer en premier avant que l’Iran soit attaqué ? Des sénateurs américains, comme John McCain, appellent à la guerre contre la Syrie. La guerre contre l’Iran peut être évité si la Russie et la Chine rendent clair comme le cristal pour les agresseurs, que toute attaque contre l’Iran reviendrait à une attaque contre eux-mêmes. La seule façon d’arrêter la quête de l’Amérique vers l’hégémonie totale sur le Moyen-Orient est d’user d’une dissuasion qui soit crédible. Si elle échoue, la Chine sera le prochain sur la liste. Les Etats-Unis ont déjà commencé à encercler la Chine par la construction de bases militaires en Asie centrale et en Australie.
La soif de domination du monde et d’hégémonie fait partie du destin fatidique de l’Amérique, comme les guerres éternelles font partie intrinsèque du complexe militaro-industriel. Les deux sont l’une et l’autre face de la même pièce de monnaie.

* Le Dr. Ludwig Watzal vit à Bonn en Allemagne. Il est journaliste et éditeur.

8 mars 2012 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Al-Mukhtar

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