25 mars 2010

Dans l’attente d’une troisième Intifada

jeudi 25 mars 2010

Khaled Amayreh
Al Ahram weekly


Lors de la prochaine Intifada, il se pourrait que les Palestiniens soient en lutte non seulement contre Israël, mais également contre l’Autorité palestinienne, écrit Khaled Amayreh depuis Ramallah.

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Les observateurs en Palestine occupée sont de plus en plus convaincus qu’une nouvelle Intifada se prépare car les autorités israéliennes continuent à provoquer les Palestiniens, notamment en augmentant leur pression pour obtenir le droit de prier selon le rite judaïque dans la mosquée d’Al-Aqsa, troisième sanctuaire le plus saint de l’Islam.

L’organisation de la Conférence Islamique (OCI) a averti que les provocations israéliennes à Al-Haram al-Charif (le noble sanctuaire) pourraient déclencher une guerre religieuse entre les juifs et les musulmans. L’organisation a invité la communauté mondiale à arrêter l’agression israélienne avant qu’il ne soit trop tard.

L’avertissement a été lancé après que les forces de sécurité israéliennes eurent attaqué les fidèles musulmans pendant la prière du vendredi, le 5 mars. La police paramilitaire israélienne a tiré des grenades à gaz et des grenades étourdissantes qui ont blessé jusqu’à 50 Palestiniens, dont bon nombre de personnes âgées. Une partie des blessés a été transportée vers les deux principaux hôpitaux de Jérusalem- Est, mais beaucoup ont dû être soignés sur place car les soldats israéliens bloquaient l’activité des secours d’urgence.

La police israélienne prétend qu’elle est « intervenue » à cause des jets de pierres en direction du mur proche d’Al-Buraq, que les juifs appellent « la place du mur occidental ». Les Palestiniens avaient protesté contre une série de provocations israéliennes, notamment contre les tentatives de groupes religieux juifs de mettre le pied dans la mosquée d’Al-Aqsa. La semaine dernière, des fanatiques juifs ont débarqué, sous escorte militaire israélienne, sur l’esplanade Al-Haram Al-Sharif où ils ont commencé à accomplir leurs rites religieux. Les fidèles musulmans présents leur ont lancé des pierres, incitant les soldats à les attaquer.

L’atmosphère générale a encore été électrisée par le premier ministre israélien, Binyamin Netanyahu, qui a décidé d’ajouter à une liste récente des sites du patrimoine juif deux sites islamiques - la mosquée Ibrahimi à Hébron, que les juifs appellent le tombeau des patriarches, et la mosquée Bilal bin Rabah à Bethlehem, que les juifs appellent le tombeau de Rachel.

Une autre source de tension a été la décision de détruire tout un quartier arabe dans la partie est de la ville, à l’initiative du maire israélien de Jérusalem, Nir Barkat, pour y construire des équipements touristiques. Les Palestiniens considèrent que c’est un « viol », que c’est du « nettoyage ethnique », et que la démolition de douzaines de maisons dans le quartier de Silwan n’est qu’une tentative de plus pour judaïser la Jérusalem-Est arabe.

Quelques personnalités juives de conscience reconnaissent la malveillance des autorités israéliennes et du maire Barkat. Abraham Burg, ancien Speaker de la Knesset, a accusé Barkat d’avoir permis à l’oppression et à l’injustice de se déchaîner dans une ville « autrefois séjour de la justice ».

Écrivant dans Haaretz le 7 mars, Burg a précisé que « la capitale israélo - juive et arabe » « est en train de devenir la capitale de fanatiques hallucinés et dangereux. Ce n’est pas la ville de tous ses habitants. C’est une ville triste qui appartient à ses colons, ses ultra-orthodoxes, ses habitants violents et ses messies... l’esprit israélien de justice est foulé aux pieds par des politiciens, des colons et des juges. L’âme nationale est massacrée par des tracasseries administratives et l’indifférence de la bureaucratie.

En fait, les organisations juives soutenues par le gouvernement, et la plupart du temps financées par de riches juifs étasuniens, ont pris pied dans le quartier arabe de cheik Jarrah duquel des familles palestiniennes ont été expulsées par la force de leurs maisons en coordination avec l’appareil policier. Les colons prétendent que certaines maisons ont appartenu à des juifs avant 1948 et que d’autres ont été achetées en secret. Quand les Palestiniens lésés s’adressent aux tribunaux israéliens pour réclamer une réparation, le juge israélien prend habituellement le parti des colons squatters.

Les avocats des colons prétendent souvent que les maisons dans des villes comme Hébron et Jérusalem appartenaient à des juifs pendant la période du mandat britannique. Les mêmes avocats oublient le fait que des dizaines de milliers de maisons dans ce qui est maintenant Israël appartenaient aux familles palestiniennes dont les membres ont été soit massacrés, comme à Deir Yassin, soit exilés par le nettoyage ethnique comme dans les quartiers de Lifta, Ain Karm, Talbiyeh et Al-Malha à Jérusalem, pour n’en nommer que quelques uns.

Quand l’auteur a demandé à un avocat israélien impliqué dans les opérations d’usurpation des propriétés arabes à Jérusalem-Est pourquoi il était légal pour les juifs de récupérer leurs prétendues propriétés en Cisjordanie alors que cela ne valait pas pour les biens des Palestiniens dans ce qui est maintenant Israël, l’avocat a répondu, « parce que nous sommes forts et que vous êtes faibles ».

En opposition à l’oppression, plusieurs milliers de Palestiniens et d’Israéliens partisans de la paix se sont réunis à Jérusalem, le samedi soir du 6 mars, pour protester contre les expulsions croissantes de familles arabes menées par les colons juifs avec l’aide de la police. Il est cependant peu probable que les manifestations forceront le gouvernement israélien à reconsidérer sa campagne de judaïsation à Jérusalem - Est.

En fait, loin de tenir le moindre compte des inquiétudes palestiniennes, le ministre de la défense israélien, Ehud Barak, a approuvé cette semaine la construction de 112 nouvelles unités pour des colons en Cisjordanie. La décision tourne en ridicule le gel de l’expansion des colonies pendant huit mois décidé par le gouvernement israélien au début de l’année. Elle montre aussi que les promesses et les engagements du gouvernement Netanyahu sont peu crédibles.

Avec une Autorité palestinienne (AP) clairement dépassée qui ne fait pratiquement rien - et qui est sans doute incapable de rien faire - face à l’arrogance du pouvoir israélien, la frustration s’accumule parmi les Palestiniens ordinaires. Il n’est pas improbable que si la tendance actuelle se poursuit, l’on ne répande les semences d’une Intifada de grande envergure. Cependant, une nouvelle Intifada confronterait l’AP, soutenue par l’Occident, à un vrai dilemme qui pourrait remettre en question non seulement sa légitimité - pour ce qu’elle vaut - mais également sa survie même.

Cette semaine, Israël a lancé un avertissement sévère à l’AP : « Arrêtez les lanceurs de pierres, ou nous allons le faire. » Le problème, cependant, est que si ce sont les forces de sécurité de l’AP qui répriment la révolte des Palestiniens face aux provocations et à l’agression israéliennes leur action sera très impopulaire, car on verra des forces de sécurité de l’AP combattre leur propre peuple pour le compte d’Israël . D’autre part, si l’AP devait décider de prendre le parti de la population contre Israël, ce sera au risque de sa propre survie, car l’armée israélienne serait forcée de reprendre en main les centres de population palestiniens, ainsi que cela s’est produit en 2001 et 2002.

(JPG) Articles de Khalid Amayreh :

- L’Autorité de Ramallah est-elle tout simplement en train de capituler devant Israël ? - 12 mars 2010
- Falsifier l’histoire - 9 mars 2010
- Aucune lumière en vue - 8 mars 2010
- Palestine occupée : toujours plus de crimes... - 21 décembre 2009
- Irrémédiables criminels de guerre - 15 novembre 2009
- Abbas serait-il prêt à affronter la réalité ?

17 mars 2010 - Cet article peut être consulté ici :
http://sites.google.com/site/weekly...
Traduction : Anne-Marie Goossens

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