La popularité d’Assad, les observateurs de la Ligue  Arabe, l’implication militaire des États Unis : tout cela est distordu  par la propagande de guerre occidentale.
20 janvier 2012 
 
    Jonathan Steele 
Supposez qu’une enquête d’opinion digne  de confiance constate que la plupart des Syriens sont en faveur du  maintien au pouvoir de Bachar al-Assad, ne serait-ce pas une information  majeure ? Tout particulièrement du fait que cette conclusion irait à  l’encontre du discours dominant sur la crise syrienne, et que les médias  considèrent ce qui est inattendu comme plus intéressant à rapporter que  ce qui est évident ?
Pas toujours, hélas. Quand la couverture  d’un drame en cours cesse d’être juste et se transforme en arme de  propagande, les faits gênants doivent être occultés. Il en a été ainsi  pour les résultats d’un récent sondage YouGov Siraj sur la Syrie commandé par The Doha Debates, financé par la Qatar Foundation. La famille royale du Qatar a adopté une des lignes les plus dures contre Assad – l’émir vient juste d’appeler à une intervention de troupes arabes – ça a donc été une bonne chose que Doha Debates  ait publié le sondage sur son site web. Ce qui est dommage, c’est qu’il  a été ignoré par presque tous les organes de presse de chaque pays  occidental dont le gouvernement a appelé Assad à s’en aller.
La conclusion principale était que,  alors que la plupart des Arabes ailleurs qu’en Syrie, pensent que le  président devrait démissionner, les attitudes à l’intérieur du pays sont  différentes. Quelque 55 % des Syriens veulent qu’Assad reste, par  crainte d’une guerre civile – un spectre qui n’a pas le même caractère  théorique que pour les Syriens qui résident à l’étranger. La moins bonne  nouvelle pour le régime d’Assad est que le sondage a aussi observé que  la moitié des Syriens qui acceptent son maintien au pouvoir considèrent  qu’il doit organiser des élections libres dans un futur proche. Assad  prétend qu’il est sur le point de le faire, une promesse qu’il a répétée  dans ses derniers discours. Mais il est d’une importance vitale qu’il  promulgue la loi électorale le plus vite possible, autorise les partis  politiques et s’engage à permettre à des observateurs indépendants de  contrôler le scrutin.
Le biais dans la couverture médiatique  continue avec la distorsion de la mission d’observation de la Ligue  Arabe en Syrie. Quand la Ligue avait soutenu une zone d’exclusion aérienne en Libye  au printemps dernier, elle avait eu droit aux éloges de l’Occident pour  son action. Sa décision de faire médiation en Syrie a été moins bien  accueillie par les gouvernements occidentaux et par les organisations  d’opposition syriennes les plus en vue qui sont de plus en plus en  faveur d’une solution militaire plutôt que politique. La démarche de la  Ligue a donc été rapidement mise en doute par les dirigeants  Occidentaux, et la majorité des médias occidentaux s’est faite l’écho de  cette position. La crédibilité du président Soudanais de la mission a été attaquée. Des critiques du fonctionnement de la mission  formulées par un de ses 165 membres ont fait les gros titres. Des  demandes ont été faites pour que la mission se retire en faveur d’une  intervention de l’ONU.
Les détracteurs semblaient craindre de  voir la mission d’observateurs arabes rapporter que la violence armée  n’est plus l’apanage des forces du régime, et que l’image de  manifestants pacifiques brutalement réprimés par l’armée et la police  est fausse. Homs et quelques autres villes syriennes sont en train de  devenir comme Beyrouth dans les années 1980 ou Sarajevo dans les années  1990, avec des affrontements entre milices qui font rage le long de  lignes de faille ethniques et sectaires.
Il en va de même pour l’intervention militaire étrangère qui a déjà commencé. Elle ne suit pas le modèle libyen car la Russie et la Chine sont furieuses d’avoir été bernées par l’Occident au Conseil de Sécurité l’an dernier.  Elles n’accepteront pas une résolution de l’ONU qui permettrait un  quelconque recours à la force. Le modèle pour la Syrie est d’un type  plus ancien, qui remonte à l’époque de la guerre froide, avant que les  « interventions humanitaires » et la « responsabilité de protéger »  ne soit développée et souvent utilisée à mauvais escient. Souvenez-vous  du soutien de Ronald Reagan aux contras qu’il armait et entraînait pour  essayer de renverser le gouvernement sandiniste du Nicaragua à partir  de bases au Honduras ? Remplacez le Honduras par la Turquie, la base  arrière où la soi-disant Armée Syrienne Libre s’est installée.
Là aussi, le silence des médias occidentaux est remarquable. Aucun journaliste n’a rendu compte d’un article important de Philip Giradi, un ancien officier de la CIA qui écrit maintenant pour American Conservative – un magazine qui critique le complexe militaro-industriel d’un point de vue néoconservateur dans la ligné de Ron Paul, qui s’est classé deuxième dans la primaire républicaine du New Hampshire  la semaine dernière. Giraldi affirme que la Turquie, un pays membre de  l’OTAN, est devenue l’agent exécutant de Washington et que des avions  militaires de l’OTAN dont les marques d’identification ont été retirées  se sont posés à Iskenderun près de la frontière syrienne pour débarquer  des volontaires Libyens et des armes saisies dans l’arsenal de feu  Mouammar Kadhafi. « Des formateurs appartenant aux forces spéciales françaises et britanniques sont sur place, » écrit-il, « prêtant  assistance aux rebelles tandis que la CIA et les Special Ops US  fournissent du matériel de télécommunications et des informations pour  aider la cause rebelle, rendant les combattants capables d’éviter les  concentrations de troupes syriennes… »
Alors que le risque d’une guerre totale  augmente, les ministres des affaires étrangères de la Ligue Arabe  s’apprêtent à se rencontrer au Caire ce week-end pour discuter de  l’avenir de leur mission en Syrie. Il y aura à coup sûr des informations  des médias occidentaux pour souligner les propos de ces ministres qui  ont le sentiment que la mission a « perdu sa crédibilité, » « a été dupée par le régime » ou « a échoué à faire cesser la violence. » Les arguments contraires seront minimisés ou occultés.
Malgré les provocations venues de tous  côtés, la Ligue devrait s’en tenir à ses constatations. Sa mission en  Syrie a vu des manifestations pacifiques aussi bien pour que contre le  régime. Elle a vu, et dans certains cas souffert, de la violence exercée  par des forces d’opposition. Mais elle n’a pas encore eu assez de temps  ni de personnel suffisamment nombreux pour parler avec un large  échantillon d’acteurs en Syrie et donc pour pouvoir faire un ensemble de  recommandations claires. Par-dessus tout, elle n’a même pas commencé à  accomplir cette partie de son mandat qui lui demande de contribuer au  lancement d’un dialogue entre le régime et ses détracteurs. La mission  doit rester en Syrie et non être brusquement révoquée.
Jonathan Steele 
The Guardian, 17 janvier 2012.
The Guardian, 17 janvier 2012.
Traduit de l’anglais par Djazaïri (19.01.2012) : 
http://mounadil.wordpress.com/2012/01/19/un-son-de-cloche-different-sur-la-syrie/
http://mounadil.wordpress.com/2012/01/19/un-son-de-cloche-different-sur-la-syrie/
Texte original en anglais (17.01.2012) : 
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2012/jan/17/syrians-support-assad-western-propaganda
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2012/jan/17/syrians-support-assad-western-propaganda
 


 
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