 
      ISBN : 978-2-7489-0120-7
576 pages
11 x 18 cm
15.00 euros
Traduit de l’anglais par Frédéric Cotton – Préface de Jean-Luc Chappey
Notre manière de penser est une question de vie ou de mort. Si ceux qui tiennent les rênes de la société se montrent capables de contrôler nos idées, ils sont assurés de rester au pouvoir. Nul besoin de soldats dans les rues. Cet ordre résulte d’un processus de sélection au cours duquel certaines idées sont promues par le biais des plus puissantes machines culturelles du pays. Nous devons réexaminer ces idées et réaliser comment elles s’opposent à notre expérience du monde. Nous serons alors en mesure de contester l’idéologie dominante.
De l’exercice de la justice aux motivations réelles des guerres, en passant par les conditions d’entretien de la violence économique et sociale, l’auteur illustre la manière dont la tenue des affaires du monde, c’est-à-dire de nos affaires, devrait être entre nos mains. Et toujours chez Howard Zinn le même optimisme sur la nature et le destin de l’humanité : l’histoire ne réserve que des surprises, et elles ne sont pas toutes mauvaises.
Du même auteur chez Agone : Une histoire populaire des États-Unis, 2002, Karl Marx, le retour, 2002, Le Vingtième Siècle américain, 2003, L’Impossible Neutralité, 2006, En suivant Emma, 2007.
***
Si nous étions vraiment entrés en guerre pour défendre certains  principes moraux et lutter contre la distinction opérée par les nazis  entre races inférieures et races supérieures, le gouvernement américain  aurait sans doute tout fait de son côté pour faire disparaître la  ségrégation raciale. Cette ségrégation, jugée légale par la Cour suprême  en 1896 et appliquée aussi bien au Sud qu’au Nord, était admise non  seulement par le gouvernement fédéral mais également par ceux des États.
   Cette ségrégation s’appliquait jusque dans l’armée américaine. Nous  rejoignîmes l’Angleterre à bord du Queen Mary. Ce paquebot de luxe avait  été transformé en transport de troupes et nous étions 16000 soldats  dont 4000 Noirs. Les Blancs avaient leurs quartiers sur le pont et sur  le pont inférieur, mais les Noirs étaient cantonnés séparément, au plus  profond du navire, à côté de la salle des machines, dans la partie la  plus sombre et la plus crasseuse. Pour les repas, il y avait quatre  services et les Noirs étaient bien entendu servis en dernier. Quant aux  officiers, ils mangeaient aux chandelles dans ce qui avant guerre  faisait office de salle de bal. Même si nous étions en guerre, les  rapports de classes ne souffraient aucun changement.
   Sur le front intérieur, la discrimination raciale à l’emploi se  poursuivait. Il fallut que Philip Randolph, dirigeant du syndicat noir  Brotherhood of Sleeping Car Porters, menace d’organiser – en pleine  guerre – une marche sur Washington pour que le Président daigne signer  un décret sur la mise en place d’une commission sur l’égalité des  chances au travail. Mais ses directives ne furent pas appliquées et la  discrimination persista. Le porte-parole d’une usine d’aéronautique de  la côte Ouest affirmait clairement : « Les Noirs ne seront employés que  comme gardiens ou autres postes subalternes du même ordre, […] sans  tenir compte de leurs éventuelles qualifications en aéronautique. Nous  ne les embaucherons pas. »
   Dans une université noire, un étudiant déclara à son professeur :  « L’armée pratique la ségrégation. La marine nous cantonne dans des  postes de serveurs au mess des officiers. La Croix-Rouge ne veut pas de  notre sang. Les patrons et les syndicats ne veulent pas de nous. Les  lynchages continuent. On nous traite comme des esclaves. On est raciste  avec nous et on nous crache au visage. Qu’est-ce que Hitler pourrait  nous faire de plus ? » Walter White, responsable de la National  Association for the Advancement of Colored People (NAACP), rapporta ces  propos devant une audience composée de plusieurs milliers de Noirs du  Midwest pour provoquer leur indignation. Au lieu de cela, admettra-t-il  plus tard, et « à [sa] grande surprise, le public applaudit à tout  rompre cette déclaration et il [lui] fallut trente à quarante secondes  pour rétablir le calme. »
 


 
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