21 mars 2010

Conseil de guerre à Damas

samedi 20 mars 2010 - 06h:46

Abdel Bari Atwan


Un nouveau front est en train de se former, qui sera le fer de lance contre l’alliance américano-israélienne et les gouvernements arabes qui pourraient s’y associer, écrit Abdel Bari Atwan.

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(De g à d.) Hassan Nasrallah, secrétaire général du mouvement Hezbollah, Bachar al-Assad, président syrien, et Mahmoud Ahmadinejad, président iranien.

La réunion tripartite qui s’est tenue à Damas, avant-hier [25 février] entre le président syrien Bachar al-Assad et son invité le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, ainsi que le secrétaire général du « Hezbollah » Hassan Nasrallah, équivalait à un « conseil de guerre » pour se projetter dans le futur et distribuer les rôles en cas d’attaque israélienne contre l’une des trois parties ou l’ensemble d’entre elles. Nous n’oublions pas une réunion élargie entre Ahmadinejad et les dirigeants des organisations palestiniennes [de la résistance] dans le même cadre.

Le moment choisi pour cette réunion, la façon dont elle s’est déroulée, et la conférence de presse tenue lors de sa conclusion confirment que les obligations d’une alliance stratégique sont d’être renforcées, et un nouveau front est en train de se former qui sera le fer de lance contre l’alliance américano-israélienne et les gouvernements arabes qui pourraient s’y associer, secrètement ou ouvertement, au cas où la guerre éclate. Le président iranien s’attend à ce que cette guerre soit déclenchée ce printemps ou cet été, c’est-à-dire à peine dans quelques mois, tandis que Nasrallah soulignait qu’il frapperait Tel-Aviv, ses aéroports et ses centrales électriques si Israël osait frapper l’aéroport du Liban ou une seule de ses stations électriques ou tout objectif vital.

Nous avons ici un nouveau langage, une confiance en soi sans précédent et une volonté d’exercer des représailles que nous n’avons pas entendus auparavant, en particulier de la part des régimes arabes, à partir du moment où ceux-ci se sont tournés vers l’option de la paix en abandonnant toutes les autres, et ont mis en exergue ce tournant dans le cadre d’une initiative arabe pour la paix dont les dispositions ont été soigneusement préparées dans la cuisine des États-Unis par des chefs-cuisiniers experts.

La région arabe est à présent face à un nouveau regroupement similaire à celui qui a précédé les deux guerres contre l’Irak (1991 et 2003), et comparable puisque certains se tiendront dans la tranchée américaine et les autres dans celle qui y sera opposée. De la même manière que certains pays arabes s’étaient pour la première fois dans l’histoire de la région, alliés avec les Américains contre l’Irak, un pays arabe, nous devrions voir dans l’étape à venir un autre précédent encore plus dangereux, à savoir des Arabes dans la tranchée américano-israélienne contre l’alliance syro-iranienne et ses ramifications.

Les autorités syriennes ont apparemment défini leur position et ont décidé de fermer les portes à la cour américaine imprécise et de peu de valeur, et de renforcer leur alliance stratégique avec l’Iran, donnant ainsi une réponse claire à la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton qui avait exigé que la direction syrienne se distance de l’Iran, lequel pose des problèmes dans la région.

Cette résolution syrienne suit une longue période d’une diplomatie se voulant apaisante en gardant des portes ouvertes avec l’Occident, et en particulier avec les États-Unis, mais il semble que la proximité de l’affrontement conduit à l’abandon de cette approche et à la préparation aux possibilités d’une « mère des batailles ».

La Syrie ne peut pas abandonner son alliance stratégique avec l’Iran, laquelle remonte à plus de 30 ans, et nous n’exagérons pas en disant qu’elle n’y pense absolument pas car les alternatives proposées sont insuffisantes et de tout point de vue, humiliantes.

Mme Clinton, qui a abandonné toute diplomatie et même toutes les normes morales acceptables en exigeant de la Syrie qu’elle se tienne à l’écart de l’Iran, n’a rien offert en retour si ce n’est de faire allusion à la nomination d’un ambassadeur américain à Damas, comme si la Syrie ne pouvait pas vivre sans la présence d’un ambassadeur américain.

La Syrie a été pendant 30 ans un élément important dans la troïka avec l’Egypte et l’Arabie Saoudite, qui a dominé la région pendant 30 ans et a misé sur la paix. Qu’a donc offert Washington en retour de sa modération ? A-t-il restitué les hauteurs du Golan, mis fin au gel des milliards de dollars [syriens], qui traduits en investissements créeraient des emplois et donneraient une vie plus digne aux chômeurs, ou la Syrie est-elle toujours sur la liste des pays terroristes ?

Il n’y a pas de liaisons aériennes directes entre Damas et toute autre ville américaine et nous n’avons même pas vu un seul avion américain atterrissant à l’aéroport de Damas depuis 50 ans, même si la Syrie, opposée au régime du président irakien Saddam Hussein, a pris part directement à la « libération » du Koweït, et coopère pleinement dans la guerre contre le terrorisme et continue de le faire.

Nous sommes confrontés à des développements rapides dans la région. Quand avions-nous vu Nasrallah arrivant ouvertement à Damas et, quand avions-nous vu Ahmadinezhad priant dans une mosquée sunnite et derrière un imam sunnite, et réagissant avec émotion lorsque le correspondant de la chaîne de télévision Al-Alam a essayé de le provoquer en l’interrogeant sur ce point ?

Certains diront que c’était une étape médiatique soigneusement préparée dans le but de se rapprocher de la communauté sunnite. Et si c’est le cas, où est le problème ? Nous sommes tous des musulmans et le royaume d’Arabie saoudite — un pays de premier plan dans l’axe de la « modération » qui est opposé à l’Iran — a lancé par l’intermédiaire du roi Abdallah Bin Abd Al-Aziz, deux initiatives importantes au cours des deux dernières années : la première en initiant des dialogues en profondeur pour rapprocher au plus près les doctrines islamiques, en particulier les sunnites et les chiites, et la seconde en lançant un dialogue interconfessionnel entre les adeptes des trois religions (du Livre).

Nous souhaitons voir les dirigeants arabes sunnites prier derrière les imams de la doctrine Al-Ja’fari et dans les mosquées chiites, avec le souci de parvenir à une réconciliation historique et d’enterrer la sédition sectaire qui s’est approfondie durant l’occupation américaine de l’Irak. Quelle est l’objection à cela ? Ne sommes-nous pas tous des adeptes de la Umma [communauté] du Prophète, que la bénédiction et la paix de Dieu soit sur lui ?

Nous comprenons très bien que la nouvelle alliance entre la Syrie et l’Iran ne possède pas d’ogives nucléaires ou des armes perfectionnées telles qu’Israël et les États-Unis en possèdent. En d’autres termes, l’équilibre des forces est inégal. Mais n’était-ce pas le cas quand Israël a envoyé ses avions de combat et ses chars envahir le sud du Liban à l’été 2006 ? Quel a été le résultat ?

La force de frappe américano-israélienne est puissante selon toutes les normes, et cela est indiscutable. Mais nous devons nous rappeler que le Japon est resté le Japon, même si deux bombes atomiques ont été larguées sur Nagasaki et Hiroshima, que l’Allemagne était réunifiée 50 ans après avoir été divisée, et que la Syrie et l’Egypte ont survécu après la défaite de 1967. Mais la question est de savoir si Israël continuera d’exister s’il se lance dans une nouvelle agression, et s’il survivra, malgré ce qu’il est aujourd’hui ?

Israël est dans une crise étouffante, au niveau interne comme externe, et est détesté même parmi ses alliés occidentaux qui en ont assez de son arrogance, de ses fanfaronnades, des agressions répétées contre plus faibles dans Gaza et ailleurs, et ses rejets provocateurs des plans de paix et de toutes les propositions. Israël est donc dans un état de confusion qui s’est clairement manifesté par l’envoi d’un « régiment » d’agents assassiner à Dubaï une seule personne, non armée, qui se nommait Mahmoud al-Mabhuh. Cette opération a été totalement contre-productive, malgré son succès.

Les Israéliens battent les tambours de la guerre et l’administration Obama semble être incapable de les garder sous contrôle en étant sans doute devenue de plus en plus convaincue du caractère inéluctable d’une agression contre l’Iran et la Syrie. Cela explique pourquoi cette administration a abandonné le processus de paix, a reconnu à Israël le droit de s’installer dans Jérusalem occupée, et traité avec indifférence ses sujets de l’Autorité nationale palestinienne.

Le déferlante de responsables militaires américains dans la région, à commencer par Michael Mullen, le président de l’ « US Joint Chiefs of Staff », puis le vice-président Joe Biden, avec une rencontre hier entre le secrétaire américain à la défense Robert Gates et son homologue israélien Ehud Barak à Washington, et Netanyahou devant visiter la capitale américaine la semaine prochaine, sont tous autant de signes que la guerre se rapproche.

Israël ne peut pas coexister avec une autre puissance nucléaire dans la région, laquelle annulerait sa supériorité stratégique, et il ne peut pas accepter à ses frontières un bloc islamique comprenant l’Iran, la Syrie, la Turquie, le Liban et la Jordanie — qui permettrait de supprimer les visas, les citoyens circulant avec des cartes d’identité personnelle, et d’élargir les échanges commerciaux et de développer des projets communs. Par conséquent, les informations selon lesquelles un coup d’état militaire contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan avait échoué en Turquie, n’a pas été une surprise, car c’est lui qui a réalisé et renforcé cette nouvelle équation après qu’il se soit rapproché de l’Iran, de la Syrie, et des autres pays arabes tout en s’éloignant d’Israël.

Nous ne croyons pas à un lapsus lorsque Ahmadinejad a déclaré lors de la conférence de presse avec le Président Al-Assad que les peuples de Syrie, d’Iran, du Liban, de la Palestine ... et « d’Iraq » feront face à Israël et à son agression. Washington a-t-il entendu ce « lapsus » qui confirme l’échec de son agression contre l’Irak et de ses de 800 milliards de dollars de dépenses ?

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Du même auteur :

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27 février 2010 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.bariatwan.com/index.asp?...
Traduction : al-Mukhtar

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