Juin 1967 - juin 2010 : Aina el’Arab ? (Où sont les Arabes ?)
lundi 14 juin 2010
Prof. Chems Eddine Chitour
« Je viens à vous avec un rameau d’olivier dans la main gauche, et une mitraillette dans la droite. - Ne faites pas tomber le rameau d’olivier. »
Yasser Arafat. Discours à l’ONU, 13 novembre 1974.
La guerre des Six-Jours (en hébreu : Milkhemet Sheshet HaYamim,) que l’on peut traduire par « l’épopée des six jours » en arabe (Melhamet Sitet Ayam), est une guerre déclenchée par Israël qui annihila les armées des pays arabes qui, dès les premières heures, n’avaient plus d’aviation. Qualifiée de guerre des « Six-Jours » pour bien montrer la supériorité écrasante d’Israël face à tous les pays arabes réunis, cette agression israélienne entraîne, en outre, une profonde modification des frontières : avec l’occupation de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, de Ghaza, du Golan. Les Occidentaux et, notamment les médias occidentaux - et notamment français - prennent alors fait et cause pour Israël face aux Arabes, comme pour David face à Goliath. Des responsables israéliens de l’époque ont d’ailleurs, rectifié les versions de propagande données alors. Menahem Begin l’admit en 1982, « Nasser n’a pas choisi d’attaquer Israël, Israël a choisi d’attaquer Nasser ».
« Aïna el ‘Arab » ne s’arrêtent pas de crier de désespoir, d’humiliation au quotidien les mères palestiniennes qui voient l’étau se refermer sur elles lors des différentes boucheries. Manuel Musallam, curé de Ghaza depuis 1995, est un de ces héros qui a survécu à l’opération israélienne « Plomb Durci » l’hiver 2008-2009. Dans son livre Paroles d’un résistant, il écrit : « Ghaza est toujours sous la pression d’un crime contre l’humanité. C’est un crime de guerre qui dure depuis des années », dit-il. Ainsi « Plomb Durci » en décembre 2008-janvier 2009 a causé la mort d’environ 1500 Palestiniens dont plusieurs centaines d’enfants. « C’était comme n’importe quelle attaque israélienne avec des chars, des bombardiers et des soldats. Mais au lieu de durer un jour, elle a continué pendant 22 jours. C’était terrible ! » Manuel Musallam évoque avec beaucoup d’émotion la terreur vécue par les enfants. Pendant les mois difficiles qui ont suivi. « Les enfants étaient... comment vous dire... étourdis. Ils ne jouaient plus, ils ne parlaient plus, ils étaient tous malades. Je ne les avais jamais vus comme ça. (...) »
« C’est à ces enfants-là qu’on va essayer de dire que la paix est possible. Mais la paix ne peut pas pénétrer leurs coeurs. Ils sont nourris par la haine. » (...) Alors la guerre était-elle contre le Hamas ? », ironise-t-il. « Parmi les 1500 personnes tuées, seules 40 appartenaient au Hamas. Depuis 2001, 24.000 roquettes Qassam ont été lancées contre Israël. Ces armes, qui sont artisanales, ont tué 13 Israéliens et 50 Palestiniens. En effet, beaucoup de Qassam sont tombés à l’intérieur de Ghaza. Contrairement à Israël, nous n’avons pas de chars ou d’avions bombardiers. » Puis il ajoute ces mots qui reflètent ce que pensent généralement les Palestiniens : « Israël est responsable d’un terrorisme d’Etat. Nous avons besoin d’être protégés. Voilà la réalité. » (...) Je ne suis pas le curé seulement pour les 300 catholiques de Ghaza, mais pour 1,4 million de personnes qui vivent à Ghaza. » Contestant la thèse de la persécution anti-chrétienne en Palestine. « Les chrétiens ne souffrent pas des musulmans. Les chrétiens souffrent du conflit, comme tout le monde. (...) Chez nous, c’est le Hamas et les salafistes qui ont protégé l’église. En réalité, "les chrétiens" signifient "les croisés", c’est-à-dire les Occidentaux agressifs et en l’occurrence chrétiens. Les chrétiens sur place sont des "nazares" et sont protégés par les musulmans. »
Joe Biden au secours d’Israël
31 mai 2010, Israël donne l’assaut à une flottille venue alléger le calvaire des Palestiniens de Ghaza. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a rejeté mercredi 2 juin les critiques internationales et a affirmé que le blocus du territoire palestinien était justifié. Il a estimé que l’objectif de la flottille interceptée lundi était de briser le blocus de Ghaza, pas d’acheminer de l’aide humanitaire. « Israël fait face à une attaque d’hypocrisie internationale », a-t-il déclaré. « Si le blocus avait été brisé, cela aurait été suivi de dizaines, de centaines de bateaux », a-t-il ajouté. « Chaque bateau pourrait transporter des dizaines de missiles. » Lever ce blocus, a-t-il ajouté, reviendrait à faire de la bande de Ghaza une base de lancement pour les missiles iraniens qui menaceraient à la fois Israël et l’Europe. « La communauté internationale ne peut pas se permettre d’avoir un port iranien sur la Méditerranée [...] Les pays qui nous critiquent aujourd’hui devraient savoir qu’ils pourraient devenir demain des cibles [pour les Iraniens] », a souligné Benjamin Netanyahu.
Volant à son secours, le vice-président des Etats-Unis Joe Biden a affirmé qu’Israël a le « droit absolu » de défendre sa sécurité, tout en soulignant qu’il fallait trouver une solution à la « mauvaise » situation à Ghaza, lors d’un entretien avec la télévision publique américaine PBS diffusé mercredi soir. « On peut disputer le fait de savoir si Israël aurait dû faire descendre des gens sur ce bateau ou pas, mais la vérité est qu’Israël a le droit de savoir, ils sont en guerre avec le Hamas, a le droit de savoir si oui ou non des armes sont introduites » à Ghaza, a expliqué le vice-président. Se faisant l’avocat puissant d’Israël, il cite ce pays : « (Israël) a dit : ‘Voilà. Vous êtes en Méditerranée. Ce navire, si vous déviez légèrement vers le nord vous pourrez décharger et nous acheminerons la cargaison à Ghaza. » « Donc qu’est-ce qui posait problème là-dedans ? », a dit Biden. « Qu’y avait-il de si important à insister pour aller directement à Ghaza ? » Fustigeant le Hamas, il poursuit : « Tout cela s’arrêterait demain si le Hamas était d’accord pour former un gouvernement avec l’Autorité palestinienne selon les conditions énoncées par la communauté internationale. » Autrement dit, cela arrangerait bien les Etats-Unis, et Israël que la reddition, à l’instar de celle d’Abou Mazen, soit totale. Ce dernier continuera sous la pression américaine les négociations indirectes.
Pourtant, les faits ne se sont pas déroulés ainsi. Deux témoignages. D’abord celui de Henning Mankell qui raconte qu’« après avoir passé 72 heures sans fermer l’oeil. (...) Il était alors 4h30. À 4h35, ils ont pris notre navire à l’abordage. Nous étions réunis sur la passerelle, et ils nous ont dit de descendre à l’intérieur du bateau. Il y en a peut-être quelques-uns qui ont pris un peu leur temps et ils se sont immédiatement fait tirer dessus avec des pistolets type Taser. Au bout d’un moment, un soldat cagoulé est venu nous dire qu’ils avaient découvert des armes. Et ce parfait crétin est arrivé avec mon rasoir et un cutter qu’il avait trouvé dans la cuisine. Puis il a déclaré qu’il devait nous emmener avec lui, car nous étions des "terroristes" ». (...) ».
Cela confirme le trucage des photos, du ministère des Affaires étrangères israélien. Ensuite le témoignage du président de l’Organisation turque Bulent Yildirim, qui a affrété le bateau, déclare que le nombre de victimes devait osciller entre 16 et 20 et livre sa version de l’assaut. Les militaires israéliens « sont arrivés en tuant. D’abord avec des Zodiac, tirant des fumigènes, des bombes assourdissantes, des bombes à fragmentations ». Il a confirmé que des membres de la flottille se sont bien emparés des armes d’une dizaine de soldats israéliens, mais les ont jetées à la mer sans les utiliser. « Nous avons dit à nos amis à bord : "Nous allons mourir, devenons des martyrs, mais ne soyons pas de ceux qui ont eu recours aux armes à feu." Ajoutant que les passagers avaient imploré les soldats de ne pas tirer. » Selon lui, les soldats israéliens ont d’abord fait usage de balles en caoutchouc avant de passer aux balles réelles lorsque des passagers les ont pris à partie à coups de bâtons et de chaises. Selon lui, un médecin indonésien a été blessé par balles alors qu’il portait assistance à un militaire israélien blessé. « Tandis que l’affrontement se poursuivait sur le pont supérieur, nous prenions soin des Israéliens en-dessous. Nous leur donnions de l’eau alors même qu’on nous informait de la mort de nos amis. Nous avons dit au médecin indonésien d’écarter le soldat. Il l’a amené en arrière et, alors qu’il le faisait, ils lui ont tiré cinq fois dans le ventre. »
Les résolutions bafouées par Israël depuis 1947
On apprend que le Conseil de sécurité a appelé lundi « à lancer sans retard une enquête impartiale, crédible et transparente conforme aux critères internationaux » sur l’incident. De son côté, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a appelé à une enquête « indépendante ». Cette résolution peut-elle aboutir ? Il est permis d’en douter. Rappelons le mépris d’Israël. Il y eut 37 Résolutions et nous allons citer les plus significatives. Cela a commencé avec la Résolution 181 du 29 novembre 1947. Adoption du plan de partage : la Palestine est divisée en deux Etats indépendants, l’un arabe, l’autre juif, et Jérusalem est placée sous administration des Nations unies. Ce fut ensuite la Résolution 194 du 11 décembre 1948 qui stipule que les réfugiés qui le souhaitent doivent pouvoir « rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins. » La 6e fut la fameuse Résolution 242 du 22 novembre 1967. Le Conseil de sécurité condamne l’« acquisition de territoire par la guerre » et demande le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés ». La résolution 11, la 446 du 22 mars 1979 stipule : « Le Conseil de sécurité exige l’arrêt des « pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 », déclare que ces pratiques « n’ont aucune validité en droit ».
Après les Résolutions condamnant les expulsions en série, la Résolution 35 (1544) du 19 mai 2004 demande qu’Israël respecte « les obligations que lui impose le droit humanitaire international » et « l’obligation qui lui est faite de ne pas se livrer aux destructions d’habitations ». Enfin, la Résolution 36(1860) du 8 janvier 2009 après l’incursion de l’armée israélienne dans la bande de Ghaza. Le Conseil de sécurité exige « l’instauration immédiate d’un cessez-le-feu durable et pleinement respecté menant au retrait total des forces israéliennes de la bande de Ghaza ». Cela fut fait 1 400 morts plus tard... La dernière Résolution 37 demande une enquête transparente sur l’attaque de la flottille Free Ghaza. Nul doute que cette Résolution des Nations unies, très en retrait par rapport à celle du Conseil des droits de l’homme n’aura aucun effet car elle demande à Israël de faire l’enquête...
Naturellement, ne sont pas prises en compte les innombrables provocations et meurtres d’Israël qui ne font pas l’objet de résolution comme, notamment l’assassinat de Cheîkh Yassine, d’El Hintassi et en janvier dernier, d’El Mabhouh. Il faut ajouter à cela la condamnation de la Cour pénale internationale concernant la construction d’un Mur de 700 km qui isole les Palestiniens. Toutes ces opérations, aussi féroces les unes que les autres, sont pardonnées par l’Occident à Israël.
Alain Gresh se demande en définitive jusqu’à quand Israël continuera ainsi. Ecoutons-le : « L’assaut donné le 31 mai à l’aube par l’armée israélienne contre la flottille de bateaux transportant une aide humanitaire à Ghaza, aurait fait une vingtaine de morts. Cette attaque s’est déroulée dans les eaux internationales. Elle a suscité de nombreuses condamnations, y compris de pays européens et du gouvernement français. (...). Depuis des années, les Nations unies ont adopté des dizaines de résolutions ("Résolutions de l’ONU non respectées par Israël"), l’Union européenne a voté d’innombrables textes qui demandent à Israël de se conformer au droit international, ou tout simplement au droit humanitaire, en levant, par exemple, le blocus de Ghaza. Ces textes ne sont jamais suivis du moindre effet. Au contraire, l’Union européenne et les Etats-Unis récompensent Israël. C’est ce qu’a prouvé l’admission d’Israël dans l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (Ocde), la semaine dernière, et la visite en France du Premier ministre israélien Netanyahou pour assister à l’intronisation de son pays ».
Comme le précisait un communiqué de l’Association France-Palestine Solidarité (Afps) du 30 avril, « Israël à l’Ocde ? Un mauvais coup contre la paix ! », cette adhésion valait acceptation de l’inclusion de la Cisjordanie et du Golan dans le « périmètre » israélien. Le fait qu’Israël se permette quelques jours plus tard d’attaquer la flottille de la paix, confirme que cet Etat voit dans ces bonnes manières un feu vert pour toutes ses actions. Cela avait déjà été le cas en décembre 2008. C’était alors l’Union européenne qui avait décidé le « rehaussement » des relations bilatérales avec Israël, donnant à cet Etat des privilèges dont ne disposaient jusque-là que quelques grandes puissances. Les chars israéliens pouvaient quelques jours plus tard partir à l’assaut du territoire de Ghaza et commettre, en toute impunité, des « crimes de guerre », voire des « crimes contre l’humanité ».
Richard Falk, envoyé spécial des Nations unies pour les territoires occupés, écrivait, dans Le Monde Diplomatique (mars 2009) un texte intitulé : « Nécessaire inculpation des responsables de l’agression contre Ghaza. » Quelques mois plus tard, la commission des Nations unies présidée par le juge sud-africain Richard Goldstone remettait ses conclusions. Le texte confirmait que c’était bien l’armée israélienne qui avait rompu le cessez-le-feu et mettait en lumière les crimes commis. (...) L’impunité durera-t-elle ou certains gouvernements oseront-ils prendre des mesures concrètes pour sanctionner Israël, pour faire comprendre à son gouvernement (et aussi à son peuple) que cette politique a un prix, que la répression a un prix, que l’occupation a un prix ?
En Europe et aux Etats-Unis ceux qui se battent pour leur pays sont des patriotes, à Ghaza ce sont des terroristes. Depuis 1967, l’humiliation des Arabes continue. Le calvaire des Palestiniens de Ghaza coupables d’avoir mal voté n’en finit d’interpeller les consciences humaines éprises de justice. Le conflit s’est déplacé en Palestine, les autres nations ont été contraintes de signer leur reddition honteuse par une paix avec Israël, comme c’est le cas de la Jordanie et surtout de l’Egypte dont le pouvoir actuel a définitivement basculé du côté israélien en participant au blocus de Ghaza, contribuant ainsi à l’asphyxie des Ghazaouis et mieux encore en construisant un mur métallique à 30 mètres de profondeur pour éliminer les tunnels avec l’aide des puissances occidentales. D’autres pays arabes n’attendent qu’une occasion de faire « la paix » sans trop perdre la face comme le souhaite la Syrie.
Qu’ont fait les ministres arabes des Affaires étrangères devant l’attaque israélienne ? Ils ont décidé « courageusement » le 2 juin de « briser » le blocus israélien imposé à la bande de Ghaza « par tous les moyens ». Mahmoud Abbas pour sa part n’est pas en reste dans le ridicule ; il a annoncé qu’il allait demander à Barack Obama de prendre « des décisions courageuses pour changer la face » du Proche-Orient. Souvenons-nous : il a suffi d’une résolution qui ne fut pas votée par le Conseil de Sécurité pour que l’Irak soit envahi, qu’il y ait des centaines de milliers de morts et de blessés, un président pendu et en prime le chaos en Irak comme solde de tout compte de l’Occident.
Ainsi va le monde...
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp.edu.dz
8 juin 2010 - Oulala
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