Journalisme systématiquement tendancieux
dimanche 11 septembre 2011 - 06h:00Matthew A. Taylor
Bien que le lecteur moyen ait du mal à détecter la propagande dans la manière dont le New York Times rapporte les affaires du Moyen-Orient, cette propagande existe bel et bien et elle est pernicieuse.
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Dans leur livre phare, " Israel-Palestine on Record : How the New York Times Misreports Conflict in the Middle East", Richard Falk, professeur à Princeton et le critique Howard Friel , affirment que "le Times ignore régulièrement ou sous-estime une foule de questions juridiques essentielles se rapportant aux politiques israéliennes, notamment l’expropriation et la colonisation de terres palestiniennes, le système juridique à deux niveaux en fonction de l’origine nationale qui rappelle le régime d’apartheid d’Afrique du Sud, la démolition de maisons palestiniennes et l’utilisation d’une force létale contre les Palestiniens ». En d’autres termes ce que le New York Times ne dit pas est peut-être encore plus important que ce qu’il dit.
En juin 2010,un an et demi après que l’armée israélienne eut lancé une attaque qu’une enquête des Nations unies a qualifiée de « délibérément disproportionnée, conçue pour punir, humilier et terroriser une population civile », le New York Times a envoyé un photographe à Gaza afin d’illustrer une tranche de la vie quotidienne dans la Bande.
Ethan Bronner, cheffe du bureau du Times à Jérusalem, a écrit le commentaire des photos intitulé « Gaza vu par des yeux neufs » dans lequel elle fait grand cas des « magasins de téléphones mobiles rutilants et des restaurants cinq étoiles ... de plages à perte de vue où les enfants s’éclatent ... de la qualité stupéfiante des produits courants. »
En apparence tiré d’un magazine de voyage apolitique, l’article de Bronner se contente de faire une allusion aux familles qui ont été « traumatisées » et omet toute mention des accusations avancées par les Nations unies au sujet des crimes de guerre récemment commis par Israël et de ses violations des droits de l’homme. Mis à part une référence oblique aux « bâtiments détruits » et aux « gravats », le récit de voyage de Bronner passe aussi sous silence la vaste infrastructure civile qu’Israël a détruite pendant son attaque, notamment des élevages de poulets, une minoterie, une usine de traitement des eaux usées, une école des Nations unies, de vastes étendues de terrains sur lesquels se dressaient des maisons de civils, des bâtiments du gouvernement, une prison, des stations de police, des stations de télévision, des bureaux de journaux .... et entre 600 et 700 usines, ateliers et commerces.
L’impression que laisse Bronner ? Gaza est un endroit OK ; il n’y a rien de spécial à voir et surtout pas de preuves quant aux crimes de guerre commis par Israël, passez votre chemin, dégagez.
Et pourtant, ce que Ethan Bonner ne dit pas, c’est qu’elle est mariée à un citoyen israélien et que son fils est dans l’armée israélienne.
Quand ces liens familiaux ont été révélés, Clark Hoyt, rédacteur public du Times a recommandé que Bronner soit réaffectée afin d’ éviter tout préjugé éventuel. Le rédacteur en chef, Bill Keller, a refusé, dérogeant ainsi aux normes habituellement très strictes en matière de conflits d’intérêts pratiquées par le Times.
Les papiers de la journaliste du Times, Isabel Kershner, se caractérisent similairement par des omissions et des déformations. Quand Kershner a écrit un article sur les réfugiés palestiniens de Syrie qui, en juin 2011, ont fait une marche non-violente dans les hauteurs du Golan, elle n’a pas mentionné que le plateau du Golan est un territoire syrien occupé illégalement par Israël.
Aucun gouvernement au monde ne reconnaît les hauteurs du Golan comme faisant légitimement partie de l’État d’Israël.
Kershner omet également de dire que le droit au retour des réfugiés palestiniens figure dans les résolutions des Nations unies et qu’Israël a constamment violé le droit international en empêchant le retour des Palestiniens dans leurs maisons.
N’oublions pas non plus que lors de cette manifestation non-violente, l’armée israélienne a tué 22 manifestants palestiniens et syriens.
Au sujet de cette violence inouïe contre des manifestants sans armes, Kershner dit : "les officiels Israéliens disent qu’ils ont essayé les moyens non mortels pour contenir la foule avant d’ouvrir le feu, visant les pieds des manifestants" laissant entendre que le massacre était non intentionnel et inévitable et qu’il défiait les lois de la physique.
Kershner n’a demandé à aucun manifestant ce qu’il avait vu. Si elle l’avait fait, elle aurait entendu ce que le militant et témoin, Salman Fakhreddin, a raconté à Jillian Kestler-D’Amours, journaliste indépendant : « Israël a décidé de tuer des personnes afin d’effrayer les manifestants et parce qu’Israël a peur que son Etat et sa politique soient délégitimés par la communauté internationale. »
Vous ne serez à présent pas surpris d’apprendre que Kershner est citoyenne israélienne, mariée à un citoyen israélien, et qu’elle a passé quelques dizaines d’années dans le journalisme israélien et dans l’enseignement judaïque avant d’être recrutée par le Times en 2007.
C’est en grande partie à cause des reportages ahistoriques, hors contexte, rédigés par Ethan Bronner et Isabel Kershner que l’on peut accuser le New York Times de ce que Adbusters avait appelé « les États-Unis de l’amnésie ».
Les citoyens étatsuniens sont donc maintenus dans l’ignorance des violations du droit international commises par Israël actuellement et par le passé, les rendant incapables de remettre en question les milliards de dollars en cadeaux militaires accordés par leur gouvernement à Israël, l’État que les deux journalistes ont choisi comme patrie d’adoption.
* Matthew Taylor, écrivain et militant, a l’année dernière interrompu un discours du premier ministre Netanyahu en criant « l’occupation délégitime Israël. » On peut le contacter à matthewtaylor.net
Cet article peut être consulté ici :
http://www.adbusters.org/magazine/9...
Traduction : Anne-Marie Goossens
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