Olivier Duhamel: «créer l'opposition» aux dérives xénophobes
11 Août 2010
Plus de 20.000 personnes ont signé l'appel «Nous sommes tous français», publié par Mediapart, lancé par le constitutionnaliste Olivier Duhamel et ses quatre cosignataires. Un «formidable mouvement» qui se poursuivra au rythme du calendrier parlementaire, annonce son auteur qui entend empêcher l'adoption d'une loi discriminatoire envers «les Français d'origine étrangère», selon l'expression employée par Nicolas Sarkozy le 30 juillet dans son discours de Grenoble. Etes-vous surpris du nombre de signataires de votre appel?
Oui, c'est quand même une très bonne surprise qu'en plein mois d'août, tant de personnes, en vacances, au travail, loin d'Internet..., aient répondu à cet appel émanant de cinq individus isolés qui, quand ils ont entendu les propos de Nicolas Sarkozy, se sont dit: «Trop, c'est trop, il faut faire quelque chose».
Avez-vous déjà pensé aux suites à donner?
Avant de penser à la suite, voyons ce que l'appel est déjà devenu: un formidable mouvement puisqu'en une semaine, plus de 20.000 signatures, sans le concours d'aucun parti politique, d'aucun syndicat, d'aucune association... ont déjà été rassemblées. Seulement grâce à des citoyens qui signent et qui relaient.
Cela prouve qu'Internet peut être aussi un outil démocratique au service de la société civile, au service de tous les gens, et ils sont nombreux, qui ne se laissent pas prendre à la ficelle présidentielle. Qui n'admettent pas que Nicolas Sarkozy puisse utiliser les crimes que certains peuvent commettre pour tenir un discours quasi lepéniste et envisager des mesures extrêmement choquantes. Pour qui ne serait pas convaincu, lire le point de vue de Géraldine Mulhmann (co-signataire de l'appel), dans Le Monde du 10 août: «Pourquoi invoquer “l'origine” du criminel, alors que celle-ci n'excuse ni n'accuse, et que c'est sur la nature du crime que doit se fonder la réflexion sur la sanction?, interroge-t-elle. Certains Français sont sanctionnés différemment pour les mêmes actes que pourraient commettre d'autres Français ; ils sont du coup fragilisés avant même d'avoir commis un acte quelconque.»
Ce mouvement doit continuer, il est maintenant dans les mains et dans le cœur des citoyens informés.
Quelles actions peuvent-être entreprises sur la base de cette pétition ?
Nous y réfléchissons. Il faudra les ajuster au calendrier parlementaire afin qu'elles soient le plus visibles, donc le plus efficaces possible.
Mais déjà, l'utilité de cet appel, comme celle d'autres initiatives, est double. Cela fait réfléchir les personnes qui, peut-être, n'auraient pas vu, pas mesuré l'importance de ce dont il s'agit. Un sondage, sans doute imparfait, montre qu'une partie non négligeable des électeurs, y compris de gauche, souscrivent par réflexe aux mesures proposées. Il faut donc faire passer ces personnes du réflexe à la réflexion.
La seconde utilité est de créer une forme d'hésitation, ou mieux, d'opposition, à de telles mesures, y compris au sein de la majorité au pouvoir. Cet objectif est déjà pour partie atteint. Dominique de Villepin, membre de l'UMP, a fait savoir qu'il signait la pétition (Le Parisien du 6 août). Sans aller jusque-là, plusieurs voix parmi les députés ou sénateurs villepinistes, mais aussi parmi les proches de Jean-Pierre Raffarin ou Jean-François Copé, se sont dites «troublées».
L'adoption d'une loi particulière à l'encontre des «Français d'origine étrangère» peut-elle être évitée?
Rappelons-nous qu'à côté de l'UMP, affirment vouloir exister les centristes. Au Sénat, l'UMP, qui n'a pas la majorité absolue, a besoin d'eux. On peut donc espérer, surtout si le mouvement s'amplifie, que les textes annoncés ne soient pas votés, ou alors tellement édulcorés que le venin en aurait été enlevé. Dans le cas contraire, la suite du combat démocratique se jouera au Conseil constitutionnel, ou au Conseil d'Etat si, renonçant à la loi, le gouvernement décidait d'agir par décret.
sur Mediapart
article signalée par Rose, que nous remercions infiniment
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