02 juin 2010

La folie de l’arrogance : l’attaque israélienne contre la Flottille pour Gaza

mercredi 2 juin 2010

Dr Alan Sabrosky
Intifada Palestine


C’est le moment pour ceux qui ont soif de justice pour la Palestine de saisir l’occasion et d’agir...

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L’attaque d’Israël contre la flottille d’aide humanitaire à destination de Gaza, pendant le Memorial Day de l’Amérique, était bien trop prévisible, même si la forme qu’elle a prise m’a surpris. Et elle confirme le vieux proverbe, Ceux que les dieux veulent anéantir, ils les rendent d’abord fous, en ce que l’attaque fut de cette sorte de folie que seule une arrogance sans limites peut assumer.

Il n’y a pas que ces étrangers et les Palestiniens, arborant des drapeaux autres que celui de la Palestine, à avoir été attaqués. Israël a une longue histoire dans de tels actes, spécialement à l’égard des Nations-Unies. Mais, à part l’incident du USS Liberty, en 1967, il les commet généralement sur des sites terrestres - Gaza, Cisjordanie, Liban - où il peut bloquer l’essentiel des informations et des preuves visuelles, et contrôler le tour qu’il veut donner aux évènements, comptant sur ses amis aux Etats-Unis et sur les autres médias dominants pour limiter l’information, voire la taire, et ainsi contredire les faits.

Nouvelle attaque

Pas cette fois. Une attaque en pleine mer, dans les eaux reconnues internationales, contre des navires non armés, transportant de l’aide humanitaire, avec des passagers et des équipages venant de nombreux pays - surtout une agression direct contre un navire turc -, une attaque comme celle-ci, c’est autre chose, et potentiellement explosif. Le nombre de victimes à bord indique qu’une fois l’affrontement commencé, les commandos israéliens ont tout simplement arrosé les gens à l’arme automatique tout autour d’eux - une autre de leurs vieilles, vieilles habitudes.

Et là, la technologie est leur ennemie, tout comme elle devint un jour, il y a longtemps, l’ennemie des régimes communistes dans l’ancienne Union soviétique et d’autres pays d’Europe de l’Est. Trop d’images et trop de vidéos prises, et certaines envoyées, et trop de témoins qui rapportent ce qui s’est passé, avant même que les Israéliens aient réussi à censurer les communications de leurs victimes.

C’est regrettable pour leurs victimes, mais c’est potentiellement aussi très regrettable pour Israël, et tout le travail préalable de relations publiques fait par les Israéliens pour limiter les dégâts, montre qu’ils en sont au moins un peu conscients. Tenter de faire passer l’attaque dans les eaux internationales pour un exercice de légitime défense relève du ridicule dans le meilleur ou le pire des cas : a-t-on jamais vu des fauteuils roulants utilisés comme matériels de guerre offensifs ?

Et pour la porte-parole israélienne, sa pirouette pour tenter de faire passer une attaque de navires de guerre et de commandos armés en un acte de défense contre un « lyncher » (j’imagine qu’elle essayait d’épargner une « préoccupation majeure » américaine à Obama - et quelqu’un devrait lui dire que c’est « lynchage » ou « lyncheur), une telle pirouette aurait embarrassé même son âme sœur en relations publiques, le Dr Josef Goebbels. Mais, Israël est prêt à tout ce que le désespoir impose, je suppose, bien que cette fois, il pourrait bien être allé beaucoup trop loin.

Un jugement qui aurait dû être rendu depuis longtemps

Et c’est ce que les premières réactions semblent affirmer. Tous les principaux médias des Etats-Unis, et beaucoup d’autres ailleurs, couvrent cette histoire, et même avec le point de vue de nombreux correspondants juifs basés à Jérusalem ou à Ashdod, où les détails sanglants ressortent lentement pour le public américain courant, et ce, pour la première fois :

1 - Les navires non armés avec des passagers non armés essayaient d’apporter de l’aide humanitaire et pour la reconstruction à une bande de Gaza ravagée et assiégée.

2 - Israël impose un blocus à Gaza sans doute, sinon certainement, en violation du droit international, soutenu largement par les veto états-uniens au Conseil de Sécurité des Nations unies.

3 - Les navires et les commandos israéliens ont intercepté et attaqué une flottille humanitaire dans les eaux internationales - ce qui est un acte de guerre, de piraterie voire de terrorisme d’Etat, selon notre point de vue sur ces détails.

4 - Sous l’attaque, certains des passagers ont essayé de se défendre, nombre d’entre eux ont été tués ou blessés, et quelques commandos israéliens ont également été blessés - sans doute une surprise pour eux, mais leur nombre habituel de victimes peut les avoir rendus un peu trop impudents.

5 - De nombreux gouvernements et opinions publiques dans le monde - pas seulement dans les capitales arabes - se disent ouvertement indignés, et les forums de discussions sur les sites d’informations US qui diffusent les évènements laissent penser qu’il en est de même, pour une large part, au niveau de l’opinion publique du pays.

6 - Mais pour Israël, il s’agit simplement d’un incident de plus du genre, « Nous sommes la victime incomprise », sur une longue, une sordide litanie, absolument incroyable ; sauf que cette fois, ils ne pourront pas s’en sortir.

Saisir l’occasion

C’est le moment pour ceux qui ont soif de justice pour la Palestine de saisir l’occasion et d’agir, en s’appuyant sur les promesses faites, mais non tenues, après la présentation du rapport Goldstone au Conseil des Droits de l’homme des Nations-Unies.

J’aimerais croire que le Président Obama va prendre position, et peut-être le fera-t-il, mais s’il le fait, ce sera avec des mots et non des actes. Ni le Congrès, ni Emanuel Rahm, ne le laisseront aller très au-delà, quelle que soit sa prédisposition - et qui sait, peut-être va-t-il croire à la métaphore du « lyncher », ou prétendre y croire.

Les Américains ne doivent pas s’embêter à envoyer des lettres ou des courriels aux sénateurs ou aux membres de la Chambre des représentants, ou à Obama ; l’AIPAC y sera avant eux, et avec plus d’argent et de courriers qu’ils ne pourraient jamais générer. Ils doivent se rendre directement aux permanences locales des sénateurs et des représentants, s’y tenir jusqu’à ce qu’ils puissent parler personnellement à l’élu en personne, et présenter leur cas avec le plus de force possible. Ils doivent s’assurer qu’ils sont écoutés par le maximum de monde - mais en restant polis, et en laissant leurs pancartes à la maison.

Pour la communauté mondiale, le moment est venu, et l’occasion, pour relancer la résolution Union pour le maintien de la Paix des Nations unies (n° 377), tant au Conseil de Sécurité qu’à l’Assemblée générale, comme exigé. Les nationalités des victimes neutraliseront au moins de nombreux pays européens qui auraient pu sans cela s’y opposer. Des sanctions, des embargos, et même la suspension ou l’exclusion d’Israël des Nations-Unies elles-mêmes, portent aussi vite et fort qu’il est possible. Soutenir la campagne BDS partout, et fort.

Et pour les forces armées américaines, en ce Memorial Day, il serait bon de réfléchir à la signification du devoir et du service à l’égard du pays et du peuple. Les serments d’allégeance, d’obéissance et de loyauté sont importants pour les professionnels des forces armées, en uniforme ou non. Ils l’ont été pour moi, quand je servais dans les Marines, et depuis, comme civil à West Point et à l’Army War College. Je suis sûr que servir pour les professionnels d’aujourd’hui n’est pas différent.

Mais les élus et les responsables civils nommés, qui supervisent les services armés, ont eux aussi prêté leurs propres serments, et beaucoup les ont violés en servant les intérêts d’Israël plutôt que ceux des Etats-Unis, et surtout en sacrifiant des vies américaines et les fonds publics US au service des intérêts israéliens au lieu de protéger ceux de l’Amérique. Cela, pour moi, relève tout simplement de la trahison, et nie totalement à quiconque toute loyauté qu’il devrait au pays et au peuple par ailleurs.

Il faut se souvenir que la pierre angulaire de nos serments n’est pas l’obéissance, mais le « soutien et la défense de la Constitution des Etats-Unis contre tout ennemis, étrangers et intérieurs ». Il faut y penser à l’occasion de ce Memorial Day.


Alan Sabrosky (docteur, université de Michigan) est un vétéran des Marines dans lesquels il a servi pendant dix ans ; il est diplômé de l’Army War College. Il peut être contacté à : docbrosk@comcast.net

31 mai 2010 - Intifida Palestine - et Sabbah - dessin : Emad Hajjaj, Jordanie - traduction : JPP

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