19 avril 2012

Le cri de détresse de Djamila Bouhired

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le 19.04.12 |

Elle devait prendre l’avion aujourd’hui pour se rendre à Paris, où elle allait subir des examens médicaux et une intervention chirurgicale.

Mais elle ne le fera pas… faute d’argent. Une nouvelle fois, la grande moudjahida Djamila Bouhired ne pourra pas se soigner. Celle qui s’est sacrifiée pour que l’Algérie arrache son indépendance se retrouve dans la précarité la plus totale, cinquante ans après. «J’ai essayé de préparer ce voyage en achetant des devises sur le marché parallèle. Mais à la dernière minute, je me suis rendu compte que je n’ai en ma possession que 100 euros. J’ai un rendez-vous pour samedi prochain et je devais partir demain (aujourd’hui, ndlr). Mais je ne pars pas avec 100 euros. C’est une honte !», nous a-t-elle déclaré. Rencontrée hier à son domicile à Alger, Djamila Bouhired attire l’attention sur un problème que rencontrent les Algériens «n’ayant pas une proximité avec les cercles de décision» : la prise en charge post-hospitalisation.
«La CNAS a toujours pris en charge les frais de mon hospitalisation. Et c’est mon droit, parce que j’ai cotisé à la sécurité sociale. J’allais dans un hôtel moyen, mais il n’y a pas de restauration. Et comme j’ai besoin d’un accompagnateur pour me prendre en charge après l’intervention, il me faut une somme  pour régler les frais de nourriture. Le règlement de la CNAS, selon ce qu’on m’a expliqué, ne permet pas de donner aux patients de l’argent  liquide. En entendant cette réponse, j’ai voulu marcher toute seule à Alger. J’ai préparé des pancartes, mais des amis m’en ont dissuadée», explique-t-elle. «Quand il s’agit d’eux et de leurs enfants, les dépenses se font sans compter. Des femmes sont envoyées pour faire de la chirurgie esthétique avec une prise en charge totale», déplore-t-elle. La moudjahida rappelle, dans ce sens, la mésaventure qu’elle a vécue, il y a deux ans, quand elle a  été envoyée pour la première fois à Paris pour des soins.
«J’ai été mise dans un hôtel infect et qui ne dispose même pas de chauffage. Et ce bien que l’ambassade d’Algérie en France et son premier responsable, Missoum Sbih, eurent reçu des instructions pour ma prise en charge », dénonce-t-elle. Djamila Bouhired précise encore  qu’elle ne veut pas «seulement parler de son cas». «Je veux que les moudjahidine et leurs enfants et ceux des chouhada, ainsi que tous les Algériens qui vivent avec des maladies qui nécessitent des interventions lourdes et coûteuses soient pris en charge par l’Etat algérien», insiste-t-elle, en versant d’abondantes larmes. Elle se lamente sur la situation du pays libéré du joug du colonialisme grâce aux sacrifices des chouhada et des moudjahidine. «Quand je pense aux martyrs, je me demande s’ils nous en veulent pas de ne rien faire pour ce pays 50 ans après l’indépendance», lance-t-elle.             

Madjid Makedhi
El Watan 

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