12 juin 2010

Désormais, la Turquie est capable de dire non

vendredi 11 juin 2010 - 09h:05

Ibrahim Kiras


Le 9 juin, les Turcs ont été les seuls avec les Brésiliens à voter non à de nouvelles sanctions contre l’Iran. Les Occidentaux vont devoir accepter le rôle géopolitique croissant d’Ankara, prévient le commentateur d’un quotidien populaire turc.
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Le représentant de la Turquie au Conseil de sécurité de l’ONU a voté contre les sanctions, New-York, 9 juin 2010.

Les Turcs et les Brésiliens avaient réussi à forcer l’Iran à accepter les conditions posées par les Etats-Unis dans le dossier nucléaire. En effet, les clauses reprises dans l’accord de Téhéran signé en mai entre l’Iran, la Turquie et le Brésil correspondaient mot pour mot aux conditions réclamées par Barack Obama dans la lettre qu’il avait écrite aux dirigeants turcs et brésiliens. (Voir Iran : La lettre d’avril du Président Obama au Président Lula ). Malgré cela, dès que l’accord a été signé, les Etats-Unis ont fait le choix de renier leur parole. Dans ces conditions, le vote onusien en faveur de sanctions contre l’Iran apparaît de la part de l’alliance occidentale, et en particulier des Etats-Unis, comme un rejet des initiatives favorables à l’établissement d’une paix globale et à l’instauration d’une justice universelle émanant de pays émergents tels que la Turquie et le Brésil.

La politique étrangère américaine semble déterminée non pas à résoudre les problèmes, mais à faire des démonstrations de force. L’esprit belliqueux qui régnait sous l’administration Bush fils ne donne pas l’impression d’avoir disparu. Obama a du mal à engranger des réformes du fait d’équilibres fragiles sur le plan interne. Sa liberté d’action est en effet entravée par le département d’Etat qu’il a dû laisser à son ex-rivale Hillary Clinton, qui puise sa force auprès des lobbies juifs. Pour l’Amérique, laisser à des puissances moyennes telles que la Turquie et le Brésil la résolution de problèmes qu’elle estime devoir résoudre par elle-même est donc inacceptable.

Le même complexe s’observe aussi chez les Européens. De toute façon, il est peu probable que les sanctions débouchent sur des changements sur le front iranien. Toutefois, pour la Turquie, un point de non-retour vient d’être franchi. Dorénavant, nos amis occidentaux vont être confrontés à une Turquie "capable de dire non". Dès lors que la Turquie n’entend pas modifier ses choix diplomatiques, qui résultent de nouvelles conditions liées à l’importance géopolitique, historique, démographique et économique croissante de notre pays, et dès lors que nous ne sommes plus en période de guerre froide, nos amis vont devoir changer la vision qu’ils avaient jusque-là de notre rôle.

10 juin 2010 - Courrier international

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