29 novembre 2009

apartheid en "israel"


"Oui, il y a un Apartheid en Israël",

par Shulamit Aloni
Publié le 28-11-2009


Article de Shulamit Aloni, que nous dédions à William Godnadel et Sammy Ghozlan, car c’est bien à eux que s’adresse l’ancienne ministre israélienne de l’Education, qui sait de quoi elle parle.
Peu soupçonnable de "gauchisme", Shulamit Aloni, qui a reçu le Prix Israel et le prix Emi Grunzweig des Droits de l’Homme de l’Association pour les Droits Civils en Israël, fait de temps à autre un constat salutaire. Elle avait ainsi déclaré, à propos des crimes israéliens, : "Il n’y a pas besoin de fours crématoires et de chambres à gaz pour perpétrer un génocide".
Aujourd’hui, elle répond à ceux qui s’offusquent de l’utilisation du mot "apartheid" dans un article publié par Counterpunch en anglais, et traduit par Carole SANDREL pour CAPJPO-EuroPalestine :


"Oui, il y a un Apartheid en Israël
Par Shulamit Aloni


L’autosatisfaction juive est tellement banale parmi nous que nous ne parvenons pas à voir ce qu’il y a juste sous notre nez. Il est tout simplement inconcevable que les victimes ultimes, les Juifs, puissent se livrer à de mauvaises actions. Pourtant, l’Etat d’Israël pratique son propre Apartheid, extrêmement violent, à l’égard de la population palestinienne.
L’attaque lancée par les institutions juives américaines contre l’ancien président Jimmy Carter résulte de ce qu’il ose dire cette vérité connue de tous : à travers son armée, le gouvernement d’Israël pratique une forme sauvage d’Apartheid dans les territoires qu’il occupe. Son armée a fait de chaque village et de chaque ville palestiniens un camp de détention emmuré, ou interdit. Tout cela est fait pour garder l’œil sur les mouvements de la population, et pour rendre sa vie difficile. Israël impose même un couvre-feu total toutes les fois que les colons, qui ont illégalement usurpé la terre des Palestiniens, célèbrent leurs fêtes ou paradent.
Pour peu que ce ne soit pas suffisant, les généraux qui commandent la région émettent fréquemment des ordres supplémentaires, règles, instructions et décrets (n’oublions pas : ce sont les seigneurs de la terre). Actuellement ils ont encore réquisitionné d’autres terres afin de construire des routes « pour Juifs seulement ». Routes merveilleuses, routes spacieuses, routes bien pavées, brillamment éclairées la nuit, tout cela sur une terre volée. Quant un palestinien conduit sur une telle route, son véhicule lui est confisqué et il est renvoyé sur son chemin à lui.
Un jour, j’ai été témoin d’une telle rencontre entre un conducteur et un soldat qui notait des renseignements avant de confisquer le véhicule et de renvoyer son possesseur sur son chemin. « Pourquoi ? » ai-je demandé au soldat. « C’est un ordre. Cette route n’est destinée qu’aux Juifs », a-t-il répondu. J’ai voulu savoir où était le panneau l’indiquant et informant d’autres conducteurs de ne pas l’utiliser. Sa réponse fut pour le moins étonnante : « C’est de sa responsabilité de le savoir, en outre, que voulez-vous que nous fassions, mettre un panneau ici et laisser un reporter ou un journaliste antisémite prendre une photo pour qu’il puisse montrer au monde entier que l’Apartheid existe ici ? ».
Evidemment il n’y a pas d’Apartheid ici. Et notre armée est « l’armée la plus morale du monde » comme nos commandants nous le disent. Il suffit de dire que chaque ville et chaque village sont transformés en centres de détention et que chaque entrée, chaque sortie ont été fermées, les coupant des voies à grande circulation. Au cas où il ne suffirait pas que les Palestiniens n’aient pas l’autorisation de circuler sur des routes « pour Juifs seulement », sur leur terre, le GOC (NdT : quartier général multi commandements) actuel a jugé nécessaire de cogner encore plus sur les natifs, et sur leur propre terre, avec un « plan ingénieux ».
Des militants humanitaires ne peuvent pas non plus assurer le transport des Palestiniens.
Le major Général Naveh, renommé pour son patriotisme exemplaire, a émis un nouvel ordre. Prenant effet le 19 janvier, il interdit de convoyer des Palestiniens sans permis. Cet ordre établit que les Israéliens n’ont pas le droit de transporter des Palestiniens dans des véhicules israéliens (enregistrés en Israël sans distinction de la plaque minéralogique qu’ils portent) à moins d’avoir reçu une permission explicite pour le faire. Ce permis concerne le conducteur comme le passager palestinien. Evidemment rien de tout cela ne s’applique à ceux dont le travail bénéficie aux colons. Eux et leurs employeurs recevront naturellement le permis requis pour pouvoir continuer à servir les seigneurs de la terre, les colons.
Est-ce que le président Carter, homme de paix, se trompait vraiment quand il concluait qu’Israël créait un Apartheid ? Exagérait-il ? Est-ce que les leaders de la communauté juive des Etats-Unis reconnaissent la Convention Internationale pour l’élimination de toutes les formes de Discrimination Raciale du 7 mars 1966, dont Israël est signataire ? Est-ce que les juifs des Etats-Unis qui ont lancé une bruyante et injurieuse campagne contre Carter, supposé avoir diffamé la nature d’Israël, sa nature démocratique et humaniste, ne connaîtraient pas la Convention Internationale pour la Suppression et les sanctions contre le Crime d’Apartheid du 30 novembre 1973 ? L’Apartheid y est défini comme un crime international, qui entre autres, inclut l’usage de différents outils légaux pour soumettre différents groupes raciaux, privant ainsi les gens de leurs droits humains. Est-ce que la liberté de circulation n’est pas l’un de ces droits ?
Dans le passé, les chefs de la communauté juive des Etats-Unis étaient très au fait du sens de ces conventions. Pour une mystérieuse raison, pourtant, ils sont convaincus qu’Israël a le droit d’y contrevenir. C’est parfait de tuer des civils, des femmes et des enfants, des personnes âgées, des parents avec leurs enfants, délibérément ou non sans en assumer la responsabilité. Il est permis de voler leurs terres aux gens, de détruire leurs moissons, et de les encager comme des animaux de zoo. Désormais, les volontaires des organisations humanitaires israéliennes et internationales ont l’interdiction d’assister une femme qui accouche en la transportant à l’hôpital. Les militants (de L’association israélienne des droits de l’Homme) Yesh Din ne peuvent pas emmener un palestinien qu’on a volé et battu au poste de police pour porter plainte. (Les postes de police sont situés au cœur des colonies). Qui peut croire que ce n’est pas l’Apartheid ?
Jimmy Carter n’a pas besoin de moi pour défendre sa réputation souillée par les responsables d’une communauté israélophile. Le problème c’est que leur amour d’Israël déforme leur jugement et les empêche de voir ce qu’il y a en face d’eux. Israël est une puissance occupante qui depuis 40 ans oppresse un peuple indigène, qui a le droit à une existence souveraine et indépendante tout en vivant en paix avec nous. Nous devrions nous rappeler que nous aussi avons utilisé le terrorisme contre une domination étrangère parce que nous voulions notre propre état. Et la liste des victimes de la terreur est longue et considérable.
Nous ne nous bornons pas à nier au peuple (palestinien) ses droits de l’homme. Nous ne faisons pas que leur voler leur liberté, leur terre et leur eau. Nous appliquons des punitions collectives à des millions de gens et même, dans une frénésie de vengeance, nous détruisons l’alimentation en électricité d’un million et demi de civils. Qu’ils « restent dans le noir » et « qu’ils crèvent de faim ».
Des employés ne peuvent recevoir leur salaire parce qu’Israël détient 500 millions de shekels appartenant aux Palestiniens. Et après tout ça nous restons « blancs comme neige ». Il n’y a pas de faute morale à nos actions. Il n’y a pas de séparation raciale. Il n’y a pas d’Apartheid. C’est une invention des ennemis d’Israël. Hourra pour nos frères et sœurs des Etats-Unis ! Votre dévotion est très appréciée. Vous nous avez vraiment lavés d’une vilaine tache. Maintenant nous pouvons continuer à nous sentir guillerets tandis que bardés de nos certitudes, nous opprimons le peuple palestinien, avec l’aide de « l’armée la plus morale du monde »

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