Les malheurs de Gaza s’accentuent avec les salaires impayés
lundi 12 septembre 2011 - 11h:13Gregg Carlstrom - Al Jazeera
          Les commerçants déplorent des conditions « misérables » dues à  des mois de retard de paiement des salaires par le Hamas et le Fatah. 

La pauvreté alarmante de Gaza est directement liée au bouclage strict imposé au territoire.
Gaza City - « Cette rue  devait être bondée où on ne devrait pas avoir de la place pour bouger »  affirme Ahmad al-Jawwal en nous montrant une route crevassée qui  traverse le marché central de Gaza. Effectivement, par cette journée  caniculaire de septembre, seulement une poignée de clients flânent dans  ce marché, et quelques uns portent leurs emplettes.
De temps en temps, des femmes s’arrêtent pour jeter un  coup d’œil sur les vitrines tranquilles, mais la plupart repart aussitôt  les mains vides.
Boucher de son métier, notre interlocuteur déplore  l’état de son commerce. En tirant des bouffées de cigarette, al-Jawwal  note : « Il est midi et je n’ai rien vendu, même pas un poulet, rien ».  « D’habitude, je vends jusqu’à l’équivalent de 7.000 shekels par mois  [$1.9000], mais ces derniers temps, mes ventes peinent à dépasser les  2.000 shekels [$540]. »
Il semblerait quand même étrange de parler de « crise  économique » à Gaza, où le chômage est généralisé et où les organismes  d’aide estiment que plus des deux tiers de la population vit au dessus  du seuil de la pauvreté. Mais les commerçants de Gaza reconnaissent que  malgré la sombre réalité, cette année a été exceptionnellement mauvaise.
Ainsi, les Gazaouis estiment que le problème réside dans  le rôle des deux principale factions Palestiniennes, en l’occurrence le  Hamas et le Fatah, qui n’ont pas versés les salaires à leurs employés  depuis des mois.
« Nous sommes encore dépendants »
D’après l’UNRWA, le secteur public est la plus  importante source d’emploi à Gaza. Environ 100.000 personnes dont les  salaires constituent la masse salariale du Hamas et du Fatah, un chiffre  en hausse chaque année.

Al-Rifati attribue le retard à un problème de trésorerie et affirme que la situation sera réglée prochainement
Ces emplois sont supposés garantir la stabilité, mais  les deux factions enregistrent un retard de paiement depuis des mois.  Ainsi, le Hamas a accusé un retard de virement des salaires du mois de  juin, versés finalement à la fin du mois de juillet. Les salaires des  mois de juillet et août n’ont pas encore été payés. A ce sujet, le  Ministre de l’Economie à Gaza, Alaa al-Rifati a, dans une interview,  reconnu le problème en fustigeant le retard des dons. Il explique :  « Les revenus que nous percevons de tous les domaines, des taxes et  autres ressources ont été différés. C’est pourquoi, nous ne sommes pas  complètement indépendants, puisque notre sort est lié aux dons venus de  l’extérieur. »
En effet, de nombreux pays étrangers, à l’instar de  l’Iran et de la Syrie font des dons au Hamas. Toutefois, Al-Rifati ne  dévoilerait pas les noms des pays qui ont ajourné leurs paiements, bien  que le Conseiller politique du Ministre des affaires étrangères, Ahmed  Youssef ait nié l’information parue dans certains articles de presse,  faisant allusion à l’Iran comme le pays qui a réduit son aide.
Il affirme : « Tout ce que la presse a rapporté n’est  que rumeurs. L’Iran n’a pas cessé de nous envoyer l’argent. Ceci étant,  la difficulté réside dans le transfert de l’argent d’un lieu à un autre,  et c’est compliqué d’introduire cet argent  à cause de notre système bancaire » conclut-il.
Mais curieusement, le plus grand problème émane du Fatah  qui, faut-il le rappeler, fut contraint de quitter la Bande de Gaza en  2007. En effet, le Fatah continue d’employer entre 70.000 et 80.000  individus dans la Bande de Gaza. En réalité, ils n’ont aucune tâche à  accomplir puisque le Fatah leur interdit de travailler. Autrement dit,  le Fatah paie ces employés pour l’unique raison de rester loin du Hamas  et de ne pas rejoindre ses rangs.
Toutefois, au cours de cette année, ces salaires avaient  été, à plusieurs reprises, soit différés, soit réduits. Dans ce cadre,  le Premier Ministre en Cisjordanie, Salam Fayyad a annoncé mardi que le  Fatah ne versera que la moitié des salaires de ce mois à ses employés.  La même mesure a été enregistrée le mois de juin, et c’est seulement  vers le mois de juillet que les employés ont été payés et ce, suite à  une menace de grève générale.
« Ils jouent avec nous »
Mohammed est à la tête d’un stand de légumes dans le  marché. Sur ses étals soigneusement garnis, il nous montre ces tas de  concombres et de tomates qui semblent être totalement boudés par les  clients. Il fait remarquer que le Hamas et le Fatah sont en train de  jouer car, explique-t-il « Une quinzaine ici, une quinzaine là-bas et le  mois est fini. Ainsi, les gens ne saurons jamais récupérer leur  argent. »
Si le quotidien du commerce et des commerçants de Gaza  est pénible, il n’en a pas été moins durant Ramadan, un mois typiquement  lucratif, et durant les vacances de Aid al-Fitr (fête marquant la fin  du mois de jeûne - N.d.T). Pour Hamad, propriétaire d’une petite  épicerie dans le marché, ses revenus du mois précédant sont des dizaines  de milliers de shekels moins que ce qu’il avait enregistré en 2010. Et  d’un geste, il nous montre un pot d’un demi-kilo de fromage blanc,  importé d’Egypte qu’il vend à 15 NIS, soit $4.
Il explique : « D’habitude, j’achète 3.000 de ça au  début du Ramadan et j’arrive à tout vendre. Mais cette année, je ne peux  même pas me débarrasser des 1.000 que j’ai achetés. » Il ajoute :  « Pendant les dernières années, mon profit quotidien avoisinait les 100  shekels [$27]. Aujourd’hui, je m’estime heureux et chanceux si j’atteins  20,25 shekels. »
Il convient de préciser que Hamad, à l’instar de  beaucoup d’autres personnes interviewées pour cet article, on préféré ne  pas dévoiler leur nom de famille.
Il existe un autre souci qui prend de l’ampleur : la  concurrence. En effet, depuis que l’embargo israélien a paralysé et  saboté les secteurs agricole et industriel de Gaza, plusieurs chômeurs  gazaouis (le chômage est estimé à 45% selon UNRWA) ouvrent de petites  échoppes. Du coup, des dizaines de magasins au sein du marché de Gaza se  trouvent en train de vendre les mêmes produits et à première vue, il  n’y a pas assez de clients pour satisfaire tous ces magasins.
Même les habitudes des dépenses ont changé. Dans le  stand des légumes, Mohamed affirme que les clients n’achètent plus en  gros, c’est-à-dire, ils n’achètent que ce qu’ils peuvent s’offrir, au  jour le jour. Quant à Hamad, il reconnait que son magasin n’a que  récemment commencé à contenir des articles comme le fromage, la farine  et le riz.
« J’ai l’habitude d’importer des produits de nettoyage,  mais j’ai changé et opté pour ces produits de besoins quotidiens que les  gens finiront bien par acheter. En temps normal, les gens venaient  acheter pour des centaines de shekels du shampoing, du savon et du  dentifrice...aujourd’hui, s’ils parviennent à dépenser 50 ou 60 shekels,  je peux dire que je suis né sous la bonne étoile. » Sur un autre front, les deux factions Palestiniennes se sont engagées à  rattraper le retard des paiements. Pour sa part, Al-Rifati espère  qu’avec la fin de Ramadan, le problème de financement soit résolu.
Quant à Fayyad, il a jeté le blâme sur les Etats Arabes  qui ont tardé à verser l’aide promise, estimée à des centaines de  millions de dollars. Il a également critiqué Israël qui, par le biais de  son ministre des finances a refusé le mois passé de payer les 380  millions NIS [$103 millions], montant des recettes fiscales qu’Israël  collecte pour l’Autorité Palestinienne. En conséquence, cette dernière a  dû se battre pour payer ses employés avant l’Aid al-Fitr.
Cependant, aucun des commerçants interviewés pour cet  article ne voit une éventuelle amélioration de la situation économique.  Ils ne s’attendent pas à ce que le Hamas et le Fatah versent les paies,  ni à ce que les commis d’état perçoivent leurs dus impayés.  Plusieurs d’entre eux disent avoir changé leurs pratiques, en réduisant  les prix et salaires et en achetant moins de stocks et ce, pour la  survie de leurs commerces.
Ainsi, il convient d’attester que l’année 2011 a été une  année misérable. C’est ce que déplore Haitham, propriétaire d’un  magasin de vêtements pour hommes : « De ma vie, je n’ai jamais vécu de  pareils moments d’infortune où j’arrive à peine à vendre quelque chose.  D’habitude, je voyage jusqu’à huit fois par ans à destination de la  Turquie ou de la chine pour acheter ma marchandise. Cette année, je n’ai  voyagé que deux fois et je peine à vendre un article. »
                7 septembre 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://english.aljazeera.net/news/m...
Traduction de l’anglais : Niha
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