02 juin 2010

L’Empire et la guerre

Fidel CASTRO

J’ai brièvement signalé, voilà deux jours, que l’impérialisme ne pouvait pas solutionner le gravissime problème de la consommation des stupéfiants qui ravage la population du monde. Je tiens à aborder aujourd’hui un autre point que je juge capital.

On peut parer au danger d’une attaque de la Corée du Nord par les États-Unis, à la suite de l’incident qui a récemment éclaté dans les eaux de ce pays, si le président de la République populaire de Chine décide d’utiliser son droit de veto, même si ce pays n’aime absolument pas exercer cette prérogative dans les accords discutés au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il existe un second problème, encore plus grave, face auquel les États-Unis n’ont pas de réponse : le conflit créé autour de l’Iran. Quelque chose que l’on voyait venir clairement à partir du discours prononcé par le président Barack Obama, le 4 juin 2009, à l’Université islamique d’Al-Azhar, au Caire.

Dans des Réflexions que j’avais écrites quatre jours plus tard, une fois en possession de la version officielle de son discours, j’en avais cité de nombreux passages pour en signaler l’importance. J’en reprends ici quelques-uns :

« Nous nous rencontrons en une période de tension entre les États-Unis et les musulmans partout dans le monde…

« …le colonialisme … a privé de nombreux musulmans de leurs droits et de leurs chances… une guerre froide où des pays à majorité musulmane ont été trop souvent considérés comme des sous-traitants, sans égard pour leurs propres aspirations. »

Un raisonnement et d’autres vraiment impressionnants dans la bouche d’un président afro-étasunien, des vérités aussi évidentes que celles que contenait la Déclaration de Philadelphie du 4 juillet 1776.

« Je suis venu chercher un nouveau commencement entre les États-Unis et les musulmans du monde entier, qui se fonde sur un intérêt et un respect mutuels…

« Comme le dit le saint Coran : "Sois conscient de Dieu et dis toujours la vérité." »

« En tant que président des États-Unis, je considère qu’il est de ma responsabilité de lutter contre les stéréotypes sur l’Islam, où qu’ils apparaissent.

Il a continué à égrener des thèmes scabreux, compte tenu de l’univers de contradictions insolubles où se débat la politique des USA.

« Au milieu de la Guerre Froide, les États-Unis ont joué un rôle dans le renversement d’un gouvernement iranien démocratiquement élu. Depuis la révolution islamique, l’Iran a joué un rôle dans des actes de prises d’otages et de violences contre des Américains, militaires et civils.

« Les liens solides entre l’Amérique et Israël sont bien connus. Cette relation est indestructible.

« Beaucoup attendent, dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza et aux alentours, une vie de paix et de sécurité qu’ils n’ont jamais pu mener.

Nous savons aujourd’hui qu’une pluie de phosphore blanc et d’autres engins inhumains et cruels lancés avec une furie vraiment nazi-fasciste tombe fréquemment sur la population de Gaza. Il n’empêche : les affirmations d’Obama semblaient vibrantes et parfois sincères, tandis qu’il ne cessait de les répéter au milieu de l’agitation fébrile qu’engendre toute arrivée à heure fixe de l’avion Number One des forces de l’air étasuniennes.

Hier, 31 mai, la communauté internationale a été bouleversée par l’assaut, en eaux internationales, à des dizaines de milles de la côte de Gaza, de presque une centaine de soldats des forces spéciales d’Israël, débarqués d’hélicoptères en pleine nuit, tirant sans sommation sur des centaines de personnes pacifiques de différentes nationalités, causant – selon la presse – non moins de vingt morts et des dizaines de blessés. Parmi les personnes attaquées, qui apportaient des marchandises aux Palestiniens assiégés dans leur propre patrie, il y avait des Étasuniens.

Quand Obama a parlé à l’Université islamique d’Al-Azhar du « renversement d’un gouvernement iranien démocratiquement élu », il a aussi ajouté : « Depuis la révolution islamique, l’Iran a joué un rôle dans des actes de prises d’otages et de violences contre des Américains, militaires et civils », il se référait au mouvement révolutionnaire déclenché par l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, qui, de Paris, sans une seule arme, avait liquidé les forces armées du plus puissant gendarme sur lequel les USA pouvait compter dans le sud de l’Asie. Il était difficile que la plus puissante nation du monde résiste à la tentation d’y installer un des ses bases militaires, au sud de l’URSS.

Voilà plus de cinquante ans, les États-Unis y avaient écrasé une autre révolution absolument démocratique, en renversant le Premier ministre Mohammad Mossadegh, qui avait été élu le 24 avril 1951 et dont le Sénat avait voté, le 1er mai, le projet de nationalisation du pétrole qui avait été son drapeau de lutte.

Il avait déclaré : « Nos longues années de négociations avec des pays étrangers n’ont pas donné de fruits à ce jour. » Il voulait parler, bien entendu, des grandes puissances capitalistes qui contrôlent l’économie mondiale.

L’Iran, devant l’intransigeance de la British Petroleum, qui s’appelait alors l’Anglo-Iranien Oil Company, prit possession de ses installations.

Le pays n’était pas en mesure de former des techniciens. La Grande-Bretagne avait retiré son personnel qualifié et avait répondu en bloquant l’envoi de pièces et les marchés. Elle dépêcha sa flotte de guerre en formation de combat. La production pétrolière de l’Iran diminua de ce fait de 214 400 000 barils en 1952 à 10 600 000 en 1953. Profitant de circonstances si favorables, la CIA organisa le coup d’État qui renversa Mossadegh, lequel mourut trois ans plus tard. La monarchie fut restaurée et un puissant allié des USA s’installa au pouvoir en Iran.

Les États-Unis n’ont jamais rien fait d’autre avec les autres pays. Dès sa formation sur les sols les plus riches de la planète, cette nation n’a jamais respecté les droits des populations indigènes qui y avaient vécu durant des millénaires ni de populations africaines qui furent importées comme esclaves par les colonisateurs anglais.

Je suis sûr, toutefois, que des millions d’Étasuniens intelligents et honnêtes comprennent ces vérités.

Le président Obama aura beau prononcer des centaines d’allocutions pour tenter, en forçant la vérité, de concilier des contradictions qui sont inconciliables, songer à la magie de phrases bien articulées tout en faisant des concessions à des personnalités et à des groupes absolument immoraux, concevoir pour lui-même des mondes fantastiques que des conseillers sans scrupules, connaissant ses tendances, sèment dans son cerveau, rien n’y fera...

Deux questions incontournables : Obama pourra-t-il jouir des émotions d’une seconde élection présidentielle sans que le Pentagone ou l’État d’Israël, qui se moque dans son comportement des décisions des États-Unis, utilise ses armes nucléaires en Iran ? Comment sera la vie sur notre planète après ça ?

Fidel Castro Ruz
Le 1er juin 2010

URL de cet article
http://www.legrandsoir.info/L-Empire-et-la-guerre.html


The Empire and the War


By Fidel Castro

June 02, 2010
"Escambray" -- Two days ago, I said in a few words that imperialism was unable to solve the extremely serious problem of drug abuse, which has become a scourge for the people all over the world. Today, I wish to deal with another issue that I consider of major significance.

The current danger that the United States attacks North Korea, following the recent incident in the territorial waters of the latter, could perhaps be thwarted if the President of the People’s Republic of China decides to exercise the right to veto --a prerogative that country totally dislikes-- with respect to the agreements currently under discussion at the UN Security Council.

But, there is a second and more serious problem for which the United States has no possible answer; this is the conflict created involving Iran. This could be clearly seen coming since President Barack Obama made his speech at the Islamic University of Al-Azhar, in Cairo, on June 4, 2010.

In a Reflection I wrote only four days after that, --when I had access to an official copy of his remarks-- I used many parts of it to analyze its significance. I shall now mention some of them.

“We meet at a time of great tension between the United States and Muslims around the World...”

“Colonialism that denied rights and opportunities to many Muslims, and a Cold War in which Muslim-majority countries were too often treated as proxies without regard to their own aspirations”.

This and other arguments sounded particularly impressive as they were voiced by an African-American US President; they resonated like the self-evident truths contained in the Declaration of Philadelphia of July 4, 1776.

“I've come here to Cairo to seek a new beginning between the United States and Muslims around the world, one based on mutual interest and mutual respect”

“As the Holy Quran tells us, "Be conscious of God and speak always the truth”.

“And I consider it part of my responsibility as President of the United States to fight against negative stereotypes of Islam wherever they appear”.

Thus, he continued dealing with thorny issues from the universe of insoluble contradictions involving US policies.

“In the middle of the Cold War, the United States played a role in the overthrow of a democratically elected Iranian government”

“Since the Islamic Revolution, Iran has played a role in acts of hostage-taking and violence against U.S. troops and civilians.”

“America's strong bonds with Israel are well known. This bond is unbreakable”.

“Many wait in refugee camps in the West Bank, Gaza and neighboring lands for a life of peace and security that they have never been able to lead”.

Today, we know that white phosphorus and other inhumane and cruel substances are often dropped on the population of the Gaza Strip with a truly Nazi fascist frenzy. Still, Obama’s assertions seemed vibrant, and on occasions sincere, as he repeated them once and again during his feverish racing around the world, wherever he promptly arrived in his US Air Force One.

Yesterday, May 31, the international community was shocked when in international waters, --tens of thousands of miles off the coast of Gaza--nearly one hundred Israeli paratroops jumped from helicopters, in the wee small hours, recklessly shooting on hundreds of peaceful people from various nationalities, causing them --according to press reports-- no less than 20 dead and scores of injured. There were also Americans among those under attack, who were carrying goods to the Palestinians besieged in their own homeland.

When Obama spoke at the Islamic University of Al-Azhar about “the overthrow of a democratically elected Iranian government” and immediately added that “since the Islamic Revolution, Iran has played a role in acts of hostage-taking and violence against U.S. troops and civilians...” he was referring to the revolutionary movement promoted by the Ayatollah Ruhollah Khomeini who --from Paris and without a weapon-- crushed the Armed Forces of the most powerful US gendarme in South Asia. It was very difficult for the mightiest power of the world not to succumb to the temptation of setting up one of its military bases there, south of the USSR.

More than five decades back, the United States had subdued another absolutely democratic revolution when it overthrew the Iranian government headed by Mohammad Mossadegh, who had been elected Prime Minister of Iran on April 24, 1951. On May 1st that same year, the Senate approved the nationalization of oil, which had been his main demand during the struggle. “So far, our long years of negotiations with foreign countries have proved unsuccessful”, he said.

He obviously meant the big capitalist powers that controlled the world economy. In view of the intransigence of the British Petroleum, then known as the Anglo-Iranian Oil Company, Iran seized its facilities.

The country was unable to train its technicians. The UK had withdrawn its skilled personnel and imposed a blockade on spare parts and markets.

It had also sent the Royal Navy ready for action against that country. As a result, Iran’s oil production decreased from 241.4 million barrels in 1952 to 10.6 million in 1953. In such favorable conditions, the CIA organized the coup d’état that ousted Mossadegh, who passed away three years later. Then the monarchy was reinstated and a powerful US ally took power in Iran.

That is the only thing the United States has done with other nations. Ever since the creation of that country on the richest soils of the planet, it never respected the rights of the indigenous population living there for thousands of years or of those brought in as slaves by the English colonizers.

Nevertheless, I am sure that millions of smart and honest Americans understand these truths.

President Obama can make hundreds of speeches trying to accommodate irreconcilable contradictions to the detriment of truth; or he can dream of the magic of his well articulated phrases while making concessions to personalities and groups lacking in ethics. He can also portray fantastic worlds that only fit in his head, as they are planted there by unscrupulous advisors aware of his tendencies.

Two unavoidable questions: Will Obama be able to enjoy the excitement of a second presidential term without seeing the Pentagon or the State of Israel, --whose behavior shows that it does not accept the United States decision to use their nuclear weapons on Iran? What will life on our planet be like after that?

Fidel Castro Ruz - June 1, 2010

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