23 janvier 2012

Mohamed Boughalleb, interview de Ahmed Manai

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Le rôle du Qatar est un rôle de destruction et de démolition en exécution d’un projet Sioniste américain qui vise toute la région, pays, peuples et Etats. Le Qatar ne peut prétendre avoir un projet de libération alors que le quart de son minuscule territoire est occupé par la plus grande base américaine de la région. Il ne peut prétendre démocratiser les autres alors que son régime est personnel et autoritaire, ne reconnaissant pas les partis politiques et ignorant les élections, son rôle ne peut être de progrès social alors que la société qatarie est fondée sur l’exploitation éhontée d’un million d’immigrés venus des pays les plus démunis du monde.Les dirigeants du Qatar disposent de grands moyens financiers et de propagande, religieuse-surtout avec leur Cheikh Khardhawi- et médiatique et en font un mauvais usage. S’ils voulaient vraiment faire œuvre utile, ils se seraient occupés de la Somalie et des autres pays de l’Afrique sinistrée et non pas de détruire la Libye et de tenter d’en faire autant pour la Syrie. L’Emir du Qatar a proposé le 23 novembre dernier  à Erdogan de financer totalement toute guerre pour écarter Assad. Quant à Ahmed Kedidi, il est conseiller du chef du gouvernement Qatari et son devoir est de le défendre, mais il ne doit pas oublier qu’un conseiller porte une part de responsabilité dans les décisions de son chef, aujourd’hui, comme hier quant il était ambassadeur de Ben Ali.
 Mohamed Boughalleb: Dimanche 22 janvier 2012,
Revue et corrigé par  Safwene Grira


Ahmed Manai, le martyr vivant de la révolution tunisienne, interview de Mohamed Boughalleb

Dimanche 22 janvier 2012,
Revue et corrigé par par Safwene Grira 

Sans exagération aucune, nous pouvons considérer Ahmed Manai comme l’un des martyrs vivants de la révolution tunisienne. Absent de l’écran géant qui s’est installé après le 14 Janvier 2011, il s’est avéré qu’il n’y a aucune place. Ahmed Manai s’est engagé en politique à la faveur  des élections législatives de 1989 sur une des listes indépendantes que le mouvement Ennahdha avait soutenues, soutien que Manai considère simplement comme une appropriation. Cette participation lui ouvrît les portes de l’enfer. Il a été arrêté et torturé et ses enfants, mineurs, ont été traînés en justice. En 1991, il a choisi de sacrifier son poste à l’ONU pour se consacrer à témoigner sur la réalité du régime de Ben Ali. Cofondateur avec Monder Sfar du Comité tunisien d’appel à la démission de Ben Ali en janvier 1993, il annonça en août 1993 sa candidature à l’élection présidentielle de 1994. Il publia en mars 1995, son ouvrage « supplice tunisien, le jardin secret du général Ben Ali », qui fît découvrir au monde les pratiques répressives du régime du 7 novembre, puis fonda en 1998, l’Institut tunisien des relations internationales (ITRI), dont la première mission fut d’organiser une délégation d’une quarantaine de personnalités pour aller apporter son soutien à Tayeb Rejeb Erdogan, jugé à l’époque en Turquie.
 A Paris, Ahmed Manai a été victime de deux agressions, le 29 février 1996 et le 14 mars 1997, attribuées au régime de Ben Ali et, récemment, un ancien officier des services spéciaux révéla, dans un journal de la place, avoir été missionné en 1991, pour liquider physiquement Ahmed Manai et deux autres opposants en France.   
L’homme a agi sans aucune couverture d’aucune sorte ni d’aucune origine, ni française, ni américaine ni encore d’un quelconque pays du Golfe, et il n’a pas hésité à exprimer haut et fort sa position par rapport au mouvement Ennahdha, en déclarant le 12 juin 2008 sur « aljazeera moubacher », que ce mouvement avait  planifié deux tentatives de coup d’Etat, en 1987 et 1991. Il conserve dans ses archives une lettre de Moncef Ben Salem, membre du conseil constitutif actuel d’ennahdha, dans laquelle  sont consignés de nombreux  détails  sur le coup du 8 novembre 1987.Ahmed Manai est rentré en Tunisie à la fin de 2008, à l’issue d’un exil long et douloureux. Il n’a pas été reçu par les foules et n’a pas eu besoin de les haranguer.
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Interview :

Comment  vous voyez  la situation politique après les élections du 23 octobre ?

Les choses se sont beaucoup  compliquées depuis les élections mais je crois que la situation va s’éclaircir un peu plus après la constitution du gouvernement. Attendons encore quelques temps …

Avez-vous prévu le succès d’Ennahdha ? 

Tout le monde s’attendait au succès d’Ennahdha et je m’y attendais personnellement mais avec  des résultats moindres en nombre de voix et en sièges. En tout cas ces résultats sont plus modestes que ceux que les dirigeants de ce mouvement prétendent avoir obtenu lors des législatives de 1989(80%) à travers les listes indépendantes qu’ils avaient soutenues et fini par se l’approprier.

Comment tu vois l’alliance d’ennahdha avec le CPR et Ettakattol ? Est-ce une alliance stratégique ou tactique ?

L’alliance d’Ennahdha avec le CPR est une alliance de longue durée, donc stratégique. Il ne faut pas oublier que nombre de fondateurs du CPR sont des anciens nahdhaouis et je n’ai jamais entendu dire qu’ils avaient démissionné de leur parti d’origine, et puis, lors des élections, nombre de nahdhaouis ont rejoint les listes du CPR, en tant que candidats ou électeurs. D’autre part, les chefs respectifs d’Ennahdha et du CPR entretiennent des relations privilégiées bien longtemps avant  la fondation de ce dernier. S’agissant de l’alliance avec Ettakattol, les choses me semblent différentes. Je me souviens que lors de mes rencontres fréquentes avec Mustafa Ben Jaafar à Paris, jusqu’en 2008, je l’incitais à nouer des relations avec Ennahdha, mais il était réservé, peut-être de crainte de subir le courroux du pouvoir. Lors de la conférence de l’opposition à Aix en Provence, en France, au mois de mai 2003, Ben Jaafar a refusé de signer la déclaration finale élaborée à cette occasion par les congressistes, craignant sans doute le voisinage avec Ennahdha. Actuellement de nombreux  éradicateurs ont rejoint les rangs d’Ettakattol ce qui n’est pas de nature à favoriser une alliance avec Ennahdha…Certaines conditions ont permis la rencontre des deux partis et cela durera tant que durent leurs intérêts immédiats. En tout cas Ben Jaafar qui avait besoin de couronner son parcours politique par une présidence, ne pouvait y parvenir sans l’alliance avec Ennahdha.

A votre avis qu’est-ce qui convient le mieux pour la Tunisie, un régime parlementaire que défend Ennahdha âprement ou bien présidentiel à la mesure de Moncef Merzouki ?

Une constitution qui régit la vie d’une société pour des décennies, ne se fait pas à la mesure d’un homme ou d’un parti et si tel est le cas, elle perd très vite sa valeur. J’étais et je demeure toujours partisan d’un régime présidentiel dans lequel le président est élu par le peuple  et où le parlement  et le gouvernement disposeraient de larges prérogatives. Le régime présidentiel n’est pas responsable du despotisme mais c’est plutôt l’incapacité des parlementaires à s’acquitter de leur tâche. Imaginez qu’en près de 55 ans, nous n’avons jamais connu un seul projet de loi initié par le parlement, dont pourtant c’est le droit et le devoir. Le courage a toujours manqué à nos respectables députés.

Pourquoi êtes- vous absent du paysage politique ? Vous n’avez pas envie d’avoir votre part du butin ? Comment expliquer enfin que vous soyez ignoré des médias comme si vous n’aviez jamais combattu Ben Ali ?

J’étais aux avants postes de l’opposition à Ben Ali pendant de nombreuses années, sans la moindre couverture ni soutien de quiconque et j’ai subi ce que vous savez.  Je suis passé cette dernière année par une période de méditation  et de réflexion pour comprendre ce qui se passe. C’est chose faite maintenant. Quant à ma part du butin, je n’y ai jamais pensé car j’appartiens à une école qui enseigne d’accomplir son devoir en toute circonstance et de se retirer lors du partage du butin. Puis, c’est de nouveau le temps du devoir  et  j’y suis fin prêt. Comment expliquer que je ne sois pas sous les feux de la rampe ? C’est un peu compliqué et en partie à cause de la propension des médias à n’avoir de cœur que pour les stars, même éphémères. Tu as l’exemple du dernier en date, Tahar Hmila, que s’arrachent journaux, radios et chaînes télévisées.

Avez-vous encore des contacts avec vos anciens amis d’Ennahdha ?

C’est la rupture totale et définitive jusqu’au jour du jugement dernier, pourtant je ne leur ai rien demandé d’autre que de s’excuser auprès de leurs victimes…Si mes relations avec certains d’entre eux ne remontaient pas à plus de quarante ans, j’aurai essayé d’oublier de les avoir connus. Nos différences ne sont pas que politiques, nous n’avons pas les mêmes valeurs.

Une vive polémique s’est installée autour d’un rôle supposé du Qatar en Tunisie, ce qu’Ahmed Kedidi (ancien ambassadeur de Tunisie à Doha) a démenti  fermement.
Comment vous voyez la chose ? 

Essayez de revoir les déclarations récentes de l’Emir Talal Ibn Abdulaziz Al Saoud concernant le rôle de Qatar en Tunisie, en Libye, dans ce qui se passe actuellement en Syrie et son action de déstabilisation de l’Arabie Saoudite et même de sa partition. Le rôle du Qatar est un rôle de destruction et de démolition en exécution d’un projet Sioniste américain qui vise toute la région, pays, peuples et Etats. Le Qatar ne peut prétendre avoir un projet de libération alors que le quart de son minuscule territoire est occupé par la plus grande base américaine de la région. Il ne peut prétendre démocratiser les autres alors que son régime est personnel et autoritaire, ne reconnaissant pas les partis politiques et ignorant les élections, son rôle ne peut être de progrès social alors que la société qatarie est fondée sur l’exploitation éhontée d’un million d’immigrés venus des pays les plus démunis du monde. Les dirigeants du Qatar disposent de grands moyens financiers et de propagande, religieuse-surtout avec leur Cheikh Khardhawi- et médiatique et en font un mauvais usage. S’ils voulaient vraiment faire œuvre utile, ils se seraient occupés de la Somalie et des autres pays de l’Afrique sinistrée et non pas de détruire la Libye et de tenter d’en faire autant pour la Syrie. L’Emir du Qatar a proposé le 23 novembre dernier  à Erdogan de financer totalement toute guerre pour écarter Assad.Quant à Ahmed Kedidi, il est conseiller du chef du gouvernement Qatari et son devoir est de le défendre, mais il ne doit pas oublier qu’un conseiller porte une part de responsabilité dans les décisions de son chef, aujourd’hui, comme hier quant il était ambassadeur de Ben Ali. 

Comment voyez-vous Ennahdha au pouvoir ?

Ennahdha n’est pas seulement au pouvoir mais elle est au cœur de l’Etat, sans une culture d’Etat et aussi sans aucune expérience. Elle y est parvenue selon un processus qu’aucun de ses dirigeants n’a jamais imaginé. Tout cela se passe alors que le pays connait une crise économique aigue qui s’aggrave chaque jour, dans un climat social tendu et de revendication excessive et dans un contexte régional et international impitoyable. Je crois que les dirigeants d’Ennahdha sont conscients de ces réalités ce qui les pousse à partager le pouvoir avec d’autres partenaires. Mais dans ce panorama, ils ont quelque chose de solide sur lequel ils peuvent compter, l’administration tunisienne. Quel serait le rôle de Béji Caid Essebsi dans la prochaine phase ? C’est lui qui le choisit. Certains l’appellent à fédérer les vieilles forces Destouriennes dans un nouveau parti, ce qui me semble difficile avec l’esprit de Zaïm qui s’est saisi de chaque candidat qui a obtenu un millier de voix au cours des dernières élections

A votre avis, l’opposition « moderniste » serait-elle capable de renverser la table sur Ennahdha aux prochaines élections générales ? 

Je crois qu’elle serait incapable de renverser la table sur qui que ce soit parce qu’elle a prouvé qu’elle était coupée des couches populaires, ignorante de l’esprit qui les anime, de leurs  ambitions et de leurs espoirs. Ceux qui pourront renverser la table sur Ennahdha ce sont ses propres électeurs  quand ils se rendent compte de son incapacité à tenir ses promesses et qu’ils trouvent le parti ou la formation politique qui leur tient le discours de la vérité, qui s’adresse à leur intelligence et non pas à leurs sentiments et qui leur rappelle leurs devoirs avant leurs droits.

Vous étiez le premier tunisien à vous présenter contre Ben Ali en 1994, comptez-vous vous représenter aux prochaines élections si  jamais elles auront lieu, bien sûr ?

Ma candidature contre Ben Ali était juste pour « l’énerver« sachant très bien qu’il était impossible qu’elle puisse aboutir.  A l’avenir je n’envisage nullement d’être candidat et mon plus grand désir est que je puisse vivre l’élection d’un patriote tunisien, d’une quarantaine d’années, à la tête de la Tunisie. Par contre je m’active actuellement à encourager la fondation d’un parti politique rivé aux valeurs authentiques de la Tunisie, qui regarde l’avenir sans le moindre complexe et qui s’insérerait entre le pôle moderniste et ennahdha. 

Quand paraîtra l’édition arabe de votre livre « supplice tunisien, les jardins secrets du général Ben Ali » ? 

J’ai dû apporter de nombreux rajouts et certaines  corrections au texte français et ce sera la seconde édition arabe, la première ayant paru en Egypte en 1996 aux éditions Al-Matbouli et interdite en Tunisie à l’époque.  Elle est pratiquement prête.

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