«Armes de torture» : Amnesty dénonce l’étrange ignorance de la Belgique
Dans un brûlot intitulé «From Words to Deeds», Amnesty International dénonce les entreprises européennes qui font commerce d’«équipements de police et de sécurité conçus pour infliger la torture et d’autres types de mauvais traitements». La Belgique n’est pas bien lotie, elle qui n’aurait «pas connaissance de l’existence sur son territoire» de fabricants ou d’exportateurs tombant sous le coup de la réglementation européenne de 2006. Or, Amnesty en cite trois – une liste non exhaustive…

Le Stinger S-200. © Sirien
Des entreprises européennes participent  au commerce mondial d’«instruments de torture», tels que les menottes  murales, les poucettes métalliques et les «manches» et «menottes»  destinées à administrer des décharges électriques de 50.000 volts à des  prisonniers, si l’on en croit le rapport From Words to Deeds,  publié mercredi par Amnesty International et l’Omega Research  Foundation.
 Ce brûlot épingle notamment la Belgique,  parmi d’autres pays européens, à plusieurs titres. Notre pays a ainsi  «affirmé ne pas avoir connaissance de l’existence sur [son] territoire  de fabricants ou d’exportateurs d’équipements» tombant sous le coup des  mesures de contrôle à l’échelle européenne, introduites en 2006, qui  «interdisent le commerce international d’équipements de police et de  sécurité conçus pour infliger la torture et d’autres types de mauvais  traitements, et réglementent le commerce d’autres équipements couramment  utilisés dans le monde entier pour torturer», écrit Amnesty  International dans un communiqué publié sur son site Internet.
 Or, «le rapport montre cependant que  des entreprises établies» notamment en Belgique «ont ouvertement  déclaré, dans des entretiens accordés aux médias ou sur leur site  Internet, qu’elles proposaient des articles régis par le règlement,  souvent fabriqués dans des pays tiers». Il ne s’agit en effet pas  forcément de fabricants, mais aussi de fournisseurs de tels équipements,  que ce soit sur leur territoire domestique (notamment aux autorités  publiques) ou à l’étranger.
 Pas de fabricant ou  d’exportateur belge d’«outils de torture» ? Amnesty en cite trois sur  simple consultation de leurs sites Internet
 A ce titre, Amnesty cite trois  entreprises belges – avec les précautions d’usage : il s’agit de données  glanées entre 2006 et 2010, les sociétés citées n’ont pas forcément  mené de commerce continu de ces biens durant cette période et n’ont, en  tout état de cause, pas nécessairement enfreint la réglementation  européenne en la matière.
 Le fournisseur Sirien   SA/NV propose depuis 2007 deux équipements qui tombent sous le coup  de la réglementation : une ceinture incapacitante à électrochocs (stun   belt) et un stun gun Stinger S-200 (cousin du Taser).  Autre fournisseur : Alex SA,  mentionné pour un spray irritant distribué entre 2008 et 2009. Sans  oublier le fabricant bien connu FN   Herstal, pour des OC Projectile destinés à son fusil FN303. Sirien  précise, sur son site Internet, qu’il distribue ses produits «uniquement  hors d’Europe, plus spécialement dans le Maghreb».
 Cette liste est «non exhaustive»,  prévient Amnesty, qui s’étonne donc de l’ignorance de nos autorités  quant à ces cas avérés. La Belgique n’a par ailleurs pas publié de  rapport d’activité annuel, reprenant le nombre de demandes de licences  reçues, les biens et pays concernés par ces demandes et les décisions  prises par nos autorités, depuis l’entrée en vigueur de la  réglementation européenne. Le gouvernement a informé Amnesty ou Omega  qu’il n’a pas reçu de demande de licence ou, à tout le moins, n’en a pas  attribué.
 Problème : «L’efficacité de la  réglementation ne repose pas uniquement sur une application rigoureuse,  mais aussi sur la volonté et la capacité des Etats membres d’identifier  les entreprises présentes sur leur territoire et actives dans ce  secteur, et de les informer des conséquences de la régulation sur leurs  activités», déplore Amnesty dans son rapport. Or, la Belgique paraît  s’être contentée de la publication au Moniteur et/ou de la mise  en ligne de ce texte sur son site Internet.
 En Espagne et en Italie, on  fait ouvertement commerce de «menottes» délivrant des décharges de  50.000 volts à des détenus
 La Belgique n’est bien entendu pas le seul Etat membre visé par le  rapport From Words to Deeds. «Entre 2006 et 2009, la République   tchèque a autorisé l’exportation d’entraves, d’armes à  décharge électrique et d’aérosols de produits chimiques – et l’Allemagne  celle d’entraves pour les chevilles et d’aérosols de produits chimiques  – à neuf pays où la police et les forces de sécurité avaient déjà par  le passé utilisé des équipements de ce type pour perpétrer des actes de  torture et d’autres types de mauvais traitements.»
 Des fournisseurs d’équipements destinés aux responsables de  l’application des lois en Espagne et en Italie  «proposent à la vente des menottes ou des manches  destinées à administrer des décharges électriques de 50.000 volts à des  détenus. Une faille juridique permet leur vente, bien que des ceintures  incapacitantes à électrochocs globalement similaires soient interdites  aussi bien à l’importation qu’à l’exportation à travers l’Union  européenne.»
 En 2005, la Hongrie «a annoncé son intention  d’introduire l’utilisation de ceintures incapacitantes à électrochocs  dans ses propres prisons et postes de police, malgré l’interdiction  frappant l’importation et l’exportation de ces ceintures au motif que le  recours à celles-ci est en soi un acte de torture ou un mauvais  traitement».
 Amnesty pointe certaines  faiblesses juridiques «qui permettent de faire commerce  d’équipements dépourvus de toute utilisation autre que d’infliger des  tortures»
 Certaines faiblesses du règlement, qui «permettent également aux  fournisseurs des organes responsables de l’application des lois de faire  commerce d’équipements dépourvus de toute utilisation autre que  d’infliger des tortures ou d’autres mauvais traitements», seraient à  l’origine de ce commerce, souligne encore Amnesty.
 «S’étant engagés à combattre la torture où qu’elle soit perpétrée,  les Etats membres doivent maintenant traduire leurs paroles en actes,  conclut Michael Crowley, chercheur à l’Omega Research Foundation. Ils  doivent réglementer de manière véritablement efficace le commerce  européen des équipements de police et de sécurité, et veiller à ce que  ce type d’articles ne se retrouvent pas dans la panoplie type du  tortionnaire.»
 Le rapport Amnesty/Omega fera l’objet  de discussions formelles lors de la réunion de la sous-commission des  droits de l’homme du Parlement européen, le 18 mars prochain à  Bruxelles.
(lu sur projets algerie)
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