26 janvier 2012

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La mort oubliée... 
 
Soraya Hélou

Il y a une quinzaine de jours, le caméraman de France 2 Gilles Jacquier avait été assassiné dans un quartier de Homs. Les médias français s’étaient aussitôt emparé de l’affaire et avaient immédiatement affirmé que les soupçons se dirigeaient contre le régime, sous prétexte que les soldats chargés d’escorter les journalistes étrangers à Homs avaient disparu dès l’explosion de la première roquette, alors que les médias officiels syriens s’étaient, aux dires des médias français, précipités sur les lieux pour couvrir le drame.

France 2 avait même réclamé l’ouverture d’une enquête et elle a déposé une plainte contre X pou homicide volontaire, alors que le bouillant ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé qui ne rate pas une occasion pour s’en prendre au régime syrien, avait presque accusé ce même régime d’avoir sciemment assassiné le reporter français. Pendant quelques jours, la mort de Gilles Jacquier, père de deux enfants, était donc évoquée dans les médias français qui s’étendaient sur sa carrière exemplaire et sur sa vie personnelle, pour arracher des larmes d’émotion aux Français et à tous ceux qui sont révoltés par l’injustice.

Le régime syrien n’a pas réagi, laissant passer la tempête émotionnelle d’autant que dans ce flot d’accusations, l’opinion publique ne pouvait pas réfléchir raisonnablement. Il a donc évité de se défendre, alors que les témoins présents sur place, pour la plupart des collègues de Gilles Jacquier avaient déclaré que le groupe de journalistes étaient en train d’interroger des manifestants pro-Bachar Assad et se trouvaient dans un quartier de Homs pratiquement contrôlé par les opposants au régime. Ces détails étaient naturellement occultés au profit des déclarations accusant le régime d’avoir prémédité cet assassinat pour effrayer les journalistes étrangers.

Soudain, l’affaire a complètement basculé. Il a fallu un article dans le quotidien français Le Figaro, repris par le quotidien Le Monde qui affirmait que Gilles Jacquier aurait été tué par une roquette lancée à partir d’un quartier contrôlé par l’Armée libre de Syrie, soit par erreur soit parce que les opposants souhaitaient attribuer ce crime au régime pour mieux le discréditer aux yeux de la communauté internationale et aux yeux des médias étrangers autorisés pour la première fois à circuler dans les lieux exposés, pour que plus personne ne parle du caméraman français. Soudain, ni le Quai d’Orsay, ni les médias, ni même les opposants syriens ne voulaient plus évoquer les circonstances de sa mort, ni même connaître les résultats de l’enquête ouverte à ce sujet.

Brusquement, c’était le silence total. La mort de Gilles Jacquier, ce père de deux enfants, ce caméraman intègre à la carrière irréprochable, n’intéressait plus les médias étrangers. Au contraire, il fallait l’étouffer pour éviter une publication officielle des résultats de l’enquête. Les médias français en ont du coup oublié les développements en Syrie et la mission des observateurs, se contentant d’une couverture minimale relative aux décisions de la Ligue arabe. Pendant ce temps, Gilles Jacquier repose dans sa tombe et ses proches attendent l’identification de ses meurtriers mais sur le plan officiel, la vérité n’est plus une exigence.

Quant au professionnalisme et au respect du métier de journaliste, nul ne s’en soucie. Plus que jamais, grâce à l’Occident défenseur des libertés et des droits, les médias se transforment en instrument de combat politique.

Vive la démocratie… 

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